La Norvège, comme l’OTAN, dissimule les rapports sur les pertes civiles en Afghanistan

Pris en flagrant délit de dissimulation des chiffres ! Voilà la Norvège bien embarrassée par ces documents de Wikileaks qui montrent que les chiffres des pertes civiles ont été volontairement abaissés, sans doute pour éviter de générer un véritable débat sur la présence des forces de l’OTAN en Afghanistan presque 10 ans après l’invasion de ce pays au nom de la guerre contre ben Laden et les Talibans. Le décompte macabre dans une zone de guerre comme l’Afghanistan relève de toute façon des autorités militaires, et l’ONU semble avoir perdu tout contrôle sur ce conflit qu’elle a initialement autorisé au lendemain des attentats du 11/9.

Malgré les dénégations outrées des officiels de l’OTAN, tout cela relève d’une stratégie bien huilée. N’oublions pas en effet qu’un câble de Wikileaks avait déjà révélé l’an dernier la stratégie que la CIA a mise au point pour convaincre l’opinion publique de soutenir davantage l’intervention militaire de l’OTAN en Afghanistan, notamment en France et en Allemagne où les populations sont très majoritairement contre. Mis à part quelques communiqués d’organisations humanitaires, ces informations ne "transpirent" pas dans nos grands médias. Encore une fois, on peut légitimement se demander ce qui pousse les journalistes à se rendre ainsi complices de telles mystifications, au lieu de présenter ces informations au grand public comme leur profession l’exige.

 

La Norvège a depuis des années des troupes en Afghanistan
pour le compte de l’OTAN. PHOTO: Forsvaret

 


La Norvège, comme l’OTAN, dissimule les rapports sur les pertes civiles en Afghanistan

par Aled-Dilwyn Fisher, pour newsinenglish.no, le 21 février

Traduit par D.Muselet pour LeGrandSoir

De nouvelles révélations de Wikileaks par le journal norvégien Afgtenposten continuent d’embarrasser les gouvernements de la Norvège et des USA. Elles montrent que les ambassadeurs norvégiens ont suivi l’exemple de l’OTAN et de son leader étatsunien dans leur effort pour éviter un débat gênant au sujet des pertes civiles en Afghanistan.

Les câbles de la délégation étatsunienne à l’OTAN qui ont fuité ont été rédigés en septembre 2008. On y lit : "L’ambassadeur de Norvège a souligné la nécessité d’éviter un débat public sur le nombre de civils tués." D’après ces câbles l’ambassadeur de l’époque et l’ancien ministre adjoint aux affaires étrangères, Kim Traavik auraient jeté le discrédit sur le bilan des morts présenté par l’ONU en disant que : "Même les employés de l’ONU en poste à Kaboul doutaient de la méthode utilisée."

Traavik – qui est actuellement l’ambassadeur de Norvège en Grande-Bretagne – a nié avoir consciemment omis des faits, et a dit à Aftenposten que le rapport des câbles de l’ambassade des USA devait être un "malentendu". Il a affirmé que la Norvège était un des pays qui "demandait le plus vivement" que l’OTAN et la FAIS (la force internationale d’assistance et de sécurité, missionnée par l’OTAN en Afghanistan) prennent des mesures pour éviter les pertes civiles. "Nous l’avons fait pour des raisons humanitaires" a dit Traavik à Aftenposten, "mais aussi pour prendre en considération l’opinion publique des nations membres et d’Afghanistan."

"Tout à fait inacceptable"

Les organisations des droits de l’homme internationales ont cependant été promptes à émettre des critiques et le secrétaire général de la branche norvégienne d’Amnistie Internationale, John Peder Egenaes, a déclaré : "Il est tout à fait inacceptable que la Norvège ait accepté de dissimuler le bilan des victimes." Il a qualifié les révélations de "contraires à ce que l’on attend des autorités norvégiennes et à l’image que le gouvernement veut donner de lui-même."

Le malaise de la Norvège et de ses alliés à propos des écarts entre le bilan établi par l’ONU et celui établi par l’OTAN, a conduit l’OTAN à demander à l’ONU de mener des études conjointes sur les morts civiles. Le représentant spécial de l’ONU en Afghanistan, Kai Eide, s’y est fermement opposé en disant, selon le compte-rendu étatsunien, qu’une telle coopération "compromettrait l’indépendance de l’ONU et provoquerait un tollé chez les militants des droits de l’homme." Eide était déjà considéré comme "trop indépendant" par les alliés de l’OTAN et Victoria Nuland, l’ambassadeur étatsunien à l’OTAN a demandé à un diplomate norvégien expérimenté de "faire cause commune avec la FAIS en public et de défendre la mission chaque fois que des tragédies inévitables comme des pertes civiles se produisaient."

"Sans lien avec la réalité"

Eide a beaucoup critiqué la position de l’OTAN sur cette question, en disant qu’il "s’était rendu compte au cours des discussions que l’OTAN avait complètement perdu le contact avec la réalité du terrain en Afghanistan."

Le bombardement de Bala Baluk a particulièrement contrarié Eide ; des documents révélés aussi pendant le week-end indiqueraient que les USA ont caché un rapport de la Croix-Rouge qui faisait état de 89 civils tués dans ce bombardement alors qu’un officiel étatsunien prétendait qu’il n’y avait eu que 26 victimes. Eide va bientôt sortir un livre qui relate apparemment en détail ses désaccords avec les USA notamment en ce qui concerne la dissimulation des pertes civiles.

D’autres documents de Wikileaks ont montré que, lorsqu’on les questionne sur les pertes civiles, la réponse habituelle de l’OTAN, que les USA ont concoctée, a été de s’excuser pour les victimes qui ont perdu la vie, de promettre une enquête et d’accuser les Talibans d’être responsables des morts.

Aled-Dilwyn Fisher

LeGrandSoir, le 23 février 2011
 

Pour consulter l’original : http://www.newsinenglish.no/2011/02…

Traduction D. Muselet pour LGS


En lien avec cet article :

 


 

One Response to “La Norvège, comme l’OTAN, dissimule les rapports sur les pertes civiles en Afghanistan”

  • je recommande de relire l’excellent article de M. Dieter Deiseroth.

    Ce juge allemand explique que l’ONU n’a pas explicitement vérifié, si les demandes des Etats-Unis pour « légaliser » leur invasion de l’Afghanistan, étaient compatibles avec l’article 51 de la charte des nations unies. Les résolutions de l’ONU mentionnent l’article 51, mais sans expliciter qu’il est respecté dans le cas de l’invasion de l’Afghanistan.

    l’article 51 suppose en effet:

    « 1/ l’existence d’une agression armée actuelle imputable à l’Afghanistan et
    2/ l’absence de mesures nécessaires de la part du Conseil de Sécurité de l’ONU »

    d’autre part, selon la jurisprudence internationale:

    « D’après la jurisprudence du Tribunal International, une telle «agression armée» devrait au moins être imputée à l’Etat contre lequel le droit à l’autodéfense de l’article 51 Un-Charta serait invoqué. »

    Mais personne n’a vu les preuves. On en revient toujours au même constat.

    En résumé: une invasion armée n’est pas la réponse à apporter au cas de figure du 11 Septembre 2001.

Trackbacks

  •  





*
To prove you're a person (not a spam script), type the security word shown in the picture. Click on the picture to hear an audio file of the word.
Click to hear an audio file of the anti-spam word

``