La Parenthèse enchantée (2/11) : Le trésor enseveli du Pentagone
Le 10 septembre 2001, Donald Rumsfeld donnait une conférence où il choisissait de communiquer sur les pertes identifiées dans les comptes annuels du Pentagone, s’élevant à 2300 milliards de dollars. Le nouveau secrétaire à la Défense de l’administration Bush qualifiait alors ces pertes de "gaspillage" et accusait publiquement la bureaucratie du Département d’être seule et unique responsable de ce gigantesque gouffre financier… Le lendemain, les attentats du 11-Septembre détruisaient, entre autres, l’aile du Pentagone où se trouvait précisément le service de comptabilité du Département de la Défense, et l’équipe en mesure d’établir la traçabilité des dépenses opérées sur le budget de la Défense. Ces attentats permettaient également au pouvoir en place d’envahir l’Afghanistan puis l’Irak pour le plus grand bénéfice d’une industrie de guerre fortement dépendante des choix stratégiques engagés par le Pentagone, et déterminée à faire valoir ses intérêts.
Le trésor enseveli du Pentagone
Chaque semaine cet été, jusqu’au mardi 11 septembre 2012, ReOpen911 publie un extrait du livre de Lalo Vespera, La Parenthèse enchantée (à paraitre en 2013).
Article précédent : Un certain 10 septembre 2001
Le rapport original
Une des sources de confusion qui a empêché le contribuable américain de prendre conscience de l’enjeu et de l’étendue des pertes au sein du budget de la Défense a pour origine la communication en creux de l’administration militaire qui, dans cette affaire, avançait de toute évidence sur des œufs. D’où vient en réalité ce chiffre de 2300 milliards de dollars ? Contrairement à ce qu’il est fréquent de lire depuis dix ans, ce montant n’a pas fait irruption sur la scène politico-médiatique américaine le 10 septembre 2001. Certes, ce jour-là, le discours théâtral de Donald Rumsfeld et le reportage de CBS News diffusé plus tard [1] ont contribué à mettre ce chiffre en lumière, mais en fait, les 2300 milliards en question sont mentionnés à l’origine dans un rapport d’audit interne au Pentagone en date du 18 août 2000 portant sur l’année fiscale 1999, rapport classé dans un coin discret des archives en ligne du Département de la Défense [2].
Et c’est le 11 janvier 2001 que ce rapport embarrassant commence véritablement à émerger sur la scène publique. Donald Rumsfeld vient d’être nommé secrétaire à la Défense par George W. Bush. Il est auditionné, comme le veut l’usage, par le Comité sénatorial des forces armées. Ce jour-là, il présente et défend les grandes lignes du programme proposé par la nouvelle administration sur des questions telles que la modernisation des systèmes de défense ou les menaces émergentes [3]. Et c’est à l’occasion de cette audition que le sénateur démocrate Robert Byrd interpelle Rumsfeld sur les solutions qu’il envisage concernant les avaries comptables et les problèmes de gestion du Pentagone. Et le sénateur brandit le fameux rapport dont il remarque qu’il est très préoccupant. Byrd mentionne déjà les différentes informations qui seront reprises dix ans plus tard dans le discours de Peter DeFazio, rapportant les constatations de l’Inspecteur Général en charge du Pentagone : « 2300 milliards de dollars n’ont pas été étayées de données adéquates au contrôle ou de preuves suffisantes pour être jugées valides. » En langage clair, personne n’est en mesure d’expliquer au contribuable américain de quelle façon a été dépensée cette masse d’argent démesurée.
Robert Byrd interroge alors le secrétaire fraichement nommé, dont les relations politiques souhaitent que soit accru le budget annuel du Pentagone : « Comment peut-on sérieusement envisager une augmentation de 50 milliards de dollars dans le budget de la défense lorsque les contrôleurs INTERNES au DoD indiquent que le ministère ne peut pas rendre compte de 2300 milliards de dollars dans les transactions en une seule année ? » [4]. Et le sénateur demande à Rumsfeld ce qu’il compte faire par rapport à cet état de fait dont il va hériter au DoD. Celui-ci répond alors, non sans humour : « Refuser cette nomination ! » Ce qui provoque un éclat de rire général dans l’assemblée. Ainsi, le nouveau secrétaire botte en touche avec cette pirouette. Et mettant les rieurs de son côté, il désamorce la bombe qui lui est tendue et adopte la posture affectée du bon serviteur de l’État qui se dévoue pour vaincre le monstre bureaucratique rendu responsable de toutes les anomalies du système.
