Révélations du juge Rosario Priore sur la stratégie de la tension dans l’Italie des années 80

Après les révélations de l’historien suisse Daniele Ganser faites dans son livre "Les Armées secrètes de l’OTAN"[1] souvent évoqué dans nos pages ReOpenNews, voici un nouvel ouvrage captivant sur les "années de plomb" en Italie et la "stratégie de la tension" qui a sévi au cours des années 70-80 dans ce pays. Ces nouvelles révélations ne tombent pas à n’importe quel moment. Depuis quelques semaines, en effet, l’actuel gouvernement de centre-droit est secoué par différents scandales de corruption autour d’une loge maçonnique "P3" qui serait en lien avec certaines personnalités haut placées, voire avec Berlusconi lui-même[2]. La P3 serait une sorte de réminiscence maçonnique de la tristement célèbre loge P2 dissoute voilà presque 30 ans mais qui semble pourtant avoir survécu dans l’ombre. Le gouvernement italien  qui cherche à faire passer en force une loi "bavaglio" règlementant drastiquement les écoutes téléphoniques et leur diffusion par la Presse, s’en prend ouvertement à ses opposants politiques et aussi à une certaine partie de la magistrature qualifiée de "rouge" ou de "communiste" ce qui – étonnamment – provoque toujours un certain effet chez nos voisins transalpins.

Autre fait marquant de ces dernières semaines : le Président italien Giorgio Napolitano, à l’occasion des 30 ans de la tragédie d’Ustica, a déclaré le 8 mai dernier que cette affaire de crash aérien jamais vraiment élucidée -  qui avait fait 81 morts le 27 juin 1980 et dont le souvenir est encore très vivace dans la population italienne -  cachait "de sombres intrigues internationales"[3].

Voilà pour le contexte dans lequel sort le livre du juge Rosario Priore  "Intrigues internationales" qui met notamment en cause la France et l’Angleterre dans cette "guerre sous-jacente" avec l’Italie des années de plomb. Il est malheureusement peu probable que ce livre soit jamais traduit dans notre langue.

 

"Intrigo internazionale" de Giovanni Fasanella et Rosario Priore

 


 

paru sur RomaToday le 25 juin 2010

Il y a eu des intrigues au niveau international dans la tragédie d’Ustica” a affirmé Giorgio Napolitano, président de la République italienne le 8 mai 2010 –  journée en mémoire des victimes du terrorisme et des tragédies.

« Il existe des vérités que je n’ai jamais pu dire…Elles auraient pu avoir des effets déstabilisateurs sur les équilibres internes et entre nations. ». Rosario Priore, juge d’instruction dans les affaires Aldo Moro, Ustica, et la tentative d’attentat contre Jean-Paul II.

Les non-dits de l’histoire italienne.

La question de fond est la suivante : pourquoi depuis 1969 l’Italie a-t-elle été la cible du terrorisme et de la violence politique avec à la clef des centaines de morts et des milliers de blessés ? Pourquoi seulement dans notre pays ?

Toutes les enquêtes judiciaires se sont jusqu’à maintenant focalisées sur le rôle des Services secrets infiltrés, de la loge P2 et de la CIA. Résultat : aucune vérité judiciaire, aucune vérité historique.

Rosario Priore, le magistrat qui s’est occupé de subversion noire [fasciste – NdT] ou rouge [communiste – NdT], du mouvement "Autonomie ouvrière"[4], du cas Aldo Moro, d’Ustica, de l’attentat contre Jean-Paul II, tente ici de répondre à ces questions en changeant complètement de scénario. Et aussi d’instruments d’analyse. Grâce à des années de recherche, à des témoignages, des preuves, des documents privés, des rencontres avec d’ex-terroristes, agents secrets et hommes politiques étrangers, Rosario Priore reconstruit un scénario international inédit pour expliquer le terrorisme et la stratégie de la tension en Italie, mettant à jour la vérité que personne jusqu’à maintenant n’avait pu révéler à travers les sentences judiciaires.

Une fois les combines sanctionnées (et encore, pas toujours), la justice a dû s’arrêter avant d’avoir pu atteindre les plus hauts niveaux de responsabilité. Nous avons été en guerre, sans le savoir. L’hégémonie sur la Méditerranée, le contrôle des ressources énergétiques nous ont mis sur la voie d’une confrontation directe avec l’axe franco-anglais qui n’a jamais admis notre rapport privilégié avec la Libye. Voilà qui était le « troisième acteur » après l’URSS et les États-Unis. Rien de surprenant alors à ce que les Anglais aient été favorables à un coup d’État en Italie en 1976 pour stopper le PCI [parti communiste italien – NdT] et contrôler le pays.

De l’autre côté, la Tchécoslovaquie, l’Allemagne communiste et la Stasi avaient beau jeu d’alimenter le terrorisme. Ustica, Piazza Fontana, l’affaire Aldo Moro, la tragédie de Bologne, doivent tous être replacés dans ce contexte international : c’est ainsi que s’effondrent toutes ces convictions faciles, et les vieux arguments, journalistiques, voire judiciaires, montrent alors toute leur inconsistance. L’intrigue italienne est en réalité internationale.

 

Giovanni Fasanella, journaliste, metteur en scène et documentariste, est l’auteur de nombreux livres sur l’histoire invisible de l’Italie, dont les plus connus sont SEGRETO DI STATO [« Secret d’État » - NdT]  avec G. Pellegrino, C. Sestieri, Einaudi 2008, CHE COSA SONO LE BR « Que sont vraiment les Brigades rouges ? » avec A. Franceschini, Bur 2004, LA GUERRA CIVILE [La guerre civile – NdT] avec G. Pellegrino, Bur 2005) et « I SILENZI DEGLI INNOCENTI  [Les silences des innocents – NdT] avec A. Grippo, Bur 2006). Pour la maison d’édition Chiarelettere il a publié avec Gianfranco Pannone le DVD+livre IL SOL DELL’AVVENIRE [Le soleil de l’avenir – NdT](2009).

Rosario Priore, magistrat depuis plus de 30 ans, depuis le début des années 70 quand il a commencé comme juge d’instruction au Tribunal de Rome. Il a suivi de nombreuses affaires de violence et de terrorisme (internes et internationales) parmi les plus importantes de l’histoire judiciaire italienne : de la subversion fasciste au mouvement « Autonomie ouvrière », de l’affaire Aldo Moro à celle d’Ustica, des attentats palestiniens à la tentative d’homicide contre Jean-Paul II.

 

Traduction GV pour ReOpenNews

 


Notes ReOpenNews :

  1. Daniele Ganser : Les Armées Secrètes de l’OTAN : Réseaux Stay-Behind, Opération Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, Editions Demi Lune
  2. Lire par exemple (en italien) : Il premier, la “nuova loggia” e San Pietroburgo, Il fatto Quotidiano
  3. Terrorismo, Napolitano: «A Ustica ci furono intrighi internazioni», Corriere della Sera, 8 mai 2010
  4. Mouvement "Autonomie operaia" : courant politique italien des années 70, classé à l’extrême gauche et qui lutte pour l’autonomie du prolétariat par rapport au capitalisme, par rapport à l’Etat, mais également par rapport aux partis et aux syndicats. Voir article sur Toupie.org

 





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