La stratégie face au terrorisme débattue au Sénat français: Al-Qaïda est morte en 2002!

Suite à notre précédente ReOpenNews consacrée à l’article "Afghanistan, le désert des Tartares ?" d’Alain Chouet, ancien chef de service à la DGSE, nous vous proposons cette présentation mise en ligne par le Sénat.

Les discussions qui se sont tenues fin janvier devant la Commission des Affaires étrangères ne peuvent être comparées à ce qui s’est passé à deux reprises au Sénat japonais, toutefois, cela est pour le moins notable et réjouissant, tant le discours qu’on a pu y entendre se situait à des années-lumières de la soupe indigeste que les médias nous servent depuis bien trop longtemps sur le 11-Septembre et la “nébuleuse al-Qaïda” .

Vous vouliez savoir ce que pensent nos “espions” d’al-Qaïda ? Attention les masques tombent, et la langue de bois n’est pas de celles pratiquées par M. Chouet. C’est tout un pan du discours (et de l’action citoyenne) de l’association ReOpen911 qui est ici brillamment développé sans faux-semblants par M. Alain Chouet,* ancien directeur  du service à la DGSE.

Nous joignons plus bas la transcription complète de ce document. Force est de constater que les propos, tenus dans un lieu qui certainement, ne saurait accueillir “d’affreux conspirationnistes”, sont exactement les mêmes que l’association ReOpen911 relaie modestement mais avec tenacité sur son site internet. Ce dont nous nous réjouissons profondément…

Voilà de quoi oublier les petites attaques sans fondement des mercenaires de la désinformation qui n’accordent aucune importance  à la déontologie de leur profession  pourtant clairement énoncée dans la Charte de Munich.
 


 http://www.dailymotion.com/video/xcdlv5_ex-chef-de-la-dgse-al-qaida-est-mor_news


Ex-chef de la DGSE: "Al Qaida est mort en 2002" Alain Chouet
envoyé par ReOpen911. – L’info internationale vidéo.

 


 
Transcription de la présentation de M. Chouet à la Commission des Affaires étrangères du Sénat, le 29 janvier 2010 :

(Les passages les plus intéressants ont été mis en gras par ReOpenNews)

"Ces questions ne m’apparaissent pas si byzantines qu’il y paraît: comme bon nombre de mes collègues professionnels à travers le monde, j’estime sur la base d’informations sérieuses et recoupées qu’al-Qaïda est morte sur le plan opérationnel dans les trous à rats de Tora-Bora en 2002. Les services pakistanais se sont ensuite contentés, de 2003 à 2008, à nous en revendre les restes contre quelques générosités et indulgences diverses. Sur les quelque 400 membres actifs de l’organisation qui existait en 2001, moins d’une cinquantaine de seconds couteaux (à l’exception d’Oussama ben Laden et d’Ayman al-Zawahiri qui n’ont aucune aptitude sur le plan opérationnel) ont pu s’échapper et disparaître dans des zones reculées, vivant dans des conditions de vie précaires, et disposant de moyens de communication rustiques ou incertains. Ce n’est pas avec un tel dispositif que l’on peut animer à l’échelle planétaire, un réseau coordonné de violence politique. D’ailleurs il apparaît clairement qu’aucun des terroristes auteurs des attentats post 11-Septembre (Londres, Madrid, Charm-el-Sheikh, Bali, Casablanca, Djerba, Bombey, etc) n’a eu de contact avec l’organisation. Quant aux revendications plus ou moins décalées qui sont formulées de temps en temps par ben Laden ou Zawahiri, à supposer d’ailleurs qu’on puisse réellement les authentifier, elles n’impliquent aucune liaison opérationnelle, organisationnelle, fonctionnelle entre ces terroristes et les vestiges de l’organisation. 


Toutefois, je suis bien obligé de constater comme tout le monde qu’à force de l’invoquer à tout propos, et souvent hors de propos, dès qu’un acte de violence est commis par un musulman, ou qu’un musulman se trouve au mauvais endroit au mauvais moment (comme dans l’affaire de l’usine AZF à Toulouse), ou même quand il n’y a pas de musulman du tout (comme dans le cas des attaques à l’anthrax aux Etats-Unis) à force de l’invoquer en permanence, un certain nombre de médias réducteurs et quelques soi-disant experts de part et d’autres de l’Atlantique ont fini non pas par la ressusciter, mais par la transformer en une espèce d’Amédée de l’auteur Eugène Ionesco, ce mort dont le cadavre ne cesse de grandir et d’occulter la réalité, et dont on ne sait pas comment se débarrasser. 
L’obstination incantatoire des Occidentaux à invoquer l’organisation mythique Al-Qaïda (qu’on a qualifiée d’hyperterroriste non pas par ce qu’elle a fait, mais parce qu’elle s’est attaquée à l’hyperpuissance), a eu rapidement deux effets pervers: 


