Justice : Le juge italien Imposimato explique comment et pourquoi il va dénoncer l’administration Bush et la CIA devant la Cour pénale internationale de La Haye (+ VIDÉO)

Le haut magistrat italien Ferdinando Imposimato n’est pas homme à lancer des idées en l’air, et encore moins à sous-estimer la difficulté d’une procédure juridique, fut-elle contre un État ou des Services secrets aussi puissants que les USA et la CIA. Interviewé le 2 novembre dernier par le journaliste et ex-député européen Giulietto Chiesa, Imposimato explique les raisons de cet engagement, la validité de la procédure en termes de "juridiction" et détaille les prochaines étapes.

 

Le haut magistrat italien Ferdinando Imposimato répond aux questions de Giulietto Chiesa

 


Imposimato sur Pandora TV : "11 Septembre : jusqu’à aujourd’hui aucun procès, aucune vérité. Nous, nous allons essayer."

publié sur Megachip, le 4 nov. 2011

Traduction GV pour ReOpenNews

Lors d’une interview effectuée par le journaliste et ex-député européen Giulietto Chiesa sur PandoraTV.it, le Président honoraire de la Cour de Cassation Ferdinando Imposimato confirme son intention de présenter une plainte devant la Cour pénale internationale de La Haye afin de pouvoir lancer un procès à charge contre les institutions qui ont contribué à la tragédie du 11 septembre 2001.

M. Imposimato avait déjà annoncé ce projet retentissant. Mais pratiquement aucun média ne s’en est fait l’écho jusqu’ici. Il en [a de nouveau] parlé à l’occasion de la conférence de presse [qui a réuni ZERO journalistes et ZERO parlementaires, hormis les 3 qui l’organisaient – NdT] le 3 novembre dernier, en compagnie de l’ex-sénateur US Mike Gravel, celui qui révéla devant le Congrès américain les Pentagon Papers, sorte de Wikileaks des années 60 concernant les secrets de la guerre du Vietnam.

Le magistrat italien a participé, en tant que juge d’instruction, aux procès d’affaires de terrorisme parmi les plus importantes de l’histoire italienne, comme celle de l’affaire Aldo Moro, ou de la tentative d’assassinat contre Jean-Paul II, révélant pour le coup l’interférence diffuse entre le terrorisme en Italie et les services secrets de différents pays, y compris ceux israéliens et russes.

Dans cette interview conduite par Giulietto Chiesa, Imposimato insiste sur l’insuffisance absolue des enquêtes officielles menées jusqu’à aujourd’hui sur les attentats du 11/9, sans aucun respect des règles « standards » communément appliquées lors des « Dual Process » anglo-saxons. Le magistrat évoque le cas de l’effondrement des Tours, au cours duquel ces dernières ce sont littéralement désintégrées en quelques secondes, un phénomène analysé officiellement uniquement par des agences spécialisées liées au gouvernement US, comme le National Institute of Standards & technology (NIST).

« Pour des cas comme celui-là – explique Imposimato – dans n’importe quel pays du monde, d’abord il y a un procès public, contre les responsables », autrement dit le vaste réseau des complices des présumés pirates. « Au cours de ce procès public, il faudrait donner la possibilité aux victimes, aux familles de victimes du 11/9, d’apporter leur contribution, leur savoir, au travers de leurs propres experts. Car d’après les règles du "Dual process of Law", qui ont été définies justement aux États-Unis, un pays de "Common Law", il ne faut pas que ces vérifications soient faites par une seule autorité, celle qui défend l’État, qui est potentiellement responsable de ces faits, mais qu’elles soient menées de façon contradictoire. D’un côté, vous avez l’expert du Ministère public, du prosecutor, et de l’autre vous avez l’expert nommé par les familles de victimes

