The Guardian : “Les attaques de drones créent des foyers de terrorisme” s’inquiète un ex-responsable de la CIA

Encore aujourd’hui, un drone de l’OTAN a exterminé 15 civils en Afghanistan, dans un cortège rassemblé pour mettre en terre la victime d’une précédente frappe de drone. Ce cercle infernal de la violence exercée par l’OTAN sur les populations des pays d’Asie centrale aurait de quoi étonner les observateurs (pour peu que les médias relaient ces événements), s’il n’y avait derrière tout cela la volonté évidente de déclencher la haine et le désir de vengeance parmi ces peuples fiers mais démunis face à la puissance de feu occidentale. C’est précisément ce qui inquiète Robert Breiner, cet ancien haut responsable de la CIA qui, sur les traces d’un Philip Giraldi, dénonce la logique et la sauvagerie de ces attaques aveugles qui se sont multipliées sous Obama, bien que faisant plus de victimes civiles qu’autre chose, et se révélant parfaitement contre-productives.

 

Les manifestants contre les attaques de drones américains au Pakistan brulent
la bannière étoilée. (Photo Mk Chaudhry / EPA)

 


“Les attaques de drones créent des foyers de terrorisme” s’inquiète un ex-responsable de la CIA

par Paul Harris, The Guardian, le 5 juin 2012

Traduction GV pour ReOpenNews

L’usage indiscriminé de drones au Moyen-Orient cause beaucoup trop de morts civils, avertit un ex-dirigeant du contreterrorisme de la CIA.

Un ancien haut responsable de la CIA a prévenu que le très controversé programme de drones du président Obama est beaucoup trop approximatif en termes de cibles frappées et pourrait mener à une instabilité politique propre à créer de véritables foyers de terrorisme.

L’utilisation croissante d’attaques par drones contre des personnes suspectées d’être des militants au Pakistan, en Afghanistan, en Somalie et au Yémen est devenu l’un des aspects les plus controversés de la politique de sécurité nationale du président américain. Il a lancé pas moins de 275 frappes au seul Pakistan ; un nombre d’attaques qui est bien supérieur à celui de son prédécesseur George W. Bush.

Les défenseurs de cette politique expliquent que cela permet de frapper des cibles « de haut niveau », comme le numéro 2 d’al-Qaïda, Abu Yahya al-Libi. Mais ses détracteurs font remarquer que la définition de « militant » est bien trop vague et que trop de civils sont tués. Le Bureau du journalisme d’investigation (BIJ), basé à Londres, estime qu’environ 830 civils, dont des femmes et des enfants, auraient perdu la vie lors des attaques de drones au Pakistan, 138 au Yémen, et 57 en Somalie. Des centaines d’autres ont été blessés.

Robert Grenier, qui a dirigé le centre de contreterrorisme de la CIA entre 2004 et 2006 et qui fut également le chef de l’antenne de la CIA au Pakistan, déclare aujourd’hui au Guardian que le programme de drones vise beaucoup trop large. « Il [le programme de drone] doit être défini de façon beaucoup plus fine. Nous avons été séduits par ces drones, mais les effets involontaires de nos attaques vont bientôt prendre le dessus sur les effets attendus, » s’est inquiété Grenier lors d’une interview.

Grenier a souligné le fait que l’usage de drones était un outil adapté pour s’attaquer au terrorisme, mais seulement lorsqu’ils visent des cibles clairement identifiées qui ont été suivies et surveillées jusqu’à un endroit où la frappe est envisageable. Mais les récentes révélations des médias sur le programme d’Obama nous ont appris qu’il était fait un usage beaucoup plus large de ces capacités de frappe, par exemple en classant comme militants tous les jeunes mâles en âge d’être soldats dans une zone de frappe. Ce type de définition élargie et l’usage extensif des drones ont scandalisé les organisations des droits de l’homme.

Le BIJ a rapporté que les frappes de drones au Pakistan le week-end dernier ont atteint le convoi funéraire d’un militant tué lors d’une précédente attaque de drone et aurait également endommagé accidentellement une mosquée. Ce genre d’action renforce l’hypothèse que la campagne de drones provoque plus de haine contre les USA qu’elle n’élimine de menace terroriste.

« Nous avons œuvré depuis longtemps pour créer une situation qui fait que nous créons plus d’ennemis que nous n’en supprimons du champ de bataille. C’est ce qui se passe aujourd’hui au Pakistan et en Afghanistan, » a-t-il déclaré.

Grenier a fait part de son inquiétude concernant le Yémen, où des groupes en lien avec al-Qaida ont lancé une insurrection et ont conquis des portions de territoire aux dépens de l’armée locale relativement éparpillée. Les drones US ont activement sévi dans ce pays, visant des cibles comme le mollah Anwar al-Awlaki né aux États-Unis et son fils de 16 ans.

Le BIJ estime que le nombre de frappes « confirmées » de drones au Yémen se monte à 41 depuis 2002, et que celui des frappes supplémentaires « probables » est de 55. Grenober affirme que les frappes sont trop hasardeuses et provoquent l’indignation de la population civile dans ce pays, ce qui fait le lit des islamistes et augmente notablement le sentiment anti-américain.