Premier effet: tout contestataire violent dans le monde musulman, qu’il soit politique ou de droit commun, quelles que soient ses motivations, a vite compris qu’il devait se réclamer d’al-Qaïda s’il voulait être pris au sérieux, s’il voulait entourer son action d’une légitimité reconnue par les autres, et s’il voulait donner à son action un retentissement international. Parallèlement à cela, tous les régimes du monde musulman, et ils ne sont pas tous vertueux nous le savons, ont bien compris qu’ils avaient tout intérêt à faire passer leurs opposants et leurs contestataires quels qu’ils soient pour des membres de l’organisation de ben Laden, pour pouvoir les réprimer tranquillement et même si possible avec l’assistance des Occidentaux. D’où une prolifération d’al-Qaïdas plus ou moins désignées ou autoproclamées, en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Somalie, au Maghreb, et ailleurs “al-Qaïda dans la péninsule arabique”…


Le principal résultat de cette dialectique imbécile a bien évidemment été de renforcer le mythe d’une al-Qaïda omniprésente, tapie derrière chaque musulman, prête à l’instrumentaliser pour frapper l’Occident en général, et les Etats-Unis en particulier, au nom d’on ne sait pas trop quelle perversité. Et cette vision là elle procède de plusieurs erreurs d’appréciation et de perspective et elle génère surtout des ripostes totalement inadaptées. Parce que si al-Qaïda n’existe pas, la violence politique islamiste existe, elle, bel et bien. Et l’Occident n’en est qu’une victime indirecte et collatérale. Les idéologues de la violence islamique ne sont pas des fous de Dieu: ce sont des gens qui ont des objectifs précis. Et leur objectif n’est pas d’islamiser le monde, c’est de prendre le pouvoir et les richesses qui y sont liées dans le monde musulman, sans que l’Occident n’intervienne… Un peu à la manière d’Hassan al-Tourabi à son époque au Soudan. Ainsi, même si l’amour-propre des Occidentaux doit en souffrir, il faut répéter sans cesse que les principales, les plus nombreuses et les premières victimes de la violence islamiste sont les musulmans.

L’épicentre de cette violence islamiste n’est ni en Afghanistan ni en Irak; il est en Arabie saoudite. C’est ce pays que visait d’abord le manifeste contre les juifs et les croisés qui était à la fin des années 1990 le texte fondateur de l’organisation de ben Laden, et ce manifeste visait la famille royale saoudienne bien avant les juifs et les croisés. C’est aussi ce pays qui est le seul au monde à porter un nom de famille (NdlR: en référence à Ibn Saoud, fondateur de la dynastie). Toute proportion gardée, l’Arabie saoudite se trouve dans une situation comparable à celle du premier semestre 1789. Une famille s’est établie au pouvoir en 1926 en basant sa légitimité sur une base religieuse et en usurpant la garde des lieux saints de l’islam à ses titulaires historiques qui étaient la famille des hachémites. Cette famille, les Saoud, composée aujourd’hui d’à peu près 3000 princes, exerce sans partage la totalité du pouvoir et accapare la totalité d’une rente astronomique provenant de l’exploitation du sous-sol le plus riche du monde entier en hydrocarbures.

Afin de conserver sa légitimité face à toute forme de contestation, la famille saoud à fermé la voie à toute forme d’expression démocratique ou pluraliste. Elle répand une pratique de l’islam la   plus fondamentaliste possible pour se mettre à l’abri de toute forme de surenchère dans ce domaine, (un peu comme l’URSS ne voulait pas de “surenchère à gauche”, elle ne veut pas de “surenchère en islam”). Seulement avec le temps les retombées de la rente des hydrocarbures ont tout de même donné naissance à diverses formes de commerces et d’industrie auxquelles les princes, comme tous les princes, ne sauraient toucher sans déroger, et qu’ils ont donc concédé moyennant participation aux bénéfices à des entrepreneurs roturiers majoritairement issus de pays voisins mais étrangers, évidemment musulmans, principalement des Yéménites, dans une large mesure à des Levantins (Syriens, Libanais, Palestiniens…)

