Un ex-agent de la CIA estime les révélations de Sibel Edmonds stupéfiantes

Quand Mike Gravel et Daniel Ellsberg mentionnent Sibel Edmonds comme l’"exemple de Whistleblower" (lanceur d’alerte) dont les révélations sont bien plus explosives que celles de l’affaire des Pentagon Papers, ils savent de quoi ils parlent. Non seulement cette femme courageuse a tenu tête à l’Administration Bush pendant toutes ces années à propos de la corruption dont elle a été témoin au sein même du FBI lorsqu’elle y a travaillé juste après les attentats du 11-septembre, mais comme nous l’avons vu encore récemment dans nos pages, elle reste active et publie régulièrement des analyses de l’actualité sur son blog BoilingFrogs.

Mais S. Edmonds ne se limite pas aux problématiques des attentats du 11-Septembre. Retour donc sur cet article datant de 2008,  où l’on découvre qu’une ex-agent de la CIA, Valerie Plane Wilson, a bien été obligée de reconnaitre publiquement que les révélations de Sibel Edmonds au quotidien britannique Times à propos de la vente à des pays comme l’Iran, la Turquie ou le Pakistan, de technologies nucléaires au "marché noir" par l’intermédiaire de membres de l’administration américaine étaient véritablement "explosives". Pourtant, il faut bien admettre que ces révélations de Mme Edmonds n’ont été reprises ni outre-Atlantique, ni en France. Voici donc de quoi lever un peu le voile sur les dessous de la rhétorique des pays de l’Axe du Mal lancée par George W. Bush au lendemain des attentats du 11/9, et poursuivie par son successeur à la Maison-Blanche.

 

Sibel Edmonds, l’une des lanceuses d’alertes du 11-Septembre
et Valérie Plame-Wilson, ex-agent de la CIA

 


Selon Valerie Plame Wilson, les révélations de Sibel Edmonds sont "stupéfiantes"

Par Brad Friedman, sur Brad Blog, le 12 février 2008

Traduction VirgileetAthéna / Catherine pour ReOpenNews

Valérie Plame Wilson estime que les révélations de Sibel Edmonds sont « stupéfiantes ». Elle dit avoir lu les articles publiés récemment dans un journal britannique à propos des secrets sur l’espionnage nucléaire américain, et sur les révélations concernant sa société-écran Brewster Jennings, dont l’existence a été révélée par un ex-officiel haut placé du ministère des Affaires étrangères dès 2001.

Valerie Plame Wilson, ex-agent de la CIA, explique que les récentes révélations par le journal britannique Sunday Times de vente de secrets nucléaires au marché noir étranger avec le concours de hauts responsables gouvernementaux sont "stupéfiantes".

L’ancien agent avait travaillé dans la division anti-prolifération de l’Agence, des années durant, à la surveillance du marché noir du nucléaire, sous couvert d’une société du nom de Brewster Jennings, jusqu’au moment où elle fut démasquée publiquement par des officiels de l’administration Bush. Elle a été interrogée ce matin par Henry Raines de American AM sur son serveur radio de Floride à propos de la récente série d’informations explosives parues dans le journal britannique.

Selon certaines de ces révélations, la véritable identité de Brewster Jennings en tant que société-écran de la CIA fut dévoilée dès 2001 à des officiels turcs par Marc Grossman, qui était alors assistant du secrétaire d’État aux Affaires européennes.

Une transcription de l’interview, avec version audio, est disponible en 2e partie de cet article.

Jusqu’à présent les trois récits parus dans le Times [de Londres] corroborent les détails fournis par l’ancienne traductrice du FBI Sibel Edmonds. Edmonds fut totalement bâillonnée par le ministère de la Justice de l’administration Bush sous couvert de "raison d’État" [State Secrets Privilege] depuis 2002, et interdite de parole au sujet de son travail au Bureau. Dans une interview exclusive à la fin de l’année dernière pour Bradblog, Edmonds annonçait qu’elle révélerait à n’importe quel média américain influent le récit complet de tout ce qui lui avait été interdit de dire jusque-là.

Aucun des grands médias US n’a relevé son offre, quoique le London Times l’ait contactée par notre intermédiaire à la suite de notre publication. Après la parution de la première « bombe » de la série au début du mois dernier, et son impact retentissant, l’information a fait la Une des journaux du monde entier. D’une manière assez incroyable, les médias US persistent à l’ignorer totalement.

Selon les deuxième et troisième articles de la série du Times, un "haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères" participa au travers d’un réseau de taupes placées dans des installations nucléaires sensibles et des bases militaires, à la vente de secrets nucléaires aussi bien aux Alliés des USA qu’à leurs ennemis. Le haut fonctionnaire, identifié comme Grossman, fut ambassadeur des Etats-Unis en Turquie, et au moment des faits allégués il était numéro trois du ministère des Affaires étrangères, après Colin Powell et Richard Armitage.