Chiesa demande à Imposimato s’il ne lui semble pas étrange qu’à part le procès de Moussaoui – lequel n’a pas participé aux attentats puisque le 11 septembre 2001 il était en prison – aucun procès n’ait eu lieu concernant cette tragédie. « C’est l’indice d’une volonté de dissimuler les attentats qui ne s’est pas vue ailleurs dans le monde. » s’insurge Imposimato, qui ajoute : « nous ne pouvons pas accepter une vérité qui nous vient du NIST. » Dans la suite de l’entretien, Imposimato réduit en miettes, juriquement parlant, les bribes d’investigations menées jusqu’à maintenant, comme les « aveux » extorqués sous la torture au cerveau présumé des attentats, Khalid Sheikh Mohammed, qui sont parfaitement inutilisables lors d’un procès, quel qu’il soit.

Le magistrat, auteur du livre «Terrorismo internazionale, la verità nascosta » (Koiné, 2002)  (Terrorisme international, la vérité cachée) explique que les règles de la Cour pénale internationale (CPI) s’appliquent même aux pays qui n’ont pas ratifié la convention ni reconnu formellement sa juridiction : ce fut le cas, par exemple, pour la Libye de Kadhafi, et juridiquement parlant, c’est exactement la même chose pour l’Administration américaine. La plainte ne pourra donc pas être prise à la légère.

  Traduction GV pour ReOpenNews


 

Vidéo de l’interview publiée sur PandoraTV, le 2 nov. 2011


 

 


TRANSCRIPT DE L’INTERVIEW DE FERDINANDO IMPOSIMATO par GIULIETTO CHIESA

 

Ferdinando Imposimato : En fait, je m’occupe du 11-Septembre depuis presque 11 ans. Paradoxalement, j’ai commencé à m’intéresser à la possibilité d’un attentat sur le territoire des États-Unis depuis 2000, pour la simple raison que j’avais lu dans plusieurs journaux ou documents des déclarations d’Oussama Ben Laden sur la possibilité d’un attentat sur le sol américain. Le 11 septembre 2001, je devais être aux USA, pour représenter une ONG qui s’occupe de lutte antidrogue, mais je n’y suis pas allé parce que je craignais que ne se produise précisément ce genre d’événement. Ça avait été annoncé plusieurs fois, je ne suis pas magicien, j’étudie simplement les indices et finalement je n’y suis pas allé. Je suis surpris que la Commission qui a enquêté sur les faits du 11/9, l’une des 2 commissions, ait dit que ces attentats furent une surprise. Comment peuvent-ils dire que ce fut une surprise si moi, modeste juge, ex-juge d’instruction du Tribunal de Rome, j’ai pu avoir cette sensation à partir des éléments qui émergeaient publiquement, et eux parlent de surprise, au moment où les autorités US avaient reçu une multitude d’informations qui laissaient entrevoir un attentat de ce type.

Giulietto Chiesa : Vous dites qu’il y a eu "Participation active à une tragédie" d’une partie des autorités.

Ferdinando Imposimato : Les faits sont les suivants : la CIA savait pertinemment que Mohammed Atta préparait des attentats, et la CIA suivait et surveillait Atta depuis 1998 en Allemagne, à Hambourg. Même la Commission reconnait ce fait. La CIA a pisté Mohammed Atta, au moyen d’écoutes téléphoniques en Allemagne jusqu’au 2 juin 2000. Mohammed Atta part alors de Hambourg pour Venice (Floride), et commence son entrainement à l’école de pilotage Huffman.

Ici, il faut évoquer une série de faits qui se sont produits : Mohammed Atta ne possédait pas de visa en règle de type M1, ce qu’il aurait dû avoir. Il a obtenu un visa du Consulat de Djeddah (Émirats Arabes Unis), lequel était géré par la CIA, comme l’ont dit plusieurs témoins. Donc la CIA contrôlait parfaitement toutes les personnes qui délivraient les visas. Cela constitue le "vice" de cette affaire, car au consulat de Djeddah, ont été fournis des visas et des passeports qui n’auraient pas dû l’être, puisqu’ils concernaient des terroristes qui avaient déjà été signalés comme terroristes par l’Arabie Saoudite. Ces individus sont partis en janvier 2001, le 15 janvier 2001, pour Los Angeles. La CIA le savait pertinemment, puisque c’est elle qui avait délivré les visas, vu qu’elle est présente au consulat de Djeddah, pourtant, la CIA n’a pas averti le FBI.

