Que plus personne ne bouge !

L’article du Monde rapporte ci-dessous la désagréable mésaventure subie par Tessa Polak, une photographe de 36 ans, visée pour son soutien au "groupe de Tarnac". Mais quelle visée!

Etat de droit, dites-vous ? Au cas où vous seriez suspecté d’être barbouze ou terroriste, une nouveauté en France : écoutes illégales, filature, arrestation surprise musclée, canon sur la tempe dans un lieu inattendu, garde à vue banalisée, alors que, légalement, vous n’êtes coupable de rien. Les forces de l’ordre seraient-elles soudainement atteintes d’hyperactivité ? Mieux vaut prévenir que guérir, intimider plutôt que rassurer, semble t-il. A défaut de s’en prendre aux délinquants politico-financiers, on s’attaque à des groupuscules insignifiants suspectés de tous les maux à venir, mais qui sont pourtant désignés coupables d’office, comme s’il s’agissait de justifier la raison d’être des services anti-terroristes. Ce comportement, de plus en plus fréquent, touche toute la C.E.E. Attention, l’anti-terrorisme, pour mieux vous servir, sème la terreur. Que plus personne ne bouge dans notre état de droit. 


 
 

 

"Les policiers ont fait ‘Bingo !’ comme s’ils avaient découvert une cache d’armes"

LE MONDE | 11.05.09 | 10h32  •  Mis à jour le 11.05.09

Tessa Polak a "la rage". Interpellée le 28 avril par la police antiterroriste (SDAT), placée en garde à vue 72 heures puis relâchée sans aucune charge, cette femme de 36 ans, photographe de profession, dénonce aujourd’hui une "manœuvre d’intimidation".

Membre active d’un comité de soutien aux neuf personnes mises en examen dans l’affaire des sabotages de voies SNCF, elle en connaît quelques-unes, en a croisé d’autres à Tarnac, en Corrèze, où elle s’est déjà rendue. Mais elle ne s’attendait pas, six mois après l’arrestation des neuf le 11 novembre 2008, a être, à son tour, interpellée de la sorte dans la rue. Depuis lors, elle collecte les témoignages.

Ce 28 avril, en début d’après-midi, Tessa Polak circule en voiture dans le 20e arrondissement à Paris avec Benjamin Rosoux, l’un des mis en examen de Tarnac, à ses côtés. "A l’angle de la rue des Pyrénées et de la rue du Jourdain, alors que je ralentissais, une nuée de types a surgi, dit-elle. Ma vitre était ouverte, je me suis retrouvée avec un pistolet sur la tempe tandis que deux autres me braquaient de face. J’ai cru à un car-jacking." Il s’agit en fait de policiers en civil. Eberluée, elle ne se souvient que de ces mots : "Terroriste ! Terroriste !"

Menottée, elle est embarquée dans une autre voiture, tandis que Benjamin Rosoux est planté sur le trottoir, et emmenée à son propre domicile où a lieu une perquisition. Sur place, la police saisit ses ordinateurs et deux piles de L’insurrection qui vient. Ce livre collectif et anonyme, en vente libre, est perçu par la police, qui l’attribue à Julien Coupat, comme la doctrine du groupe. Il a été versé, dans son intégralité, au dossier d’instruction et vaudra d’ailleurs à son éditeur, Eric Hazan, d’être entendu le 9 avril par la police antiterroriste.

Dans le coffre de la voiture de Tessa Polak, la SDAT en découvre 400 autres exemplaires. "Ils ont fait ‘Bingo !’, comme s’ils avaient découvert une cache d’armes, ironise-t-elle. Sauf que quand ils m’ont demandé d’où ça venait, je leur ai dit que j’étais passée chez l’éditeur et que je comptais les distribuer dans le cadre du comité de soutien, ce qu’ils savaient déjà."

