Le vice-premier ministre de la Grande-Bretagne admet que la guerre en Irak est illégale

Déclaration fortuite vite minimisée, ou positionnement stratégique en vue d’un futur procès de l’ex-Premier ministre Tony Blair, responsable de la  décision britannique de se joindre aux Américains dans leur invasion de l’Irak en 2003 ? Nick Clegg, le numéro deux du gouvernement britannique s’est en tout cas laissé aller à des termes catégoriques, déclarant que la guerre en Irak était "illégale".  De la part d’un officiel aussi haut placé, on ne peut que prendre ses mots au sérieux. Et même si la Commission Chilcot chargée de faire la lumière sur les véritables raisons de l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne n’a pas vocation à se transformer en tribunal, il ne fait pas de doute que les ex-dirigeants britanniques sont plus que jamais sur la  sellette. Cela ne rendra malheureusement pas la vie au million et demi de morts de cette guerre d’invasion, ni la santé aux innombrables victimes des bombardements illégaux utilisant des armes au phosphore ou à l’uranium appauvri, comme documenté dans notre article paru hier.

 

David Cameron et Nick Clegg, N° 1 et 2 du gouvernement britannique

 


Le vice-premier ministre de la Grande-Bretagne admet que la guerre en Irak est illégale

par Julie Hyland, sur World Socialist Web Site le 10 août 2010

La déclaration du vice-premier ministre britannique Nick Clegg selon laquelle la guerre en Irak est « illégale » ne peut mener qu’à une seule conclusion, à savoir que l’ancien premier ministre Tony Blair et beaucoup d’autres doivent immédiatement être traduits en justice pour crimes de guerre.

Clegg s’exprimait en lieu et place du premier ministre David Cameron mardi au parlement lorsqu’il a fait sa déclaration, l’une des quelques rares remarques véridiques qui ont été faites à la tribune du parlement.

Répondant aux questions du travailliste Jack Straw, le ministre des Affaires étrangères au moment de l’invasion en Irak, Clegg a répliqué, « Il nous faudra sans doute attendre la publication de ses [de Straw] mémoires, mais peut-être qu’un jour il rendra des comptes pour son rôle dans la plus désastreuse des décisions : l’invasion illégale de l’Irak. »

Son accusation a aussitôt été attaquée par les ministres travaillistes et les principaux chefs de l’armée – et ce pour une bonne raison. Comme l’a remarqué Philippe Sands, professeur de droit à l’University College London, une telle « déclaration publique faite au parlement par un ministre du gouvernement sur la question de la légalité » de la guerre pourrait constituer un fondement pour intenter une action en justice contre les responsables britanniques devant une cour internationale de justice.

Là n’était pas l’intention de Clegg, tant s’en faut. Il a presque immédiatement rétracté ses propos en publiant une déclaration disant qu’il les avait faits « à titre personnel ». Un porte-parole a dit, « Le gouvernement de coalition n’a pas exprimé son point de vue sur la légalité ou pas du conflit en Irak. Mais cela ne signifie pas pour autant que des membres du gouvernement ne peuvent exprimer leur point de vue personnel. C’est là un point vue que le vice-premier ministre a depuis longtemps. »

 « La commission d’enquête sur l’Irak examine présentement de nombreuses questions concernant l’implication de la Grande-Bretagne en Irak, y compris le fondement juridique de la guerre. Le gouvernement est impatient de recevoir les conclusions de l’enquête. »

La référence à l’enquête sur l’Irak qui est actuellement menée par Sir John Chilcot est une fraude. Il est spécifiquement interdit à cette commission d’enquête de statuer sur la légalité de la guerre. Elle a publié sa propre déclaration officielle, réitérant que « la commission d’enquête n’est pas une cour de justice et personne ne passe en jugement. »

Les libéraux-démocrates ont pendant longtemps tiré profit politiquement de leurs critiques à l’égard de l’invasion de l’Irak. Initialement, ils avaient rejeté la guerre menée par les Etats-Unis au motif de respecter l’autorité des Nations unies, mais, une fois l’invasion commencée, ils ont basculé pour soutenir « nos soldats » (« our boys »). Ils avaient exigé l’ouverture d’une enquête sur la guerre et que Clegg avait qualifié de « la plus grosse erreur en politique étrangère commise par le pays… depuis Suez » (l’invasion franco-britannique de l’Egypte en 1956).

De telles déclarations publiques ont été un facteur important dans le vote obtenu par les libéraux-démocrates lors des élections législatives qui s’étaient déroulées en début d’année.

Les récents agissements de Clegg soulignent le caractère trompeur de l’attitude « anti-guerre » de son parti. Assurément, le vice-premier ministre a pensé pouvoir poursuivre ses prises de position contre le Parti travailliste (Labour) sans que ses déclarations aient de véritables conséquences. Mais les libéraux-démocrates font à présent partie d’un gouvernement qui maintient encore 400 hommes en Irak et qui joue un rôle clé dans la répression de l’Afghanistan. Ses partenaires de la coalition au sein du parti conservateur avaient voté en faveur de l’invasion de l’Irak en la soutenant à fond.