Giulietto Chiesa : Dr. Imposimato, excusez-moi, mais non seulement la CIA savait, mais le FBI savait aussi, puisque selon l’enquête officielle numéro 1, qui était secrète, mais que nous commençons à mieux connaître, ces documents sont parvenus à la 2e Commission, la Commission officielle sur le 11/9, et que mis  à part Mohammed Atta, deux autres terroristes ont habité pendant 10 mois, à partir du 15 janvier 2001, à San Diego en Californie, chez un agent du FBI, Abdus Sattar Shaikh De plus, ils ont reçu de l’argent d’un autre agent du FBI, al-Bayoumi.

Ferdinando Imposimato : Attention, il faut faire la distinction. Certains agents du FBI ont dénoncé ces faits. L’un d’eux est Kenneth Williams, qui est cité dans le livre de Jesse Ventura. Il faut lire attentivement ces documents, dans lesquels il est écrit que des agents ont fait leur devoir en avertissant le siège. Le chef du FBI était alors Robert Mueller, je crois. Et bien, il existe une règle de droit internationale qui dit que si une autorité a connaissance d’actes qui sont sur le point de se produire, et qu’elle n’agit pas pour les empêcher, cette autorité, cette personne, ce sujet "participe" aux attentats. C’est écrit dans le Code pénal italien, article 40.

Ne pas empêcher un acte que le devoir demande d’empêcher équivaut à le perpétrer. Article 40 du Code pénal italien. On retrouve cette règle dans le Code pénal fédéral des États-Unis, qui parle de « causes », et qui s’applique aussi bien à la participation active qu’à celle par omission.

Tout cela en considérant la meilleure des hypothèses, à savoir que la CIA savait, mais n’a rien fait pour empêcher l’événement. Il faut aussi examiner, approfondir, une autre hypothèse, celle où la CIA aurait soutenu activement ces terroristes, car elle les a aidés en leur fournissant des visas alors qu’elle n’aurait pas dû, puisqu’il s’agissait de personnes déjà soupçonnées de terrorisme, et en leur permettant de demeurer sur le territoire des USA et de s’entrainer dans les écoles de pilotage, et là c’est un comportement actif. Nous avons donc d’un côté un comportement par omission, pour ne pas avoir empêché les attentats, bien qu’ils aient su à l’avance, et d’autre part un comportement actif, par la délivrance des visas, mais aussi par le financement de Mohamed Atta et des autres, à travers un certain Ahmed Omar Saeed Sheikh, un individu bien connu de la CIA, un citoyen anglais qui était en contact avec l’ISI, les services secrets pakistanais, et le chef de l’ISI est précisément celui qui, d’après des informations provenant du FBI, aurait ordonné, le chef de l’ISI à ce Sheikh Omar, le versement de 120.000 dollars à Mohammed Atta.

Un an avant l’attaque contre les Tours Jumelles, [Atta] aurait reçu cette somme par l’intermédiaire d’une banque située aux Émirats arabes unis. Ceci est un fait reconnu, et qui a mené à la démission du chef de l’ISI. Mais d’après le Code pénal de n’importe quel pays, cette personne aurait dû être inculpée ! pour "complicité de crime". La connaissance du financement par le chef de l’ISI imposait à toute autorité judiciaire dans le monde d’inculper le chef de l’ISI de "complicité de crime", de "complicité morale".

Ce ne sont que des exemples pour montrer que sur ces faits, il fallait, et il faut investiguer, car ce sont des faits qui exigent une enquête de la part des autorités judiciaires américaines. Si ces autorités ne font pas cette enquête, quelqu’un d’autre devra le faire à leur place.