Selon les dires du Times et de Sibel Edmonds, Grossman a même averti les officiels turcs dès 2001 du fait que la société de Plame Wilson, Brewster Jennings, était une société-écran de la CIA. Grossman réfute ces accusations.

Tout en affirmant aujourd’hui qu’elle ne savait « rien de plus » sur cette affaire que ce que le Times avait publié, Plame Wilson se joignit à Edmonds et à d’autres « lanceurs d’alertes » comme Daniel Ellsberg dans la critique des mass media US pour leur défaut à enquêter et à relater cette affaire.

"Je trouve très intéressant, a dit Plame Wilson, qu’elle soit révélée de l’autre côté de l’Atlantique, et pas ici, dans aucun de nos journaux."

"On est en droit de dire qu’en général les médias US ont été extrêmement timides, soumis, et je pense qu’ils ont laissé tomber les étasuniens," a-t-elle expliqué en faisant référence à la couverture de la guerre d’Irak, lorsque les médias "ne s’intéressèrent qu’à ce que l’Administration leur servait, sans poser de questions, sans analyser, sans rechercher d’autres sources. Et regardez où nous en sommes aujourd’hui."

Tout en remarquant qu’il y a eu "peut-être deux ou trois petites lueurs" dans les médias, Plame Wilson trouve que ce n’est "jusqu’à maintenant qu’une sorte de léger gruau."

Ses commentaires font écho à l’éditorial récent du BRAD BLOG signé par Daniel Ellsberg, le légendaire employé du ministère de la Défense qui communiqua les explosifs Pentagone Papers ("papiers du Pentagone") au New York Times dans les années 70. [Daniel Ellsberg] y condamne les médias US pour leur incapacité à couvrir les divulgations d’Edmonds, les accusant de "participer à une dissimulation d’information."

"Beaucoup, sinon la plupart des opérations secrètes devraient être divulguées par une presse libre. Elles sont souvent secrètes non seulement parce qu’illégales, mais parce que terriblement mal conçues et irréfléchies," écrivait Ellsberg en référence aux allégations dérangeantes de l’affaire Sibel Edmonds. "De telles activités continuent secrètement, jusqu’au désastre national, parce que la presse néglige notre premier amendement précisément destiné à la protéger et à l’encourager à exposer les malversations des fonctionnaires."

L’ancien agent de la CIA Philip Giraldi a récemment couvert les dernières déclarations d’Edmonds de façon fouillée et détaillée dans un article intitulé "Found in Translation" publié par l’American Conservative Magazine. Quelques jours plus tard, dans un autre article « Sibel Edmonds doit être écoutée » ("Sibel Edmonds Must Be Heard") paru dans le Huffington Post, il a rejoint l’appel à amplifier la couverture médiatique, et à exiger des investigations par des officiels élus.

Quand Raines expliqua à Plame Wilson pendant l’interview d’aujourd’hui qu’il trouvait que ces allégations nécessitaient un complément d’enquête, elle répondit à nouveau, "Je suis d’accord ! C’est stupéfiant," et ajouta : "C’est une période extrêmement frustrante… Je n’ai pas de suggestions miracle sur la manière de faire connaître cette histoire aux États-Unis."

Interrogée sur les déclarations selon lesquelles Grossman avait révélé [l’existence de son] réseau secret Brewster Jennings, elle indique qu’elle était incapable de répondre à ces accusations.

"Non seulement je dis "No Comment" mais par "No Comment" je veux dire que je ne sais pas quoi ajouter à cela", a-t-elle déclaré. "Pendant la course vers la guerre, et jusqu’à ce que je sois démasquée, je me consacrais presque uniquement à tenter de mener des opérations sûres et efficaces, de comprendre ce qui pouvait bien se passer en Irak, de savoir qui étaient les scientifiques, ce qu’ils faisaient, où étaient leurs sites secrets."

S.Edmonds, actuellement en voyage, est injoignable et ne peut faire de commentaires. Si nous réussissons à avoir de ses nouvelles, nous reviendrons sur cette affaire.

Les articles de BRAD BLOG tirés de notre longue série d’articles et d’exclusivités sur l’affaire Sibel Edmonds sont disponibles en mp3 sur ce site.

* * *

L’interview complet par American AM de Plame Wilson dure environ 30 minutes. La partie pendant laquelle les allégations d’Edmonds sont discutées commence à peu près à la marque des 20 minutes. Cette section de l’interview a été transcrite [et traduite] ci-après, grâce à Emily Levy, de VelvetRevolution.us :

 

HENRY RAINES : J’imagine que vous suivez de près ce qu’on dit sur le sujet auquel vous travailliez : l’antiprolifération.

