Que représentons-nous ?

Par Paul Craig Roberts, le 17 février 2008

Classiquement, les Étasuniens pensaient à leur pays comme à une « ville sur la colline, » à la « lumière du monde. » Aujourd’hui, seuls ceux qui se racontent des histoires pense ça. Les sondages montrent que le reste du monde considère les États-Unis et Israël comme les deux plus grands périls contre la paix.

​​​​Ce n’est pas surprenant. Pour reprendre les paroles d’Arthur Silber : « L’administration Bush a informé le monde, et tous les Étasuniens, de ce que signifient aujourd’hui leur pays : la volonté acharnée d’assujettir le monde, le crime, les guerres d’agression génocides, la torture, et une situation intérieure autoritaire de plus en plus bestiale et déplacée. C’est ce que nous représentons. »

​​​​S’adressant à ses compatriotes, Silber pose la question primordiale : « Pourquoi soutenez-vous » [ces horreurs] ?

​​​​Sa question est au cœur du problème. Nous, Étasuniens, avons-nous quelque honneur, quelque humanité, quelque intégrité, quelque conscience des crimes perpétrés en notre nom par le gouvernement ? Avons-nous une conscience morale ?

​​​​Comment concilier la conscience morale avec notre incessante tolérance envers notre gouvernement, qui a envahi deux pays en s’appuyant sur des mensonges et des falsifications, a détruit leurs infrastructures civiles et a massacré des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ?

​​​​La tuerie et l’occupation se poursuivent, même si nous savons à présent que les invasions étaient échafaudées sur des mensonges et des « preuves » fabriquées. Le monde entier le sait. Pourtant, les Étasuniens continuent à se comporter comme si les invasions sans raison, les tueries gratuites, et les destructions arbitraires étaient justifiées. Il n’y a pas d’issue en vue à cela.

​​​​Si les Étasuniens ont de l’honneur, comment peuvent-ils trahir les Pères Fondateurs qui leur ont donné la liberté, en tolérant un gouvernement qui se prétend affranchi des lois et de la Constitution et installe un État policier au milieu d’eux ?

​​​​Les réponses à ces questions varient. Quelques-uns répliquent que le public étasunien craintif et trompé recherche la sécurité contre les terroristes dans un gouvernement puissant.

​​​​D’autres répondent que la majorité des Étasuniens comprennent enfin le mal que Bush a déchaîné, et qu’ils ont tenté de l’empêcher en votant contre les Républicains en novembre 2006 pour mettre les Démocrates au contrôle du Congrès, tout cela sans effet, et ils sont maintenant démoralisé car aucun des deux partis ne prête attention à l’opinion publique et n’a de conscience morale.

​​​​Les gens demandent encore et encore, « Que pouvons-nous faire ? »

​​​​Très peu quand les institutions mises en place pour protéger le peuple de la tyrannie échouent. Aux États-Unis, les institutions se sont plantées sur toute la ligne.

​​​​La liberté et l’indépendance du chien de garde qu’est la presse ont été supprimées par la concentration des médias, autorisée par l’administration Clinton et le Congrès. Les Étasuniens, qui comptent sur les médias imprimés traditionnels et la télévision, n’ont tout simplement aucune idée de ce qui se trame.

​​​​La rivalité politique a fait défaut quand le parti de l’opposition est devenu un parti « suiveur. » Les Démocrates ont même confirmé Michael Mukasey comme garde des Sceaux, un juge fédéral autoritaire dont les décisions ont sapé l’habeas corpus et qui refuse de condamner la torture. Pareil individu est maintenant le plus grand dignitaire du maintient de l’ordre des États-Unis.

​​​​Le système judiciaire a capoté quand les juges fédéraux ont statué que les « secrets d’État » et la « sécurité nationale » sont plus importants que la responsabilité du gouvernement et l’autorité de la loi.

​​​​La séparation des pouvoirs a raté quand le Congrès à acquiescé à la prétention d’autorité primordiale et d’indépendance statutaire à la loi et à la Constitution de la branche exécutive.