Giulietto Chiesa : Je voudrais vous poser une question : pourquoi selon vous la Commission sur le 11/9 n’a pratiquement pas abordé ces points.

Ferdinando Imposimato : Il y a visiblement eu une volonté de dissimuler ces faits extrêmement embarrassants. Je ne parle pas d’accusations génériques contre toute l’administration américaine, ou contre l’Amérique, je parle de faits précis qui concernent des personnes dans les hautes sphères de la CIA, et du chef du FBI. Car le chef du FBI a été régulièrement informé par des rapports envoyés les 6 juillet, 10 juillet, 15 juillet, 6 août par de courageux et loyaux agents du FBI. Et aucune suite n’a été donnée à ces informations.

Giulietto Chiesa : Bien. Vous faites référence aux 3 Tours détruites ce matin-là. Enfin, 2 le matin, frappées par les avions, et l’autre l’après-midi, sans qu’aucun avion ne la percute. Il me semble avoir compris que vous croyez à une certaine préparation qui irait au-delà de l’activité de supposés terroristes, car pour faire s’effondrer les Tours en les minant à l’avance, il faut que quelqu’un l’ait fait, et ce ne sont pas les terroristes qui ont pu faire cela.

Ferdinando Imposimato : Je ne suis pas un scientifique, et pour ces aspects, le juge, le Ministère public (prosecutor) doit s’en remettre à un scientifique. Il ressort de l’analyse faite par ces scientifiques, il apparait clairement qu’il est impossible qu’un bâtiment doté de structures métalliques, extrêmement robustes, dans une partie au moins de l’édifice, puisse se désagréger et s’effondrer en quelques secondes. J’ai moi-même vu tomber cette tour, et qui se désintégrait en quelques secondes. Car cela est en contradiction avec la présence d’une structure en acier à l’intérieur.

Alors pour moi, dans ces cas-là, dans n’importe quel pays du monde, d’abord il y a un procès public, contre les responsables, Moussaoui, le chef de l’ISI, contre ceux qui sont identifiés comme complices des [pirates] qui sont morts. Au cours de ce procès public, il faudrait donner la possibilité aux victimes, aux familles de victimes du 11/9, d’apporter leur contribution, leur savoir, au travers de leurs propres experts. Car d’après les règles du "Dual process of Law" qui ont été définies justement aux États-Unis, un pays de "Common Law", il ne faut pas que ces vérifications soient faites par une seule autorité, celle qui défend l’État, qui est potentiellement responsable de ces faits, mais qu’elles soient menées de façon contradictoire. D’un côté, on a l’expert du Ministère public, du prosecutor, et de l’autre vous avez l’expert nommé par les familles de victimes.

Giulietto Chiesa : Vous ne trouvez pas bizarre que durant ces 10 années, à part le procès Moussaoui qui n’a pas participé aux attentats puisqu’il était en prison, aucun procès n’ait eu lieu aux USA, personne n’a été jugé.

Ferdinando Imposimato : C’est très surprenant, et c’est surtout l’indice d’une volonté de dissimuler les attentats qui ne s’est pas vue ailleurs dans le monde. D’après moi, il faudrait un procès public aux États-Unis, pour donner la possibilité aux parties intéressées, sans parler du recours collectif qui peut s’appliquer à tous les citoyens, mais surtout pour permettre aux familles de victimes de connaitre la vérité, qui n’est pas celle officielle. Car nous ne pouvons pas accepter une vérité qui nous vient du NIST.

Giulietto Chiesa : Laissez-moi vous poser une question sur l’aspect juridique. Quelle est la valeur des témoignages de ces personnes qui ont été, comme Khalid Sheikh Mohammed, soumises à de multiples séances de "Waterboarding" ?

Ferdinando Imposimato : Aucune valeur.

Giulietto Chiesa : Même aux USA ?