VALERIE PLAME WILSON : Absolument. Avec le terrorisme, c’est la première menace à laquelle la nation doit faire face aujourd’hui.

RAINES : C’est une série d’articles vraiment dérangeants, des articles d’investigation, parus dans le Times of London le mois dernier, trois publications jusqu’à présent, je crois…

VPW : Oui, mm-hmm.

RAINES : …et il y a pratiquement, ici aux États-Unis, un black-out total sur l’information du grand public. Nous avons fait de nombreuses émissions là-dessus depuis la première parution. En fait, il y a une semaine et demie nous avons interviewé la première personne à avoir obtenu une colonne ou un article dans un quotidien américain, le North Mississippi Journal. Donc, vous voyez que nous sommes attentifs à toutes ces inquiétudes et préoccupations sur la construction par l’Iran de ceci ou…

VPW : Mm-hmm.

RAINES : …ou par un autre pays de cela, mais l’histoire à la Une du Times of London, un journal respecté, concerne la troisième personnalité du ministère des Affaires étrangères, identifiée dans le American Conservative  comme Marc Grossman…

VPW : Mm-hmm.

RAINES : …en train de vendre effectivement nos secrets à la Turquie et à Israël. Et la Turquie les revendrait au Pakistan…

VPW : C’est exact. Enfin non, c’est stupéfiant ! J’ai vu la série d’articles. Je ne… oui, je trouve très intéressant que ce soit révélé à l’étranger et absolument pas ici [aux USA], dans aucun de nos journaux. Je n’ai aucune connaissance particulière du sujet, rien de plus que ce que vous êtes en train de lire, mais c’est très intéressant. Et oui, je pense qu’on est en droit de dire que d’une manière générale, les médias américains ont été très timides, passifs, et je pense qu’ils ont laissé tomber les Étasuniens. Regardez comment ils ont couvert la guerre d’Irak, comme des débutants, et comment, en général, ils ne s’intéressèrent qu’à ce que l’Administration leur servait, sans poser de questions, sans analyser, sans rechercher d’autres sources. Et regardez où nous en sommes aujourd’hui. Je pense que les médias comprennent cela, et s’attaquent à ces problèmes, mais à cause des rachats ou des réductions de budgets, étrangers et autres, consacrés au journalisme d’investigation ou aux nouvelles internationales, il n’en sort qu’une sorte de léger gruau, avec deux ou trois petites lueurs, mais c’est bien mince.

RAINES : Et que suggéreriez-vous à nos auditeurs pour qu’ils aident à faire connaître cette histoire ? Parce que tout ceci me stupéfie littéralement, je ne suis pas expert en droit, mais cet acte de trahison, je dirais, lorsque la troisième personne du ministère des Affaires étrangères vend cela, tout ceci mérite une enquête.

VPW : Je suis d’accord ! C’est stupéfiant. Ayant traversé le pays durant les deux derniers mois, il est clair pour moi que les États-Uniens de toute obédience politique ont soif d’information. Ce que l’on entend est édulcoré, vous ne savez évidemment pas si ce que vous lisez est vrai, que ce soit sur Internet ou dans les médias grand public. C’est une période extrêmement frustrante. Et je n’ai guère de suggestions miracles quant à la manière de faire entendre cette histoire aux États-Unis. Ils ont peut-être des plans, je ne sais pas s’il y a l’équivalent de ce journal ici, pour parler de tout ça.

RAINES : Eh bien, ce pourrait être, je ne sais pas, Fox News. C’est un journal de Rupert Murdoch. Ce ne serait pas difficile d’obtenir la publication de cette affaire, s’il y avait la motivation. D’après Sibel Edmonds, l’enquête s’élargit. Le Times of London fournit d’autres sources parce que, là-bas, c’est en train de devenir une magnifique enquête.

Pour les deux minutes qui nous restent, je voudrais vous poser une autre question sur… parce que le troisième épisode de l’histoire concerne directement, enfin, vous ne pouvez le reconnaître directement, mais il est très proche de la tourmente que vous avez vécue. Parce que le même responsable du ministère des Affaires étrangères est accusé d’avoir payé l’American Turkish Council…

VPW : Mm-hmm.

RAINES : …qui allait louer les services d’une société du nom de Brewster Jennings, ce qui aurait permis d’avoir un œil sur ce qui se passait, il les a prévenus et leur a dit : "Ne vous adressez pas à eux. C’est la…"

VPW : Ouais.

RAINES : "…CIA." Cela doit vous troubler.

