Etats-Unis : Le Congrès US ouvre le ciel américain aux drones

Les zones de guerre servent-elles aussi – surtout ? – de test pour des technologies militaires dont certaines sont ensuite déployées en Occident pour contrôler ou réprimer la population ? C’était le sens du volet sur la surveillance "Monitoring America" du formidable dossier Top Secret America publié en 2010 par le Washington Post qui est bien vite passé aux oubliettes des médias [nous en avions traduit plusieurs parties en R-News, voir en bas de page]. Mais la tendance demeure, des armes inconnues utilisées à Fallujah par l’armée américaine, en passant par l’Active Denial System, le « micro-ondes » américain anti-manifestants, jusqu’aux drones ramenés d’Afghanistan ou d’Irak qui vont désormais pouvoir parcourir le ciel des Etats-Unis, et probablement demain, celui de l’Europe. Et ce ne sont pas les défenseurs des libertés civiles – étonnamment discrets pour le coup – qui nous protègeront. La preuve.

 

Un "avion sans pilote" de la société Textron Inc.
 


Faible lobbying de l’opposition à la loi ouvrant l’espace aérien US aux drones

Par T.W Farnam, Washington Post, le 26 avril 2012

Traduction Redford pour ReOpenNews

De grandes choses peuvent se faire au Congrès – tant que personne ne regarde.

Les archives du lobbying diffusées la semaine dernière montrent qu’il n’y avait pas grande opposition l’hiver dernier lorsque le Congrès a discrètement ouvert l’espace aérien des USA aux drones volants, bien que certains avocats des libertés civiles estiment que cela pose de nombreux problèmes sur les questions de vie privée.

La technologie des drones, développée par l’armée pour la surveillance et l’élimination des terroristes en zone de guerre, est ainsi destinée à revenir largement au pays dans les années à venir, pour être potentiellement utilisée par les forces de l’ordre, les premiers secours, et pour la veille agricole et environnementale.

Les compagnies sélectionnées et les gouvernements locaux à travers le pays ont déjà l’autorisation de tester les drones, qui peuvent parfois rester en l’air pendant plusieurs jours pour un coût dérisoire plusieurs fois inférieur à celui des hélicoptères ou des avions.

Durant le premier trimestre de cette année, plusieurs grands constructeurs d’"avions sans pilote", comme l’industrie préfère les appeler, ont dépensé chacun plusieurs millions de dollars, pour partie [en finançant l'action des] groupes de pression (Lobbies) au sujet des termes à utiliser dans le renouvellement de l’autorisation de l’Administration Fédérale de l’Aviation (FAA), en demandant à celle-ci de permettre pour les trois prochaines années le vol des drones dans l’espace aérien utilisé par d’autres types d’avions.

Une pression insistante est également venue des militaires qui s’apprêtent à ramener à la maison des drones utilisés en Irak et en Afghanistan. Les lois actuelles exigent des militaires qu’ils répondent à certaines contraintes lorsqu’ils déplacent des drones aux États-Unis ou les utilisent dans des exercices d’entrainement.

Il n’y a eu pratiquement aucune opposition au vote de cette loi, ce qui ne laissait aucun doute sur son adoption par le Congrès. L’Union pour les Libertés civiques américaines (American Civil Liberties Union, ou ACLU), qui a dépensé 500 000 dollars en lobbying au premier trimestre, a bien mentionné les problèmes de vie privée que posait cette loi, mais cela était perdu parmi les centaines d’autres problèmes qu’elle traite. Et c’est la seule association à en avoir parlé.

"On ne peut pas appeler cela un combat, si la faction opposée n’est même pas au courant qu’il y en a un", s’est indigné Peter Singer, un universitaire à la Brookings Institution qui étudie les drones. "Les défenseurs de la vie privée n’ont pris conscience de l’existence de cette loi qu’une fois que celle-ci était déjà votée, et ils essaient maintenant de se rattraper."