Et alors que l’avenir du pétrole s’avère incertain,* ces entrepreneurs font observer à juste titre (comme les bourgeois du Tiers Etat en 1789), que ce sont eux qui font “tourner la boutique” et qu’ils préparent l’avenir du pays, et que dans ces conditions il ne serait que justice qu’on les associe d’une manière ou d’une autre à l’exercice du pouvoir ou à la gestion d’une rente que la famille régnante, je vous le rappelle, assimilait le plus légalement du monde à sa cassette personnelle. Problème: comment faire passer ces revendications dans un pays où toute forme d’expression pluraliste est exclue par définition ? Quelle légitimité peut-on opposer à un pouvoir qui se réclame de l’adoubement divin ? Quelles pressions exercées sur un régime familial qui bénéficie à titre personnel depuis 1945, suite au pacte de Quincy conclu entre le vieux ben Saoud et le président Roosevelt, de la protection politique et militaire de l’hyperpuissance américaine en échange du monopole de l’exploitation des hydrocarbures ?  A l’évidence les contestataire de cette théocratie n’ont que le recours à un mélange plus ou moins dosé de violence révolutionnaire et de surenchère fondamentaliste à l’encontre de ce pouvoir et de ses protecteurs extérieurs. Et ce n’est donc pas un hasard si on trouve parmi les activistes islamistes les plus violents un nombre significatif d’enfants de cette bourgeoisie qui sont privés de tout droit politique mais surement pas ni de moyens ni d’idées; et Oussama ben Laden est au nombre de ceux-là: il s’est trouvé propulsé dans le champ de la violence, de l’intégrisme par ces nobles saoudiens, qui trouvaient expédiant de faire protéger les intérêts extérieurs du royaume par les enfants de leurs valets plutôt que par les leurs. C’est l’erreur classiques des parvenus.

Au gré de leurs picaresques aventures, ces jeunes gens, ces fils de bourgeois, ont fait de mauvaises rencontres, ont subi de mauvaises influences, et ils sont revenus sur le terrain pour mordre la main de leur maître. C’est ainsi que dès le milieu des années 1980, une surenchère permanente au caractère religieux et au contrôle de l’islam mondial entre la famille Saoud et ses rivaux et opposants à l’intérieur comme à l’extérieur (rivalités chiites-sunites, l’Iran-Arabie, …) Cette surenchère s’est essentiellement traduite, faute de ressources humaines (dans les renseignements extérieurs), par le seul moyen qui ne manque pas en Arabie: l’argent. Des fonds souvent distribués de façon inconsidérée dans l’ensemble du monde musulman et des communautés immigrées qui ont atterri dans l’escarcelle de ceux qui pouvaient s’en servir, c’ est à dire de la seule organisation islamiste internationale bien structurée: l’association des frères musulmans et surtout de sa branche transgressive, violente, que sont les Jamaa Islamyyah et autres groupes islamistes dont l’al-Qaïda de ben Laden n’était à mon sens que l’une des nombreuses manifestations. De fait partout où la violence djihadiste s’exprime, (dans les zones les plus fragilisées du monde musulman) sa genèse repose toujours sur la même logique ternaire. Premier élément: une surenchère idéologique et financière du régime saoudien…

Deuxième élément: une forte implantation locale de l’association des frères musulmans ou de ses émanations… qui surfent habilement sur les contradictions politiques, économiques, sociales pour dresser les masses contre les pouvoir locaux et pour dissuader l’Occident de se porter à leur secours ou d’intervenir: pour être tranquille chez soi, il faut rendre le monde musulman haineux et haïssable. Troisième élément: un réel penchant de la diplomatie et des “services” occidentaux, américains en tête, à soutenir dans le mode entier, souvent militairement, les mouvements politiques les plus réactionnaires et intégristes sur le plan religieux, comme remparts contre l’Union soviétique jusque dans les années 1990, et aussi dans la politique de containement de l’Iran, depuis les années 1980. Ce cocktail de 3 éléments produit pour des raisons très différentes… les mêmes effets au Pakistan, en Afghanistan, en Irak, en Somalie, au Yémen, en Indonésie, au Maghreb, au Sahel et jusque dans les zones de non-droit des communautés musulmanes immigrées en Occident…

