The Guardian : Pendant 10 ans, Ben Laden a rempli le vide laissé par l’URSS. Qui sera le prochain « grand méchant » ?

Au lendemain de la fin de Ben Laden, voici un intéressant article du quotidien britannique The Guardian qui revient sur la construction du mythe d’al-Qaïda et de son utilité après la chute du Mur, aussi bien pour les dirigeants occidentaux que pour les médias vendeurs de journaux et de nouvelles "à sensation", sans oublier Ben Laden lui-même bien sûr. A titre d’illustration, nous vous proposons de visionner les meilleurs  extraits du film "The Power of Nightmares" (Le pouvoir des cauchemars) produit par la BBC en 2005 et diffusé au Festival de Cannes de la même année.

 


Une du Time sur la mort de Ben Laden

 


Pendant 10 ans, Ben Laden a rempli le vide laissé par l’URSS. Qui sera le prochain « grand méchant » ?

par Adam Curtis, pour The Guardian, le 4 mai 2011

Traduction GV pour ReOpenNews

La chose horrible chez Oussama ben Laden est qu’il a aidé à la mort de milliers d’innocents dans le monde entier. Mais étrangement, il fut pour l’Occident une sorte de bénédiction. Il a simplifié le monde. Quand le communisme s’écroula en 1989, la grande trame de l’histoire martelée dans le cerveau des Occidentaux – celle d’une guerre globale contre des forces diaboliques et lointaines – s’est brutalement interrompue. Depuis lors, comprendre le monde est devenu beaucoup plus compliqué, et au milieu de la crise financière mondiale de 1998 et du spectacle hystérique de l’affaire Monica Lewinski, Ben Laden est apparu comme le cerveau des attentats à la bombe contre les ambassades US en Afrique de l’Est.

Le Président Clinton a immédiatement sauté sur l’aubaine. Il a tiré des missiles de croisière, qui ont manqué leur cible, et tous ont accusé Clinton d’utiliser Ben Laden pour détourner l’attention [de son affaire sexuelle]. Mais si vous regardez de plus près certaines séquences tournées par des reporters de télévision à Washington ce jour-là, vous pouvez voir autre chose aussi : une ancienne histoire qui émergerait à nouveau, comme une vieille épave remontant à la surface.

Ben Laden et son mentor Ayman al-Zawahiri  parlaient « d’ennemi proche » et « d’ennemi lointain ». Des politiciens néoconservateurs qui avaient goûté au vrai pouvoir à l’époque de Ronald Reagan et de la guerre froide, se sont emparés des quelques faits connus sur Ben Laden et al-Zawahiri, et les ont insérés dans le modèle qu’ils connaissaient si bien : un ennemi diabolique [contrôlant] des cellules dormantes et possédant des « tentacules » tout autour du globe, et dont le seul objectif était la destruction de la civilisation occidentale. Al-Qaïda devint la nouvelle Union Soviétique, et dans ce processus, Ben Laden devint une figure démoniaque, effrayante, terriblement puissante, tapie dans une grotte tout en contrôlant et en dirigeant le réseau al-Qaïda partout dans le monde. Par ce procédé, un terroriste certes dangereux, mais « gérable » se transforma en une menace terroriste démesurément exagérée.

Les journalistes, parmi lesquels beaucoup regrettaient la simplicité des jours anciens, ont accroché à cette histoire : depuis le début en effet, la façon dont les médias ont traité la menace du terrorisme islamique fut déformée pour s’adapter à la version dominante simplificatrice. Et Ben Laden a accroché lui aussi. Comme le rapportent les journalistes qui l’ont vraiment rencontré, il était très fort en matière de propagande. Tous les trois – les néoconservateurs, les « journalistes de la terreur » et Ben Laden lui-même – ont travaillé efficacement et de concert pour créer l’histoire dramatiquement simple d’une menace apocalyptique. Ce n’était en aucun cas une « conspiration ». Chacun d’eux avait versé à sa façon dans une utopie simpliste qui l’arrangeait bien.

La force de cette légende simpliste a modifié l’Histoire. Elle permit aux néocons – et à leurs alliés libéraux favorables à l’interventionnisme – de commencer à tenter de refaire le monde et de répandre la démocratie. Elle a permis aux islamistes révolutionnaires, qui durant les années 90 avaient failli lamentablement à mobiliser les peuples arabes et à faire valoir leur vision, de regagner en autorité. Et cela a permis de vendre beaucoup de journaux.

Mais parce que nous, et nos dirigeants nous sommes réfugiés dans un fantasme manichéen, nous comprenions de moins en moins la complexité du monde réel. Ce qui signifie que nous ignorions complètement ce qui se passait vraiment dans le monde arabe.