Cette chronologie des faits appelle une double constatation :
• En premier lieu, contrairement à ce qui lui a souvent été reproché, Rumsfeld en tant que secrétaire à la Défense n’a pu prendre lui-même l’initiative de cette cécité comptable concernant 2300 milliards de dollars de dépenses non identifiées sur l’année 1999, car celle-ci a eu lieu (et a été révélée) avant qu’il soit nommé, c’est-à-dire sous l’administration Clinton avec William Cohen à la tête du Pentagone, nous le verrons plus loin. En réalité, Rumsfeld hérite de cet état de fait en arrivant au DoD. Mais les enjeux que représente le poids de cet héritage (en regard de l’implication du nouveau secrétaire au sein du PNAC sur lequel nous reviendrons dans un prochain chapitre) apportent un éclairage saisissant sur l’instrumentalisation qu’il sera susceptible d’en faire et sur les intérêts qu’il pourra tirer du fait que la conférence du 10 septembre soit suivie – au bénéfice d’une incroyable "coïncidence" – par les attentats qui effaceront cette fâcheuse ardoise pour au moins une décennie.
• En effet, en remettant la séquence en perspective, on observe que l’élection contestée de Georges Bush et le démarrage médiocre de son mandat ne confèrent pas au président américain la légitimité nécessaire pour obtenir du Congrès la hausse des budgets militaires, convoitée par les néoconservateurs qui ont fait aux financiers de la campagne républicaine des promesses qu’il leur faut maintenant tenir [5]. Au printemps 2001, la nouvelle administration est déjà au point mort. Georges W. Bush ne parvient pas à lui donner l’impulsion voulue par son camp comme le fit en son temps Ronald Reagan. Au contraire, il enchaine les maladresses et fait l’objet de nombreuses critiques.
C’est pourquoi ce rapport de l’année fiscale 1999 est capital, car l’enjeu mis en lumière par l’intervention du sénateur Robert Byrd est parfaitement clair : étant donné que la comptabilité du Pentagone est incapable de rendre compte des 2300 milliards de dollars qui ont été dépensés sur une seule année, comment la nouvelle administration républicaine pourrait-elle espérer du Congrès le vote d’une augmentation de budget de 50 milliards par an ? Une augmentation par ailleurs plus de dix fois supérieure à celle de 4,5 milliards sur laquelle les républicains se sont engagés durant la campagne électorale du candidat Bush afin de flatter les réflexes protectionnistes d’une part croissante de la population américaine [5b]. Or, au-delà même du mensonge grossier de désengagement militaire à l’étranger servant à Bush de tremplin électoral, on comprend à quel point cette situation représente une impasse pour les néoconservateurs dont le retour au pouvoir a été en bonne partie financé par les industriels de l’armement. Il est indispensable pour les faucons de la politique de reprendre la main, comme il est impératif que le Congrès, assemblée incontournable, soit amené à voter l’augmentation du budget de la Défense, et ce quelle que soit l’ampleur du gouffre financier qui crève les caisses du Pentagone.
Mais rien n’est perdu pour les nouveaux locataires de la Maison Blanche. Il existe une solution fort appréciée des grands stratèges, une solution imparable que le pouvoir aux Etats-Unis a déjà retenue à plusieurs reprises dans les moments clés de son histoire. Le projet hégémonique que cette administration ne parvient pas à mettre en œuvre dans le cadre des institutions démocratiques en temps de paix pourrait lui être aimablement accordé par ces mêmes institutions, en temps de guerre. Un peu de patience.
Récidive
En mai 2002 apparaît dans la presse américaine le nouvel état comptable des finances du DoD, en date du 19 septembre 2001 [6] et qui porte cette fois sur l’année fiscale 2000, indiquant un nouveau montant de 1100 milliards de dollars pour des opérations comptables non étayées, une autre somme colossale qu’il faut additionner aux 2300 milliards égarés sur l’année fiscale précédente (soit un total de 3400 milliards sur deux ans) [7].