Je ne vais pas entrer dans le détail de ces différentes situations de violence politique, mais il faut bien constater que si elles se développent toutes suivant à peu près le même cheminement, elles correspondent à ces problématiques locales totalement hétéroclites et mettent en jeu des acteurs qui ne communiquent que très peu entre eux. S’ils se réclament tous du même drapeau mythique, c’est parce qu’ils savent bien que ce drapeau a valeur de croquemitaine pour les pays d’Occident en général, et les États-Unis en particulier, qui sont tous supposés apportés leur soutien aux régimes les plus contestés. Alors bien sûr, Mme Benguigua, on pourra toujours m’objecter que puisque la violence djihadiste existe bien, et qu’elle se développe un peu partout suivant les mêmes schémas, peu importe qu’on l’appelle al-Qaïda qui ne serait que l’appellation générique d’une certaine forme de violence intégriste mondialisée. Un certain nombre de journaliste devenus plus prudents maintenant, nous parlent de la “nébuleuse al-Qaïda”: le problème est qu’une telle confusion sémantique est à l’origine de toutes les mauvaises réponses et exclut de facto toute solution adaptée au problème.

Il existe en effet deux façons de passer à la violence terroriste politique. Ou bien l’on constitue un groupe politico-militaire organisé et hiérarchisé (avec un chef, une mission, des moyens, une tactique coordonnée, un agenda précis, des objectifs définis), ce qui revient à constituer une armée avec des professionnels de la violence, et à s’engager dans un processus d’affrontement de type militaire. C’est ou cela a été le cas de la plupart des mouvements terroristes révolutionnaires ou indépendantistes en Europe, en Amérique du Sud, au Proche-Orient jusqu’à la fin du XX° siècle. Ou bien on a recours à la technique dite du “Lone Wolf” (le loup solitaire) qui consiste en gardant un pied dans la légalité et en posant l’autre dans la transgression à jouer idéologiquement sur une population sensible pour inciter ses éléments les plus fragiles, les plus motivés, à passer à l’action de façon individuelle ou groupusculaire, en frappant où ils peuvent, quand ils peuvent, comme ils peuvent, peu importe pourvu que cela porte la signature de la mouvance et s’inscrive dans sa stratégie générale. Cette tactique du Lone Wolf n’est pas nouvelle, elle est même ancienne et bien connue aux États-Unis; elle a été théorisée par M. William Pierce dans ses Turner Diaries, best-seller aux USA pendant quasiment toute la décennie des années 1990, et qui inspira la plupart des militants violents de la suprématie blanche et des ultrafondamentalistes chrétiens. Cette technique prévalut dans les attentats d’Atlanta, d’Oklahoma City et dans nombre d’actions individuelles dont le total des victimes approche et dépasse même celui des morts du 11-Septembre. C’est cette même technique qui est mise en œuvre par des groupes dans le Tiers-Monde, comme les Loups Gris en Turquie,** ou les Frères Musulmans dans le monde arabe et musulman. Si certaines formes de violence locales dans le monde arabe empruntent au premier modèle, c’est à l’évidence suivant le second modèle que fonctionne la violence djihadiste exercée en direction de l’Occident et de certains régimes arabes.

Tous les services de sécurité et de renseignement savent pertinemment que l’on ne s’oppose pas à la technique du Lone Wolf par des moyens militaires, des divisions blindées, ou par une inflation de mesures sécuritaires indifférenciées. On s’y oppose par des mesures sécuritaires ciblées, appuyées par des initiatives politiques, sociales, économiques, éducatives et culturelles qui visent à assécher le vivier des volontaires potentiels, en les coupant de leurs sponsors idéologiques et financiers. Non seulement (et là je vous renvois à différents rapports du Trésor américain) rien de sérieux n’a été entrepris pour tenter d’enrayer le substrat financier et encore moins le substrat idéologique de la violence djihadiste, mais en désignant al-Qaïda comme l’ennemi permanent contre lequel il faut mener une croisade par des voies militaires et sécuritaires totalement inadaptées à sa forme réelle, on a pris une mitrailleuse pour tuer un moustique ! Evidemment on a raté le moustique mais les dégâts collatéraux sont patents comme on peut le constater au quotidien en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Yémen... Et le premier effet de cette croisade ratée a été d’alimenter le vivier des volontaires, de légitimer cette forme de violence, d’en faire le seul référentiel d’action et d’affirmation possible dans un monde musulman dont l’imaginaire collectif est traumatisé maintenant par une loi universelle des suspects qui pèse sur eux, par des occupations et des interventions massives, interminables et aveugles. Depuis 9 ans, l’Occident frappe sans grand discernement en Irak, en Afghanistan, dans les zones tribales du Pakistan, en Somalie, en Palestine bien sûr, (et on se propose maintenant d’intervenir au Yémen et pourquoi pas pendant qu’on y est en Iran !), mais aux yeux des musulmans, ben Laden court toujours au nez et à la barbe de la plus puissante armée du monde et le régime islamiste d’Arabie saoudite reste sous la protection absolue de l’Amérique.
Pour conclure et essayer d’apporter mon élément de réponse à la question posée à cette table ronde “Où en est al-Qaïda ?”, al-Qaïda est morte entre 2002 et 2004. Mais avant de mourir elle a été “engrossée” par les erreurs stratégiques de l’Occident et les calculs peu avisés d’un certain nombre de pays musulmans et elle a fait des petits ! Le problème pour nous est de savoir si nous commettrons avec ces rejetons malvenus les mêmes erreurs en alimentant un cycle indéfini de violence ou si pour conserver la référence à Ionesco, nous saurons avec nos partenaires arabes et musulmans enrayer la prolifération des rhinocéros.
Merci.
 