Tandis que les journalistes et les drones Predator traquaient les différentes « branches d’al-Qaïda » partout dans le monde, et alors que les USA soutenaient les dictateurs qui promettaient de combattre le « réseau terroriste », une génération tout entière a émergé au Moyen-Orient avec pour volonté de se débarrasser de ces dictateurs. Les révolutions que cela a déclenché furent un choc total pour l’Occident. Nous ne savons rien sur qui sont véritablement ces révolutionnaires, et quelles sont les idéologies qui les guident, si toutefois ils en ont. Mais il est de plus en plus évident qu’ils n’ont rien à voir avec al-Qaïda. Pourtant, l’ironie veut qu’ils réussissent à atteindre l’un des grands buts de Ben Laden ; se débarrasser des « ennemis proches », les dictateurs comme Hosni Moubarak.

L’une des fonctions principales des hommes politiques – et des journalistes – est de simplifier le monde pour nous. Mais cela nous amène aujourd’hui à un point où les éléments du puzzle – malgré toutes leurs tentatives – les fragments de réalité, d’événements, ne parviennent plus à s’inscrire dans le cadre global.

La mort de Ben Laden pourrait bien représenter le point d’achoppement de cette histoire des bons contre les méchants. C’est une fable née aux Usa et en Grande-Bretagne à la fin de la 2e guerre mondiale, « la bonne guerre » (The Good War). Cela s’est imprimé dans l’imaginaire occidental pendant la guerre froide, avant de s’affaiblir puis d’être repris en main ces 10 dernières années par l’étrange alliance entre politiciens américains et européens, journalistes, « experts du terrorisme », et révolutionnaires islamistes, tous visant à mieux asseoir leur autorité en ces temps de désillusion.

Barack Obama semble vouloir en finir avec cette histoire. Les Européens continuent cependant de s’y accrocher, au travers de leur « interventionnisme libéral » en Libye, bien que cela se fasse dans la nervosité et à contrecœur.

Mais c’est en Afghanistan que le mirage se brise.

Nous commençons à réaliser que les simplifications ont mené à des fantasmes totalement déconnectés de la réalité à propos de ceux que nous combattions vraiment. Des fantasmes qui ne persistent que pour justifier notre présence là-bas. Car le problème fondamental avec cette histoire simpliste du Bien contre le Mal est qu’elle ne tolère pas de cadre critique qui permettrait de juger non seulement ceux que vous combattez, mais aussi vos alliés.

L’Amérique et la Coalition ont envahi l’Afghanistan dans le seul but de détruire les camps [d’entrainement] terroristes et d’installer dans ce pays une démocratie menée par des « gens bien » (good people). Mais dans la décennie qui suivit, ils furent dupés, tournés en bourrique, et trompés par le fouillis inextricable des intérêts partisans. Et leur incapacité à comprendre et à gérer cela a amené à un état de corruption généralisée dans lequel il est impossible de savoir qui peuvent bien être les « gens biens » désormais.

Pendant ce temps, le Président Hamid Karzai a immédiatement saisi l’occasion pour dire que la mort de Ben Laden prouve bien que la vraie menace terroriste se trouve au Pakistan, et que la guerre contre le terrorisme dans son pays est une utopie. Mais nous savons aussi qu’une grande partie de ce que dit Karzai relève de l’utopie qu’il utilise lui-même pour justifier le pouvoir grandissant de la petite élite qui l’entoure. Ainsi, l’Afghanistan est en train de devenir un vaste jeu de miroirs – sauf sur le fait admis par tous désormais, que Ben Laden ne s’y trouvait pas.

Avec la mort de Ben Laden, l’enchantement s’est peut-être brisé. C’est comme si nous étions à la fin d’une époque, d’une façon de voir le monde qui n’a plus aucun sens désormais. Mais la vraie question est :  d’où va naître la prochaine histoire ? Et qui sera le prochain « grand méchant » ? La vérité est que les histoires sont toujours construites par ceux qui détiennent le pouvoir. Peut-être bien que la prochaine histoire ne viendra pas des Etats-Unis ? Ou peut-être que l’idée que l’Amérique est sur le déclin est en réalité la nouvelle utopie simpliste de notre époque…

Adam Curtis

The Guardian, le 4 mai 2011

(llustration: Peter Til)

 

Traduction GV pour ReOpenNews.

(NdT : Pour les liens en anglais dans ce texte, se reporter à la version originale)


 

VIDEO "Le Pouvoir des Cauchemars"


LE POUVOIR DES CAUCHEMARS (11 septembre 2001 /… par ReOpen911

 


En lien avec cet article :

Voir aussi :

11 Responses to “The Guardian : Pendant 10 ans, Ben Laden a rempli le vide laissé par l’URSS. Qui sera le prochain « grand méchant » ?”

