Ben Laden : l’enquête-choc sur un «terroriste planétaire»

Voici un article de Rue89, consacré à un ouvrage paru chez Payot éditeur sur Ben Laden et al-Qaida. Son auteur Ian Amel nous y dépeint la démesure qu’il a constaté entre les actes terroristes qu’on leur attribue et ce que sont réellement ces réseaux islamistes : "Le vrai Oussama Ben Laden n’a rien d’un grand stratège, d’un brillant idéologue ni même d’un chef de guerre" explique Ian Amel, "[les USA] ont fabriqué le mythe d’un génie du mal, et tentent de faire croire qu’ils le traquent depuis sept ans."


C’est la dernière enquête-choc sur Ben Laden, prénom Oussama. Ian Hamel, un journaliste d’investigation franco-suisse particulièrement averti décortique les données de cette « Enigme Oussama Ben Laden ». Il ne s’est pas contenté de quelques entretiens menés dans ses territoires habituels, Genève et Paris. Il a pris son « bâton de pèlerin », il s’est embarqué depuis plusieurs années dans une longue odyssée. Khartoum, Douchanbé au Tadjikistan, Sanaa au Yemen. L’Arabie Saoudite et le Pakistan. Le Liban, la Suisse, la France.

Un groupe rustique, limité, sans envergure

Il voulait savoir si Ben Laden existe vraiment ou s’il est une fabrication de toutes pièces. Est-il ce qu’il paraît, colle-t-il à son portrait de diable surgissant de sa boîte brossé par les Services de renseignement américains, et après eux tous les médias du monde ?

Ou bien est-il un pantin entre les mains des Services américains et saoudiens, agité pour… terroriser l’opinion mondiale, et justifier certaines actions sans rapport avec lui ? Comme la guerre contre Saddam Hussein en Irak, dont il est aujourd’hui certain que le dictateur n’avait rien à voir avec Ben Laden. Est-il le « Deus ex machina » d’une puissance sans borne, ou un petit chef de guerre local ?

Sur ce point, Ian Hamel répond de façon plutôt formelle. S’il vit toujours, ce qui n’est pas sûr, Ben Laden n’a jamais disposé, aujourd’hui moins qu’hier, d’aucun moyen réel, d’aucune arme sophistiquée dépassant le niveau de la kalachnikov qu’il aime tant brandir.

Et en dehors de ses évidentes capacités de propagande intelligente, surtout pas d’arme de destruction massive. Tout juste de la mort aux rats ! Son groupe est rustique, limité, sans envergure. Au mieux bloqué dans les zones tribales du Pakistan, à la frontière de l’Afghanistan, paralysé. En tout cas à l’opposé de sa silhouette fantomatique étendue sur le monde.

Terroriste planétaire ou fanfaron ?

Nombre d’experts ont écrit sur Ben Laden, sans sortir de leur bureau. Sans aller vraiment au fond des choses, comment peut-on aujourd’hui porter un regard sur Ben Laden ? Il est possible de tracer à main levée son portrait simplifié et en creux par quelques questions, qui risquent de rester longtemps sans réponse faute d’obtenir des aveux circonstanciés de l’individu.

Est-il bien le leader du « terrorisme international », ce concept élaboré par l’administration Bush pour justifier les immenses efforts pour le neutraliser ? Est-il un chef de guerre charismatique qui s’inscrirait dans la lignée des maîtres secrets qui des Esséniens aux Soufis émergent parfois de l’Orient compliqué ?

Ou un fanfaron ? Un modeste personnage qui a fini par croire à la réputation qu’on lui a fabriqué ? L’image de ce « terroriste planétaire » a été forgée par les services spéciaux américains, comme le croient à juste raison de nombreux musulmans ? Un épouvantail agité de façon récurrente pour permettre à des généraux de justifier les énormes budgets militaires nécessités par la guerre en Irak et en Afghanistan ?

Ben Laden et Al-Qaïda ne seraient que des affiches, des « franchises » en quelque sorte, utilisées par les gouvernements les plus réactionnaires du Proche-Orient pour dévaloriser, pour mater, pour détruire leurs oppositions.

La tribu familiale apparaît pour la première fois à la fin des années 70

Tout concourt à démontrer que le personnage, et l’organisation Al-Qaïda sur laquelle il est censé s’appuyer ne sont que des outils de propagande. Une propagande que l’on est bien obligé de prendre au sérieux, compte-tenu des méfaits commis sous cette bannière de l’Islam radical.

En quelque sorte une construction publicitaire, dont la véritable capacité de nuisance est sans doute fort éloignée du faisceau de circonstances qui lui a permis avec ses hommes de réussir presque par hasard un des coups terroristes les plus stupéfiants de l’histoire.

Le propos central de Hamel part d’un constat : la monarchie saoudienne a été horrifiée par les incidents survenus pendant le pèlerinage de la Mecque le 20 novembre 1979. Des centaines de personnes sont prises en otage à la grande mosquée Al-Masjid al Haram par un groupes de cinq cents fondamentalistes qui se sont introduits clandestinement dans les lieux.

