Grande-Bretagne : vers la réouverture de l’enquête sur la mort suspecte de l’expert en armes biologiques David Kelly

Le Daily Mail et le Guardian conduisent un de nos hebdomadaires hexagonaux à revenir sur le cas "David Kelly". Tant mieux, mais il faut creuser davantage, serions-nous tentés de dire. Voici en effet un an que nous suivons les démélés de cette affaire mystérieuse où plane l’ombre du crime d’Etat. Comme aux USA où le doute subsiste sur la culpabilité du suicidé américain Bruce Ivins accusé d’avoir fabriqué et envoyé de l’anthrax mortel aux Sénateurs Dashle et Leahy qui s’opposaient aux lois Patriot Act, le doute plane sur le suicide de ce spécialiste britannique des armes biologiques qui dénoncait leur absence en Irak au moment où Tony Blair partait en guerre… Relire notre traduction de Raw Story du 13 juillet 2009 où nous nous faisions l’écho le 18 juillet 2009 de la demande de réouverture de l’enquête par un groupe d’experts médicaux. Puis le 25 janvier 2010, notre traduction du Guardian, lorsque l’enquête Hutton a abouti au classement secret du rapport médical du décès de David Kelly.

  

L’expert en armement David Kelly s’est – officiellement – suicidé en 2003 après avoir été identifié comme la source d’un journaliste accusant le gouvernement de Tony Blair d’avoir exagéré la menace irakienne pour justifier le déclenchement de la guerre d’Irak.  (photo: REUTERS/Stephen Hird)

 


Des experts médicaux britanniques demandent la réouverture de l’enquête sur la mort, en 2003, du spécialiste en armement non conventionnel mêlé aux accusations sur les mensonges ayant justifié la guerre en Irak. L’enquête officielle avait conclu à un suicide.

L’EXPRESS.fr par Catherine Gouëset, publié le 13/08/2010 à 12:00

 

L’ancien Premier ministre Tony Blair sera-t-il rattrapé par l’affaire David Kelly? Un groupe d’experts en médecine légale a demandé, ce vendredi 13 juillet, la réouverture de l’enquête sur la mort de David Kelly. Ce dernier, l’un des meilleurs experts britanniques en armement chimique et biologique s’est – officiellement – suicidé en 2003 après avoir été identifié comme la source d’un journaliste accusant le gouvernement de Tony Blair d’avoir exagéré la menace irakienne.  

Des doutes sur le rapport qui justifie le déclenchement de la guerre

En septembre 2002, à l’appui des accusations de l’administration Bush qui accuse l’Irak de posséder des armes de destruction massive (ADM), Tony Blair promet de fournir des preuves et ses services publient un rapport dont le sérieux sera par la suite mis en doute. Tony Blair obtient néanmoins l’appui d’une majorité des députés à la Chambre des communes pour déclencher la guerre, en mars 2003.  

En mai 2003, un journaliste de la BBC, Andrew Gilligan, spécialiste des questions de défense, affirme que le contenu du dossier sur les armes de destruction massive publié avant le conflit a été "gonflé" et rendu "plus sexy" afin de justifier plus facilement la guerre. Le nom de David Kelly comme source d’Andrew Gilligan circule dans les médias. L’expert est convoqué devant la commission des Affaires étrangères. Deux jours plus tard, le 18 juillet 2003, son corps sans vie est retrouvé dans un champ proche d’Oxford.  

L’enquête sur les circonstances de sa mort est confiée à un juge de la cour d’appel, lord Hutton (Lire l’enquête détaillée de l’Express sur cette affaire: le roman des armes de destruction massive).  

Rendu public en janvier 2004, le rapport Hutton blanchit le gouvernement Blair et charge la BBC: David Kelly s’est suicidé "en s’ouvrant le poignet gauche" et sa mort a été "accélérée" par les tablettes de Coproxamol qu’il a absorbées. Le rapport estime probable que l’expert se soit considéré comme humilié publiquement pour avoir été identifié comme la source de Gilligan.  