(Applaudissements dans la salle. On note que François Habsbourg s’abstient de montrer un enthousiasme feint).
 
Mme Monique Cerisier-Benguigua (sénatrice des Français de l’Étranger): Voilà qui prouve que l’expérience du terrain, et dans des conditions difficiles à voir le nombre de décorations que M. Chouet a accumulé dans son existence, nourrit une réflexion de… vraiment originale et décoiffante; c’était vraiment très très intéressant. 

 

* Voir le livre Pétrole, la fête est finie!   et le film Pétrole et écrans de fumée

** Voir le chapitre Les Armées secrètes en Turquie dans le livre Les Armées secrètes de l’OTAN de Daniele Ganser

Texte retranscrit par Arno Mansouri,
directeur des  Editions Demi-Lune
Pour ReOpen911


Note ReOPen

Nous nous réjouissons que de tels propos soient entendus par nos responsables politiques, car ce texte dans son esprit est similaire au livre La Guerre contre la vérité de M. Nafeez M. Ahmed,  à cette exception (de taille) près que l’auteur britannique met en lumière de manière très documentée les liens troubles et les relations d’intérêts entre les mouvements terroristes islamistes et les services de renseignement anglosaxons.

 


L’actualité – Le contexte

"… en désignant al-Qaïda comme l’ennemi permanent contre lequel il faut mener une croisade par des voies militaires et sécuritaires totalement inadaptées à sa forme réelle, on a pris une mitrailleuse pour tuer un moustique ! Evidemment on a raté le moustique mais les dégâts collatéraux sont patents comme on peut le constater au quotidien en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Yémen..." A. Chouet

Pour rappel :

Le 2 janvier 2010, Le Figaro.fr rapportait : "Attentat manqué : Obama déclare la guerre à al-Qaïda 

"(…) Parlant du suspect nigérian arrêté, Umar Farouk Abdulmutallab, le président américain a ajouté: «Nous savons qu’il venait du Yémen, un pays en proie à une grande pauvreté et à des insurrections mortelles. Il apparaît qu’il y a rejoint une branche affiliée à al-Qaida et que ce groupe de la péninsule arabe l’a entraîné, équipé avec les explosifs et dirigé pour l’attaque de cet avion en route vers l’Amérique».(…) Vendredi, le Premier ministre britannique Gordon Brown a proposé l’organisation d’une réunion internationale de haut niveau le 28 janvier pour discuter des moyens de s’opposer à l’influence d’Al-Qaïda au Yémen. Cette réunion sera organisée au même moment qu’une conférence internationale sur l’Afghanistan qui doit se tenir à Londres. (…)"

Il est difficile de ne pas faire le parallèle entre l’analyse développée par M. Alain Chouet et l’actualité. Voici un condensé du conflit armé qui se joue actuellement sur le territoire afghan, dont nous informent les médias.

