Afghanistan: Rien ne va plus (4) par Michael Moore…

Michael Moore a questionné le 11-Septembre dès 2004 avec son film Fahrenheit 9/11, palme d’or la même année, un an après le discours de Dominique de Villepin à l’ONU refusant d’engager la France dans une guerre en Irak. Il y remonte la piste saoudienne, comme Guillaume Dasquié dans son "Oussama, la vérité interdite", qui avait attiré sur lui les foudres de Khalid Ben Mahfouz, banquier saoudien décédé l’an passé. Entertainment Weekly vient d’ailleurs de le classer premier d’une série de douze films documentaires "qui ont changé le monde". Où l’on voit George Bush lui intimer l’ordre de "se trouver un vrai métier" au lieu de déambuler dans les halls d’hôtel ou les ministères et troubler l’ordre des puissants.

Puis lors d’une avant-première de son film SICKO, le 17 juin 2007 à New York, il avait déclaré que suite aux nombreuses discussions qu’il a eues avec les pompiers de New York, dont beaucoup souffrent aujourd’hui de troubles et d’infections respiratoires, il les avait entendu faire part de nombreuses explosions, et que selon lui "il y avait encore beaucoup plus à dire sur cette histoire que ce qu’on nous en a dit", et qu’il "soutenait une nouvelle enquête pour établir toute la vérité avant qu’on ne s’éloigne trop [de cette date]". Il se considère comme "le premier à vouloir visionner la centaine de vidéos faites autour du Pentagone" parce qu’ "il connait bien l’endroit pour y avoir déjà tourné".

Même si dans cet article Michael Moore s’en tient au constat de la culpabilité d’extrémistes islamistes pour ces attentats, il est intéressant de constater que sa verve et son approche des faits de guerre en Afghanistan, cynique pour certains, lucide pour d’autres, le conduisent à la même conclusion que le Mouvement international pour la vérité sur le 11/9 : nous devons quitter immédiatement et sans condition l’Afghanistan, comme 70% des Français le souhaitent selon l’IFOP (cherchez l’erreur)…

Enfin, comment ne pas comprendre que cette donnée machiavélienne fondamentale, selon laquelle il faudrait absolument protéger les faibles malgré eux et contre eux-mêmes, prête à duplicité et a été parfaitement assimilée par les dirigeants impliqués dans la pseudo-guerre afghane, et qu’ils s’en servent comme autojustification de leur politique de tension et d’apeurement des populations que Michael Moore dénonce ici. Après tout, tous les moyens sont bons en politique comme ailleurs pour se donner de bonnes raisons de dormir tranquille, bien calé sur ses certitudes du travail bien fait, tandis que la rue vote massivement contre. 

Voici donc en exclusivité un Président Obama qui pour le coup, mériterait enfin son prix Nobel. A vous de juger.

 

 

12 juillet 2004, couverture de Time Magazine à la suite de Fahrenheit 9/11

 


Une guerre insensée entame sa dixième année….

Voici un discours à la Nation du Président Barack Obama…. tel que rapporté par Michael Moore

 

Jeudi 7 octobre 2010, par Micheal Moore, sur michaelmoore.com 

 

 

" Mes chers concitoyens américains, 

Il y a aujourd’hui neuf ans, nous avons envahi l’Etat-nation afghan. Je venais d’avoir 40 ans. J’avais un discman, je roulais en Oldsmobile (1) et je m’intéressais vraiment au LiveJournal (2). C’était il y a bien longtemps.  C’est si loin, quelqu’un se souvient-il encore des raisons qui nous ont poussés  à aller là-bas ? Je crois que tout le monde voulait capturer Oussama Ben Laden pour le traîner devant la Justice. Mais il a filé à un moment ou un autre dès le mois suivant. Il s’est tiré. Nous sommes restés. Maintenant, quand on y regarde de plus près, cela n’a aucun sens.