En revanche, le rapport conclut que Tony Blair et son équipe n’ont rien fait pour "muscler" le document sur les ADM. Cette accusation "très grave", lancée par le journaliste Andrew Gilligan, est, selon le rapport Hutton, "infondée", et la BBC est "fautive" de ne pas avoir mieux enquêté après les démentis du gouvernement. Andrew Gilligan démissionne de la BBC après la publication du rapport Hutton.  

Le dossier médical interdit d’accès pendant 70 ans

Aujourd’hui, huit médecins et experts en médecine légale demandent la réouverture de l’enquête. Ils considèrent en effet que la section de l’artère du poignet de David Kelly n’aurait pas suffi à menacer sa vie.  

Le 7 août dernier, le Daily Mail a publié le témoignage de l’inspecteur de police qui s’est rendu le premier sur le lieu où a été retrouvé le corps de David Kelly. Il y avait, révèle-t-il, très peu de sang sur et autour du corps. Les auxiliaires médicaux présents sur place s’étaient également étonnés que le scientifique ait pu succomber à la blessure au poignet qu’ils avaient constatée précise le journal.  

Le Guardian rapporte qu’une enquête judiciaire a été interrompue par le ministre de la Justice de l’époque, Lord Falconer, avant la création de la commission Hutton, et n’a pas été relancée ensuite.  

En janvier dernier, précise le quotidien, cinq médecins qui demandaient la réouverture de l’enquête, se sont vu répondre que Lord Hutton avait, en 2003, fait en sorte que le dossier médical et les photos soient fermés pour une durée de 70 ans. Interrogé, Lord Hutton aurait déclaré qu’il ne fallait pas aggraver la "détresse de la famille".  

C’est le changement de gouvernement qui permet aux protagonistes d’espérer la réouverture de l’enquête. Le procureur général Dominic Grieve, a déclaré avant les élections, en avril, que les Conservateurs réfléchissaient à la réouverture de l’enquête sur la mort de David Kelly.  

 


"Il n’y avait pas beaucoup de sang autour" : le détective qui a trouvé le corps de l’expert en armement David Kelly soulève des questions sur sa mort

article paru dans le Daily Mail

par Rebecca Camber
dernière mise à jour à 7:57 du matin le 9 août 2010

Le mystère entourant la mort du docteur David Kelly s’est épaissi hier après que le détective qui a découvert son corps ait déclaré qu’il n’avait pas observé "beaucoup de sang".

Cette révélation du détective assermenté Graham Coe jette le doute sur le verdict du rapport Hutton selon lequel le scientifique du Ministère de la Défense serait mort d’hémorragie après s’être tranché les veines du poignet. 

Dans sa première interview, M. Coe, maintenant à la retraite, a également affirmé que la Police avait fouillé la maison du Dr. Kelly le lendemain de sa mort à la recherche de "documents sensibles" sur l’Irak.

 

 
Indice-clé: le détective assermenté Graham Coe s’est exprimé
pour la première fois sur la découverte du corps de David Kelly
 

Le Dr. Kelly, expert en armes chimiques et bactériologiques, a été trouvé mort en forêt près de sa maison dans l’Oxfordshire en juillet 2003.

Une semaine plus tôt, le gouvernement travailliste avait révélé qu’il était la source d’un reportage de la BBC qui déclarait que le "10" [NdT. 10 Downing Street, lieu de résidence et de travail du premier ministre]  avait "rendu plus sexy" les rapports sur la capacité de l’Irak à déployer des armes de destruction massive.

L’enquête de Lord Hutton détermina en 2004 que l’homme de 59 ans s’était suicidé en coupant les veines de son poignet avec un couteau d’élagage émoussé.

M. Coe, aujourd’hui âgé de 63 ans, fut le premier à découvrir le corps et il veilla sur lui pendant 25 minutes avant que n’arrivent des renforts.

