La guerre financière globale, l’escalade dans le golfe Persique et les menaces vitales contre le système des pétrodollars

L’escalade militaire menée par les USA et l’OTAN depuis septembre 2001 et la crise financière actuelle au sein des pays de l’Euro cachent-elles un effort désespéré des Etats-Unis de maintenir leur suprématie mondiale et celle du dollar, voire la survie de cette monnaie jusque-là incontournable notamment pour les échanges commerciaux de matière première ? Les tensions exacerbées avec l’Iran sont-elles essentiellement dues à la volonté d’Ahmadinejad de vendre son pétrole à la Chine en euros, tout comme le fit Saddam Hussein avant 2003 ? Jusqu’où les autorités et le lobby militaro-industriel anglo-saxons sont-ils prêts à aller pour garder leur pouvoir et leur "empire" ? Autant de questions auxquelles Maxime Chaix tente ici de répondre dans cet article captivant paru sur le site d’analyse géopolitique de Michel Chossudovsky.

 

 


La guerre financière globale, l’escalade dans le golfe Persique et les menaces vitales contre le système des pétrodollars

par Maxime Chaix, sur mondialisation.ca, le 15 janvier 2012

Standards & Poor’s – certainement visée par l’ancien Président français Valery Giscard d’Estaing lorsqu’il parlait d’« officines» déstabilisant l’économie européenne – perpétue une stratégie de diversion en dégradant la note de neuf pays de l’Euroland, parmi lesquels la France, l’Italie, le Portugal, l’Autriche et l’Espagne. L’entreprise financière Standards & Poor’s, critiquée depuis une décennie pour son incapacité à prédire l’effondrement d’Enron, de Lehman Brothers et plus récemment de MF Global, provoque donc un choc psychologique en France à 100 jours de l’élection présidentielle, les effets de cette « dégradation » étant sur-amplifiés par une certaine dramatisation médiatique.

Si l’on adhère à la lecture des événements que partagent Valery Giscard d’Estaing, le chercheur Emmanuel Todd ou la présidente du MEDEF Laurence Parisot, la guerre psychologique menée contre l’Europe par les « officines » anglo-saxonnes et leurs relais médiatiques et spéculatifs monte en intensité, l’Euroland étant ciblé dans son ensemble. Pourtant, de l’autre côté de l’océan Atlantique, les États-Unis – qui malgré leurs difficultés structurelles restent la première puissance mondiale sur le plan financier, militaire, culturel et économique – affichent un endettement national de plus de 15 000 000 000 000 de dollars US, pour une dette totale avoisinant les 56 000 000 000 000 de dollars US, selon les chiffres officiels de l’horloge nationale de l’endettement des États-Unis.

Au vu de cette dette gargantuesque, nous pouvons affirmer avec confiance que, dans l’hypothèse où le système des pétrodollars s’effondre du fait de la diversification monétaire dans les échanges commerciaux et pétroliers internationaux, les États-Unis en tant qu’État fédéral font faillite et se retrouvent de facto en catégorie D (« En défaut »), quelle que soit la position des agences de notation. Dans ce contexte, les généraux du Pentagone, qui représentent l’omnipuissant complexe militaro-financier-énergétique des États-Unis, ne peuvent accepter la politique d’abandon du dollar comme monnaie d’échanges pétroliers qui est menée par l’Iran, en ce qu’elle constitue par essence une menace vitale contre le système des pétrodollars. Par conséquent, tout porte à croire que les généraux du Comité des chefs d’État-major interarmées du Pentagone (JCS) planifient un conflit armé contre l’Iran, comme l’indiquent les dernières déclarations du général Dempsey – qui dirige le JCS – et de Leon Panetta, le secrétaire à la Défense à l’origine du récent durcissement rhétorique visant l’Iran (avant l’offensive économique, psychologique et stratégique actuelle).

Aujourd’hui, les États-Unis mènent à l’égard de l’Iran une guerre économique totale, accompagnée de mouvements militaires à grande échelle. Ce déploiement stratégique est axé sur le positionnement prochain d’au moins deux porte-avions US dans le golfe Persique (l’USS Carl Vinson étant censé relever l’USS John Stennis, avant d’être rejoint par l’USS Abraham Lincoln). Cette importante planification écourte les nuits du commandant en chef de l’US Navy, l’amiral Jonathan Greenert, selon ses propres déclarations publiques. 

