Preuves scientifiques concernant les attaques à l’anthrax

Durant l’été 2008, le FBI avait annoncé qu’il avait, suite à l’une des plus grandes enquêtes qu’il eut menées à ce jour, démasqué le "tueur à l’anthrax". Le responsable désigné du chaos des jours qui suivirent les attentats du 11 Septembre était Bruce Ivins, un employé du laboratoire gouvernemental de Fort Detrick. Mais, alors qu’il était sur le point d’être officiellement mis en accusation, le scientifique s’était apparamement suicidé. Une mort qui, alors, paraissait bien opportune puisqu’elle permettait au FBI de classer l’affaire et d’en attribuer toute la responsabilité à Ivins, malgré les doutes qui subsitaient, notamment dans la communauté scientifique.

Rappelons que parmi les destinataires des lettres à l’Anthrax en octobre 2001 figuraient entre autres les deux sénateurs démocrates Daschle et Leahy qui, à l’époque, affichaient ouvertement leur opposition au PATRIOT Act, lois liberticides votées dans la précipitation, alors que le monde était encore sous le choc des attentats du 11-Septembre. De fait, les attaques à l’Anthrax semblent étroitement liées aux événements du 11/9, et la mort de Bruce Ivins semblait sonner le glas des interrogations pourtant nombreuses qu’elles posent encore.

Par exemple, pourquoi la Maison Blanche a-t-elle fait prendre à ses employés un antibiotique nommé Cipro le jour même du 11/09, soit une semaine avant les premiers envois de lettres contaminées ? Pourquoi le FBI a-t-il fait aveuglement confiance lors de cette enquête, au laboratoire gouvernemental – c’est à dire dépendant du Pentagone – de Fort Detrick, alors que l’empreinte génétique du type de charbon utilisé pour les attaques conduisait directement à leurs travaux ? Autant de questions posées Francis A. Boyle, auteur du livre "Guerre biologique et Terrorisme" et qui restent sans réponses.

Alors que l’affaire de l’anthrax semblait enterrée, des scientifiques viennent de démontrer, à l’occasion d’un congrès, de quelle manière le FBI a établi ses preuves pour porter ses accusations. Ces nouvelles révélations, publiées dans The Scientist, viennent confirmer que la responsabilité de Ivins était, contrairement à ce que prétendait le FBI, loin d’être prouvée.


 


Des preuves capitales ont été révélées sur les attaques à l’anthrax de 2001 aux Etats-Unis.

Des preuves capitales ont été révélées sur les attaques à l’anthrax de 2001 aux Etats-Unis. Au préalable, le FBI avait empêché les scientifiques impliqués de parler publiquement de leurs découvertes afin que cela n’interfère pas avec les procédures judiciaires. Mais, après le suicide du principal suspect Bruce Ivins, l’affaire s’est éteinte et le FBI a levé plusieurs restrictions. Cette semaine, certains scientifiques impliqués ont révélé les résultats de leurs analyses lors d’un congrès scientifique à Baltimore, Maryland.

Ils montrent comment le FBI est remonté à la source des spores utilisés dans les attaques : un seul flacon provenant d’un laboratoire gouvernemental américain. Mais on n’explique pas pourquoi le FBI a fait d’Ivins le principal suspect – il travaillait à l’Institut de Recherches Médicales de l’armée des Etats-Unis pour les maladies infectieuses (USAMRIID).

Fin 2001, des enveloppes contenant des spores desséchées d’anthrax furent expédiées à plusieurs sièges de médias et ainsi qu’à des politiciens américains, faisant cinq morts. Plus tard, cette même année, Paul Keim, de la Northern University of Arizona à Flagstaff, identifia la bactérie de l’anthrax utilisée pour les attaques comme étant une souche appartenant à ‘Ames’ de l’armée américaine. Puis le FBI obtint 1072 échantillons d’anthrax de 18 laboratoires connus pour détenir la souche ‘Ames’ et demanda à plusieurs groupes de recherches, y compris celui de Keim, de comparer leurs génomes avec celui de la souche utilisée dans les attaques. On espérait découvrir des mutations qui aurait désigné un laboratoire comme étant à la source.