 

 
 
L’indice du détective assermenté Graham Coe rend les demandes d’enquête
sur la mort de David Kelly d’autant plus incontestables.
 

L’indice du détective assermenté Graham Coe rend les demandes d’enquête sur la mort de David Kelly d’autant plus incontestables. Il a déclaré au MAIL dimanche: "Je n’ai vraiment pas vu beaucoup de sang nulle part. Il y en avait un peu sur son poignet gauche, mais rien sur ses vêtements."

"Sur le sol il n’y avait pas beaucoup de sang autour, voire même rien du tout." Le rapport Hutton déclare qu’il y avait des traces de sang sur une bouteille d’eau à côté du corps.

M. Coe a déclaré: "Je n’ai vu aucune trace de sang sur la bouteille et n’ai pas vérifié le couteau."

Son témoignage recoupe celui de deux secouristes expérimentés sur place, qui ont dit que l’absence de sang les avait laissés perplexes.

Ils ont déclaré auparavant: "Il est extrêmement peu probable qu’il [Dr. David Kelly] soit mort de la blessure au poignet que nous avons vue."

Leurs déclarations sont confirmées par le Dr. Neville Davis, MBE, ancien président du Département de médecine légale à la Société de Médecine Royale, qui a dit qu’il aurait dû y avoir "une sacrée mare de sang sur les vêtements du scientifique et au sol s’il était mort des suites du sectionnement de son artère."

Montant la garde: la Police à la maison du Dr. Kelly en juillet 2003

 

M. Coe  a aussi confirmé l’existence controversée d’un troisième homme à ses côtés et ceux de son partenaire le détective assermenté Colin ce jour-là.

Les sceptiques qui pensent que le Dr. Kelly a été assassiné ont déclaré que les faits appropriés mentionnés dans les comptes-rendus des chercheurs volontaires pourraient bien avoir été rédigés par les services de sécurité.

Lors de l’enquête Hutton, M. Coe a nié que quelqu’un d’autre était présent, mais l’ex-enquêteur de la Police de la vallée de la Tamise dit maintenant qu’il y avait un officier de police stagiaire, dont il a refusé de donner le nom, et qui selon lui a quitté la Police.

M. Coe a aussi agi en tant qu’"officier de perquisition" lors de la fouille de la maison du Dr. Kelly le lendemain de sa mort.

Il se souvient: "Nous cherchions des documents en relation avec l’Irak. Personne ne savait s’il conservait des documents de nature sensible à la maison."

"Nous devions chercher. Si quelqu’un rédige une note de suicide, vous allez la trouver. Nous cherchions des documents politiquement sensibles."

 

 

La colline de Harrowdown, où le corps de David Kelly a été retrouvé.

 

Le Procureur général Dominic Grieve a déjà déclaré qu’il est "préoccupé" par les allégations qui entourent le cas de Kelly, et il appelle de ses voeux une nouvelle enquête.

Hier, le Ministre des Transports Norman Baker, qui a fait campagne pour une enquête complète indépendante, a déclaré: "Ce sont des indices nouveaux importants, que j’en suis sûr le Procureur général souhaitera examiner". Cela soulève des questions sérieuses sur les conclusions tirées par Lord Hutton.

Cependant, M. Coe ne suspecte pas un acte criminel caché. Il a déclaré: "selon moi, il [Dr.Kelly] a utilisé son propre couteau. Il n’y a que lui pour savoir pourquoi il a fait cela."

