Sud-Ouest pose la question : Pourquoi l’Afghanistan ?

Rares sont les occasions de lire un article d’un grand journal français associant le questionnement de notre présence en Afghanistan à celui – même succint – sur la responsabilité d’Oussama Ben Laden dans les attentats de 2001. En voici un exemple paru dans le quotidien Sud-Ouest au lendemain de la mort de 4 nouveaux soldats français dans un attentat apparemment revendiqué hier par les talibans, et alors que la route du ravitaillement des troupes de l’OTAN passant par le Pakistan va bientôt rouvrir. Il est plus que temps que des voix s’élèvent haut et fort en France pour un retrait immédiat de nos troupes de ce pays, et pour un regard sans concession sur 10 ans de guerre illégale et criminelle.

 

Légende originale : Hommage rendu aux soldats français morts en Afghanistan,
aux Invalides le 19 juillet 2011 (Reuters).

 


Pourquoi l’Afghanistan ?

par Yves Harté, dans Sud-Ouest, le 21 janvier 2012

On ne sait, dans la mort de ces quatre soldats français en Afghanistan, ce qui bouleverse le plus. L’annonce de leur mort ? Le nombre de Français tombés au front en dix ans – 80 depuis 2001 ? Ou les circonstances ? Un légionnaire et trois chasseurs alpins tués. 16 autres blessés. Et cela non pas dans un raid d’exploration, dans une embuscade au fond d’une vallée pierreuse, au détour d’un chemin ocre et boueux. Ce n’est pas non plus une mine qui a explosé sous les roues d’un blindé. Depuis que nous sommes partis là-bas pour une étrange guerre, jamais ces morts « au combat » n’ont mieux traduit la totale ambiguïté de notre engagement. Ils sont morts sur le lieu où ils se croyaient en sécurité. Ces soldats, parmi les plus aguerris de l’armée française, ont été tués à bout portant par une arme automatique pendant leur footing dans leur base de Gwan, dans le sud d’une province oubliée, la Kapisa, nom devenu tragiquement familier depuis que nos forces armées y ont été déployées. C’est un soldat afghan, formé par l’armée française pour assurer la transition militaire, qui a ouvert le feu, choisissant soigneusement ses victimes et essayant d’en tuer le plus grand nombre.

Ce drame est double. Depuis longtemps, nous sommes quelques-uns – aujourd’hui de plus en plus nombreux – pour dire qu’aucune armée étrangère n’a pu rester durablement dans ce pays. Fût-ce la plus grande des puissances. Ni l’empire moghol ni les dynasties de l’Indus ne surent imposer une domination. Pas plus que l’armée britannique de la reine Victoria à l’apogée de son règne. Pas plus que les troupes soviétiques des années 1980.

Alors, comment un agglomérat militaire y serait-il arrivé ? Si l’on pouvait comprendre qu’un raid en 2001 – après la tragédie du World Trade Center -, dont l’objectif était de chasser Ben Laden de son protectorat, obéissait à une logique, il devenait incompréhensible d’espérer y demeurer dès lors que la capture du supposé cerveau des attentats du 11 septembre 2001 avait échoué. L’intervention elle-même en devenait caduque. Aujourd’hui, c’est toute cette politique d’aveugle au côté d’une coalition qui est mise en échec et se clôt dans le sang. Ces morts inutiles disent l’absurdité d’une logique d’orgueil. Pourquoi se retirer maintenant plus vite qu’hier ? Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Pourquoi être resté coûte que coûte ? Pourquoi avoir sacrifié tant d’innocents et sanctifié des haines ? Et voir mourir sans cause des soldats de 20 ans

Yves.Harté

 


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9 Responses to “Sud-Ouest pose la question : Pourquoi l’Afghanistan ?”

  • kidkodak

    Nous attendons toujours le livre blanc de Colin Powell pour nous exposer les raisons précises qui nous a entrainé dans cette guerre d’agression envers l’Afghanistan…

  • Shrykull

    Ce « supposé » m’a fait tilter aussi quand j’ai lu l’éditorial. Ça n’est qu’un mot au détour d’une phrase, mais il est très significatif.

  • Oui, supposé est de bonne augure.
    Il y a de la rebellion dans le Sud Ouest, dont je suis.
    On devine aussi, derrière le mot ambigüité (de notre engagement), que le mot qui venait à l’idée de l’auteur était plutôt absurdité, mot qu’il n’a pas osé…On pourrait penser aussi à vilenie, imbécillité, ou même saloperie.
    Et ce ne sont pas 80 morts, mais bien plutôt 82, qui sont à mettre au compte du criminel sarkozy, il faut bien appeler un chat un chat (je ne parle pas des 50 à 200.000 morts libyens, dans une attaque également absurde).
    Une erreur, probablement: le soldat tireur serait un taliban déguisé. Mais quelle importance…?
    Nous allons sortir de là la tête basse et la queue entre les jambes.
    Nous sommes battus, comme d’autres avant nous, par un peuple courageux et fier, et il n’y a rien là que de juste. C’est une défaite de la barbarie occidentale. Un bon présage pour les libertés, somme toute. Quand aux soldats morts, que pouvaient-ils savoir,à 20 ans, de la politique pourrie qui les a amenés à se faire tuer là ? On a abusé d’eux. Ils ont cru à une cause juste, ils n’étaient que les instruments de criminels, et de noirs desseins.
    Paix à leur âme. Et que la justice s’abatte sur leurs véritables assassins.

