Les Jersey Girls en 2012 : tourner la page, mais…

Le tout premier fait qui devrait interpeler les journalistes, et qui devrait même ne pas les laisser en paix avant d’avoir épuisé le sujet qui nous tient à coeur ici depuis 2006, ce sont les Jersey Girls qui nous l’ont servi sur un plateau le 22 juillet 2004. Songez en effet que c’est grâce à elles, et peut-être même uniquement grâce à elles, qu’aujourd’hui tous les journalistes du monde entier peuvent avoir sur leur bureau le "Rapport de la Commission sur le 11-Septembre", 575 pages auxquelles les professionnels de l’information se réfèrent depuis huit ans.
 
Pourtant, depuis sa publication, les Jersey Girls ont déclaré que le Rapport ne répondait qu’à 30% des 171 questions qu’elles ont posées à la Commission, et encore, que ces 30% de réponses n’avaient été obtenus que "parce qu’ils savaient que nous savions". Or depuis 2004, pas un journal francophone n’a pris la peine d’aller interviewer ces femmes remarquables, bien que nous ayons nous aussi en France, un cas similaire tragique, celui des familles de victimes de l’attentat de Karachi, menées là aussi par 2 femmes remarquables : Magali Drouet et Sandrine Leclerc. Elles aussi ont eu bien du mal à faire entendre leur voix jusqu’à l’arrivée du juge Trévidic et de Maitre Morice, mais rien n’est encore gagné, pour faire triompher la vérité dans cet autre dossier obscur..
 
 
 

Kristen Breitweiser, Mindy Kleinberg, Lorie Van Auken et Patricia Casazza
lors d’une de leurs conférences de presse à Washington en 2002

 


 
Braun : La plupart des Jersey Girls laissent désormais à d’autres l’activisme engagé
 
par Bob Braun, éditorialiste au Star-Ledger, sur NewJersey.com, le dimanche 9 septembre 2012
 
Traduction et liens additionnels Corto pour ReOpenNews
 
Elles furent, pour un temps, les visages du 11/9 – cinq veuves et leurs huit enfants  et la sympathie dont fit preuve la nation à leur égard, les a propulsées sous les projecteurs de l’arène politique où elles affrontèrent la Maison Blanche et se mesurèrent à quelques-unes des personnalités les plus puissantes du monde. Aujourd’hui, onze ans plus tard, elles évitent les apparitions en public et ne souhaitent même plus parler de l’événement qui sera commémoré mardi (NdT – 11/9/2012).
 
L’appellation initiale de leur groupe était « The September 11th Advocates », les « Avocates du 11-Septembre », mais elles furent plus connues sous le nom de "Jersey Girls", ou les "Veuves du New Jersey" (NdT – État voisin de New York City et considéré comme sa banlieue chic) encore que ce soit inexact puisque l’une d’entre elles est de New York.
 
« Nous avions des buts nobles, » dit Patricia Casazza, Patty, dont le mari travaillait à Cantor Fitzgerald. « Nous voulions protéger le monde. »

 
  

     
   

Le Rapport de la Commission face aux 171 questions des Jersey Girls
 
 
Casazza était infirmière à Colts Neck aux côtés de son mari lorsqu’il fut tué. Ils avaient un fils. Il a maintenant 22 ans, et sa mère et lui vivent à Hopewell Junction, État de New York. Comme toutes les veuves, elle ne s’est jamais remariée, et n’est jamais retournée sur le site où furent détruits les deux immeubles les plus hauts de New York. Elle dit qu’elle passe le plus clair de son temps à aider son fils. « Il a été durement touché, mais seulement des années plus tard. » 
 
A lire sur NewJersey.com (en anglais) :
Ces femmes, aidées par des survivants d’une autre affaire liée au terrorisme, l’attentat contre le vol PAN AM 803 au dessus de l’Ecosse en 1988, ont commencé à faire pression en faveur d’une enquête indépendante au plus haut niveau sur les attentats terroristes de New York, de la banlieue de Washington, et de la [commune rurale de Shanksville] Pennsylvanie, qui firent près de 3000 victimes et transformèrent la nation pour toujours.
 
Elles semblèrent gagner la partie. En 2002, ce qui allait devenir la Commission sur le 11/9 fut créée, et commença son travail en mars 2003, pour publier son rapport plus d’un an plus tard. Son comité fut dirigé par l’ancien gouverneur du New Jersey, Thomas Kean. Tom Kean. Et pour bien mesurer le pouvoir de ces femmes, prenez en considération le fait qu’elles furent à même de bloquer la nomination de l’ancien secrétaire d’Etat Henri Kissinger qui devait [initialement] diriger les recherches. 
 