  • Sébastien

    Jacques Cheminade, candidat à l’élection présidentielle de 2012 sur Ben Laden et le 11 Septembre!

    http://www.dailymotion.com/video/xikarv_ben-laden-11-septembre-montages-et-lavage-de-cerveau_news#from=embed

  • Sébastien

    Véronique Sanson, dans le Grand Journal de la Manipulation by Anal+ et ses chiens de garde prêt à bondir sur la pauvre chanteuse à la moindre parole déviante.
    Tiens, je croyais que la marque de fabrique de Canal+ c’était l’esprit décalé et les conneries plus grosses qu’un éléphant……Mais là, VERBOTEN, sinon EXZECUTION ! SCHNELL!

    http://www.dailymotion.com/video/xijfd6_veronique-sanson-ne-croit-pas-en-la-mort-de-ben-laden_news#from=embed

  • Sébastien

    Par contre lorsqu’elle chantait « Allah »…..Argh! GROSS POLEMIK ! Liberté d’expression! WUNDERBACH!

  • Buzz lclair

    Très bon article qui fait mentir l’article du journal Le Monde de ce soir et qui nomme ReOpen911 comme un site conspirationniste.

    Pendant que Le Monde pointe du doigt les internautes sceptiques sur la version officielle de la mort de Ben Laden (dont une bonne partie de leurs lecteurs à en croire les commentaires sous leur article), ReOpen911 publie la traduction d’un excellent article du Guardian dont nos médias français auront du mal à égaler la perspicacité.

    ReOpen911 = 1 / Le Monde = 0

  • Seb

    Une bombe ! http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/une-bombe-chez-jones-un-temoin-30110
    regarder la 5ème vidéo à 6minutes 20 secondes. Le 11/09 est une false flag opération, ça balance des noms, ça demande à témoigner devant un tribunal, OBL est mort en 2002 il a vu le compte rendu de la CIA. Un très haut placé, son nom : Steve Pieczenik

  • H.

    La vidéo avec Véronique Sanson ( gloire à cette artiste ) est très intéressante sur plusieurs points :

    1 :Denisot le grand manitou – clean ( il représente l’ upper-class distinguée, on ne braille pas, on n’insulte pas ) pose la question.
    2: L’artiste parle. Elle remet en avant tout de suite les valeurs qui nous fondent ( le droit, la Justice ( la vraie ) et la démocratie ) puis elle se met à douter sur le fond de l’affaire tant ça pue le montage des services secrets.
    3: les deux animateurs roturiers, les éternels serviles du système lui sautent sur le poil toute dents dehors et simultanément. Les chiens du système sont comme ça. Ils ne s’écoutent pas, ils bondissent sur leur proie ensemble en aboyant au même moment.Ali Baddou qui en perd toute philosophie pour le coup et le grand échalas, biofidus actif du Grand Journal, l’inénarrable Tania Bruna-Rosso, la plus vindicative et faussement scandalisée qui montre toute langue dehors :  » HA, BON ?  » crie -t- elle à la tête de Véronique Samson, fidèle à son suzerain Michel Denisot.

    Et lui Michel Denisot, que fait -il ? Il fait l’oracle ! Écoutez-bien :

    L’ ADN ! Ô miracle ! L’ ADN est la nouvelle Image ( les anciennes sont fausses désormais depuis  » la mort de Ben Laden ) -

    L’ ADN est la nouvelle Hostie ! Priez fidèles, l’ ADN a ressuscité ! Peut importe que des innocents croupissent en prison aux USA pour prélèvement ADN – technique peu fiable et bien plus complexe qu’on ne veut le dire – L’ ADN est au service de l’ Empire et le fichage des citoyens consentants ou non consentant est la parole nouvelle ! Avec nous ou contre nous !

    Les USA ont bien le corps de Ben Laden puisqu’ils ont l’ ADN !
    Ils n’ont jeté dans la mer d’Oman que sa pauvre dépouille mais ils ont gardé le vrai corps : l’ ADN de Ben Laden. Il faut croire puisqu’on nous le commande…

    L’ ADN a dit Michel Denisot ! Et oui, Oyé ! Oyé braves Gens ! Le suzerain ne vous dira pas que Ben Laden se faisait soigner en 2001 dans un hôpital du golfe en compagnie de la CIA qui a du prélever toute une barrique de la précieuse salive mais peu importe, car là n’est pas l’essentiel :

    1/ L’empereur Obama a vu la photo donc c’est vrai

    2/ La fillette de 12 ans a avoué ( sous la torture ? ) que c’était bien son père qui a été tué dimanche dernier – Un tel aveu après un tel choc prouve toute l’humanité d’un système qui interroge les enfants pour qu’ils puissent la bouche en cœur dire la vérité toute la vérité. Ainsi comme le pense le président américain : voyez comme la vérité sort toujours de la bouche des enfants !