Dans un article pour Insight Magazine consacré à ces nouveaux états financier [8], la journaliste Kelly Patricia O’Meara note : « Si l’Amérique a appris quelque chose de la pagaille d’Enron, c’est bien la facilité avec laquelle les livres comptables peuvent être trafiqués. […] Le DoD ne peut toujours pas identifier au moins 1100 milliards de dollars de l’exercice 2000 sous l’ancien Président Bill Clinton, et le […] DoD souhaiterait même ne pas examiner les dépenses d’argent non identifiées pour l’exercice 2001 en raison "des montants considérables" qui pourraient encore ne pas être comptabilisés de manière appropriée depuis que George W. Bush est arrivé au pouvoir. »
De tels commentaires sont relativement explicites, pourtant ils ne sont guère entendus par le public. En 2002, la puissante campagne de communication lancée par l’administration Bush [9] pour convaincre l’Amérique et la planète entière que Saddam Hussein dissimule des armes de destruction massive sur le territoire irakien sature les médias de spectres menaçants qui déstabilisent l’opinion publique et limitent la prise de conscience du citoyen et contribuable américain vis-à-vis du préjudice qui touche le budget fédéral.
Le montant de 1100 milliards sera en fait repris dans quelques rares articles de presse, mais avec des points de vue qui désamorcent plus ou moins le débat. Le San Francisco Chronicle omet de rappeler qu’il s’agit d’une récidive, laissant apparaître cette somme comme la nouvelle évaluation se substituant à l’ancienne [10]. Insight Magazine explique pour sa part comment le système insondable de la comptabilité financière du Pentagone a été délégué au fil des années Clinton à un amoncellement complexe de sociétés de gestion privées autorisées par le gouvernement à garder l’anonymat [11]. Ainsi la charge des irrégularités est basculée sur une nébuleuse d’entreprises légalement invisibles et dont les ordinateurs souffriraient de ne pouvoir communiquer entre eux. La belle affaire ! Ce même prétexte sert aux responsables du Pentagone depuis des années. D’ailleurs, certains politiques ne se montrent pas dupes. Le SF Chronicle [10] mentionne qu’en 2003, l’opposition démocrate mordille les chevilles de Rumsfeld en l’accusant d’instrumentaliser les problèmes du DoD pour augmenter encore davantage les fraudes et autres abus.
Mais Rumsfeld peut avancer en toute impunité car la dynamique de guerre est lancée. Les médias dominants ont suspendu leur esprit critique sur le crochet du patriotisme et rivalisent d’ardeur pour promouvoir le spectacle pyrotechnique orchestré par le pouvoir en place. Et les représentants politiques qui ont le culot de modérer leur enthousiasme auront vite fait d’être accusés d’antipatriotisme, selon la formule magique de la « peur du collier » [12] qui, en temps de guerre, inhibe efficacement les contre-pouvoirs.
Confirmation des faits
Ce simulacre de transparence de l’exécutif n’offrira donc pas à Cynthia McKinney les réponses qu’elle attend, mais cet épisode est déterminant sur un point : les sommes mises en cause et la nature de la problématique comptable sont clairement énoncées par la représentante du Congrès. Cynthia McKinney emploie le terme MANQUANT pour qualifier la transgression visée sur les années fiscales 1999 et 2000, et l’addition des deux sommes qu’elle mentionne représente bien un total de 3400 milliards de dollars. Il est essentiel de remarquer que ni Donald Rumsfeld, ni Tina Jonas ne remettent un instant en cause l’exposé de ces faits qu’elle rapporte sous l’autorité du Congrès américain. Si ces faits n’étaient pas avérés, alors il eut été très simple pour eux deux de se débarrasser des questions posées en contestant la validité des arguments qui les soutiennent plutôt que de sombrer dans le ridicule.
Néanmoins, si comme c’est le cas ici, Donald Rumsfeld doit s’assurer de passer entre les gouttes des quelques astreintes que lui impose la constitution américaine, il faut comprendre que ses priorités sont ailleurs. Depuis trois décennies, il planche avec son ami Cheney sur un projet d’envergure qui dépasse de très haut les péripéties de la vie démocratique du pays, ainsi que Peter Dale Scott l’a exposé en détails : « Dick Cheney et Donald Rumsfeld ont été associé depuis les années 1980 dans le cadre d’une structure parallèle de planification [d’urgence nationale] aux États-Unis. L’objectif formel de cette structure était la “Continuité du Gouvernement” (COG pour Continuity of Government), mais son nom est trompeur. La Progressive Review fit référence, de manière plus appropriée, à des plans pour "un possible coup d’État militaire et/ou civil." » [15]. Connaître cet agenda est utile pour mettre en perspective les dérives comptables qui, au Département de la Défense, ont précédé le 11-Septembre. Nous y reviendrons.