​​​​Elle a failli de nouveau quand les Démocrates ont refusé de destituer Bush et Cheney, les deux plus grands criminels de l’histoire politique étasunienne.

​​​​Sans l’impeachment de Bush et Cheney, les États-Unis ne pourront jamais se redresser. Les précédents d’irresponsabilité gouvernementale instaurés par l’administration Bush sont trop importants, leurs dommages sont trop durables. Sans la révocation, les États-Unis continueront à sombrer dans une dictature, dans laquelle la critique du gouvernement et l’appel à la Constitution sont criminalisés. Nous nous sommes rapprochés de coutumes exécutives que beaucoup de peuples connaissent.

​​​​Silber nous rappelle que les États-Unis avaient autrefois des dirigeants, comme le président de la Chambre, Thomas B. Reed, et le sénateur Robert M. LaFollette Sr., qui appréciaient plus que leur carrière politique les principes sur lesquels sont fondés les États-Unis. Peut-être que Ron Paul et Dennis Kucinich sont de cet acabit, mais les États-Unis sont tombés si bas que les gens qui tiennent aux principes sont aujourd’hui marginalisés. Ils ne peuvent devenir président de la Chambre ou leader au Sénat.

​​​​Aujourd’hui, le Congrès est presque aussi superflu que le sénat romain sous les Césars. Le 13 février, le sénat adoptait un projet de loi interdisant la torture. La Maison Blanche a promptement annoncé que le Président Bush opposerait son veto.

​​​​La torture est désormais le style étasunien. Le sénat n’a pu rassembler que 51 voix contre la torture, un signe que la quasi-majorité des sénateurs lui sont favorables.

​​​​Bush a dit que son administration ne torture pas. Pourquoi s’opposer alors à un projet de loi interdisant la torture ? Bush semble fier de présenter au monde les États-Unis en tortionnaire.

​​​​Après des années de mensonges aux Étasuniens et au reste du monde, sur la prison de Guantanamo qui contiendrait 774 « des plus dangereux terroristes du monde, » le régime Bush fait passer en jugement six de ses victimes. La grande majorité des 774 détenus ont été discrètement libérés. Le gouvernement étasunien a volé des années de vie à de centaines de citoyens ordinaires qui eurent la malchance d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Ils ont été capturés par les seigneurs de guerre, et vendus sous la marque « terroristes » aux stupides Étasuniens. Ayant besoin de terroristes pour maintenir la comédie plausible, le gouvernement étasunien a largué en Afghanistan des tracts offrant 25.000 dollars par tête de « terroriste. » Les enlèvements ont suivi jusqu’à ce que l’administration en ait acheté assez pour crédibiliser sa « menace terroriste. »

​​​​Les six que les États-Unis ont fait passer en « jugement » comportent deux enfants soldats des Taliban et le conducteur d’une voiture commune qui aurait amené Ben Laden.

​​​​Les Talibans n’ont pas attaqué les États-Unis. Des enfants soldats se battaient dans une guerre civile afghane. Les États-Unis ont attaqué les Talibans. Qu’est-ce qui fait des soldats talibans des terroristes, qui devraient être enfermés et maltraités à Gitmo et traduits devant un tribunal irrégulier militaire ? Si un terroriste embauche un chauffeur ou un taxi, ça fait du conducteur un terroriste ? Qu’en est-il des pilotes des avions de ligne qui ont amené les présumé terroristes du 9-11 aux États-Unis ? Sont-ils aussi coupables ?

​​​​Les procès de Gitmo sont des procès spectacles. Leur seul but est de créer un précédent du fait que le pouvoir exécutif peut ignorer le système judiciaire étasunien et juger des gens innocents à la manière de la Russie stalinienne et de l’Allemagne gestapiste. Si le régime Bush avait quelque preuve réelle contre les détenus de Gitmo, il n’aurait pas besoin de son tribunal irrégulier militaire.