Depuis le naufrage de l’USS Maine dans le port de Cuba en 1898, dont l’exploitation médiatique provoqua la guerre hispano-américaine, en passant par les mystérieux incidents du golfe du Tonkin du 4 août 1964 qui précipitèrent les États-Unis dans la guerre contre le Nord-Vietnam, l’Histoire militaire des États-Unis reste entachée de zones d’ombres lorsqu’il est question des incidents navals comme casus belli, et plus généralement des justifications précipitant les forces armées US dans leurs récentes guerres. Sachant que Dick Cheney avait songé, selon Seymour Hersh, à organiser une attaque sous faux pavillon contre des navires de la 5ème flotte des États-Unis – envisageant une opération contre la flotte US par des Navy Seals grimés en Gardes révolutionnaires iraniens à proximité du détroit d’Ormuz – une provocation navale immédiatement attribuée à l’Iran semblerait suffire au déchainement de la puissance militaire des États-Unis contre un Iran déterminé à résister. Il semblerait que de telles provocations soient en cours au moment où ces lignes sont écrites. Quoi qu’il en soit, l’on pourrait penser qu’en ne réagissant pas militairement à la politique étrangère de l’Iran, les hauts responsables US auraient beaucoup plus à craindre de l’effondrement du système des pétrodollars que d’une guerre contre l’Iran, aux conséquences pourtant incalculables au vu du contexte économique et financier particulièrement volatil (quoique propice aux augmentations constantes du prix des hydrocarbures). Sans surprise, les pétromonarchies du Golfe et Israël soutiennent ouvertement cette guerre.

Quoi qu’il en soit, à travers la politique étrangère iranienne, le statu quo des pétrodollars semble sérieusement menacé. Aujourd’hui, la Chine achète le pétrole iranien en euros, et les États-Unis ne semblent pas en mesure d’influer sur la politique chinoise vis-à-vis de l’Iran, les relations sino-iraniennes datant de la période préislamique, au 1er siècle avant Jésus-Christ. L’Inde est en train de mettre en place un système d’achat de l’or noir perse en roupies. Enfin, la Russie s’apprête à mettre en œuvre avec l’Iran un accord d’échanges pétroliers et commerciaux en rial et en roubles. Comme elle l’a fait il y a quelques mois avec la Russie, le Chine a également adopté avec le Japon un système d’échanges énergétiques et commerciaux centré sur leurs monnaies respectives. La suprématie du dollar comme monnaie de réserve internationale est donc indiscutablement mis à mal. Toutefois, le système des pétrodollars qui l’impose depuis des décennies est encore plus dangereusement remis en cause par une politique d’affirmation de puissance invariablement menée par l’Iran.

Comme l’a écrit avec justesse Peter Dale Scott à l’aube du conflit ayant déstructuré la Libye, « La question du pétrole est étroitement liée à celle du dollar, car le statut du dollar comme monnaie de réserve mondiale dépend largement de la décision de l’OPEP de libeller les achats du pétrole de l’OPEP en dollars. L’économie actuelle des pétrodollars se fonde sur deux accords secrets passés durant les années 1970 avec les Saoudiens pour recycler les pétrodollars dans l’économie des États-Unis. Le premier de ces accords assurait une participation spéciale et durable de l’Arabie saoudite dans la santé du dollar US ; le second sécurisait un soutien saoudien continuel pour la tarification de l’intégralité du pétrole de l’OPEP en dollars. Ces deux accords garantissaient que l’économie des États-Unis ne serait pas affaiblie par les hausses de prix du pétrole de l’OPEP. Depuis lors, le plus lourd fardeau a en fait été porté par les économies des pays les moins développés, qui doivent acheter des dollars pour leurs fournitures en pétrole. Comme Ellen Brown l’a relevé, d’abord l’Irak et ensuite la Libye ont décidé de défier le système des pétrodollars et de stopper leurs ventes de pétrole en dollars, peu avant que ces deux pays ne soient attaqués ». Aujourd’hui, l’Iran semble être dans cette position de « cible » chez les planificateurs militaires du Pentagone. Toutefois, ce pays vient de démontrer qu’il est opérationnellement capable de boucher l’aorte d’une économie mondiale fragilisée et instable : le détroit d’Ormuz.

Maxime Chaix, traducteur et analyste politique indépendant

 


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6 Responses to “La guerre financière globale, l’escalade dans le golfe Persique et les menaces vitales contre le système des pétrodollars”

  • Comment peut-on afficher une dette de 56.000 milliards de dollars, soit 28 fois la nôtre pour seulement 4 fois plus d’habitants, soit 7 fois plus par tête, sans être placé irrémédiablement en faillite?
    Ce qui m’étonne, c’est que la Chine, détentrice majoritaire de cette dette, fasse tout ce qu’il faut pour achever la démolition du dollar, comme si elle faisait passer sa créance par pertes et profits. A mon avis, l’aspect jubilatoire de cette victoire psychologique n’y est pas pour rien.
    Et la haine que les USA ont su cumuler de part le monde fait que personne sur terre ne pleurera quand la chute du dollar arrivera.
    L’ennui est que cette bête blessée à mort va s’engager dans un baroud d’honneur, qui, pour être suicidaire, n’en sera pas moins sanglant pour le reste du Monde.
    Quoiqu’il en soit, il faut s’attendre à un troisième Pearl Harbor, sans doute dans les jours ou les semaines qui viennent. Saura-t-on pour une fois régler un problème autrement que par une troisième guerre mondiale? Côté US, je ne vois pas d’autre solution.
    Les BHL, les Juppé, et autres fauteurs de guerre portent une lourde responsabilité en faisant l’apologie du programme USraélien. Nous sommes en 1938, nous observons l’invasion des Sudètes et nous regardons ailleurs, quand nous n’applaudissons pas. C’est consternant.

  • Citron

    @doctorix

    Comme d’hab’, suis d’ac’ !

