Binyam Mohamed, ex-détenu de Guantanamo, remis en liberté sans inculpation

Le 22 janvier dernier, la nouvelle administration du président Barack Obama avait décrété la fermeture du centre de détention de Guantanamo d’ici un an (non sans laisser le système de torture et de détention illimité intact), mais elle n’a pas encore décidé ce qu’elle ferait des détenus arrêtés après les attentats du 11 septembre 2001.

Il y a huit jours, la Cour d’appel fédérale américaine a cassé un ordre de remise en liberté aux États-Unis de 17 musulmans chinois détenus à Guantanamo depuis des années, sans inculpation. En octobre, un juge fédéral avait ordonné leur transfert sur le sol américain puisqu’ils n’étaient plus considérés comme des "combattants ennemis", mais la cour d’appel a déclaré mercredi que seuls les services de l’immigration, et non pas un magistrat, étaient habilités à accepter des étrangers sur le sol américain. L’administration a donc expliqué qu’elle était dans l’incapacité de libérer ces détenus qu’aucun pays ne semble vouloir accueillir. Washington déclare en particulier ne pas vouloir les renvoyer en Chine par crainte qu’ils n’y soient persécutés (quelle attendrissante attention !)

Après l’échec de ces premières libérations, c’est un ex-résident britannique qui aura finalement été le premier détenu libéré de Guantanamo sous l’ère Obama. À l’instar de Sami El Haj, libéré en mai 2008, Binyam Mohamed n’a pas tardé à dénoncer les tortures qu’il a subies pendant ses 8 années de détention au Maroc, en Afghanistan et à Guantanamo.

 


LeMonde.fr avec AFP, le 23/02/2009

 
Binyam Mohamed est arrivé en Royaume-Uni lundi 23 février. 

Il est le premier à avoir été libéré de Guantanamo depuis l’arrivée de Barack Obama au pouvoir, et il restera un homme libre. Binyam Mohamed, ex-résident britannique, est arrivé lundi 23 février en début d’après-midi au Royaume-Uni après plus de quatre ans passés au camp de Guantanamo et a été remis en liberté sans inculpation en début de soirée après avoir été interrogé par la police, a annoncé Scotland Yard.

M. Mohamed avait été interpellé et interrogé par la police des frontières dès son arrivée peu après 13 heures locales sur la base aérienne militaire de Northolt (nord-ouest de Londres), dans le cadre de la législation antiterroriste britannique. "Il a été remis en liberté, un point c’est tout, c’est la fin" de la procédure, a déclaré un porte-parole de la police.

Soupçonné de terrorisme, il avait été arrêté au Pakistan en 2002 avant d’être emmené au Maroc et en Afghanistan où il aurait été torturé, selon ses avocats. Quatre ans après son arrivée au camp de Guantanamo en 2004, toutes les accusations de terrorisme à son encontre ont été abandonnées l’an dernier. De nationalité éthiopienne, Binyam Mohamed était arrivé au Royaume-Uni en 1994 et y avait obtenu le droit d’asile.

"TORTURÉ DE FAÇON MÉDIÉVALE"

"J’ai vécu une expérience que je n’aurais jamais pu imaginer dans mes pires cauchemars (…). Il est toujours difficile pour moi d’imaginer que j’ai été enlevé, transporté d’un pays à un autre, et torturé de façon médiévale, tout cela étant orchestré par les Etats-Unis", avait-il déclaré à son arrivée au Royaume-Uni.

Binyam Moyamed a remercié ceux qui l’ont soutenu ainsi que le gouvernement britannique pour les efforts qui ont abouti à sa libération. Mais il a aussi dénoncé ce qu’il pense être la complicité des services de renseignement britanniques avec ses tortionnaires. "Pour moi, le pire moment a été celui où j’ai compris au Maroc que les gens qui me torturaient recevaient des questions et des documents des renseignements britanniques", a-t-il déclaré, réclamant que la vérité soit faite sur son calvaire.

L’association Reprieve de défense des prisonniers et Amnesty International ont salué la libération de M. Mohamed. Mais Kate Allen, directrice d’Amnesty pour la Grande-Bretagne, a réclamé l’ouverture d’une enquête indépendante sur les allégations de complicité de torture à l’encontre du renseignement britannique. Sur les quinze prisonniers britanniques ou ex-résidents britanniques détenus à Guantanamo, un seul, Shaker Aamer, y demeure emprisonné, selon le Foreign Office.

4 Responses to “Binyam Mohamed, ex-détenu de Guantanamo, remis en liberté sans inculpation”

  • alexou_161

    Guantanamo n’est que l’arbre qui cache la forêt.
    Depuis les événements du 11/9, des nouvelles lois donnent le pouvoir à la CIA d’enlever qui elle veut, où elle veut dans le monde entier, pour des motifs qui lui sont propres, sans avoir à se justifier, ni à dire le nom des personnes enlevées.
    Des prisons secrètes existent, et ne sont « connues » de personne, Guantanamo était médiatisé, ce qui n’a pas empêché d’enfreindre la convention de Genève au début, et plus tard de torturer des prisonniers…
    Alors imaginons ce qui se passe dans ses prisons secrètes ???

  • CD

    Bonjour,

    en effet, la forêt, c’est 26 000 personnes encore emprisonnées.
    L’emprisonnement est une machine à coupables: on extorque des aveux. On bien les détenus ne sont plus en état psychique d’être jugé, donc de bénéficier d’un examen impartial, oui bon je sais, des charges qui portent sur lui.

    Probablement, le fichage kafkaïen de nos données individuelles, j’extrapole, est un moyen similaire, plus soft, évidemment, de rassembler contre nous des preuves sans crimes.

    Bonne journée et bon courage,

  • Ce qui m’étonne, c’est que personne ne parle d’indemnités pour les outrages physiques, moraux, mentaux, psychologiques, et j’en passe, subits par ces « détenus ». ils ont droit à une rente à vie de la part des etats qui ont conspiré à leur suspicion de terrorisme, non? L’article du MONDE, et d’autres, s’arrête là où le vrai journalisme devrait commencer, ne serait-ce qu’en posant des questions…

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