VPW : Non seulement je peux dire "No comment" mais par "No Comment" je veux dire que je n’ai rien d’autre à ajouter. Pendant la course vers la guerre, et jusqu’à ce que je sois démasquée, je me consacrais presque uniquement à tenter d’exécuter des opérations sûres et efficaces, de comprendre ce qui diable pouvait bien se passer en Irak, de savoir qui étaient les scientifiques, ce qu’ils faisaient, où étaient leurs sites secrets. À mon avis, avant que Colin Powell, le général Colin Powell, ne fasse son discours à l’ONU en février 2003, juste avant la guerre, comme je l’ai écrit dans mon livre, c’était, je dirais, la première fois que je levais la tête du guidon, et alors j’ai dit : "Non, attendez. Ce qu’il dit ne correspond pas avec ce que je comprends et avec les renseignements que j’ai sur cette question." Et cela m’a rendue absolument malade parce que je savais que ce qu’il disait semblait bien plus solide que ce n’était en réalité. Et je me suis seulement dit "hum !", j’espère que quelqu’un de plus haut placé que moi en sait plus, a davantage accès à l’information que moi, parce que ça ne collait tout simplement pas. Cela m’a rendue absolument malade.

RAINES : Je m’excuse auprès de nos auditeurs s’ils ont été séduits, mais Alan et moi avons décidé de garder Valerie Plame Wilson pour nous seuls…

VPW : [rires]

RAINES : …il nous reste 60 secondes, Alan, si vous avez autre chose à ajouter.

ALAN CROSS : Une seule question rapidement.  A propos de votre livre « Fair Game: My Life as a Spy, My Betrayal by the White House », ma question est la suivante : travailliez-vous seule en tant qu’agent, ou aviez-vous une équipe qui travaillait pour vous ?

VPW : Je crois que c’est une de ces inventions auxquelles Hollywood contribue en permanence. Vous pensez à « Bourne Indentity » ou à James Bond, en réalité nous ne sommes jamais seuls. C’est toujours un effort collectif. Il ne s’agit pas d’un escroc qui là, dehors, enfile son smoking pour entrer dans un casino de Monaco. Vous avez des analystes, des techniciens, des gens qui rassemblent les informations, et votre équipe de veille. C’est vraiment un effort collectif. Et les gens qui travaillent, mes anciens collègues de la CIA, sont pour la plupart des gens très intelligents, extrêmement dévoués qui aujourd’hui sont sous une forte pression politique et j’espère que l’on pourra changer de direction dans le futur.

 

Brad Friedman

Brad Blog, le 12 février 2008

 

Traduction VirgileetAthéna / Catherine pour ReOpenNews

 


En lien avec cet article :

Et aussi :

 


Film sur Sibel Edmonds :


 

 

4 Responses to “Un ex-agent de la CIA estime les révélations de Sibel Edmonds stupéfiantes”

  • jb
  • lutèce

    Je me demande simplement pourquoi des gens comme Barry Jennings, Kenny Johanneman, Berverly Eckart, Terrance Yeakey, Debra Palfrey, Gary Webb and John Wheeler meurent dans des circonstance troublante et ce James Bond girl continue a mener son « frogs’ blog and sa vie de dissidente.

    Je ne fais pas confiance à Daniel Ellsberg:
    http://www.counterpunch.org/valentine03082003.html

    Je ne fais pas confiance au Washinton Post:
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Mockingbird

    Et je trouve que Sibel Deniz Edmonds ressemble fort à Deniz Baykal:
    http://www.itusozluk.com/gorseller/deniz+baykal/109296

    De plus, je ne crois pas un instant à la version LIHOP du 9/11, la version Sibel Edmonds défend.

    Je dois être une conspirationniste bien sonnée.

  • Gordzol

    Je me demande pourquoi Brad Friedman ne pose aucune question, ni ne fait même allusion au rôle important du mari de Valérie Plane , Bob Wilson, dont le rapport a été superbement manipulé afin de justifier la guerre en Irak ; il avait été mandaté par l’administration Bush pour enquêter en Afrique sur les emplettes de Saddam Hussein en armes de soit disant destruction massive, n’avait rien trouvé, l’avait fait remarquer, et c’est à la suite de ce démenti que l’équipe Bush avait démasquée Valérie Plane Wilson en représailles … Le cas Sibel Edmonds n’était pas encore officiellement relié aux époux Wilson ; il n’est fait aussi aucune allusion à la cache dorée fournie par l’OTAN au sein même de la communauté européenne des époux Dickinson largement impliqués dans la tentative de corruption de S.Edmonds visant à étouffer les complicités américano-tuques dans la prolifération nucléaire .

  • Gordzol

    ps: ces trois affaires sont très intimement reliées : les écoutes du FBI, le rapport de Wilson (de non possession d’armes de destruction massive) et le sacrifice de Valérie Plane Wilson pour protéger le prétexte de la guerre en Irak .

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