  • Thierry

    @ Doctorix

    Avec une profonde concordance d’idées, je plussoie (+1) ton intervention.

    PS : Je ne comprends pas le lien figurant sur ton pseudo

  • Laurent

    J’aimerais qu’on m’explique :

    D’un côté, on a un ministre des armées au pouvoir, qui s’entête mordicus à rester dans ce pays parce que « la stabilité n’y est pas encore assurée »
    http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE66L0LL20100722

    Et de l’autre, on le retrouve en tant que candidat, prononçant hier : « Il est temps de partir d’Afghanistan »
    http://www.nicematin.com/article/derniere-minute/herve-morin-il-est-temps-de-partir-dafghanistan.764222.html

    Moi, ce que je sais, c’est que je ne sais RIEN.

    Il n’y a JAMAIS eu de pédagogie sur cette affaire, et la phrase d’Hervé Morin « il faut fixer des étapes intermédiaires afin que l’opinion publique n’ait pas le sentiment d’un effort inutile » sonne comme un aveu d’impuissance pour tâcher de masquer notre grotesque défaite.

    Car on s’y est précipités au lendemain du 11 septembre, et depuis on ne se rappelle même plus ce qu’on est venus y faire. On s’en est pris plein la poire, ça continue, et on a aucun moyen d’en partir en ayant eu l’impression d’avoir servi à quoique ce soit, ou d’avoir effectué la moindre action d’éclat.

    Les forces en place (talibans et consorts) attendent impatiemment qu’on s’en aille pour faire ré-instaurer la burka, la charia, le jihad et autres fléaux, au nez et à la barbe de tous les non-barbus catholiques, à commencer par les soi-disant détenteurs de « l’axe du bien ».

    Quand je dis « Axe du bien », je parle bien sûr de ceux qui pissent sur les cadavres, sont inhumains à Guantanamo, insoutenables à Abou Grahib, tirent sur des journalistes et des enfants,
    http://www.reopen911.info/video/irak-2-helicopteres-de-l-armee-americaine-tirent-sur-des-civils-et-des-enfants.html
    tout en faisant 5000 fois plus de victimes en guerre qu’il y en a eu le jour du 11 septembre.
    http://www.justforeignpolicy.org/iraq/iraqdeaths_fr.html
    http://www.iraqbodycount.org
    http://antiwar.com/casualties

    Vous voulez savoir quelle est la solution ? Ce n’est pas le bâton, c’est la carotte. Présentation (dans le désordre) :
    - Retirer toutes les troupes
    - Avec seulement le 1/10 du budget ayant servi à cette guerre, effectuer les actions ci-dessous :
    - Donner à manger au gens
    - Construire des hôpitaux
    - Développer l’irrigation et l’agriculture
    - Construire des écoles
    - Construire des lycées
    - Construire des facultés
    - Construire des routes
    - Valoriser les 50 femmes les plus représentatives du pays
    - Construire un réseau de télécommunications
    - Dénucléariser tous les sites ayant été bombardés
    - Installer plusieurs centrales solaires sur ces montagnes si bien ensoleillées
    - Laisser mijoter 6 mois, le temps que ce pays fasse tout seul son propre printemps arabe en se tournant vers de nouvelles valeurs

    Votez pour moi !

  • pdy

    Ben Laden à Robert Fisk :
    « Avant une bataille, Dieu nous envoie la sakîna – la tranquillité »
    « J’étais sous le bombardement , mais j’étais si serein que je me suis endormi ».
    « En tant que musulmans, nous croyons qu’en mourant nous allons au paradis »
    A Hamid Mir:
    « Nous-mêmes sommes la cible de meurtres, de destruction et d’atrocités. Nous ne faisons que nous défendre nous-mêmes. Ceci est un jihad défensif ».

    Bidasses français arrêtez le massacre. Vous qui transgressez la sécurité des Afghans depuis les premiers bombardements aériens français d’octobre 2001, retournez dans la défaite à vos rases campagnes.
    Dieu et les montagnes afghanes protègent la fraternité des fidèles !

  • job

    On nous rebat les oreilles des 80 (tristes) morts des soldats français. Jamais aucun média national n’a indiqué le nombre de morts de civils que nos troupes ont infligés.
    Pourquoi ?
    La réponse ferait bien trop peur…

  • Sébastien

    Eh oui, dans la France de la « diversité » ™ , de la tolérance (c) en 2011, un mort Français, militaire ou journaliste -parfaitement interchangeable dans leurs fonctions respectives- vaut plus que 1, 10, 100 morts « Padechénous ».

    Qu’en pense nos candides candidats à la Pestilentielle?

  • Phrygane

    http://www.dailymotion.com/video/xe0igt_geopolitique-de-l-afghanistan-volet_news

    Géopolitique de l’Afghanistan, par Aymeric Chauprade

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