Puisque nous devions trouver une autre raison pour la mission, nous avons décidé de renverser les extrémistes religieux qui s’occupaient de l’Afghanistan. Et c’est ce qu’on a fait. Enfin… à peu près. A la différence d’Oussama, eux ne sont jamais partis. Pourquoi ? Eh bien… ils étaient afghans, c’était leur pays. Et – quoi de plus étrange – beaucoup d’autres Afghans les soutenaient. A ce jour, les Taliban n’ont que 25000 combattants armés. Pensez-vous vraiment qu’une armée aussi minuscule pourrait contrôler et anéantir une nation de 28 millions d’habitants contre leur volonté ? Qu’est-ce qui cloche là-dedans ? Mais p… ain qu’est-ce qui se passe vraiment là-bas ?

La vérité, c’est que je ne trouve pas de réponse. Mes généraux ne savent pas très bien me dire quelle est notre mission. Si nous sommes allés là-bas pour déloger Al-Qaïda, bon, ils sont partis aussi. La CIA me dit qu’il en reste moins de 100 parmi eux dans tout le pays ! (3)

Mes généraux ont aussi reconnu devant moi les points suivants :

1/ Nous ne pouvons vaincre les Taliban d’aucune manière. Ils bénéficient d’un soutien populaire bien trop important dans les zones rurales, qui représentent la majorité du territoire.

2/ Même si nous sommes là depuis neuf ans, la vérité est que ce sont les Taliban, pas nous, pas le gouvernement afghan, qui contrôlent le pays.  Au bout de neuf ans, nous avons complètement délogé les Taliban… de 3% de l’Afghanistan. Trois pour cent !!! (juste pour mémoire, il nous a fallu onze mois après le Débarquement pour battre complètement les nazis dans toute l’Europe).

3/ Nos troupes et leurs commandements essayent toujours d’apprendre la langue, la culture, les coutumes de l’Afghanistan. Le fait est que nos troupes n’ont pas la confiance des gens de la rue (surtout après avoir tué tant de civils, soit par imprudence, soit "pour le sport").

4/ Le gouvernement afghan que nous avons installé est corrompu au-delà de l’imaginable. La population n’a pas confiance en lui. Le président Karzaï est sous antidépresseurs et nos conseillers nous apprennent qu’il est souvent imprévisible et loufoque. Son frère a des relations cordiales avec les Taliban et est soupçonné d’être un important trafiquant de pavot (héroïne). Les fleurs de pavot sont la ressource numéro un de l’économie afghane.

La guerre en Afghanistan est un vrai "b… el". L’insurrection grandit – et pourquoi en serait-il autrement : les troupes étrangères ont envahi et occupé leur territoire ! Les personnes responsables du 11-Septembre n’y sont plus. Alors pourquoi y sommes-nous toujours ? Pourquoi exposons-nous les vies de nos fils et filles chaque jour un jour de plus – pour des raisons que personne n’est capable d’expliquer.

En fait, la seule raison que je vois, c’est que cette guerre permet aux contractants de la Défense d’empocher des milliards de bénéfice. Est-ce là une bonne raison de rester que de permettre à Halliburton de publier des profits trimestriels encore plus énormes ?

Pour moi, il est temps de ramener nos troupes à la maison – tout de suite. Plus un seul Américain ne doit mourir là-bas. Leur mort ne nous rend pas la vie plus sûre, et n’apporte pas la démocratie en Afghanistan.

Ce n’est pas notre mission que de vaincre les Taliban. C’est le boulot du peuple afghan – si c’est ce qu’il choisit de faire. Il y a beaucoup de groupes ou de dirigeants critiquables dans le monde. Nous n’allons pas envahir trente pays et renverser tous ces régimes. Ce n’est pas notre boulot.

Je ne vais pas rester en Afghanistan simplement parce que nous y sommes déjà, et que nous n’avons pas encore "gagné". Il n’y a rien à gagner. Personne, de Gengis Khan à Leonid Brejnev, n’a été capable de l’emporter là-bas. Alors les troupes doivent rentrer à la maison.

Je refuse de contribuer à effrayer le peuple américain avec une stupide "guerre contre la terreur". Les terroristes existent-ils ? Oui. Frapperont-ils encore ? Malheureusement, oui. Mais ces actes terroristes sont isolés et sporadiques, et ne devraient pas nous dicter notre façon de vivre au quotidien, ou nous pousser à ignorer des droits constitutionnels (4). Ils ne devraient pas nous distraire de ce que doivent être nos vraies priorités pour rendre notre pays plus sûr et mieux sécurisé : que chacun ait un bon travail, que les familles aient la possibilité de posséder leurs propres maisons et d’envoyer leurs enfants à l’école, qu’un système de santé universel soit coordonné par vos représentants élus au gouvernement – pas par des compagnies d’assurances cupides et avides de profits. C’est CELA qui constituerait une vraie sécurité intérieure (5).