Mais, lors de la conférence de Baltimore, Keim et ses collègues ont dit que les rapports initiaux sur les mutations utiles qui avait été trouvées étaient fallacieux. Keim a déclaré que les séquences complètes du génome ne révélaient "aucune différence génétique". Au lieu de cela, ont affirmé les chercheurs, les indices clé provenaient d’une heureuse découverte. Un technicien, également de l’USAMRIID, avait remarqué des tâches inhabituelles sur certaines des spores en culture provenant des attaques; il entreprit une nouvelle culture de celles-ci uniquement. Keim et ses collègues séquencèrent leurs génomes et trouvèrent 10 mutations différentes de la séquence habituelle d’ "Ames". Ces spores ne constituant qu’une fraction du total, ces mutations "minoritaires" n’avaient pas été vues au départ au départ.

Puis l’équipe développa des tests ultra-sensibles pour rechercher, parmi les 1072 échantillons, quatre de ces mutations. Huit échantillons furent trouvés. L’un d’eux provenait d’un flacon portant l’étiquette RMR-1029 dont Ivins était responsable à l’USAMRIID. Les sept autres étaient des cultures à partir de ce flacon et un seul de ceux-ci ne se trouvait pas à l’ USAMRIID. Donc, alors que ces découvertes montraient que les spores de l’attaque provenaient d’une de ces cultures, le FBI est allé plus loin, concluant qu’elles provenaient directement du flacon PRM-1029.

Autre question : comment les agresseurs ont-ils transformé la bouillie aqueuse du flacon de spores en une fine poudre sèche (trouvée) dans les lettres ?

Joseph Michael du laboratoire national Sandia à Albuquerque, Nouveau-Mexique, avait utilisé un microscope électronique spécial pour montrer que 75% des spores des attaques avaient intégré du silicium à leurs enveloppes durant leur croissance (voir image). Comme les spores prélevées après les attaques dans le flacon RMR-1029 n’avaient pas de silicium dans leurs enveloppes, et que les sept autres concordances génétiques n’en contenaient pas non plus, ou en moindre pourcentage, une nouvelle culture des spores de l’attaque avait du être effectuée avant qu’elles ne soient expédiées par la poste.

Au cours de ce processus, elles ont du se débarasser de leurs enveloppes, se multiplier, puis se retransformer en spores. Le niveau d’expertise de Ivin était-il nécessaire pour transformer ces spores recultivées en poudre sèche? "Ce que j’entends, c’est que les spores dans les lettres n’avaient rien de spécial. Il n’aurait pas fallu beaucoup de temps, ni beaucoup d’équipement pour les produire," a déclaré Kleim. Les images de Michael montrent que l’anthrax des attaques contenait des grumeaux de spores, contrairement aux poudres produites professionnellement.

Le FBI pourrait détenir des preuves attestant que Ivin est le lien entre RMR-1029 et les enveloppes, bien qu’avec des procès civils en instance, intentés par les familles de Ivin et des victimes, le bureau ne les révélera pas de sitôt. Pour l’instant les chercheurs disent que leurs études attribuent la provenance des spores mais qu’elles ne désignent pas l’agresseur.


Par Debora MacKenzie, le 27 février 2009, pour The New Scientist (Numéro du magazine 2697)

Traduction : Perry pour ReopenNews

2 Responses to “Preuves scientifiques concernant les attaques à l’anthrax”

  • alexou_161

    Article pointu, mais pas inintéressant. je retiens que les laboratoires sont chargés de dire lequel d’entre eux est « la source »… Ils sont juges et partie, par conséquent, difficile de porter du crédit à leurs résultats d’enquête.
    Sans rien enlever à leur objectivité, et à leur professionnalisme, on peut tout de même s’interroger sur leur « marge de manoeuvre » également, surtout sur des dossiers sensibles comme celui.





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