Dans une lettre publiée cette semaine, les deux présidents du groupe parlementaire mixte sur la vie privée au Congrès (Congressional Bipartisan Privacy Caucus) ont demandé à la FAA comment elle comptait établir les licences pour les drones.

Avec un budget pour la Défense en pleine cure d’amaigrissement, les drones commerciaux pourraient devenir une source de revenus majeure pour les contractants de l’armée.

Parmi ceux qui poussent dans ce sens, se trouve Textron Inc., qui a dépensé 2,2 millions de dollars en lobbying sur diverses questions. La compagnie fabrique des drones militaires et a conçu un avion sans pilote pour la Navy.

"Nous comprenons l’inquiétude du public sur les questions de vie privée et de sécurité", a déclaré Stephen Greene, un porte-parole de la compagnie. "Nous pensons réellement qu’un plan responsable doit être mis en place pour l’avenir."

Parmi les autres groupes pratiquant le lobbying en faveur de la loi, se trouve la ville de Mesa en Arizona, qui espère accueillir l’un des 6 sites de test, et aussi l’Université du Nord Dakota, qui s’est dotée d’un programme de premier cycle sur les avions sans pilote.

Un représentant du groupe commercial des principaux fabricants, l’Association Internationale pour les Véhicules Sans Pilote, a déclaré que les juridictions locales étaient le lieu idéal pour établir les lois protégeant la vie privée, puisque chaque communauté pouvait avoir ses propres règles.

"En ce qui concerne la vie privée, il n’y a pas eu, autant que je sache, de débat lorsque la loi a été examinée," raconte Ben Gielow qui gère les relations avec le gouvernement pour le groupe.

Les adversaires de la loi, qui a été votée en février dernier, expliquent que la FAA n’est pas outillée pour réguler les problèmes posés par les drones, qui peuvent être équipés de caméras capables de couvrir plusieurs kilomètres carrés.

"Le cœur de la question est que les drones peuvent être utilisés en bien ou en mal," explique Jennifer Lynch, une avocate de la Fondation pour la Frontière électronique (Electronic Frontier Foundation, ou EFF). "Ce sont des engins de surveillance absolument parfaits."

Les avions sans pilote peuvent être équipés pour intercepter les communications sans fil, ou prendre des photos de foules qui peuvent ensuite être combinées avec la reconnaissance faciale pour identifier les individus, détaille Lynch.

D’autres problèmes qui sortent clairement du domaine de compétence traditionnel de la FAA peuvent survenir avec ces avions sans pilote, qui dans certains cas ont été adaptés pour commettre des crimes ou des actions terroristes. L’année dernière, le FBI a accusé un homme dans le Massachusetts de vouloir envoyer des drones bourrés d’explosifs sur le Capitole et le Pentagone.

T.W. Farnam

 

Traduction Redford pour ReOpenNews


En savoir plus :

 


 

One Response to “Etats-Unis : Le Congrès US ouvre le ciel américain aux drones”

  • André

    Ca, c’est très inquiétant :

    « Avec un budget pour la Défense en pleine cure d’amaigrissement, les drones commerciaux pourraient devenir une source de revenus majeure pour les contractants de l’armée »

    Donc grâce au concours de l’armée Microsoft va explorer tous les data-center des leurs concurrents, voir les quantités et la qualité de ce qu’ils déchargent, au passage faire des reconnaissances faciales sur les personnes y travaillant pour savoir à qui graisser la patte pour avoir des infos, tout en faisant un tour en revenant sur la maison d’un employé soit-disant malade, qui fait des plongeons dans sa piscine.

    Que faut-il pour cela ? Juste un peu d’argent et un état sans aucune éthique comme les US.
    On peut le faire ? Alors on le fait. On réfléchira après, car pour l’instant il y a du beurre à faire.

    PS : Et il faudrait surtout légiférer sur le « workflow » de certaines lois, avant qu’elle ne soient proposées !

Trackbacks

  •  





*
To prove you're a person (not a spam script), type the security word shown in the picture. Click on the picture to hear an audio file of the word.
Click to hear an audio file of the anti-spam word

``