La double vie de William Cohen
Il est intéressant, avant cela, de se figurer qui est le prédécesseur de Rumsfeld au Pentagone, qui a permis que se forme dans la comptabilité de la Défense un gouffre financier si vaste que les instances démocratiques du pays ne pourraient l’ignorer très longtemps, et si profond qu’il faudrait nécessairement que les responsables et bénéficiaires de ce grand jeu d’écritures trouvent à terme une issue qui ne les compromette pas.
Il est tout d’abord remarquable de noter que William Cohen appartient au camp républicain, au sein duquel il a effectué trois mandats au Congrès avant d’être nommé en 1997 secrétaire à la Défense par le Président démocrate Bill Clinton, qui le choisit en prétextant une volonté de politique bipartisane dans le domaine de la défense, visant à « favoriser un consensus national dans un climat international agité » [16]. Libre à chacun de croire ou non qu’un tel choix a pour réelle finalité d’aider au bon déroulement de la vie démocratique du pays… Il est en tout cas certain que l’opacité de l’administration militaire est de longue date bipartisane dans la mesure où elle transcende les clivages politiques aux États-Unis et fait même apparaitre ces derniers comme plus ou moins factices. Car en ce domaine, qu’ils soient démocrates ou républicains, tous les tenants du pouvoir s’accordent depuis des décennies à servir sans mesure la toute-puissance du complexe militaro-industriel, quitte à constater éventuellement leur propre impuissance face au monstre qui leur échappe, comme le fit publiquement le Président Eisenhower en 1961 [17].
Ainsi William Cohen se tient à la tête du Département de la Défense durant les quatre années de la seconde administration Clinton. Il y est donc installé depuis deux ans lorsque sont opérées en 1999 et 2000 les transactions non justifiées dans les comptes du ministère sur les volumes financiers faramineux que nous avons observés. A ce titre, sa responsabilité est nécessairement en cause et nous ne pouvons pas supposer qu’il ignore de telles défaillances. Si l’on considère le bon fonctionnement de l’appareil d’État américain, il est dérangeant de constater que William Cohen n’a jamais été inquiété, ni même mis en demeure de rendre compte devant quelque instance démocratique que ce soit de ces gigantesques anomalies comptables. Et de ce fait, il est aussi difficile de déterminer dans quelle mesure il peut être directement impliqué. En revanche, nous pouvons aisément observer plusieurs cas spectaculaires de conflits d’intérêts lors de son mandat au Pentagone et l’usage soutenu de trafics d’influence dans les activités lucratives qu’il a développées par la suite.
Lorsqu’il quitte le Pentagone, au début de l’année 2001, William Cohen entame une nouvelle vie. Il délaisse les responsabilités publiques pour le monde des affaires et crée sa société de conseils nommée The Cohen Group [18]. Basée à Washington, celle-ci lui permet d’utiliser ses relations politiques pour aider les entreprises, avec lesquelles il traitait précédemment en tant que fonctionnaire de l’État, à obtenir des contrats avec le Pentagone ou avec des gouvernements étrangers, et faire de même dans le cadre du programme dit "de reconstruction" de l’Irak, programme qui, en fait, consiste en des investissements et des implantations d’infrastructures servant essentiellement les intérêts des compagnies américaines exploitants les ressources naturelles du pays [19].
Comme toujours avec la logique dite des "portes tournantes" (revolving doors) couramment pratiquée aux États-Unis, qui consiste pour des personnalités haut placées à sautiller opportunément des affaires privées aux responsabilités publiques et inversement, l’usage du lobbying s’apparente souvent à une forme légalisée et structurelle de corruption, et cet usage pourtant très équivoque en termes démocratiques rencontre une indifférence assez providentielle de la justice américaine éventuellement sensible aux appuis politiques des protagonistes : quel que soit le nombre d’affaires litigieuses le concernant, l’ancien Secrétaire à la Défense ne sera jamais réellement visé par le pouvoir judiciaire, pas davantage que n’ont pu l’être ses compatriotes Rumsfeld et Cheney qui sont, nous le verrons dans un autre chapitre, des experts dans ce domaine.