Et au sujet d’Oussama Ben Laden ? Neuf années et nous ne sommes pas foutus de retrouver un homme arabe d’ 1 mètre 93 ("6 feet 5 inches") qui apparemment est sous dialyse ? Même après avoir offert 25 millions de dollars à quiconque nous dirait où il est ? Vous ne pensez pas que quelqu’un aurait cafté là-dessus depuis tout ce temps ?

Voilà ce que je sais : Oussama Ben Laden est un multimillionnaire – et s’il y a bien quelque chose que j’ai appris sur les riches, c’est qu’ils ne vivent pas dans des grottes pendant neuf ans. Ben Laden est soit mort, soit planqué dans un endroit protégé par son argent. Ou peut-être est-il simplement rentré à la maison.

Et nous devrions faire de même. Tout de suite. Mes condoléances vont aux familles de tous ceux qui sont morts dans cette guerre. La plupart d’entre eux ont signé après le 11 Septembre (6) et voulaient accomplir leur devoir parce qu’ils avaient été attaqués. Mais nous n’avons pas été attaqués par un pays. Nous avons été attaqués par une poignée d’extrémistes religieux. Et vous ne venez pas à bout d’une bande de voyous (NdT: !) en expédiant à l’autre bout du monde des milliers de véhicules blindés et des centaines de milliers de soldats. C’est complètement idiot.

Et cela prend effet ce soir.

Que Dieu soit avec vous.

Je ne suis pas un musulman."

(fin du discours, tel que transcrit par Michael Moore).

 


lu sur le site de MichaelMoore:

  • U.S. Military Deaths (Afghanistan) 1245
  • U.S. Military Wounded (Afghanistan) 7266
  • U.S. Military Deaths (Iraq) 4424
  • U.S. Military Wounded (Iraq) 31951
  • Excess Iraqi Deaths 655000

 


Notes de traduction

(1) la marque Oldsmobile, filiale de General Motors, n’existe plus depuis la restructuration du géant de Détroit suite à la crise de 2000 / 2001. La dernière Oldsmobile sortie des chaines fut une Alero le 29 avril 2004.

(2) liveJournal est un ancien site pour créer des blogs proposant en ligne des fictions au sens large, d’apprentis-écrivains. Nous pensons que Moore oppose cette utilisation raisonnée de l’expression directe sur le net, à l’hyperréalité instinctive d’un réseau comme Facebook qui monopolise les internautes parfois de façon frénétique depuis les années 2000..

(3) en France, M. Alain Chouet, ancien de la DGSE a dressé exactement le même constat le 29 janvier 2010 devant la commission des affaires étrangères du Sénat. Il a même appuyé sa conférence d’un article de haut vol paru dans la revue mensuelle militaire "MARINE".

(4) en cause ici la polémique juridique qui entoure aujourd’hui encore la légitimité internationale mais aussi constitutionnelle des lois américaines du Patriot Act (qui continuent d’essaimer dans le monde). Ceci dit, ces mots résonnent en France avec beaucoup d’écho au moment même où nos ressortissants sont attaqués de toutes parts (Afghanistan, Niger, Mali), et où notre Mère-patrie est menacée sur son sol aux dires des experts anglos-saxons, et donc "vigipiratée" jusqu’au fond de nos chaussures, tout ceci dans l’indifférence ou presque de nos concitoyens dont nous ne savons pas si c’est de la lucidité, le bon sens ou l’inertie du peuple, ou le fruit d’une anesthésie générale provoquée par ailleurs par les mêmes qui ne savent pas doser leurs injections de tension.

(5) allusion au Homeland Security Act, la plus grande réforme administrative et juridique américaine en matière de sécurité intérieure, qui inclut le Patriot Act, et dont s’est inspiré notre président français lors de sa prise de fonction en 2007 pour réorganiser nos propres services de renseignement (création de la DCRI), notre administration militaire (divers regroupements et redécoupages) et nos forces de police (regroupement avec la gendarmerie autrefois militaire).