Tout au long de sa garde à vue, et des "8 à 10 interrogatoires", la jeune femme comprend qu’elle a fait l’objet d’une surveillance. Aux policiers qui lui demandent pourquoi elle a prêté son véhicule, en novembre 2008, à trois des mis en examen, dont Benjamin Rosoux, elle répond : "Ma voiture je l’ai prêtée comme ma maison est ouverte, mon frigo est ouvert…" "Ce qui m’a étonnée, poursuit Tessa Polak, c’est que leurs investigations portaient beaucoup sur le livre. Le type de questions qu’ils m’ont posé, la manière avec laquelle ils le faisaient, c’était pour valider leurs fantasmes. Le mot ‘cellule’ revenait sans cesse…"

Après 48 heures, elle est brièvement présentée au juge d’instruction Thierry Fragnoli pour une prolongation de sa garde à vue. Tessa Polak jure alors l’avoir entendu dire : "Ce n’est pas ma faute mais vous allez payer pour les autres." "J’étais sonnée", dit-elle.

Avec le recul, la jeune femme analyse son interpellation comme une "manœuvre d’intimidation, une façon de briser les solidarités actives, d’envoyer des signaux, et de banaliser les garde à vue". "Sinon, ajoute-t-elle, pourquoi m’ont-ils convoquée de cette façon ? Quand je leur ai demandé, ils ne m’ont pas répondu." Après cette interpellation, et celle de plusieurs étudiants, soupçonnés d’avoir participé à une manifestation non autorisée en faveur, notamment, de Julien Coupat, dernier des mis en examen à être toujours incarcéré, les comités de soutien – il en existerait une cinquantaine en France –, se sentent sous pression. "Il y a une demande très pressante de “guides” de garde à vue", ironise Frédéric Combarieu, membre du comité parisien.

Alors que le juge des libertés et de la détention doit une nouvelle fois statuer sur la demande de remise en liberté de Julien Coupat, ce dernier lassé des fouilles et de cette "farce", a demandé à ne pas être extrait de sa cellule pour l’occasion. Pour les mêmes raisons, le comité de soutien ne se rassemblera pas non plus ce jour-là. Mais plusieurs initiatives en mai, des concerts notamment, sont à l’ordre du jour.

 

Isabelle Mandraud
 


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9 Responses to “Que plus personne ne bouge !”

  • fl

    encore et toujours la même expression,
    l’Occident n’a jamais connu ce qu’il definit par lui meme l’Etat de Droit(de plus la definition est volontairement incomplete faisant l’impasse sur nombre de points importants)

  • la demande de remise en liberté a été une nouvelle fois refusée jeudi

  • Sébastien

    Le Monde, ou l’indignation programmée d’un journal à la solde de tous les pouvoirs.

    Amusant.

  • Shaman59

    On ne lutte pas contre d’éventuels terroristes avec des manières de communiante. Evidemment, c’est musclé et pas délicat mais ces petits désagréments évitent des catastrophes alors je suis pour.

  • zouzou

    Un jour même les chinois auront de la peine pour nous

  • ernestino

    Bienvenue en démocratie mademoiselle Polak!!! La France à toujours suivie le pas des USA avec 10 ans de retard,je constate que ça ne change pas!

  • pissefroid

    Il m’apparaît, au fil du temps, que le système anti-terrorisme (police et justice) se comporte comme une police politique (affaire coupat).
    Il m’apparaît, de plus en plus, depuis que sarkozy a géré le ministère de l’intérieur que la police est au service de sarkozy.
    En fait, tout se passe comme si l’anti-terrorisme avait été privatisé au service de la sarkozie.

  • En fait je me demandais s’il ne pouvait pas y avoir eu une association d’idées entre la série d’arrestations des amis de Julien Coupat qui a commencé le 11 novembre 2008 en France (avec des ramifications jusqu’au Canada et USA) et la divulgation des conclusions de l’association des architectes et ingénieurs en France à la même période (dix jours plus tard si je ne me trompe pas).

    Ce début de preuves compromettantes pour les farouches opposants aux idées de gauche pourrait avoir provoqué des recherches d’issues de secours au dernier moment… d’où la recherche de scenario dans la hâte… propagande ou non ?

  • Olive

    Un reflet de forces de l’ordre dévoyées par un ministère de l’intérieur chargé de… prévenir les troubles à venir. Coupat, ou l’inssaisissable saisi, électron libre détenu : un signal faible que l’ordre régnera toujours. Dérisoire, sauf pour l’électron libre en question qui croupit en cellule.

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