SOA, ou l’école du terrorisme à l’américaine

George Monbiot, entre autres activités, est journaliste pour le quotidien The Guardian. Choqué comme beaucoup par l’invasion de l’Afghanistan, il n’a pu s’empêcher de sortir quelques fantômes des placards pour nous rappeler que les terroristes ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Son article revient sur la création et l’évolution de la SOA, School Of  Americas – l’Ecole des Amériques -  à la réputation sulfureuse. Au point de devoir changer de nom et relisser son image : la SOA est devenue WHISC, The Western Hemisphere Institute For Security Cooperation, mais sa vocation première reste inchangée et l’école recrute toujours.


 

Les coulisses du terrorisme.

Les États-Unis entraînent depuis des années des terroristes dans un camp en Georgie – ceci est toujours d’actualité

Par George Monbiot pour The Guardian, le 30 octobre 2001

" Si des gouvernements, quels qu’ils  soient, sponsorisent les hors-la-loi et les tueurs d’innocents," a déclaré George Bush le jour où il a commencé à bombarder l’Afghanistan, "ils deviennent eux-mêmes des hors-la-loi et des assassins. Ils prendront cette voie solitaire à leur propre péril." Je suis content qu’il ait dit " des gouvernements quels qu’ils soient", car il y en a un qui, bien qu’il ne soit pas encore identifié comme sponsor du terrorisme, requiert d’urgence son attention.

Depuis 55 ans, il existe un camp d’entraînement dont les victimes dépassent massivement le nombre de personnes tuées par les attentats de New York, les explosions à l’ambassade et autres atrocités attribuées, à tort ou à raison, à al Qaida. Le camp s’appelle The Western Hemisphere Institute for Security Cooperation, ou le WHISC. (NDT : Institut  de l’Hemisphère Occidental pour la Coopération Sécuritaire). Ce camp est basé à Fort Benning, en Georgie; il a été financé par le gouvernement Bush.

Jusqu’au mois de juin de cette année, le Whisc était surnommé  "The School of the Americas" ou SOA. (NDT : "l’Ecole des Amériques" ou SOA). Depuis 1946, la SOA a entraîné plus de 60 000 soldats et policiers latino-américains. Parmi ses gradés se trouvent les tortionnaires, les meurtriers de masse, les dictateurs et les terroristes d’État les plus célèbres du continent. Comme des centaines de pages de documentation compilées par le groupe de pression SOA Watch Now l’attestent, l’Amérique latine a été dépecée par ses anciens élèves.

Au mois de juin de cette année, le colonel Byron Lima Estrada, alors qu’il était étudiant à l’Ecole, a été condamné à Guatemala City pour le meurtre de l’évêque Juan Gerardi en 1998.  Gerardi fut assassiné car il avait apporté son aide à la rédaction d’un rapport sur les atrocités commises par le D-2, l’agence des services secrets militaires dirigée par Lima Estrada avec l’aide de deux gradés de la SOA, de Guatemala City. Le D-2 avait coordonné "la campagne anti-insurrectionnelle" qui avait anéanti 448 villages indiens Mayas, assassinant 10 000 personnes. 14% des ministres du cabinet qui ont travaillé au service des régimes génocidaires de Lucas Garcia, Rios Montt et Mejia Victores, ont fait leurs études à l’Ecole des Amériques.

En 1993, la Commission des Nations Unies pour la vérité sur le Salvador a désigné les officiers de l’armée ayant commis les pires atrocités durant la guerre civile. Les deux tiers d’entre eux avaient été entraînés à L’Ecole des Amériques. Parmi eux se trouvaient Roberto d’Aubuisson, le chef de l’escadron de la mort du Salvador, les hommes qui avaient tué l’archevêque Oscar Romero, ainsi que 19 des 26 soldats qui avaient assassiné les prêtres jésuites en 1989. Au Chili, les gradés de l’Ecole avaient fait partie  à la fois de la police secrète d’Augusto Pinochet et de ses trois principaux camps de concentration. L’un d’entre eux a participé à l’assassinat d’Orlando Letelier et de Ronni Moffit à Washington en 1976.

Les dictateurs de l’Argentine, Roberto Viola et Leopoldo Galtieri, ceux du Pananma, Manuel Noriega et Omar Torrijos, celui du Pérou, Juan Velasco Alvarado et celui de l’Equateur, Guillermo Rodriguez, ont tous bénéficié des enseignements de l’Ecole. De même pour le chef de l’escadron de la mort de "Grupo Colina" (Groupe de la Colline) à Fujimori au Pérou, pour quatre des cinq officiers qui dirigeaient l’infâme Battalion 3-16 au Honduras (qui y contrôlait l’escadron de la mort dans les années 80) et pour le commandant responsable du massacre de Ocosngo à Mexico en 1994.