​​​​Si d’autres preuves sont nécessaire sur le fait que Bush n’a aucun dossier contre les détenus de Gitmo, le rapport d’Associated Press du 14 février 2008, devrait suffire : « Jeudi, l’administration Bush a demandé à la Cour Suprême de limiter aux juges les mandats d’examen des charges contre les détenus de Guantanamo Bay. »

​​​​La raison en est que Bush ne veut pas que les juges voient la preuve qu’il n’y a aucune pièce à conviction, sauf quelques aveux extorqués sous la torture. Dans le système judiciaire étasunien, les aveux obtenus par la torture sont de l’auto-incrimination, une preuve inacceptable en vertu de la Constitution.

​​​​Le livre de Andy Worthington, Les Dossiers de Guantanamo, et ses articles en ligne font parfaitement comprendre que les affirmations de « dangereux terroristes » de l’administration Bush sont juste une autre mystification perpétrée contre public étasunien évaporé.

​​​​Récemment, l’impartial Center for Public Integrity a publié un rapport qui documente le fait que les fonctionnaires de l’administration Bush ont fait 935 fausses déclarations aux Étasuniens sur l’Irak dans le but de les tromper pour qu’ils coopèrent aux invasions de Bush. Lors d’un récent témoignage devant le Congrès, la Ministre des Étranges Affaires et ancienne conseillère à la Sécurité National de Bush, Condi Rice, a été interrogée par le Républicain Robert Wexler à propos de ses 56 fausses déclarations.

​​​​Rice a répondu : « Je prends très au sérieux mon intégrité, et n’ai à aucun moment fait de déclaration que je savais fausse. » Rice a fait porter le chapeau aux « évaluations du renseignement » qui « étaient erronées. »

​​​​Un autre mensonge de Rice, comme les champignons de nuages qui allaient éclater au-dessus des villes étasuniennes, si nous n’avions pas envahi l’Irak. L’inspecteurs en armement de l’administration Bush a dit qu’il n’y avait pas d’arme de destruction massive en Irak, comme Scott Ritter nous l’a rappelé à plusieurs reprises. Toute personne bien informée du pays savait qu’il n’y avait pas d’arme. Comme la fuite du mémo de Downing Street le confirme, le chef du renseignement britannique a déclaré au gouvernement du Royaume-Uni que l’administration Bush avait déjà décidé d’envahir l’Irak, et que tout était inventé par le renseignement pour justifier l’invasion.

​​​​Mais, en supposant que Rice ait été bernée par des renseignements erronés, si elle était intègre elle aurait démissionné. À l’époque où le gouvernement étasunien avait des fonctionnaires intègres, ils auraient démissionné dans l’indignation d’une guerre aussi désastreuse et des terribles destructions à cause de leur erreur. Mais Condi Rice, à l’instar de chaque agent de Bush (et de Clinton), est trop pleine de vanité étasunienne et d’ambition pour avoir des remords du fait de son erreur. Condi peut encore se regarder dans la glace malgré un million d’Irakiens morts et plusieurs millions de réfugiés sans-abri dus à son erreur, tout comme la Ministre des Étranges Affaires de Clinton, Madeleine Albright, peut toujours se regarder dans la glace malgré la responsabilité partagée de 500.000 enfants irakiens morts.

​​​​Dans l’administration Bush, plus personne n’a assez d’intégrité pour démissionner. C’est un gouvernement dépourvu de droiture, de moralité, de décence et d’honneur. L’administration Bush est une tache sur les États-Unis et sur le monde.

​​​​Paul Craig Roberts fut Secrétaire Adjoint au Trésor dans l’administration Reagan. Il est l’auteur de Supply-Side Revolution : An Insider’s Account of Policymaking in Washington, Alienation and the Soviet Economy et Meltdown: Inside the Soviet Economy, et est coauteur avec Lawrence M. Stratton de The Tyranny of Good Intentions : How Prosecutors and Bureaucrats Are Trampling the Constitution in the Name of Justice. Clic ici pour l’entrevue [en anglais] de Peter Brimelow de Forbes Magazine avec Roberts au sujet de la récente épidémie d’inconduite des procureurs.

 

Original : http://www.vdare.com/roberts/080217_stand.htm
Traduction libre de Pétrus Lombard pour Alter Info

 

Mardi 19 Février 2008
Paul Craig Roberts





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