Mais nous allons aussi observer que plusieurs affaires importantes dans lesquelles William Cohen est en cause ont pour point commun d’impliquer des personnes, des entreprises ou des faits connectés à la guirlande de coïncidences qui illuminent les coulisses du 11-Septembre.
En avril 2001, quelques semaines après son départ du Pentagone, William Cohen rejoint le conseil d’administration de Global Crossing [20]. Trois mois plus tard, le Pentagone attribue au géant des télécommunications un contrat de 450 millions de dollars [21]… En janvier 2002, emporté dans un scandale semblable à celui d’Enron, mêlant manipulation des livres comptables et enrichissement démesuré des dirigeants, Global Crossing se déclare en faillite, et Cohen quitte discrètement le navire dont il avait largement contribué à gonfler les voiles depuis son belvédère du Ministère de la Défense [22]. En fait, Global Crossing occupait aussi l’étage 83 de la tour 1 du World Trade Center [23] et ses bureaux contenaient des dossiers susceptibles d’intéresser la justice [24] dans le cadre de ce qui deviendra la quatrième plus grande faillite de l’histoire des États-Unis. Les dossiers de Global Crossing disparaissent donc avec la tour 1 du WTC le 11-Septembre à 10h28, tout comme les dossiers de la SEC (le gendarme de la bourse) disparaissent avec la tour 7 du WTC, ce même jour à 17h20 [25].
Par ailleurs, William Cohen est commercialement lié avec Marvin Bush [26]. De 2002 à 2004, Cohen siège au conseil d’administration de Critical Path[27], une société de logiciels dans laquelle Winston Partners, la firme d’investissement du frère de George W. Bush détient 5,5 millions de dollars en actions [28]. Rappelons que Marvin Bush a aussi été, par le plus grand des hasards, directeur de Securacom/Stratesec, une des entreprises en charge de la sécurité du World Trade Center, et qui assurait également la sécurité à l’aéroport de Dulles d’où le vol 77 a décollé le 11-Septembre, ainsi que la sécurité d’United Airlines à qui appartenaient deux des quatre avions impliqués dans les attentats [29].
De 2004 à 2006, William Cohen est également membre du conseil de l’American International Group (AIG), un géant de l’assurance dont nous examinerons dans un prochain chapitre, les rapports troubles, multiples et variés avec le 11-Septembre [29,30].
Au cours de ses mandats politiques et administratifs, William Cohen a su tisser de nombreux liens qui le suivront dans le développement de ses activités d’affaire. Celui qui a précédé Donald Rumsfeld au Pentagone compte parmi ses proches Marc Grossman [31], qui siège au conseil d’administration du Cohen Group dont il est aujourd’hui le vice-président [32]. Or cet ancien sous-secrétaire d’État est un des artisans des allégations mensongères produites par l’administration Bush contre Saddam Hussein avant l’invasion de l’Irak et il est, à ce titre, un personnage clé du scandale Plame-Wilson [33,34]. Avant cela, tout comme George Tenet et Richard Armitage, Grossman rencontre, très précisément la veille du 11-Septembre, le général Mahmoud Ahmed, alors chef de l’ISI (services de renseignement du Pakistan) dont on sait qu’il a ordonné, avant les attentats, le transfert de 100.000 dollars à Mohammed Atta considéré par la version officielle comme le chef de file des pirates de l’air [35].
Iridium et la constellation des coïncidences
Dans les relations commerciales de William Cohen nous trouvons à deux reprises Buzzy Krongard dont le profil sulfureux et l’implication dans les délits d’initiés qui ont précédé le 11-Septembre ont été identifiés et détaillés, entre autres par l’ancien policier Michael Ruppert [36]. D’une part, l’ancien directeur exécutif de la CIA rejoint en 2005 la direction d’un vaste cabinet d’avocats international, DLA Piper Rudnick avec lequel le Cohen Group est associé depuis un an. D’autre part, Buzzy Krongard siège au conseil du groupe de télécommunication Iridium [28] dont les activités sont relativement méconnues et qui mérite pourtant qu’on observe attentivement ses ramifications.
Iridium [37] a mis en place à la fin des années 1990 un réseau de 66 satellites autour de la planète, qui permet une communication globale totalement indépendante du réseau standard de téléphonie mobile. Alors qu’Iridium se trouve dans une impasse commerciale, ses ventes décollent au lendemain du 11-Septembre, journée durant laquelle les systèmes de communication classiques souffrent de graves défaillances, en particulier à New York, mais ailleurs aussi en des points stratégiques des Etats-Unis [38] dont le rapport officiel sur les attentats oublie d’expliquer en quoi ils pourraient bien être liés à l’action de terroristes islamistes.