En décembre dernier, le Prix Nobel de la Paix (!), Barack Obama annonçait  l’envoi de 30 000 soldats américains en Afghanistan afin de renforcer les effectifs sur le terrain… Ce vendredi marque le déclenchement de l’opération Mushtarak ("Ensemble"), soit l’offensive "la plus massive" selon les responsables militaires, déclenchée depuis fin 2001 contre les talibans. Si le but invoqué par les instances militaires et qui justifie l’opération Mushtarak, est de renforcer l’autorité du gouvernement  de M. Hamid Karzai dans la province du Helmand, grenier à opium de la région et refuge des talibans au sud de l’Afghanistan, cette opération  met d’abord à l’épreuve la stratégie contre-insurrectionnelle élaborée par le commandant de l’ISAF, le général McChrystal et l’administration Obama. Dans la nuit du vendredi 13 février 2010, l’opération  forte de 15 000 soldats (troupes afghanes et internationales), était lancée sur la localité de Marjah qui compte 125 000 habitants. Dans les premières heures de l’offensive, les Marines américains n’ont rencontré que peu de résistance. Le Président Afghan a demandé à ce que les civils, dont des milliers ont déjà pris la fuite, soient épargnés et que les talibans reviennent à la vie civile. Avec 15 000 soldats à l’équipement militaire de haute technologie déployé contre  400 à 1000 insurgés (estimation des instances militaires) dotés d’engins explosifs artisanaux, il est aisé de deviner qui remportera la victoire.  Concernant les troupes, en 2009, 520 soldats étrangers avaient été tués. 2010 comptabilise déjà 66 morts. Sur les 3 500 soldats français actuellement  déployés sur le sol afghan, 40 ont perdu la vie. ( le Point) Du côté adverse, 20 talibans auraient été blessés et 11 capturés. Combien de  victimes dans la population civile afghane ?

L’Express annonçait le 5 février dernier : La France renforce ses effectifs en Afghanistan a minima

Paris envoie 80 instructeurs supplémentaires sur le terrain. On est loin des renforts de 1500 hommes demandés à la France par les Etats-Unis.

Environ 80. Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a enfin dévoilé le nombre de militaires que la France a décidé d’envoyer en Afghanistan, pour augmenter son dispositif. Cette annonce tardive – la décision a été prise en conseil restreint avant la conférence de Londres du 28 janvier – et la relative faiblesse du renfort témoignent de la prudence française dans cette guerre qui n’en finit pas.

Sans surprise, ces soldats seront des instructeurs. Ils devront accompagner la montée en puissance de l’armée nationale afghane, notamment la nouvelle école de blindés et de cavalerie. Les Français formeront également l’ossature d’une nouvelle OMLT (Operational mentoring liaison team, dans le jargon de l’Otan, la 7e tricolore), qui encadre les bataillons afghans. Celle-ci sera déployée, "au printemps", dans la zone de responsabilité des Français, Kapisa-Surobi, à l’est de Kaboul.

Washington envoie 30 000 marines supplémentaires et souhaitait voir ses alliés contribuer à "partager le fardeau".
REUTERS/Goran Tomasevic

Washington envoie 30 000 marines supplémentaires et souhaitait voir ses alliés contribuer à "partager le fardeau".

La France a donc répondu présent aux demandes américaines. Mais a minima. Washington réclamait à ses alliés 5000 soldats supplémentaires, dont 1500 à Paris. On est loin du compte. Pour Nicolas Sarkozy, la question afghane est devenue une affaire intérieure, donc sensible. Depuis l’embuscade de la vallée d’Uzbin, où dix soldats français sont tombés, le 18 août 2008, l’opinion a pris conscience que nos soldats menaient de vraies opérations de guerre. Hostiles à l’intervention militaire en Afghanistan, les Français étaient prêts à accepter des renforts – à une courte majorité: 52%, selon BVA – à la condition qu’il se bornent à former l’armée afghane. Le président semble les avoir écoutés.

"Pas un combattant de plus"

Pressé par les Américains d’accompagner leur propre effort militaire – 30 000 hommes – Nicolas Sarkozy lançait au Figaro l’automne dernier: "Pas un soldat de plus". Une position intenable alors que les Britanniques, les Allemands et les Italiens annonçaient de leur côté des renforts, malgré une forte contestation de leurs opinions publiques. Sur TF1, le 25 janvier, le président a amendé sa position: "Pas un combattant de plus", déclare-t-il.

Une nuance toute rhétorique. Les soldats intégrés dans les OMLT sont bien des formateurs, mais, sur le terrain, il en va autrement. Les Français qui encadrent des soldats afghans sont quotidiennement pris à partie, car ils les accompagnent dans leurs opérations. Plusieurs d’entre eux sont morts. Cependant, l’envoi de moins d’une centaine d’hommes ne devrait pas créer de turbulences intérieures. Aux yeux des alliés, en revanche, la décision française paraît minimaliste: l’Italie doit envoyer un millier de soldats supplémentaires, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, 500 chacun.

 


A. Chouet a été Diplomate et agent de renseignement français, Secrétaire d’ambassade à Beyrouth (1974-76), puis à Damas (1976-79). Il a également  été Directeur du Service de renseignement de sécurité à la Direction générale de la Sécurité extérieure de 2000 à 2002.

