Les Echos : l’armée U.S. veut bombarder virtuellement le site Wikileaks pour le faire taire

Les dernières révélations du site Wikileaks sur les plans "secrets" de la CIA pour influencer l’opinion publique française et européenne[1] à propos de la guerre en Afghanistan ne sont sans doute pas étrangères à ce nouveau rebondissement : selon le quotidien français Les Echos, les autorités militaires américaines cherchent par tous les moyens à faire taire ce site Web américain, célèbre sur Internet pour ses nombreux scoops et publications de documents confidentiels. Si certains doutaient encore de la véracité des documents mis à disposition sur le site WikiLeaks, voici la réponse.

 

 


[Les Echos - 18/03/2010]

Wikileaks, un roi du scoop sous la menace

Le site met en ligne de façon anonyme des documents sensibles et confidentiels. L’armée américaine aurait envisagé de le bloquer, alors qu’il est à la recherche de fonds pour survivre.

« Wikileaks a probablement sorti plus de scoops dans sa courte vie que le « Washington Post » ces trente dernières années« . La formule du journal américain « The National » résume bien l’histoire de ce site collaboratif spécialisé dans la publication de dossiers confidentiels. Lancé en janvier 2007, Wikileaks affiche déjà un impressionnant palmarès : des documents qui suggèrent que la banque suisse Julius Baer aurait aidé ses clients à blanchir de l’argent et à pratiquer l’évasion fiscale aux Iles Caïman, le manuel des procédures de l’US Army à Guantanamo, une affaire de corruption dans l’entourage de l’ancien président kényan Daniel Arap Moi, des documents de travail sur les négociations secrètes de l’ Anti-Counterfeiting Trade Agreement (ACTA) sur les droits d’auteur, des détails sur le fonctionnement de l’Eglise de Scientologie, etc.

Le site a également diffusé de nombreuses informations concernant le krach bancaire islandais de 2008 : une liste de prêts et de lignes de dettes effacées au profit de certains dirigeants de la Kaupthing Bank peu de temps avant son effondrement, les négociations entre les gouvernements islandais, britannique et néerlandais sur le remboursement des victimes de la banque Icesave ( http://file.wikileaks.org/files/icesave1.pdf et http://file.wikileaks.org/files/icesave2.pdf)…

Les sources de ces révélations proviennent de « whistleblowers » (lanceurs d’alerte en anglais), des avocats, fonctionnaires, employés ou simples citoyens en possession de documents confidentiels, désireux de rendre publiques des informations sensibles et auxquels Wikileaks assure un total anonymat grâce à un système de cryptage des données. Une communauté de 800 journalistes, informaticiens, mathématiciens et militants s’efforce de vérifier l’authenticité et la validité des informations avant de les publier sur le site.

Attaqués une centaine de fois en justice, ses éditeurs se battent en faveur d’une nouvelle législation sur la liberté d’expression. Ils ont ainsi créé un collectif international et poussé à la rédaction d’une proposition de loi examinée actuellement par le parlement islandais. Ce texte, qui compile différentes lois à travers le monde, ferait de l’île, choisie pour son environnement légal favorable, un cyber paradis de l’information garantissant la protection des communications et des sources et interdisant le filtrage du Web.

Mais le succès de Wikileaks est en train de causer sa perte. Submergés par le nombre de connexions et de documents à stocker – plusieurs millions de pages -, les responsables ont temporairement ralenti son activité pour se consacrer à la recherche de fonds. Car le site, avec un budget annuel de 600.000 dollars, ne vit que de dons de particuliers, refusant tout soutien d’entreprise ou de collectivités. « Nous avons reçu plusieurs centaines de milliers de documents relatifs à des banques corrompues, au système de détention des Etats-Unis, à la guerre en Irak, à la Chine, aux Nations Unies et bien d’autres que nous ne sommes techniquement pas en mesure de publier », promet la page d’accueil du site, soutenu par de nombreux médias « traditionnels ».

Une autre menace pèserait également sur Wikileaks. Celui-ci a publié lundi un document classé secret provenant d’une agence du département de la Défense américain et qui présente le site comme une « menace pour l’US Army ». Daté de mars 2008, ce rapport de 32 pages indique que certaines informations peuvent avoir « une valeur pour les services de renseignements étrangers, les forces militaires étrangères, les insurgés étrangers et les groupes terroristes afin de collecter des informations ou planifier des attaques contre les forces américaines« . Les auteurs du rapport suggèrent d’identifier et de poursuivre en justice les éventuels informateurs du site au sein de l’administration américaine afin de dissuader la population d’y avoir recours, brisant ainsi la confiance dans le système de cryptage de Wikileaks.

« Nous avons déjà été confrontés à toute sorte de gouvernements et d’agence de renseignements privés, affirme Julian Assange, l’un des responsables du site.Heureusement, nous comptons aussi beaucoup d’amis qui nous veulent du bien. Nous sommes en train d’enquêter sur ce problème et, quand le moment sera venu, nous aurons d’autres informations à révéler sur les agissements de l’armée américaine. » Selon lui, jusqu’à présent, aucune source n’a été révélée depuis la création du site.

paru dans Les Echos le 18/03/2010

 


Références :

  1. Rapport de la CIA : comment manipuler l’opinion publique européenne sur l’Afghanistan

 

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