Ferdinando Imposimato : Oui, même aux USA, car il existe des règles universelles sur le procès juste. Rappelez-vous que les USA ont signé des conventions internationales, j’en citerai une : Le pacte international des droits civils et politiques, signé à New York en décembre 1966, a été ratifié par les USA. Dans cette convention, les USA s’engagent à respecter les règles du "procès juste", de respecter les témoins, les accusés, et si l’on force quelqu’un et que cela porte atteinte à la crédibilité d’une version, d’un témoin, qui ne parle pas spontanément, qui collabore avec la justice, mais de façon forcée et non spontanée, cette collaboration n’a pas de valeur, d’autant que cette collaboration s’est faite hors de toute présence des défenseurs des parties civiles. Ce témoignage n’a absolument aucune valeur.

Giulietto Chiesa : Nous sommes à 1000 lieues de cela, puisque les deux coprésidents de la Commission d’enquête ont écrit un livre où ils expliquent qu’ils n’ont rien vu de ces interrogatoires, et même la Commission d’enquête n’a pas eu accès ni aux enregistrements, ni les procès-verbaux de l’interrogatoire. Et donc, c’est le noir le plus total.

Ferdinando Imposimato : Oui, mais il est possible de mettre tout cela au clair. D’abord parce que le secret d’État, par rapport à des faits relevant d’une tragédie, ne peut pas être utilisé. Ceci est une règle universelle qui vaut pour l’Italie, pour les États-Unis. Et donc, il n’est pas possible d’invoquer le secret d’État pour empêcher la divulgation de documents cruciaux pour l’enquête

Giulietto Chiesa : Même aux USA ?

Ferdinando Imposimato : Oui, même aux USA. Car cela s’applique à la sécurité, mais quelle sécurité ? Nous parlons ici de la nécessité de savoir la vérité sur des faits  qui ont vu la mort de 3000 personnes. Le secret d’État doit être écarté, d’abord parce qu’il est anticonstitutionnel et contraire aux conventions internationales. Ensuite, le statut de la Cour pénale internationale (CPI, ci-contre) établit des règles  qui selon moi s’appliquent à tous les pays, même ceux qui ne l’ont pas signé.

Giulietto Chiesa : Selon vous, pourquoi est-ce que l’administration Obama, qui est arrivée après l’administration Bush qui est mise en cause dans cette tragédie, n’a-t-elle rien fait pour éclaircir cette affaire ?

Ferdinando Imposimato : D’après moi, il y a d’abord le problème qu’il n’est pas bien informé sur le sujet. Car les gens ont pratiqué la désinformation. Ici  il y a eu une opération continue de désinformation. Car si vous regardez ce qui s’est passé après le 11-Septembre, à propos du Nigergate(*), vous vous rendez compte que cette affaire du Nigergate, consistant à construire toute une série de mensonges éhontés pour justifier de l’intervention armée en Irak, on la doit à la désinformation pratiquée par certains journaux, et à certains journalistes, comme Judith Miller, ou d’autres journaux, le Washington Post, le New York Times, et malheureusement aussi La Repubblica, qui a écrit avant même le début de la guerre en mars 2003, des choses qu’elle a dû démentir par la suite.  Quand on a découvert tous ces mensonges, après la guerre, c’était devenu inutile… D’abord, ils ont alimenté la théorie de la nécessité de la guerre préventive, ensuite il y a eu la guerre, et seulement après ils ont reconnu leur erreur, mais c’était inutile. Et puis la guerre a continué pendant 7 ans.

Giulietto Chiesa : …et encore aujourd’hui

Ferdinando Imposimato : Alors, selon moi, Obama n’a pas une connaissance parfaite, car même Obama ne sait pas tout, il lit les journaux. J’ai moi-même lu les articles dans le Corriere della Sera, de personnages qui sont venus en Italie pour théoriser la nécessité de la guerre préventive. Et cela a mené à une désinformation totale, car nos journaux se sont prêtés au jeu, et ont servi de caisse de résonance aux fausses informations diffusées aux USA.