N.B. Le "Service de renseignement de sécurité" est la branche anti-terroriste de la DGSE.
 

26 Responses to “La stratégie face au terrorisme débattue au Sénat français: Al-Qaïda est morte en 2002!”

  • Cristof

    En voila un discours sympathique et encourageant.

    Grands MERCI à Mr Chouet que je prononce chouette… il le mérite bien !

  • Bonjour

    Excellent analyse par sa pertinence et son courage !…

  • Bonjour

    Excellente analyse, par sa pertinence et son courage !…

    Lui manque, toutefois, la dimension économique et sociale. L’on sait que le meilleur moyen de lutte contre le terrorisme et la violence politique, c’est : « la Prospérité dans la Justice »…

    Comment faire admettre à des populations le pillage des ressources de leurs pays, sans redistribution équitable, par des puissances étrangères qui les occupent militairement ?…

    Ou qui, dans le meilleur des cas, leur imposent des régimes dictatoriaux , corrompus et détestés, facilitant la spoliation de leurs propres nations : Egypte de Moubarak, Jordanie d’Abdallah, Arabie des Saoud, etc.

    Deux paramètres importants sont édulcorés ou non traités, en général, car devenus des « tabous » provoquant « l’excommunication » dans l’idéologie occidentale :

    i) La résolution impérative du « Problème Palestinien », en commençant par l’application de la quarantaine de résolutions de l’ONU non appliquées à ce jour par Israël…

    ii) Le respect du « droit à l’autodétermination » des peuples et nations de confession musulmane (arabes et non arabes…), A commencer par le retrait des troupes et bases occidentales truffant leurs pays, quand ils ne les bombardent pas au quotidien…

    Nous, nations « judéo-chrétiennes », accepterions-nous d’être occupées militairement par des nations musulmanes, bouddhistes ou shintoïstes, nous imposant des Laval et autres fripouilles dans des élections truquées ?…

    Bien à vous.

    Georges Stanechy

  • Job

    Qui est François Habsbourg ?

  • Fred

    Moi j’aimerais bien lui poser la question à ce Monsieur si Al Qaida avait les moyens avant qu’elle ne meurt entre 2002 et 2004 de frapper les états unis. Il dit qu’Al Qaida est morte dans les grottes (trous à rats comme il le dit) de Tora Bora, est ce façon d’acréditer la VO du 11/09 ? Je ne suis pas certain que son bilan aille dans le sens de la contestation de la VO du 11/09. Point que je trouve positif dans son témoignage : il évoque les videos de Ben Laden et émet un doute quant a leurs authentifications.

  • DOCUMENT « ENQUETE » du jeudi 11 02 sur le site de RADIO CANADA à peu près équilibré ! A VOIR !!

  • EAUX TROUBLES

    Le site GEOPOLINTEL a diffusé en réponse à monsieur Chouet une note de Pierre Henri Bunel sur la véritable origine du mot Al Qaida. Ce texte est extrait de son livre « Proche-Orient, une guerre mondiale ? » paru en octobre 2004 :

    http://www.geopolintel.fr/article217.html

    je cite : \ »Ce réseau s’appelle Al Qâeida. La base. Et ce mot a de nombreux sens comme en Français. C’est la base militaire, mais c’est aussi la base en chimie, comme la soude, par exemple. Et bien sûr c’est la base de données, en informatique. D’après ce que j’apprends au stage de l’école de guerre, on peut, si l’on est abonné, consulter deux bases : Qâeida-t-ulmaeloumât, la base [de données] d’informations et Qâeida-t-uttaelimât, la base [de données] des instructions, des directives.\ »

    Bonne lecture.

  • Brillante intervention de M. Chouet effectivement…

    Ainsi, « Al Qaïda est morte sur le plan opérationnel dans les trous à rats de Tora Bora en 2002″

    Donc, si je comprends bien le français (dites-moi si je me trompe), Al Qaïda existait et était bien opérationnelle en 2001 (? !)… Et c’est donc les bombes américaines qui ont fait qu’elle n’a plus aujourd’hui de capacité opérationnelle ?

    Vous ne venez pas de justifier le déclenchement de la guerre en Afghanistan là ?

    En sortir est certes une autre paire de manches, comme toutes les guerres…
    Quant à l’Irak, il est clair que Bush s’est foutu de la gueule de tout le monde, mais ça c’est pas nouveau…

  • Oui, la vidéo est d’une autre teneur que l’article dans « Marine » que j’ai trouvé gentil. Là le bonhomme prend parti, je dois dire que j’ai pris mon pied a l’entendre assener les vérités les une après les autres !