Tout ceci est de l’histoire ancienne, insistent les défenseurs de l’Ecole. Mais les diplômés de la SOA sont également impliqués dans la sale guerre menée en Colombie avec l’aide des États-Unis. En 1999, le rapport du Département d’État américain concernant les droits de l’homme mentionnaient les noms de deux gradés de la SOA comme étant les assassins d’Alex Lopera, membre de la Commission pour la Paix. L’an dernier, Human Rights Watch révéla que 7 anciens élèves y dirigent des groupes paramilitaires et qu’ils ont commandité des enlèvements, des disparitions, des meurtres et des massacres. Au mois de février de cette année, un gradé de la SOA en Colombie a été déclaré coupable de complicité de torture et du meurtre de 30 paysans par des paramilitaires. L’Ecole attire actuellement la plupart de ses étudiant de Colombie – plus que d’autres pays.

Le FBI définit le terrorisme comme "des actes violents…dans l’intention d’intimider ou d’exercer des pressions sur une population civile, d’influencer la politique d’un gouvernement ou d’affecter la conduite d’un gouvernement", ce qui est la description précise des activités des diplômés de la SOA. Mais comment peut-on s’assurer que leur alma mater (l’école qui a dispensé l’enseignement suivi) a participé à cela ? Eh bien, en 1996, le gouvernement américain a été obligé d’éditer 7 des manuels d’entraînement de l’école. Entre autres conseils pour terroristes, on recommandait le chantage, la torture, l’exécution et l’arrestation des parents de témoins.

L’an dernier, en partie grâce à la campagne dirigée par SOA Watch, plusieurs députés ont tenté de fermer l’Ecole. Ils ont été battus par 10 voix. Au lieu de cela, la Chambre des Représentants a voté pour sa fermeture et l’a immédiatement rouverte sous un autre nom. Donc, tout comme Windscale est devenu Sellafield avec l’espoir de l’effacer de la mémoire du public, l’Ecole des Amériques s’est lavée du passé en se renommant elle-même WHISC.  Tandis que le colonnel Mark Morgan informait le Département de la Défense  juste avant le vote au Congrès : " Certains de vos chefs nous ont dit qu’ils ne peuvent supporter tout ce qui est estampillé "Ecole des Amériques". Nous proposons ceci : elle change de nom." Paul Coverdell, le Sénateur de Géorgie qui s’était battu pour sauver l’Ecole, a dit aux journaux que ce changement était  "purement cosmétique."

Mais visitez le site web WHISC et vous verrez que l’Ecole des Amériques est tout sauf effacée des annales. Même la page "Histoire" oublie de le mentionner. Les cours au WHISC, nous dit-on,  "couvrent un large spectre de domaines en rapport, tels que la planification pour les opérations de paix, les premiers secours, les opérations civiles et militaires, l’organisation tactique et les opérations anti-drogue."

Plusieurs pages décrivent ses initiatives concernant les droits de l’homme. Mais, bien qu’elles rendent compte de la plupart de ses programmes d’entraînement, des techniques de combat et de commando, la contre insurrection et les interrogatoires ne sont pas évoqués. Ni le fait que les options "paix" et "droits de l’homme" de Whisc étaient également présentées par la SOA dans l’espoir  d’apaiser le Congrès pour préserver son budget: mais il est peu probable que les étudiants les choisissent.

On ne peut attendre de ce camp d’entraînement terroriste qu’il change de lui-même : après tout, abandonné à son propre sort pour en tirer une leçon, il refuse de reconnaître qu’il a un passé. Donc, étant donné que la preuve liant l’école à des atrocités continues en Amérique latine est plus forte que la preuve liant  les camps d’entraînement d’al-Qaida  aux attentats de New York, que devrions-nous faire de ces "acteurs maléfiques" à Fort Benning en Georgie ?

Eh bien, nous pourrions pousser nos gouvernements à appliquer toute la pression  diplomatique possible, et demander l’extradition des commandants en vue d’un jugement pour complicité de crimes contre l’humanité.
Alternativement, nous pourrions demander que nos gouvernements attaquent les Etats-Unis, qu’ils bombardent ses installations militaires, ses villes et ses aéroports dans l’espoir de renverser son gouvernement non élu et de le remplacer par une administration supervisée par les Nations Unies. S’il s’avère que cette proposition est impopulaire auprès de la population américaine, nous pourrions gagner son cœur et son esprit en lui parachutant des naans (les pains au Moyen-Orient) et du curry lyophilisé dans des sacs en plastique marqués du drapeau afghan.

Vous pouvez objecter que cette prescription est ridicule, je suis d’accord. Mais même en essayant, je ne peux faire la différence morale entre ce moyen d’action et la guerre lancée maintenant contre l’Afghanistan.
 

