Un procès de Guantanamo va bien se tenir à New York

Au travers de ce titre "prometteur", la journaliste Amy Goodman semble interpeler l’administration Obama après sa récente décision de faire juger les cinq suspects du 11/9 – dont le cerveau présumé Khalid Sheikh Mohammed – par des tribunaux militaires plutôt que par une cour civile. Le procès dont il est question ici, n’est pas celui de ces cinq prisonniers de Guantanamo, mais celui de John Leso, psychologue travaillant pour l’armée US, qui a participé à la mise au point des techniques de torture mises en place dans les prisons secrêtes et illégales états-uniennes, dont Guantanamo est la plus connue.

Un recours a été déposé par plusieurs associations américaines devant la Cour Suprême de New York pour retirer à John Leso sa licence de psychologue et pour enquêter sur ces allégations de "participation à la torture", mais rien ne dit que ce procès aura lieu ni que John Leso se verra retirer sa licence.

Le camp militaire US de Guantanamo, transformé en prison illégale
après les attentats de 2001 et l’invasion de l’Afghanistan.

 


Un procès de Guantanamo va bien se tenir à New York

Posté par Amy Goodman sur TruthDig le 5 avril 2011

Traduction GV pour ReOpenNews

Amy Goodman est la fondatrice, la productrice exécutive et l’hôte de « Democrary Now ! » un programme quotidien d’actualité internationale TV et radio, retransmis par plus de 900 stations en Amérique du Nord. Elle est l’auteure de « Breaking the Sound Barrier », sorti récemment et déjà Best-seller du New York Times.

Plus d’infos sur http://www.truthdig.com/amy_goodman#bio

 

Le jour même où Barack Obama lança officiellement sa campagne de réélection, son ministre de la Justice Eric Holder annoncait que les principaux suspects pour les attentats du 11-Septembre seraient jugés non pas devant une Cour fédérale, mais devant les controversés tribunaux militaires à Guantanamo. Holder a rejeté la faute sur les membres du Congrès qui, selon lui « sont intervenus et ont imposé des restrictions qui ont empêché l’administration de transférer et de juger tout détenu de Guantanamo sur le sol des Etats-Unis. » Pourtant, un procès de Guantanamo va bien avoir lieu à New York. Non, pas celui de Khalid Sheikh Mohammed ni d’aucuns de ses quatre supposés complices. Cette semaine, la Cour suprême de l’État de New York va juger le cas de John Leso, un psychologue accusé de complicité de torture au camp-prison de Gitmo que Barack Obama avait juré de fermer, promesse qu’il n’a pas tenue.

Ce procès a été intenté par la New York Civil Liberties Union et le Center for Justice and Accountability (CJA) pour le compte de Steven Reisner. Reisner est un psychologue new-yorkais et conseiller des « Physiciens pour les Droits Humains » ; il est au centre d’un groupe toujours plus nombreux de psychologues qui font campagne contre la participation de psychologues aux programmes d’interrogatoires du gouvernement US, qui disent –ils, reposent sur la torture. Contrairement à l’American Medical Association et à l’American Psychiatric Association, l’association American Psychological, la plus importante association  de psychologues dans le monde a refusé de mettre en œuvre une résolution votée par ses membres qui  leur interdit de participer aux interrogatoires sur les sites où les lois internationales, ou bien les Conventions de Genève ne sont pas respectées. Reisner, fils de rescapé de l’Holocauste, est candidat à la présidence de l’APA, en partie pour imposer l’application de cette résolution.

John Francis Leso est un major de l’armée US, ex-chef de clinique du service de psychologie au centre médical Walter Reed Army de Washington DC. D’après la CJA, le Docteur Leso « a dirigé la première « Équipe de Consultants pour les Sciences du comportement » (Behavioral Science Consultation Team, ou BSCT) à… Guantanamo, entre juin 2002 et janvier 2003, » où il « co-rédigea un mémo sur les procédés d’interrogatoires qui incorporait des techniques illégales provenant de méthodes utilisées par les gouvernements chinois et nord-coréens contre les prisonniers américains pendant la guerre. »

Reisner a déposé plainte auprès de l’agence de l’État de New York qui accorde les licences de psychologues, le New York Office of Professional Discipline (OPD), et a demandé une enquête et des actions disciplinaires appropriées. Il a choisi cette voie, car « les professionnels de santé ont accès à des informations privées, aux points faibles [des personnes], aux compromis psychologiques ou physiques, et ils ont accès à ces informations parce qu’ils jurent de ne pas l’utiliser pour faire du mal. Et donc, lorsque des professionnels de santé utilisent ces mêmes informations réservées… pour faire du mal, nous voulons nous  assurer que ces personnes auront à répondre de leurs actes et qu’on leur enlèvera leur licence, si nécessaire. »

L’OPD a refusé d’enquêter, et Reisner a donc déposé une plainte en justice pour forcer l’agence à le faire.

Le Major Leso a recommandé de distinguer trois catégories de « sévérité d’interrogatoire » à Guantanamo, en fonction de la faculté de résistance du prisonnier. La « Catégorie III » inclut « l’usage quotidien de 20 heures d’interrogatoire ; la mise en isolement strict sans droit de visite par le personnel médical traitant ou le Comité international de la Croix-Rouge (ICRC) ; le recours à des restrictions alimentaires allant de 24 heures à une semaine ; l’utilisation de scénarios destinés à persuader le détenu qu’il s’expose à une issue pénible, voire fatale ; des traitements physiques n’occasionnant pas de blessures ; la suppression de tout vêtement ; l’exposition au froid ou à l’eau jusqu’à ce que le détenu commence à grelotter. »

John Leso est soupçonné d’avoir participé à l’interrogatoire de Mohammed al-Qahtani, un jeune homme capturé en Afghanistan et surnommé le « 20e pirate ». L’interrogatoire d’ Al-Qahtani fut si dur que les charges contre lui furent abandonnées1. Il est représenté par le Centre des Droits constitutionnels, qui en réponse à l’annonce d’Eric Holder, a déclaré : « L’administration Obama a tout fait pour éviter d’admettre son échec politique total en annonçant qu’il allait faire juger les suspects du 11/9 selon le système profondément défectueux des commissions militaires plutôt que celui des cours civiles qui relèvent de l’article III [de la Constitution - NdT] comme prévu à l’origine…. Alors que les USA en appellent à l’application de la loi au Moyen-Orient, ils passent outre chez eux. »

La liste des officiels US impliqués dans les cas de torture est longue, pourtant aucun d’entre eux n’a eu à répondre de ses actes : George W. Bush, Donald Rumsfeld, John Yoo, Alberto Gonzales, et les psychologues, Colonel Larry James et John Leso, entre autres. Alors qu’un printemps arabe se lève de par le monde, nous devrions tourner une nouvelle page aux USA et célébrer nous aussi le printemps américain en rejetant la torture, et en n’ayant pas peur de notre propre système judiciaire, qu’il ait à juger des suspects de terrorisme ou des tortionnaires.

Amy Goodman

 

(Denis Moynihan a contribué aux travaux pour cet article.)

Traduction GV pour ReOpenNews


Notes ReOpenNews :

  1. Voir l’article de Libération du 13 mai 2003 : 11-Septembre: le Pentagone abandonne les charges contre un terroriste présumé

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