 


[Dernière] Cela n’a jamais été un suicide, dit la cousine du Dr. Kelly, alors que la famille rompt finalement le silence

Daily Mail ce 16 août à 11:25, par Mikes Goslett:

(extrait)

Une proche parente de David Kelly a rompu le silence de la famille hier pour faire entendre ses craintes qu’il aurait été assassiné. Wendy Wearmouth a dit qu’elle trouvait "particulièrement peu probable" qu’il se soit suicidé et elle a suggéré qu’il avait été assassiné. Elle a dit que commettre un suicide aurait été "en totale contradiction avec sa profonde manière d’être". (…) "Un homme dans sa position a dû être initié à beaucoup de choses, et avoir vu beaucoup de choses, et je pense qu’il a été assassiné." Son intervention met encore plus de pression sur le gouvernement pour réouvrir l’enquête (…). L’enquête publique dirigée par le juge à la retraite Lord Hutton avait déterminé que le Dr. Kelly s’était suicidé en s’étant tranché les veines du poignet [gauche] avec un couteau à élaguer émoussé et présumant qu’il avait avalé 29 comprimés antidouleur de coproxamol.

Elle a déclaré: "Une enquête complète auprès du médecin légiste au cours de laquelle les gens témoignent sous serment est la seule façon pour tout le monde d’avoir l’espoir de connaitre un jour ce qui s’est réellement passé". (…) Sa mort est de plus en plus mystérieuse depuis que la nuit dernière un médecin s’est exprimé à la BBC. Il aurait lu le rapport post-mortem du Dr. Kelly, bien qu’il soit classé secret pour 70 ans. Le chirurgien vasculaire Micheal Gaunt a raconté à la BBC qu’on lui avait demandé d’examiner les indices et il a conclu qu’il était "convaincu" qu’il s’était suicidé. Mais il n’a pas dit qui l’avait recruté ou comment il avait obtenu le rapport, et sa déclaration entraine des questions vitales sur la sécurisation des indices-clé concernant la mort du Dr. Kelly.

Après avoir pris connaissance de détails jusque-là inconnus du dossier, le Dr. Gaunt a dit qu’ "il était plus que probable que le Dr. Kelly ait finalement succombé de la combinaison de comprimés, de la coupure, du stress qu’il subissait, et peut-être d’un problème cardiaque non diagnostiqué".

 


Des experts demandent une enquête sur David Kelly

 

La cause de la mort de David Kelly jugée "extrêmement peu vraisemblable" par un groupe d’experts légaux et médicaux.

 the Guardian, par Haroon Siddique, vendredi 13 août 2010 à 9:23

 (extraits)

(…) Les espoirs pour une nouvelle enquête ont été soulevés à la suite du changement de gouvernement. Le Procureur Général Dominic Grieve a déclaré en avril, alors qu’il était secrétaire à la Justice du "cabinet de l’ombre" [NdT. en Angleterre, l'opposition constitue dans ses rangs un gouvernement-bis. Cette pratique tend à s'installer en France], que les Conservateurs étudieraient la question d’une nouvelle enquête sur la mort de David Kelly. Il a aussi appelé à une révision de la décision du gouvernement de ne pas publier les rapports médicaux post-mortem correspondants.

 

Grieve examine le cas avec le secrétaire à la Justice, Kenneth Clarke. Norman Baker, le parlementaire Liberal-Démocrate [Ndt. centriste] et jeune Ministre de la coalition gouvernementale, soutien la reprise de l’enquête. Il avait démissionné de sa position exposée lorsqu’il était dans l’opposition pour écrire un livre, "L’étrange mort de David Kelly", qui défend la thèse selon laquelle la vie du scientifique aurait été "délibérément supprimée par d’autres".

L’enquête Hutton appliqua une procédure moins stricte que celle qui aurait été utilisée dans une enquête où un  médecin légiste doit s’assurer "au-delà de tout doute raisonnable" qu’une personne a délibérement voulu se suicider.

 


Notes reopennews:


 

2 Responses to “Grande-Bretagne : vers la réouverture de l’enquête sur la mort suspecte de l’expert en armes biologiques David Kelly”

  • Suicidé juste au bon moment. Et puis ça arrange pas mal de malfrats, comme Tony Blair et son oncle Bush.
    La raison d’Etat prime sur la morale et la dignité des « grandes nations ».





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