Seymour Hersh : Internet a changé la face des médias dans le monde entier

Le célèbre journaliste américain d’investigation Seymour Hersh (Prix Pulitzer) nous livre ici quelques considérations sur le journalisme et de droit à l’information dans le monde. Rappelez-vous, c’est lui qui dénonçait en mars dernier l’organisation par le général McChristal d’un "secteur exécutif pour l’assassinat" surtout actif en Irak et Afghanistan. Il avait aussi en 2008 révélé les détails d’un plan envisagé par le vice-président Dick Cheney pour provoquer une guerre contre l’Iran.

Interviewé par le journal Qatari Gulf Times, S. Hersh remet les pendules à l’heure d’Internet et rappelle le rôle fondamental des journalistes en cette période de changements dans l’accès à l’information. Pour lui, "c’est le rôle du gouvernement de garder ces choses secrètes, et c’est mon rôle de les découvrir.". 

 

Le célèbre journaliste américain d’investigation Seymour Hersh

 


Internet a changé la face des médias dans le monde entier

Seymour Hersh, dans le Gulf Times le 19 janvier 2011

Traduction GV pour ReOpenNews

L’Internet et le développement de nouveaux moyens de transmission de l’information a amené à une transformation  totale des médias de masse, selon le célèbre journaliste d’investigation Seymour Hersh, qui a expliqué que les journalistes avaient désormais un rôle plus important à jouer dans la distribution de l’information autour du globe. Dans une interview exclusive donnée au Gulf Times, Hersh s’est dit convaincu que ce sont les journalistes – et non les leaders [politiques] ou responsables gouvernementaux – qui apportent aux lecteurs, auditeurs, spectateurs l’accès le plus important à la vérité.

Dans ce contexte, il a expliqué que l’agence de presse qatarie Al-Jazeera avait un rôle essentiel à jouer pour l’avenir des médias au Moyen-Orient, et a félicité cette chaîne pour ses efforts. Hersh, [en voyage] au Doha pour une conférence sur la politique extérieure des USA donnée au début de la semaine, s’est souvent rendu au Qatar, et a indiqué qu’il avait rencontré Son Altesse l’Émir Sheilh Hamad bin Khalifa al-Thani.

Il s’est dit "favorablement impressionné" à l’issue de leur rencontre, et a indiqué qu’il trouvait les gens de la région très "politiques", car ils se doivent de l’être ici. « C’est une région difficile, d’un côté vous fournissez des bases aux États-Unis, de l’autre vous soutenez Al Jazeera, » a-t-il déclaré, expliquant qu’il existe toujours une grande hostilité des USA envers la chaine basée au Qatar.

Ayant travaillé de nombreuses années à Washington, Hersh a vu beaucoup de changements se produire dans le monde des médias – mais aucun aussi important que l’avènement d’Internet. « C’est tellement fascinant – Internet a tout changé » a-t-il affirmé.

« Internet change notre manière de penser – OK, il y a pas mal de choses stupides aussi là-dedans, mais Internet est en train de modifier notre façon d’accéder aux informations, » a-t-il expliqué.

Bien qu’assez réticent à se prononcer sur la fureur entourant Wikileaks, Hersh a déclaré que lorsque les nations sont engagées dans des "guerres injustes", cela génère forcément des fuites (leaks) qui résultent de la déception de ceux affectés par les actions de leur gouvernement.

« Il en fait un peu trop sur lui et sur son personnage, et je pense que c’est une erreur, » a-t-il dit à propos de Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, qu’il décrit néanmoins comme quelqu’un de "très intelligent et très motivé."
Il fait remarquer qu’Assange a publié ses fuites à travers les journaux et n’a révélé qu’une petite partie des informations et des documents en sa possession.

« Je trouve amusant qu’[après cela] les diplomates aient plus de difficultés à trouver des gens pour parler avec eux ! » s’est esclaffé Hersh, notant aussi que les grosses affaires produisaient le même effet sur les journalistes. Bien qu’à l’origine des révélations de plusieurs gros scandales aux USA, parmi lesquelles le massacre de My Lai, ou les tortures d’Abu Ghraib, Hersh a admis qu’il existe des "règles non dites" qui régissent la pertinence des sujets à publier.

« Aux USA nous avons le Premier amendement qui protège la liberté de parole,» explique-t-il, et il ajoute : « d’après moi, c’est le rôle du gouvernement de garder ces choses secrètes, et c’est mon rôle de les découvrir. »

Bien qu’on l’accuse d’être un terroriste et de haïr les USA, Seymour Hersh est un patriote et parle ouvertement de son amour pour son pays.

Expliquant qu’il aurait pu écrire sur de nombreuses affaires, mais qu’il avait choisi de les garder pour lui à cause des conséquences possibles, Hersh a souligné l’importance de protéger la sécurité nationale et les opérations de renseignement. «  Ce n’est pas comme si vous écriviez à propos de quelque chose que vous avez entendu, » explique-t-il en ajoutant : « Je veux que mon pays dispose d’un bon [service de] Renseignement ! »

« La réalité c’est que lorsque je découvre une bonne histoire, j’en parle avec le gouvernement et les personnes concernées pour m’assurer que cela ne pourra faire ne tort à personne, » déclare-t-il.

« J’aime les États-Unis, je suis juste triste de voir ce que nous faisons à travers le monde, » ajoute-t-il.

Seymour Hersh

Gulf Times le 19 janvier 2011

 

Traduction GV pour ReOpenNews


 

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2 Responses to “Seymour Hersh : Internet a changé la face des médias dans le monde entier”

  • Lazare Gérard

    Prix Pulitzer, des travaux remarquables dont les deux articles en lien, pourtant quand il déclare  » La réalité c’est que lorsque je découvre une bonne histoire, j’en parle avec le gouvernement et les personnes concernées pour m’assurer que cela ne pourra faire ne tort à personne », la « grandeur » de ce reporter se trouve tout d’un coup sérieusement « écornée ».

  • GeantVert

    @Gérard,

    Ce n’est pas forcément très bien exprimé en effet, mais l »histoire journalistique de Hersh montre bien qu’il ne s’est pas géné pour dénoncer nommément certaine personnages comme Bush, Cheney, Rumsfled, McChrystal et consorts. Et donc sa phrase doit être interprétée comme une volonté de ne « pas faire de tort à d’autres personnes que celles qu’il dénonce », autrement dit, pas « à l’aveugle ». C’est ce que je comprends de sa position de journaliste d’investigation, plus que de cette phrase tirée de son interview par Gulf TImes

    –GV

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