« Cela amène à des situations où des jeunes hommes, qui en général portent une arme, se trouvent au même endroit que ces militants, et d’une certaine manière, leur portent un certain respect. Si vous les frappez de manière indiscriminée, vous courrez le risque de générer un terrible sentiment de rage parmi ces populations. Ils sont organisés en tribus et en clans, en grandes familles. Et tout d’un coup, vous vous retrouvez avec un gros problème… je suis très inquiet de voir se créer un vaste foyer de terrorisme au Yémen, » a déclaré Grenier.

Robert Grenier était le chef de l’antenne de la CIA à Islamabad lorsque les terroristes ont frappé le World Trade Center à New York et le Pentagone le 11 septembre 2001. Il a joué un rôle dans la coordination des opérations secrètes qui ont mené à la chute des Taliban en Afghanistan. Il a ensuite dirigé le Centre de contreterrorisme de la CIA où il a supervisé les grandes opérations de la Guerre contre la Terreur en tant que plus haut responsable de ce département. Il a quitté l’Agence en 2006.

Paul Harris

 

Traduction GV pour ReOpenNews


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5 Responses to “The Guardian : “Les attaques de drones créent des foyers de terrorisme” s’inquiète un ex-responsable de la CIA”

  • alexov

    la violence appelle la violence mais aussi l’argent ! Plus il y aura de gens prêts à se foutre sur la gueule plus les marchands d’armes seront contents ! Une logique économique simple et implacable, bref du clef en main made in USA

  • Doume

    Le fait que les attaques de drones créent plus de terrorisme qu’elles n’en détruisent est peut-être (j’ai bien dit peut-être) un des effets attendus de ces frappes. On sait que les USA se cherchent un ennemi depuis la chute du mur, et leur vieille création « al-Qaïda », un peu moribonde, est vraisemblablement insuffisante pour provoquer « le choc des civilisations » tant espéré par le complexe militaro-industrio-politique étasunien.

  • Obama Nobel de la paix?
    Pourquoi pas Hitler, Mao ou Staline?
    Y a pas de raison…
    Et parlons des coûts (et donc des bénéfices du complexe militaro-industriel): c’est dans ce rapport: http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i2127.asp
    «  »S’agissant du marché actuel, les prix annoncés suscitent chez les rapporteurs une certaine perplexité. Alors que le gouvernement américain a indiqué à la DGA que le coût d’achat de trois systèmes de quatre vecteurs de type Predator B serait de 525 millions de dollars hors taxes, les responsables de General Atomics ont évoqué un coût d’acquisition de 80 millions de dollars par système, soit 240 millions de dollars pour trois systèmes de quatre vecteurs et deux stations sol chacun. »"
    (…)Mais surtout:
    «  »En effet, les rapporteurs ont observé que l’armée israélienne met en œuvre ses systèmes de drones avec, semble-t-il, moins de personnels. Aux États-Unis, l’US Air Force estime que la mise en œuvre permanente (24 heures sur 24) d’un drone MQ-9 Reaper nécessite 168 personnes pour assurer la maintenance, la mission et l’exploitation du renseignement. »"
    Il ne reste plus qu’à calculer le prix du mort…

  • Daniel

    Je récapitule le décompte macabre de l’article :
    830 civils au Pakistan + 138 au Yémen + 57 en Somalie = 1025 morts

    1025 morts de drônes = un TIERS des victimes du 9/11 causées par 19 « terroristes » dont certains sont ENCORE EN VIE, car en fait ils n’ont jamais été dans les avions missiles du 11 septembre !

    Mais c’est pas grave. Pendant ce temps-là, la presse occidentale perpétue son copié-collé de la “ VO des gentils ” contre les autres : “ l’axe du mal ”, au pays de Oui-Oui et des Bisounours.

    Pendant ce temps-là naissent, à juste titre, des profusions de foyers hostiles aux US, et qui paradoxalement leur donnent raison, non pas à priori mais à postériori, car c’est bien leur attitude qui aura généré tous ces soulèvements spontanés qu’ils entendent dénoncer, parfaitement compréhensibles et justifiés par ailleurs. Imaginez un instant que l’enfant d’Obama soit tué, sur le sol US, par un drône étranger en intrusion sur le sol américain et pour des raisons d’état de frappe préventive contre des suspects supposés ? On est en plein cauchemar !…..

    Les rangers se croient en plein « Minority Report » planétaire, à tuer des gens pour leurs intentions et pas pour leurs actes. Alors certes, il y aurait le N°2 d’Al Quaida, l’arbre qui cache la forêt des 1024 morts qui sont derrière lui.

    L’important c’est de tuer, avec ou sans dommages collatéraux. Même s’il faut faire 30 fois plus de morts que les attentats du WTC, même s’il faut faire 10 fois plus de morts que Bashar El Assad. http://www.iraqbodycount.org Les américains tuent, beaucoup et sans cesse, et tout le monde s’en fout.

    Pourquoi ? Parce que le voyeurisme de l’affaire DSK rapporte beaucoup plus, et plein d’autres raisons très proches de celle-là.

    Bienvenue dans la démocratie moderne.

  • Pour une analyse juridique des frappes de drones:

    http://larevuedepressejuridique.org/2012/07/12/les-drones-du-president/

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