Traduit par Apetimedia pour ReOpenNews


A lire :

7 Responses to “SOA, ou l’école du terrorisme à l’américaine”

  • Métais

    Ce n’est pas une nouveauté et nous Français sommes bien placés pour le savoir. Je vous suggére d’aller jeter un oeil sur Wikipédia à « Paul Aussaresses » et à « Plan Condor ».
    Aussaresses était l’Officier chargé par Massu à Alger en 57 des sales besognes ( à côté du Colonel Trinquier plus « théoricien » ) . Pour résumer la « doctrine » : on assassine , on torture , on terrorise et au final on perd la guerre…
    Aprés la défaite de 62 en Algérie il a « enseigné » à Fort Bragg et à Fort Benning en Géorgie les « techniques » de la « Bataille d’Alger » et de la guerre dite de contre-insurrection , idem au Brésil dans le Centre d’Instruction à la guerre dans la jungle fondé avec l’aide de cette fameuse « Ecole des Amériques » et de sa « filiale » au Panama. On touche avec Aussaresses et nombre de ces « collégues » français ( car Aussaresses n’a pas été le seul ) aux escadrons de la mort qui ont « oeuvré » pour les dictatures d’Amérique du Sud ( plan Condor..etc) . La France et les Usa nient toujours être impliqués dans ces histoires mais les doutes existent à ce sujet…

  • DST

    Simulation tactique

    d’un coté nous avons le défendant et de l’autre
    l’attaquant
    si able warrior est le défendeur anti terroriste
    qui est able danger ,?
    c’est une troupe d’attaquand prévu pour simulé des attaques
    durant les exercices anti terroristes
    ces agents double sont la comme ds acteurs
    dans les entrainements normaux
    mais a un certain moment paf
    la simulation devient réel
    les faux terroristes ne savent pas ce qui va se produire
    et le guidage des avions est pris a distance
    car les codes sont changé par les codes indiquand le positionement des balises de guidage placé dans les twin towers
    L’opération est alors lançé

  • Métais

    @ DST
    Ca c’est une chose effectivement à laquelle on ne s’est pas assez intéressé , à mon avis aussi , c’est au guidage des deux appareils de NY. Pour un « pilote amateur » un peu nerveux s’aligner à la vitesse où allait ces avions sur une tour de 50 métres de largeur ce n’est pas de la tarte sans « assistance » ou sans pouvoir se caler sur le systéme ad hoc .Que ce se serait il passé si l’avion avait loupé la Tour ou l’avait heurtée du bout de l’aile ? Dans la version suicide assisté qui est la nôtre , il était primordial de toucher la « cible » et au bon endroit . Le plus sûr alors pour cela était d’équiper les appareils d’un systéme de « pilotage » automatisé ( au point sur les missiles militaires et adapté à des objectifs verticaux comme les immeubles ) avec ou sans éclairage laser de la cible . Je me demande si les « terroristes » qui étaient sensés piloter les avions étaient au courant ?…ou alors avant de s’éclater ils ont dû penser qu’Allah avait pris les choses en main ? Je me demande aussi pour finir comment tous ces dispositifs ( s’ils ont existé ? ) ont pu échapper aux mécaniciens qui entretiennent les appareils et aux pilotes officiels ? Mystére toujours…
    Ce n’est pas exactement le sujet , je m’en excuse , mais ce 11/9 est une telle histoire à tiroirs…

  • f6

    Une belle croix de malte dans ce blason du WHISC;
    Ordre de malte…. voyage à malte….souvenirs!…
    Voilà bientôt mille ans que ce bras armé du catholicisme est en croisade.
    Derrière une célèbre façade humanitaire et hospitalière, de bien troubles activités.
    Ces chevaliers de l’occident ont traversés les siècles, aujourd’hui encore ils exercent leurs puissantes influences dans les hautes sphères de nos institutions.
    Cet ordre souverain sans territoire est reconnu par une centaine d’état, rien de moins!
    Il dispose de passeports et valises diplomatique…
    Fort instructif un petit voyage à Malte… ou plutôt dans les arcanes de l’ordre de Malte!
    Tous les 24 juin à l’occasion de la St Jean Baptiste qui est leur St patron, les chevaliers français de l’ordre de malte se réunissent dans la chapelle du château de Versailles.
    Très vivant ce curieux ordre souverain , militaire et hospitalier!
    Déjà vieux de dix siècles.

  • talbot

    avec les sattelites espions on peut savoir ce qui s’est passé avec les wtc et savoir l’origine du depart des 2 avions au usa masi personne ne veut une enquete judiciaire comme en europe tous est lié et entrecroisé





*
To prove you're a person (not a spam script), type the security word shown in the picture. Click on the picture to hear an audio file of the word.
Click to hear an audio file of the anti-spam word

``