    3/ Il y a le prélèvement ADN donc c’est vrai plus vrai que vrai

    Fermez le ban ! L’ Empereur a parlé. Fermons le caquet, allumons la télé et prions à la gloire des guerres impériales. Les ordinateurs de Ben Laden ont déjà craché le morceau : L ‘ Iran est la future feuille de route de la Maison Blanche. Il va falloir vendre tout ça aux foules hilares. C’est en préparation :  » AL Quaïda est en lien avec les gardiens de la révolution en Iran  » annoncent déjà les scénariste d’ Hollywood- Si l’empereur le dit, c’est que c’est vrai.Plus vrai que vrai.

    Vive l’Amérique, vive la science ! Gloire à G.W Bush notre guide et tous ses avatars ! Alléluia !

  • Merci

    Merci pour votre travail,

    Continuez , car beaucoup de gens ne sont tout simplement pas observateurs, et n’ont pas le temps de réflechir à ce qu’on leur présente tout frais tout cuit dans la presse.

    . Le système est ainsi fait pour empecher tout raisonnement. vite , vite , vite, société de consommation, et les gens n’ont pas le temps de penser. Vous crétins, consommez, achetez, ne vous occupez pas de ces questions. C’est pas pour vous.

    Si vous vous posez des questions, c’est que vous niez l’evenement . ( pour ces evenements importants bien sur, pour un fait divers, là c’est permis. )

    Mais dans la presse, ou à la telé, il est interdit de dire que Le déroulement de la journée du 11 Septembre 2011 ou la mort de ben laden, présentent de nombreuses zones d’ombres.

    Ils vont ecrire que selon vous , ces 2 evenements n’ont jamais existé.

    Pas de zones d’ombre, ou de phrase, du style , je ne crois pas à la version officielle.
    Là vous êtes hors jeu, c’est une offense de dire, ca. Complotiste va.

    Voilà les belles techniques. Dans la presse de nombreux articles sont par eilleurs truffés de faux commentaires, pour donner l’illusion qu’une majorité valide ce qui est dit, ou critique la personnalité qui s’oppose.

    Pour Sanson, alors qu’elle émet avec légitimité de sérieux doutes, et qu elle en a tout a fait le droit, on lui taille un costard, à l’oeil, pour éviter que le peuple n’y accorde de l’importance.

    Les commentaires, disent, en gros, : je ‘laime bien, mais là elle a déconné, elle a dit du n’importe, quoi, elle est malade la pauvre. il n’y en a des dizaines de commentaires tous orienté dans le meme sens, mais attention le côté pervers c est de dire qu’on l’aime bien pour passer inaperçu, qu’on l’adore même, tout en la décrédibilisant. C’est couramment utilisé.

    Oui il faut bien salir ceux qui s’opposent et les isoler. Il en avait ete de même avec Bigard. la presse disait :
    Bigard nie le 11 Septembre. Il débloque lol , beau raccouci,. Bah oui fallait bien le salir.

    Oui, le peuple, ces crétins, n’ont pas à ce poser de questions sur ces evenements. il faut boire les paroles et courber le dos.

  • alexov

    C’est qui le Dr. Steve Pieczenik ???

  • doctorix

    Voilà qui c’est, Pieczenik: un courageux, en tous cas.
    Et pas du tout un complotiste.
    http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=24664
    Mes enfants, vous rendez-vous compte qu’on est en train de gagner?
    Et que ce sont nos adversaires qui nous ont donné les armes pour le faire?
    Sous-estimer l’adversaire, le prendre pour un imbécile: voilà la faute qui a tué tous les tyrans….

  • alexov

    Merci pour le lien doc ! ça parait tenir la route mais il risque de prêcher tout seul et/ou de mourir subitement… Attendons la suite en croisant les doigts et en continuant « la lutte »

  • François

    Tu as raison doctorix : notre théorie convainc de plus en plus de monde après l’histoire de la mort de Ben Laden. Moi-même, j’y croyais déjà un peu avant mais là… ça m’a vraiment convaincu ! Déjà qu’ils laissaient plein d’incohérences avant mais là même un gamin de 7 ans pourrait comprendre qu’il y a quelque chose qui cloche.

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