  • EAUX TROUBLES

    Dans la même veine :

    « Terrorisme : Al-Qaïda est-elle encore la Base ? »

    http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=17197

    Par Jean-Marc Flükiger, une critique de l’ouvrage de Mohammed-Mahmoud Ould Mohamedou :
    http://www.terrorisme.net/p/article_228.shtml

    et puis une analyse de l’histoire de ce « non-réseau » :

    « Al-Qaida, label ou organisation ? » Par Olivier Roy
    Directeur de recherche au CNRS, qui a publié notamment L’Islam mondialisé et Les Illusions du 11-Septembre : le débat stratégique face au terrorisme, tous deux parus au Seuil en 2002.
    http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/ROY/11440

    Al-Qaeda, un réseau ? Encore faut-il que les différentes branches de ce réseau communiquent entre elles. Une nébuleuse ? Notion assez floue. une organisation ? Elle l’a été, pour ne plus l’être un jour… Un label ? Sûrement !

  • popo

    Au troll 3 posts au dessus:

    Alain Chouet ne parle pas du 11/09 qui n’est pas le sujet ici. Je suis pas sur que tu aies bien compris sur quel site tu squattes.

    Il annonce qu’ Al Qaeda (la base) est morte en 2002 dans les trous à rat de Tora Bora (Comme l’a expliqué Eric Laurent dans son livre « La face cachée du 11 Septembre », lorsqu’il s’est rendu sur place, il n’y avait pas de grotte, juste un bout de rocher qui sentait la pisse !!!!!).

    Al Qaeda a été créé par les USA à la fin du XXe siècle pour combattre sur le front Russe.

    Les services secrets sont bien-entendu au courant de toute la mascarade… Mais comme dans l’armée, c’est secret défense…

    Fin du nourissage de Troll (désolé, je pouvais pas m’empêcher).

  • Blue Rider

    @moorea 34

    en 2000, alqaïda n’est que ce qu’on trouvera plus tard: une bande désorganisée, non coordonnée, mal armée depuis le retrait soviétique, de quelques centaines d’extrèmistes enrôlés pour des raisons pas toujours liées au salut de leur âme devant Allah.

    les talibans n’en ont rien à foutre d’AlQïda, sauf si ce support les arrange pour gonfler leur importance. C’est du marketing.

    C’est un peu comme le FBI face à la police locale, qui débarque avec ses grandes idées et sa technologie. Les types du coin les regardent d’un sale oeil…

    Allez, risquons un parallèle osé: Ben Laden qui débarque chez les talibans, c’est un aristo chez les gueux, comme chez nous un BHL qui va, réfugié derrière des chars israéliens, pour clamer ensuite bien fort qu’il a tout vu à Gaza… il avait fait pareil devant Gorri, et a été dénoncé par Rue89 et une députée européenne, heureusement. Les extrémistes sous la bannière islamiste, ont leur BHL, c’est Ben Laden! sauf que Ben Laden est plus malin: Il n’a pas besoin d’écrire laborieusement, le monde entier écrit pour lui, même mort !!!!!

  • serge

    @eaux troubles olivier roy a ete invite plusieurs fois par le groupe de bilderberg.2002-2006

  • EAUX TROUBLES

    peut-etre faut-il revenir aux débuts d’AL-QAEDA :

    « Date of Al Qaeda’s Founding » sur INTELWIRE.COM

    http://intelwire.egoplex.com/2009_02_24_blogarchive.html

    memorendum sur les activités d’AL-QAEDA :

    http://intelfiles.egoplex.com/2001-10-02-DOS-Qaeda-Overview.pdf

    du matériau « brut » en anglais. bon courage !

  • Je suis un peu embêté car je n’ai pas trouvé ce compte rendu sur le site du Sénat. En fait, il n’y a rien pour la journée du 29 janvier. Censure ?

  • Ah et puis pour éviter le troll de dégénerer :

    L’article dit :

    « Tous les services de sécurité et de renseignement savent pertinemment que l’on ne s’oppose pas à la technique du Lone Wolf par des moyens militaires, des divisions blindées, ou par une inflation de mesures sécuritaires indifférenciées. »

    Moorea dit :

    « Et c’est donc les bombes américaines qui ont fait qu’elle n’a plus aujourd’hui de capacité opérationnelle ?

    Vous ne venez pas de justifier le déclenchement de la guerre en Afghanistan là ? »

    Moorea ne sait donc pas, ou ne veut donc pas lire.

    [Commentaire modéré]

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