 
Juillet 2004 : Kristen Breitweiser et Lorie Van Auken découvrent le "Rapport"
 
Kristen Breitweiser demanda publiquement à Kissinger combien de ses clients (NdT – Henri Kissinger est toujours avocat-conseil international au sein de "Kissinger and Associates") étaient membres du gouvernement royal de l’Arabie Saoudite. Breitweiser, qui se décrivait elle-même comme « mère au foyer », alors que son mari fut tué à son poste à la Fiduciary Trust, était la plus jeune veuve qui se distingua en devenant la porte-parole du groupe, mais aujourd’hui, elle considère qu’elle n’en fait plus partie.
 
« Nous discutons encore », dit-elle à propos des autres femmes. « Nous sommes encore amies. Mais j’ai choisi de ne pas endosser leurs déclarations. »
 
Ce n’est pas que le groupe en publie beaucoup. La dernière a été publiée en mai, et [elles y] déplorent la nature militaire des procédures engagées pour juger les suspects de terrorisme – notamment Khalid Cheikh Mohammed, le cerveau présumé du complot. 
 
« L’issue des débats a été une grande déception. » déclare Breitweiser, suite aux travaux des veuves. « Nous n’avons pas tiré les leçons que nous aurions dû. »
 
Comme Casazza, Breitweiser a déménagé à New York, mais ne veut pas dévoiler son adresse. Elle a publié un livre, et écrit occasionnellement sur son blog du Huffington Post. Dans son dernier billet, posté en mai, elle a violemment critiqué l’administration Obama pour avoir exploité la mort d’Oussama Ben Laden lors de sa campagne. Elle l’a sommé de renoncer à son prix Nobel de la Paix et écrit : « Président Obama, lorsqu’on creuse un peu les choses, vous n’êtes pas très différent de Georges W.Bush. »
 
Monica Gabrielle, la seule membre du groupe qui ne vivait pas dans le New Jersey, dit qu’elle n’est plus active dans le groupe – « J’ai renoncé »  bien que son nom apparaisse dans ses dernières déclarations. Elle a gardé l’appartement qu’elle partageait avec son mari, Richard, qui travaillait pour AON. « Si quelque chose me démange, je pense que je le dirai. Mais pas maintenant. », dit Gabrielle. Elle aussi critique les actions d’Obama – y compris sa promesse [non tenue] de procédure fédérale civile pour les procès des suspects de terrorisme, et de fermeture du camp de prisonniers de la base navale de Guantanamo, à Cuba.
 
Gabrielle dit qu’elle planifie le mariage de sa fille unique. « Je n’ai plus le temps à présent de réfléchir au 11/9. J’ai mis ma vie entre parenthèses pendant des années, et maintenant il est temps de faire autre chose. »
 
Mindy Kleinberg, de l’East Brunswick, dont le mari Allan travaillait pour Cantor Fitzgerald, n’a pas répondu à nos appels répétés. Elle et son mari ont eu trois enfants.
 
La plus en pointe des veuves a été, et reste Lorie Van Auken, elle aussi de l’East Brunswick. L’artiste, dont le mari Kenneth travaillait aussi pour Cantor Fitzgerald, reste une activiste, mais se consacre désormais à d’autres causes, telles que la « fracturation hydraulique », c’est-à-dire l’usage de l’eau sous pression et de produits chimiques pour extraire le gaz naturel du sol, et l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans la nourriture.
 
Elle explique qu’elle-même et ses deux enfants, qui étaient des adolescents au moment où leur père fut tué, sont toujours dans le deuil de sa disparition. Les enfants, dit-elle, ont réussi – son fils est étudiant en médecine, et sa fille est actrice.
 
« Le pays est en bien pire état qu’il ne l’était », dit-elle. Elle ajoute qu’elle est convaincue que les politiciens des deux bords « ont utilisé le 11/9 comme excuse pour toutes sortes de choses, y compris la guerre, l’usage de la torture, et la privation de libertés civiles. »
 
Van Auken, comme d’autres, dit qu’elle ne croit pas que la Commission sur le 11/9 a répondu à toutes les questions posées par les attentats. « Je pense qu’il y aurait dû y avoir beaucoup plus d’indignation, » dit-elle. « Des bâtiments ne s’effondrent pas comme ça, juste à cause d’incendies, pour qu’ensuite vous ne parveniez même pas à expliquer pourquoi cela s’est passé de cette manière. »
 
Les veuves sont en général peu disposées à faire entendre leur voix sur ce qui s’est passé. Bien qu’elles aient été considérées comme des héroïnes juste après les attentats, elles furent ensuite victimes d’attaques des conservateurs, particulièrement Breitweiser qui fit campagne ouvertement pour le candidat démocrate John Kerry en 2004. 
 