Par "coïncidence", il s’avère qu’Iridium est aussi impliqué dans les activités de l’agence National Communications System (NCS) [39] en lien étroit avec le programme de "Continuité De Gouvernement" (COG pour Continuity Of Government) que nous avons commencé à aborder dans le précédent article et qui fut activé en secret pendant les attentats de 2001 [40]. Le NCS gérait le réseau de communication appelé SRAS (Special Routing Arrangement Service), destiné à être utilisé en cas d’extrême urgence pour faire face à un événement catastrophique tel qu’une attaque terroriste majeure sur le sol des Etats-Unis. Or, il est démontré aujourd’hui que ce réseau SRAS a été actionné dès le 10 septembre 2001, 24 heures avant les attentats [41].
Mais c’est ailleurs encore que les ramifications d’Iridium ont attiré notre attention, livrant dans le ballet des "coïncidences" la plus spectaculaire d’entre elles : le 17 septembre 2001, à l’occasion de l’embellie commerciale de la société, le média conservateur américain WND remarqua que le frère d’Oussama Ben Laden, Hasan Ben Laden avait siégé au conseil d’Iridium [42]. SEC info, le site relayant les données de la SEC, le gendarme américain de la bourse confirme, noir sur blanc, cette information [43] :
Entre 2004 et 2006, le Cohen Group recevra 400 000 dollars de la société Iridium Satellite LLC pour des missions de lobbying auprès du Congrès et du Département de la Défense [22]. En Décembre 2000, peu avant que William Cohen ne quitte ses fonctions, le Pentagone attribuait à Iridium un contrat 72 millions de dollars, sans appel d’offres, pour lequel le secrétaire à la Défense s’est personnellement impliqué, sauvant de la banqueroute le groupe de télécommunication dont le réseau satellite n’avait pas encore rencontré les circonstances de son succès… [33]
Le Rapport de la commission d’enquête sur le 11-Septembre ne fait état d’aucune de ces informations [44], et à l’inverse s’attache à dégager les responsables de l’appareil d’État américain, qu’ils soient républicains ou démocrates, de toute forme d’implication dans l’enchainement des faits survenus avant ou pendant le 11-Septembre. À tel point qu’aucun responsable d’aucune administration aux États-Unis ne sera soupçonné, rétrogradé et encore moins sanctionné pour avoir failli dans le cadre et les circonstances de cette tragédie. Ce nouvel exemple de parenthèse enchantée est révélateur des paradoxes et de l’ineptie de la version officielle qui n’identifie au sein de l’administration aucune faute susceptible d’être sanctionnée alors même que le 11-Septembre représente a minima un échec dramatique des représentants du pouvoir aux États-Unis par rapport à leur mission première de défense du territoire américain et des populations qu’il abrite.
La disparition dans la comptabilité du Pentagone de masses financières colossales survenues bien avant l’arrivée de Bush au pouvoir et les activités commerciales pour le moins douteuses du secrétaire à la Défense de la deuxième administration Clinton démontrent que les déviances liées au 11-Septembre ne peuvent être imputées aux seuls membres d’une administration républicaine. Les prédécesseurs de l’équipe au pouvoir en 2001 méritent tout autant notre attention pour comprendre les tenants et les aboutissants d’un crime qui suppose une opération d’une si grande complexité qu’elle a probablement nécessité une préparation sur le long terme. Nous observerons prochainement de quelle façon, au cours de l’histoire des Etats-Unis, l’usage furtif du terrorisme d’État a déjà permis de garantir par le passé la protection et l’essor de puissants intérêts qui dépassent de haut les enjeux démocratiques du pays. Et cette histoire nous enseigne que les coups tordus ne s’embarrassent d’aucune étiquette politique.
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En lien avec cet article
Sites Internet de l’administration américaine
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Sources et références
Superbe article ! Ca fait plaisir de voir un travail aussi fournit et original. J’avais déjà entrevu l’affaire d’Iridium via Buzzy Krongard, mais je ne savais pas que William Cohen avait un lien avec ça.
Nos amis de Geopolintel se sont déjà intéressés à Buzzy et la compagnie Iridium, j’imagine que tu connais déjà cet article posté sur leur site : http://www.geopolintel.fr/article284.html
Impatient d elire la suite, bravo.