Dans l’organisation de ce coup de force et dans son dénouement la famille Ben Laden, considérée comme proche de la famille royale, joue un rôle peu clair. Cette tribu familiale apparaît pour la première fois dans l’histoire pour ne plus quitter l’avant-scène pendant trente ans.

Ben Laden n’existerait que dans le regard de ceux à qui il est utile

Pour redorer l’image des Saoudiens comme protecteurs du monde musulman, le prince Turki, chef des services de renseignements saoudiens décide d’aller prêter main forte aux Afghans en lutte contre les Soviétiques.

Faute d’obtenir le soutien d’un prince royal, il demande aux Ben Laden d’assumer cette tâche. C’est ainsi qu’Oussama se trouve engagé auprès des Afghani. Avec l’appui logistique massif des Américains, les troupes de Moscou sont contraintes de se retirer. Selon le récit de Ian Hamel, Ben Laden aurait alors conclu que cette victoire lui était totalement due.

La complexité de l’itinéraire impose l’idée que ce grand gosse de Ben Laden ne serait rien en lui-même, il n’existerait que dans le regard de ceux à qui il est utile. En bref, il n’y aurait pas de Ben Laden, seul son pantin virtuel aurait une forme de réalité.

Nous voici totalement à l’opposé du mythe agité par l’administration Bush pour justifier la « guerre au terrorisme ». Une guerre qui multiplie à l’infini les ennemis des Etats-Unis : ce sera au nouveau président américain de percer cet abcès, sans doute sans victoire militaire possible.

Article de Par Philippe Madelin pour Rue89

L’Enigme Oussama Ben Laden de Ian Hamel – Payot éditeur, novembre 2008 – 336p., 20€.

 


 

9 Responses to “Ben Laden : l’enquête-choc sur un «terroriste planétaire»”

  • Christo

    Cet article aurait peut etre mérité que l’on mette en avant le fait qu’il s’agit d’un article de Rue89. Pour une fois qu’un article politiquement incorrect est publié dans un média reconnu !

  • GeantVert

    ok bonne remarque. C’est corrigé.
    –GV

  • mars00

    Comment, quand on est journaliste à « Rue 89″ et qu’on prête à un journaliste d’investigation « particulièrement averti » (tel qu’est supposé l’être Ian Hamel) l’analyse ci-dessus, peut-on concilier çà:
    « dont la véritable capacité de nuisance est sans doute fort éloignée du faisceau de circonstances qui lui a permis avec ses hommes de réussir presque par hasard un des coups terroristes les plus stupéfiants de l’histoire. » (A noter le « presque par hasard » !!!)
    avec çà:
    « En bref, il n’y aurait pas de Ben Laden, seul son pantin virtuel aurait une forme de réalité. »

    J’en déduis donc, à la lumière de cet nième exemple de rigueur journalistique contemporaine, qu’il y a parfaite compatibilité entre un pantin virtuel et sa capacité « hasardeuse » de faire s’effondrer 3 tours à la vitesse de la chute libre.

    Une fois de plus, merci messieurs les « Journalistes » d’aider les citoyens à décrypter la « réalité » du monde qui, comme chacun sait au moins depuis le 11 septembre, n’est autre que sa « virtualité » et réciproquement.

  • looping

    Depuis le temps que Ben Laden (superbe sponsorisation pour des machines à laver) est reconnu comme superstar terroriste, 7 ans déjà, enfin un journaliste nous pond un article pertinent . Mais que se passe-t-il dans les hautes sphères journalistiques mondiales ? Il serait peut être temps, aujourd’hui que quelqu’un nous lache le morceau ! Quelqu’un qui comme Karlzero n’a aucun scrupule,aucune peur de l’ouvrir ! De toute manière, les gouvernements changent et tôt ou tard la dure vérité éclatera, mais ce jour là, une ruée mondiale ira frapper à leur porte pour demander des explications . Autant révéler la vérité maintenant, non ?

  • Fab

    @Mars00

    c’est une démonstration par l’absurde, c’est pédagogique, chacun se retrouve devant la contradiction et en suce la substantifique moelle ou pas

    à moins l’article ne soit que fidèle au livre qu’il présente

  • Olive

    Le problème s’est posé après la victoire magnifique de l’héroïque peuple afghan contre l’envahisseur soviétique. Je rends ici un hommage au travail splendide Chrsitophe de Ponfilly (grand reporter). Les combattants non afghans ont quitté le pays et sont devenus des mercenaires aux services de causes plus douteuses (manipulés par CIA, ou mus par leur fondamentalisme combattant, ou par l’anti-occidentalisme radical) En tous cas ils étaient particulièrement sanguinaires, c’est largement documenté. C’est sans doute eux qui ont tué Massoud le pro européen… Feu Ben Laden était l’un d’entre eux, un chef, interface avec la CIA qui détestait les usa…
    A-t-il dirigé les avions depuis sa cave de bora bora avec un joystick microsoft? je ne crois pas… A-t-il été mis au courant et contribué à cette immense mise en scène du 11 septembre? sans doute à son petit niveau. Savait-il que ce serait utilsé par les usa pour revenir an Afghanistan. Surement pas. Il a été piégé. Totalement piégé et tué. Ce sont là des hypotèses de travail.





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