Giulietto Chiesa : Mais quand le Secrétaire d’État Collin Powell, devant le conseil de Sécurité de l’ONU, déclare en public "nous avons les preuves" et montre une fiole noire en disant "nous avons les preuves que Saddam Hussein a des armes de destruction massive", n’est pas aussi une sorte de crime ?

Ferdinando Imposimato : C’est à mi-chemin entre la stupidité et la mauvaise foi. On ne sait pas bien, car ce n’est pas une flèche ce Colin Powell. J’opterais plus pour la stupidité que pour la mauvaise foi, car on ne dit pas comme ça qu’on a les preuves… Bush lui-même a déclaré, après la guerre, qu’il s’agissait d’une erreur. Ce n’était pas une erreur. C’était préparé. Et une dernière chose, extrêmement grave. Lors de l’instruction menée par la Commission sur le 11/9, il est mentionné que la CIA a établi un lien entre le 11-Septembre et Saddam Hussein. Ceci est un mensonge éhonté qui a été démenti par cette même commission, mais cela signifie que la CIA a tenté de construire ce lien pour attribuer la responsabilité à Saddam Hussein, et pour justifier la guerre. Alors, comme vous le voyez, on ne peut pas regarder de façon isolée les faits du 11/9. il faut regarder ce qui s’est passé avant, et après.

Giulietto Chiesa : Entièrement d’accord, aucun doute là-dessus. Résumons :  vous vous proposez de porter ces faits à l’attention de la Cour pénale internationale de La Haye. Cela m’amène à deux questions : d’abord, les États-Unis ne reconnaissent pas la "territorialité", l’intervention de ce tribunal sur les affaires internes aux USA. Il y a eu bien sûr des implications internationales gigantesques. Juste après le 11/9, les USA ont demandé une réunion de l’OTAN, qui a eu lieu le 1er octobre 2001, et les États-Unis se sont présentés à Bruxelles en disant "nous avons les preuves". Or ces preuves n’ont jamais été rendues publiques. Et donc, c’est aussi une affaire européenne. Cela s’est passé en Europe dans le cadre de l’Alliance atlantique, avec une affirmation qui n’a pas été suivie de faits. Reste le point sur lequel je voudrais insister : La Cour pénale internationale de La Haye,  que peut-elle faire, et selon vous, comment pourrait-elle réagir à une initiative de ce type qui a des répercussions mondiales, puisque l’histoire de ces 10 dernières années, si vous avez raison, et je pense que c’est le cas, doit être entièrement réexaminée.

Ferdinando Imposimato : Alors, nous avons le droit et le devoir de connaître la vérité, car ce qui s’est produit le 11-Septembre  ne concerne pas seulement les USA, cela concerne l’humanité tout entière. Car, de cet événement, sont nées deux guerres. Et cela a déclenché la crise mondiale que nous vivons, qui a pris ses racines dans les événements du  11/9. Ce n’est donc pas une affaire qui relève de la curiosité historique et basta, c’est une obligation pour éviter que ne se produisent d’autres guerres préventives de ce genre, car ce risque existe bel et bien. Donc, nous avons le devoir de demander, et nous l’avons fait officieusement, aux autorités américaines d’enquêter sur ces faits précis. Si les autorités US ne font rien, comme je le crains, nous devrons nous adresser à La Haye, à la Cour pénale internationale de La Haye. Cette Cour, peut selon moi, et selon l’usage, intervenir même à l’encontre de pays qui n’ont pas ratifié les statuts de la Cour pénale internationale. Par exemple, Kadhafi n’a pas signé ces statuts, pourtant ils ont lancé un mandat d’arrêt contre lui. Cela montre bien que la Cour pénale internationale n’a pas besoin de la ratification d’un pays pour intervenir à son encontre. Si la CPI a pu lancer ce mandat d’arrêt contre Kadhafi, le chef d’un État qui n’était pas signataire des statuts, cela signifie que la CPI peut intervenir, et c’est logique. Car il existe des pays où les droits humains sont violés, où sont commis des crimes contre l’humanité, sur lesquels la CPI est compétente comme le stipule l’article 7 des statuts. Et bien, lorsque de tels crimes sont commis, la CPI peut intervenir, même par la force, pour réprimer ces crimes. Par conséquent, même si l’Amérique n’a pas ratifié les statuts de la CPI, cela ne constitue pas un obstacle à l’affirmation de la juridiction de la CPI vis-à-vis des États-Unis. Bien sûr, c’est un pays démocratique, très puissant, mais les règles sont ce qu’elles sont. Je voudrais d’ailleurs rappeler une chose. Il y a eu récemment la dénonciation par un citoyen contre le Vatican. Le Vatican n’a pas ratifié non plus [ces statuts]. Et donc, la CPI, après avoir procédé à toutes les vérifications, recueilli et évalué toutes les preuves, peut tout à fait intervenir même dans les pays dans lesquels la justice n’est pas assurée, lorsque se produit une violation des droits humains, et les juger pour crimes contre l’humanité.