Les tories (conservateurs) ont appuyé l’affirmation de Clegg comme quoi son jugement de la guerre en Irak n’était qu’une affaire d’opinion personnelle. Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, qui avait voté pour la guerre a dit, « Le vice-premier ministre a un parcours différent du mien » en la matière.

Sur le plan plus fondamental, la légalité de la guerre en Irak n’est pas une affaire de point de vue « personnel » ou d’interprétation historique individuelle. En vertu du précédent créé par les procès de Nuremberg en 1946, les dirigeants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne sont, conformément au droit international, coupables du même chef d’accusation que celui retenu contre les nazis : la poursuite d’une guerre d’agression.

Selon les termes du jugement de Nuremberg, « La guerre est en essence un mal. Ses conséquences ne se limitent pas aux seuls Etats belliqueux, mais affectent le monde entier. Initier une guerre d’agression n’est donc pas seulement un crime international, c’est le crime international suprême se différenciant des autres crimes de guerre en ce qu’il contient en lui-même la somme du mal de tous les autres. »

Il ne fait aucun doute que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont déclenché une guerre d’agression contre l’Irak dans le but de promouvoir leur propre stratégie géopolitique au Moyen-Orient.

Comme en témoignent les documents, le 30 janvier 2003, le procureur général britannique d’alors, Lord Goldsmith, avait informé le premier ministre Tony Blair que le recours à la force militaire contre l’Irak était illégal sans l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies. À peine deux mois plus tard, malgré l’absence d’une telle autorisation et suite à une visite à Washington, Goldsmith changea d’avis en jugeant qu’une invasion était légale.

Parmi ceux à avoir témoigné devant la commission d’enquête Chilcot durant la dernière semaine figurait Carne Ross, l’ancien premier secrétaire de la Grande-Bretagne aux Nations unies de 1997 à 2002 et responsable de la liaison avec les inspecteurs des armes en Irak. Son témoignage avait montré clairement que l’Irak ne représentait pas un danger pour Washington et Londres, que le pays ne disposait pas « d’armes de destruction massive », qu’il n’avait pas de liens avec al-Qaïda et que l’« exagération » et « les déclarations trompeuses » faites sur le danger présumé de l’Irak « étaient, dans leur entièreté, des mensonges ».

Ross a affirmé, « Dans la théorie de la guerre juste et du droit international, tout pays doit épuiser toutes les options non-violentes avant de recourir à la force. Il est clair que dans ce cas le gouvernement de la Grande-Bretagne n’a pas envisagé de façon adéquate, et encore moins recouru à des alternatives non-militaires avant l’invasion de 2003. »

L’invasion de l’Irak a détruit un pays entier et a coûté la vie à plus d’un million de personnes. Par une attaque anticipée, Washington et Londres ont renversé un régime considéré comme un obstacle à leurs intérêts, exécuté son dirigeant et emprisonné et tué quiconque leur barrait le chemin. L’occupation qui dure encore continue de détruire des vies comme le montrent les chiffres records de cas de cancer, de leucémie, de mortalité infantile et de défauts de naissance qui ont été enregistrés dans la ville de Fallouja.

De plus, la guerre en Irak est accompagnée par un éventail de mesures pour abroger les droits démocratiques aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne sous le prétexte de la « guerre contre le terrorisme ». Des restitutions extraordinaires, l’emprisonnement sans procès de personnes « présumées » être des terroristes, la répression de la liberté d’expression et, en Grande-Bretagne, le meurtre de sang froid de Jean Charles de Menezes ne sont que quelques-unes de ses conséquences.

Comme Clegg le sait parfaitement, Blair et ses ministres influents ont du sang sur les mains. Ils n’auraient toutefois jamais pu poursuivre leur objectif criminel sans le soutien actif des services secrets, de l’opposition conservatrice, des médias et d’une multitude de fonctionnaires complaisants.

C’est pourquoi Clegg a immédiatement battu en retraite. Comme le World Socialist Web Site a affirmé, la réparation de l’effroyable catastrophe qui a frappé la population en Irak, y compris la poursuite judiciaire des architectes de l’invasion et le versement de milliards de compensation, ne peut s’accomplir que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre la guerre impérialiste et le système capitaliste de profit qui en est la cause.

Article original, Word Socialist Web Site (WSWS), paru le 24 juillet 2010.

 


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One Response to “Le vice-premier ministre de la Grande-Bretagne admet que la guerre en Irak est illégale”

  • luisa

    Voilà, c’est déjà un début et d’autres vont suivre.
    Cependant, il ne faudra surtout pas à s’attendre à ce qu’il soit un invité priviligié à la Maison Blanche.

    A quand Sarkozy? Et Angela Merkel?

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