(6) une donnée fondamentale de cette pseudo-guerre, que le clairvoyant David Ray Griffin a parfaitement mise en avant dans un long article sur la justification de la guerre en Afghanistan (en cours de traduction), est que cette pseudo-guerre ne repose pas sur la conscription, comme  la Seconde Guerre Mondiale ou la guerre du Vietnam, mais sur l’engagement volontaire:

David Ray Griffin: "Bien qu’il y ait beaucoup de ressemblances [entre la guerre du Vietnam et la guerre en Afghanistan], il y a aussi une énorme différence : cette fois, il n’y a pas de conscription.  S’il y avait la conscription, de sorte que  les étudiants de l’Université et leurs amis de retour à la maison, soient envoyés en Afghanistan, il y aurait d’énormes manifestations contre cette guerre sur les campus dans tout le pays. Si les fils et les filles de parents aisés des classes moyennes revenaient dans des cercueils, ou avec des blessures à vie, ou avec des syndromes de stress post-traumatique, cette guerre aurait été stoppée il y a bien longtemps. Les gens ont souvent demandé: "Avons-nous appris quelque chose des leçons du Vietnam?" Le gouvernement américain en a appris une: Si vous ne voulez pas mener une guerre impopulaire, ne recourez pas à la conscription – embauchez des mercenaires ! "

 


En lien avec cet article: 

 


 

3 Responses to “Afghanistan: Rien ne va plus (4) par Michael Moore…”

  • xav

    Michae Moore comme bon nombre d’américains ferait bien de prendre des cours d’Histoire
    « (juste pour mémoire, il nous a fallu onze mois après le Débarquement pour battre complètement les nazis dans toute l’Europe). »

    et les coco’s n’ont-ils pas pris Berlin?

    L’ennui avec m moore cest que derrière une réflexion intéressante, revient très vite la propagande bien crasse qu’il a toujours dans la tête.

  • luisa

    Aux Etats-Unis, plusieurs pensent qu’Obama a été mis là à Washington le temps pour les Républicains de se « refaire une beauté » après 8 années de Bush.

    En ce qui concerne la politique étrangère d’Obama, il n’y a pas beaucoup de différence avec celle de Bush/Cheney. Il avait promis de fermer Guantanamo et ceci n’a pas été fait. Il y a des gens absolument innocents qui languissent dans cette prison depuis plusieurs années et personne n’en parle. Il avait promis d’arrêter ces sales guerres illégales. Oh, il a retiré quelques troupes en Iraq mais pour en laisser 50,000 en plus des mercenaires qui sont grassement payés pour accomplir leur boulôt horrible.

    Les assassinats de civils au Pakistan on augmenté à une vitesse vertigineuse sous sa présidence. En Afghanistan, la prison de Baghram est utilisée de la même manière que Guantanamo (prisonniers en cellule sans accusation ni procès, sans oublier les tortures) sauf qu’on n’en parle pas autant.

    Finalement, Obama est un homme aux beaux discours, pas plus!

    Et si l’exagération de menaces terroristes ne fonctionne plus, j’ai bien peur qu’on passera à l’action.

  • Jean-Michel

    Il serait temps que l’on comprenne que le bipartisme « de gouvernement » et son l’alternance, sur le modèle Républicains-Démocrates, Conservateurs-Travaillistes ou UMP-PS, est en soi un « système » cohérent. Exactement comme on navigue avec une godille, en donnant alternativement un coup à gauche et un coup à droite, mais pour aller dans la même direction.

    Dans ce partage des rôles, le versant le plus « à droite » impose avec brutalité et sans états d’âme la loi des plus riches. Tandis que le versant sensé être « à gauche » a une double fonction : d’abord fournir quelques pansements charitables (genre RMI, CMU) mais sans revenir sur les causes des blessures ; ensuite, profiter de son image « de gauche » pour ouvrir des brèches dans des protections antérieures (comme l’épargne salariale ou la déréglementation financière).

    Mais globalement, ils ont le même programme, qui en Europe, est parfaitement résumé par le traité de Lisbone, ratifié en choeur. Voilà pourquoi l’Obamania de 2008 était encore un nouveau miroir aux alouettes et seuls les naïfs s’en étonnent encore…

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