Giulietto Chiesa : Comment comptez-vous procéder techniquement vis-à-vis du tribunal, et quelles sont les possibles réactions "techniques", et pas seulement politiques que le tribunal est tenu de suivre ?

Ferdinando Imposimato : Nous allons nous adresser au Procureur de la CPI et lui remettre notre plainte la plus documentée possible, dans laquelle nous exposerons les faits, qui selon nous constituent une complicité de crime contre l’humanité, complicité active ou complicité par omission, et nous lui demanderons d’approfondir, de vérifier les faits, en écoutant les témoins que nous lui indiquerons, en examinant les documents, et en exigeant l’abolition du Secret d’État, puisque nous-mêmes n’avons pas eu accès à ces documents, tout comme la Commission. En somme, mener une instruction complète, afin d’établir s’il existe des éléments pour condamner, ou du moins pour juger les personnes responsables de ces faits.

Ferdinando Imposimato : Nous avons  les idées claires. Nous voulons rassembler le maximum de données, de documents, de toute provenance, y compris de la presse sérieuse et responsable, et d’organismes officiels d’investigation. Et même de livres comme celui de Jesse Ventura, mais aussi des enquêtes. etc. Nous allons recueillir toutes les preuves et les indices pouvant être utiles pour reconstruire la dynamique des événements, et aussi les responsabilités de ceux qui avaient le devoir d’intervenir et qui ne l’ont pas fait, ou de ceux qui ont aidé les terroristes à accomplir les attentats du 11/9.

Giulietto Chiesa : Combien de temps peut prendre la réponse ? Y a-t-il un délai maximum ?

Ferdinando Imposimato : Non, pas de délai maximum. Ce n’est pas un délit contre une personne qui peut être poursuivie pour querelle partisane. Ce crime contre l’humanité, le 11-Septembre, comme d’autres, est un crime imprescriptible. Il peut être dénoncé à tout moment. Nous devons d’abord réunir tous ces documents, puis il faudra les trier, car on ne peut pas donner tout cela d’un seul coup, et enfin nous  déposerons  cette plainte que je signerai, en demandant à tous ceux qui voudront signer avec moi de le faire, après l’avoir lue, examinée, validée. Et donc, d’ici quelques mois, nous irons déposer cette plainte.

Giulietto Chiesa : Merci beaucoup.

Ferdinando Imposimato : Merci à vous.

  Traduction GV pour ReOpenNews


Note ReOpenNews :

(*) Nigergate : Le scandale du Nigergate est un scandale politique qui vient d’Italie. Des agents italiens ont confectionné, pour le compte des autorités américaines, un dossier fictif sur l’achat présumé d’uranium (du yellowcake du Niger) par Saddam Hussein. Ce dossier a fourni la caution morale pour l’intervention américaine en Irak. (Source Wikipedia)

 


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7 Responses to “Justice : Le juge italien Imposimato explique comment et pourquoi il va dénoncer l’administration Bush et la CIA devant la Cour pénale internationale de La Haye (+ VIDÉO)”

  • Corto

    Pour moi, Barack Obama est parfaitement informé au contraire sur le sujet.