    Ça fait 20 ans que je pense que les USA sont en ruine… Et j’vous dis pas comment me suis fait foutre de ma gueule !!

    Mais bon, y’a juste à ouvrir les yeux pour voir la misère de ce pays… ça se voit dans les films et les reportages qui passent à la téloche, mais faut accepter de le voir ou regarder les arrière-plans.

    Et c’est clair que la culture (= l’idéologie) du pays fait qu’ils vont préférer crever « à la kamikaze » plutôt que d’accepter leur échec.

    Ça sent pas bon du tout, non !

  • Sébastien

    D’après les dernières nouvelles, la Troisième Guerre Mondiale est différée de quelques mois:
    1- entre les élections Françaises, Russes et juste avant celles des Etats-Unis
    2- Pendant les vacances, les moutons ont la tête ailleurs.
    3- Il reste quelques problèmes techniques et logistiques.
    4- Ces « salauds » de Syriens et d’Iraniens résistent plus que prévus.
    5- Wall-Street a réussi à déplacer la crise financière (et non pas économique!) en Europe, permettant de maintenant l’illusion un peu plus longtemps.
    6- Il manque encore du pop-corn et du Coca pour la séance.

  • A ce qu’il semblerait l’attaque de l IRAN était programmée….Las ! La crise des subprimes a tout fichu par terre..Donc : ce n’est que partie remise avec son successeur au trône:le désolant OBAMA n’ayant de démocrate que le sens qu’on veuille bien lui donner .RELIRE à ce sujet le livre de E LAURENT : « LA FACE CACHEE DES BANQUES  » pour bien comprendre son accession au pouvoir! Pouvoir bien restreint sauf celui de dire oui aux foudres de guerre néocons
    Mais l attaque de l IRAN ne semble plus si facile : la dette abyssale,internet, l’éveil lent mais sûr des consciences peuvent retarder,empêcher cette guerre ! Et,qui sait? , l’EUROPE peut mettre le poing sur la table.

  • En tous cas, rien que pour la Syrie, ça coince, et ça sent peut-être la fin de la récré, n’en déplaise à nos journaleux godillots:
    « La conférence de presse du ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, sur le bilan de la diplomatie russe en 2011 a été l’occasion d’un rappel au droit international. Concernant la Syrie, le ministre a répété que Moscou ne laisserait pas le Conseil de sécurité légaliser une agression, ni même des sanctions, et qu’il continuerait à commercer avec Damas. De son côté, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Weimin, a apporté son soutien aux observateurs de la Ligue arabe et a affirmé que leur présence est bénéfique.
    Si la fermeté de la Russie est accueillie avec empathie par la presse allemande et vaticane, elle est incomprise par le reste de la presse européenne qui persiste à battre les tambours de la guerre en évoquant une « urgence humanitaire », et préfère traiter les nouvelles sanctions édictées unilatéralement par l’Union européenne. »
    Sur mondialisation.ca (excellent lien canadien).

  • Phrygane

    Le contrôle des réserves de pétrole d’Iran pourraient aider à contrôler la Chine.

    Une intervention directe des USA semble problématique : l’armée US se désengage actuellement de deux conflits sanglants, ruineux et que la « version officielle » s’interdit de qualifier de défaites…

    L’économie US est virtuellement ruinée, la paupérisation de l’Amérique « réelle » est sans précédent depuis 1929. Les récentes mesures « antiterroristes » (et antidémocratiques) qui ont été votées témoignent de la prise de conscience, dans l’opinion du rôle scandaleux de Wall Street et la possibilité redoutée par l’Etat de troubles importants.

    Si Israël, au grand dam d’une partie croissante de son peuple, est un pion reconnu des USA et qui pourrait être avancé vers la case Iran, ce dernier est aussi le pion de la Russie et de la Chine qui, n’en doutons pas ont veillé à renforcer son potentiel défensif et offensif (missiles antinavires et anti-aériens).
    Souvenons-nous que l’armée de Saddam Hussein, avec l’Occident et sa technologie pour alliés, n’a jamais réussi à l’emporter lors du conflit Iran-Irak.

    Si les « fins stratèges » US (qui ont emmenés les malheureux citoyens américains à la situation actuelle) décidaient de lancer Israël sur l’Iran, ce pourrait être après un « incident » créé entre les deux pays. Ou l’affirmation, « preuves à l’appui », d’un danger nucléaire venant des ayatollahs…

    Mais quelle serait la portée du conflit ? En aucun cas celui-ci ne pourrait aboutir à une invasion de l’Iran par l’Etat hébreu… ou l’inverse.

    Par contre si l’Iran décidait, en représailles, de bloquer l’approvisionnement pétrolier de l’Occident, cela pourrait emmener une partie suffisante des opinions à accepter une intervention élargie à l’Otan.

    Le danger est peut-être là.

    Le joueur d’échecs Russe et le joueur de Go Chinois vont-ils réussir à contrer la (possible) provocation et convaincre l’Iran d’une réaction mesurée qui le poserait en victime d’une manœuvre géopolitique plutôt qu’un danger pour l’économie occidentale malade ?

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