Elles ont été critiquées par des éditorialistes comme Bill O’Reilly et Ann Coulter, qui les a qualifiées de « harpies », et leur a suggéré… de poser pour Playboy.
 
Ces attaques au vitriol ont choqué certaines de ces femmes. C’est l’une des raisons pour lesquelles Casazza a déménagé à New York et a limité son implication dans le groupe.
 
« Je n’en croyais pas mes yeux, de voir les politiques », dit-elle. « Nous avons pensé que nous faisions ces choses pour protéger les gens, en cherchant ce qui s’était passé et en s’assurant que cela ne se produirait plus jamais. Ce fut une dure leçon. »
 
Bob Braun
 
 
 
Traduction Corto pour ReOpenNews

En lien avec cet article : 

 


 
Les documents officiels dont les Jersey Girls contestent les conclusions :
  • Le Rapport de la "Commission du 11-Septembre", publié le 22 juillet 2004, se trouve ici.
  • Le Rapport conjoint du Congrès publié en décembre 2002 est indisponible sur le site officiel mais se trouve ici.
  • L’enquête Penttbom du FBI n’a jamais été publiée, mais des extraits se trouvent ici.
  • L’enquête de l’inspection générale de la CIA (CIA IG) se trouve ici.
  • L’enquête de l’Inspection Générale du Ministère de la Défense (DoD IG) se trouve ici
  • Et nous nous permettons d’ajouter ici le Rapport QUILES, soumis par la Commission de la Défense nationale à la Présidence de l’Assemblée nationale qui l’a transmis à M. Lionel Jospin Premier ministre de Jacques Chirac le 12 décembre 2001. Note : Les 51 nations ayant perdu un ressortissant au moins dans les attentats n’ont pas pu enquêter sur place. Le procureur Eliott Spitzer leur a transmis les conclusions du FBI, tout en refermant le dossier par des indemnisations des familles de victimes à hauteur en moyenne de 1,8 million d’USD. Les familles indemnisées se sont engagées à ne pas poursuivre en Justice quiconque en dehors des procédures intentées par l’Etat américain lui-même. Mais toutes n’ont pas accepté ce marché… dont les Jersey Girls, qui furent même accusées d’être des bourgeoises nanties de la banlieue chic de New York qui avaient du temps à perdre ! Cependant, où en sommes-nous aujourd’hui avec la Justice américaine ? Nulle part ! Nous attendons toujours. Et même aux dernières nouvelles, les 5 de Guantanamo pourraient bien n’être jugés que… dans 1 an voire plus, tandis que le début des auditions est reporté à octobre ! Tous les procès en responsabilité des attaques elles-mêmes du 11-Septembre sont dans une impasse…. de quoi faire réfléchir aussi.
 

 

4 Responses to “Les Jersey Girls en 2012 : tourner la page, mais…”

  • Seb

    Le système les aura eu à l’usure. Le temps efface tout. Et puis un jour la vérité affleure, mais tout le monde n’en a plus rien à fiche, c’est beaucoup trop ancien.
    11 ans après l’évènement, on y arrive. Toute la génération 15/25 ans avait entre 4 et 14 ans à l’époque… Ça ne leur parle même plus.

  • Sébastien

    @ Seb,

    Dans ce cas, il es grand temps -avant, ou à moins, qu’il ne soit trop tard- de changer de système.

  • Lionel

    @ Seb

    Pas d’accord, il ne faut pas être défaitiste: le système a toujours peur que la vérité n’éclate et il ne faut pas leur laisser de répit: ne serait-ce que pour ne pas déshonorer la mémoire de milliers de victimes de ces attentats.
    Le 11 septembre est la pierre angulaire du monde que nous connaissons aujourd’hui et si nous ne voulons pas que la tyrannie s’installe, il faut se battre pour la vérité sur ce sujet crucial.

  • Max

    Le pot de terre contre le pot de fer. La seule solution c’est comme pour la révolution c’est la mise en place de la guillotine. C’est tout. Il faut juste quelqu’un qui fasse ce qui doit être fait… Pas un Lee Arvey Oswald avec sa balle magique qui s’occupe d’un JFK aimé de son peuple. Finalement on s’aperçoit de part l’histoire que c’est toujours les dirigeants bon avec le peuple… Et forcément moins bon avec les Nobles pour ne pas dire les riches qui se font assassiner. Alors que les pourries avec le peuple et bon avec les Nobles… Je vous le donne dans le mille ils ne leur arrivent jamais rien. Ca me fait pensé au film « la ligne verte » Les 2 petites filles violées et assassinées « C’est leur amour envers elles qui les a tué » Eh bien là c’est la même chose. C’est l’amour et la défense aveugle de la démocratie qui la TUE.

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