    Il était en 2001 le représentant du 13ème district de Chicago au Senat de l’Illinois à Springfield. Or Chicago abrite une bourse et son marché à terme, le premier des USA. C’est de ce marché à terme que sont partis les délits d’initiés, ou ce que l’économiste de HEC Marc Chesney décrit comme des opérations qui sont de façon plus que probable des délits d’initiés. dès sa prise de fonction, il ne manqua pas l’occasion, lors du discours du Caire, de faire taire toute discussion et tout espoir concernant une contre-enquête sur le 11/9.

    relire cette news:

    http://www.reopen911.info/News/2010/07/04/ruppert-les-delits-dinities-passent-par-buzzy-krongard-la-cia-et-la-deutsche-bank/

    Comme je l’ai commenté sur un autre site, pour moi c’est comme si un boulanger n’était pas au courant qu’il se vend du pain dans sa boulangerie…. encore une piste à creuser pour les journalistes professionnels qui rôdent sur notre site…

  • Franck

    Comment juger les juges les plus puissants de la planète, ceux-là même qui sont justement censés représenter l’aboutissement de la démocratie ?

    Avec de la patience et de la ténacité.
    Merci M. Imposimato !

  • Doume

    Bonjour.
    Corto a raison. Obama n’est certainement pas sous-informé. Mais ceux qui ont et qui vont financer ses campagnes sont les mêmes que ceux qui ont financé celles de Bush, et qui ont beaucoup gagné d’argent ces dernières années.
    Suivez mon regard.

  • Red Cloud

    Pourquoi il faut continuer:

    « Ce crime contre l’humanité, le 11-Septembre, comme d’autres, est un crime imprescriptible. Il peut être dénoncé à tout moment. »

  • Doctorix

    Imposimato a besoin d’un gilet pare-balle, et mieux vaut ne pas prendre l’avion avec lui.
    Je crois qu’ils l’auront.
    Ils en ont eu tellement d’autres…
    Nous passons par les tribunaux, ils passent par les tueurs à gage, le match n’est pas équitable.
    En plus, c’est à l’équipe de tueurs à gages qu’il s’attaque..
    On le regrettera, et personne ne prendra sa succession.
    Sauf miracle.
    Il restera internet, et encore, pas sûr:
    http://tempsreel.nouvelobs.com/vu-sur-le-web/20111116.OBS4632/ce-mercredi-c-est-la-journee-de-la-censure-americaine.html

  • alexov

    Merci à ceux qui ont traduit ! A faire suivre à tous nos contacts !

  • lefebure

    @ doctorix
    On ne retrouvera jamais de nano-thermite dans l’épave de la voiture de M Imposimato. Merci pour le conseil de ne pas prendre l’avion avec une personne qui en assez de vivre. Après tout ce ne sera pas le seul juge italien qui fera les frais de ses convictions.
    Juste une question, n’y aurait-il pas eu des liens entre la CIA et la Mafia ? Sans doute que non.
    Je pense que si nous sommes nombreux à acheter un gillet pare balle nous pourrions bénéficier d’un tarif avantageux. Je vais de ce pas me renseigner auprès des fabricants et je leur demanderai si leurs produits résistent à la nanothermite.
    Et maintenant sans rire, l’armée française a fourni des gilets pare-balle aux soldats intervenant en Afghanistan, ceux-ci se sont révélés totalement inefficaces et ne protégaient pas des organes vitaux (le coeur par exemple) puisqu’ils étaient ouverts en dessous des bras et offraient une magnifique ouverture pour un tir latéral. Celà a provoqué un tollé chez nos militaires et les familles de leurs victimes. Ils ont obtenu un nouveau modèle après quelques morts et blessés.
    Bon courage M Imposimato et soyez prudent en traversant un passage piéton.

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