Ce dossier s’épaissit de manière impressionnante, et la longue liste de réf et notes donne une idée du sérieux des accusations.
Les citoyens et la presse ayant probablement d’autres chats à fouetter, peut-être est-ce la voie judiciaire qui permettra enfin de mettre les responsables en face de leurs magouilles et crimes, et de les leurs faire payer ?
Un aspect qui me semble nouveau dans l’affaire des fonds « égarés », c’est que l’administration Bush n’a fait que couvrir le (présumé) détournement, en fait perpétré sous Clinton en 99. Dès l’année suivante, le phénomène s’est considérablement ralenti (ou alors caché plus profondément, en attendant les nouveaux « gaspillages » de la guerre en Irak ?). Cela montre que le pouvoir militaire, dont la gestion confiée par le président démocrate au républicain Cohen, « transcende les clivages politiques », et son contrôle comme sa mise en accusation seront l’objet d’une terrible bagarre.
Des politiciens non impliqués seront donc très difficiles à trouver, d’autant que les moins corrompus disparaissent du paysage. Coup de chapeau en passant à McKinney : quel Homme, cette femme !
Correctif à l’intention de l’auteur:
Rumsfeld n’était pas secrétaire d’État, mais secrétaire à la Défense.
Remarque pertinente. L’usage de « secrétaire d’Etat » est réservé au responsable du Département d’Etat et n’est pas approprié, même incidemment, pour qualifier le responsable du Département de la Défense. Merci Fulcanelli pour cette lecture attentive.
- Année Fiscale 1999 : 2300 milliards de dollars manquants.
- Année Fiscale 2000 : 1100 milliards de dollars manquants.
Ok les dollars manquent !
mais où sont-ils passés ?
a quels projets ont-ils été affectés ?
Il y a t-il quelques pistes ?
Membre du Congrès, Cynthia McKinney utilise le terme « manquants » pour caractériser les 3400 milliards de dollars qui correspondent à des dépenses effectuées sur le budget du Pentagone en 1999 et 2000. Mais précisément, les rapports d’audit de ces deux années font valoir que ces dépenses ne sont pas justifiées par les documents nécessaires, dans le cadre de la comptabilité, permettant d’identifier correctement leur destination.
C’est donc le coeur du problème posé ici : depuis onze ans, aucune instance aux Etats-Unis n’a été en mesure d’expliquer qui a bénéficié de ces budgets, pour quels produits ou services, et dans le cadre de quels projets.
Vos questions sont compréhensibles et légitimes, cependant l’objet de cet article n’est pas de tenter quelque spéculation sur l’usage qui a été fait de ces masses financières, mais de mettre en lumière les documents officiels, les déclarations de responsables au pouvoir et l’enchainement significatif des faits démontrant les anomalies survenues au sein même de l’appareil d’Etat américain dans le cadre du 11-Septembre.
La piste de l’argent est intéressante à suivre, 3400 milliards de dollars c’est plus de 5 années de budget du pentagone, c’est 850 Porte-avions Nucléaire. Cela ne peut pas passer inaperçu…
Si on rajoute les 9000 milliards de dollars de la Réserve Fédérale américaine ( FED ) qui semble s’être égarés dans la nature en 2009 et tout ce qui n’est pas encore découvert, je me demande quel peut bien être le projet que certains cherchent à financer discrètement ?
Sans trop spéculer, on doit pouvoir se payer une planète tout équipée à l’autre bout de l’univers pour ce prix là…
On mesure avec ce scandale puissance 10 l’ampleur de l’hypnose collective dans laquelle le monde git……TERRIFIANT !
Bravo à l’auteur pour ce travail sobre et méticuleux! Content de voir que vous vous abstenez de spéculer. La narration des faits et de leurs rapports suffit à exposer la corruption massive qui caractérise l’état voyou suprême et la menace terrible qu’il représente pour la vie sur Terre.
On parle bien de la mafia, là? Non?
Finalement, les « Cosa-Nostri » sont vraiment de doux agneaux et de petits joueurs à côté.
L’élément ironique, c’est que dans la mafia, il ne faut jamais parler, jamais donner de noms, jamais parler de lobby qui tire les ficelles. Sinon « pan-pan ». Un tabou quoi.
Comme dans chaque Etat.
Cette cohérence m’interpelle quelque part….J’entends son doux murmure….