Torture à Guantanamo : un rapport du Sénat accuse Rumsfeld

En ce 10 décembre 2008, à l’occasion des 60 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la présidente d’Amnesty International France Geneviève Garrigos a dressé le bilan de leur application et évoqué les défis à venir, comme le rapporte le journal L’express  :

Les articles de la déclaration ont du mal à être respectés un peu partout dans le monde. Dans les conflits enlisés comme en République démocratique du Congo, en Somalie, en Tchétchénie ou dans les territoires palestiniens. Mais aussi dans les démocraties occidentales qui sont loin d’avoir montré le bon exemple ces dernières années. [...] L’Union européenne a durci sa politique d’asile. Et ne parlons pas des mauvais traitements infligés aux migrants dans les centres de détention. Mais c’est surtout la politique sécuritaire développée depuis le 11 septembre 2001 qui a entraîné des dérives. L’Administration Bush a ainsi justifié le recours à la torture par le besoin de garantir la sécurité de la population. Ce type de pratiques n’incite pas les pays qui les utilisent aussi – et que l’on critique à ce sujet – à les abandonner pour promouvoir les droits de l’homme ! [...] Il appartient aux peuples de préserver et de faire vivre leurs droits aujourd’hui pour pouvoir en bénéficier demain.

Ce constat d’Amnesty International intervient alors qu’un rapport du Sénat américain accuse l’Administration Bush, en la personne de l’ancien Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, d’être directement responsable des tortures à Guantanamo, comme le rapporte l’article de Libération que nous reproduisons ici :


Mohamed al-Kahtani, torturé pendant 49 jours et devenu fou

par Philippe Grangereau pour Libération, le 12 décembre 2008

Un rapport du Sénat américain affirme que le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a « transmis le message selon lequel les détenus devaient être soumis à des pressions physiques et des humiliations. »

Donald Rumsfeld

C’est ici, à Guantanamo Bay, que les méthodes de torture ordonnées par le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld ont été appliquées en premier. L’homme qui a servi de cobaye à ce «premier plan d’interrogation spécial»: Mohamed al-Kahtani, un homme d’affaires saoudien soupçonné d’avoir tenté d’entrer aux États-Unis en 2001 afin de devenir l’un des pirates de l’air du 11-Septembre.

Il a été torturé pendant 49 jours, du 23 novembre 2002 au 11 janvier 2003, à raison de 20 heures par jour. Il a été soumis à de longues périodes de privation de sommeil, placé nu dans des chambres froides, sexuellement humilié, menacé avec des chiens, traîné en laisse à quatre pattes, bombardé de musique… tandis que des médecins lui injectaient des produits pour qu’il se tienne en éveil plus longtemps.

Il est pratiquement devenu fou. Tant et si bien que des enquêteurs militaires du Département américain de la Défense ont estimé, en 2006, qu’il serait «impossible» de juger al-Kahtani en raison du traitement qu’il avait subi. De fait, il a été inculpé, puis tous les chefs d’inculpation à son encontre ont été abandonnés en mai 2008, sans explication.

Donald Rumsfeld, qui aurait été «personnellement impliqué» dans  son interrogatoire, a été accusé jeudi d’avoir été responsable au premier chef des mauvais traitements et des tortures infligés aux détenus par les militaires à Guantanamo Bay, Abou Graib (Irak) et d’autres centres de détention de par le monde.

«Exploiter» les prisonniers

Un rapport publié par le Sénat américain l’affirme, en soulignant que contrairement aux assurances de l’Administration Bush, les abus subis par les prisonniers à Abou Graib « n’étaient pas simplement le fait de quelques soldats agissant de leur propre initiative », mais relevaient bien au contraire d’une ligne de conduite fixée par Rumsfeld « qui a transmis le message selon lequel les détenus devaient être soumis à des pressions physiques et des humiliations. »

Le rapport est le résultat d’une enquête de 18 mois initiée par le sénateur démocrate du Michigan Carl Levin et le sénateur républicain et ancien candidat à la présidence John McCain. Celui-ci a été prisonnier de guerre au Vietnam où il fut torturé dans les années 60, et s’est très tôt élevé contre les méthodes de Rumsfeld. Celui-ci a fait savoir au travers d’un de ses porte-parole qu’il trouvait cet accablant rapport «sans fondements». Rumsfeld accuse en outre McCain et Levin d’être «irresponsables» en publiant un rapport qui «fait croire à des millions de gens dans le monde que les États-Unis cautionnent la torture».

On apprend dans ce rapport que l’armée a appliqué les méthodes qui avaient été élaborées par celle-ci pour entraîner ses soldats à résister aux interrogatoires du KGB soviétique et de la Chine pendant la Guerre de Corée, dans les années 50. Parmi celles-ci, le supplice de la baignoire. Ce qui revient donc à dire que les méthodes étaient les mêmes que celles du KGB. Des responsables de ce programme appelé «Survie, évasion, résistance, fuite (SERE)» ont formé les interrogateurs afin, selon leurs propres mots d’«exploiter» les prisonniers.

Ce rapport public de 29 pages n’est qu’un extrait d’un document beaucoup plus long, classé «top secret». Il n’évoque que le rôle de l’armée, qui a officiellement récusé ces méthodes après le scandale d’Abou Graib, mais pas la CIA, qui est toujours autorisée aujourd’hui à employer le supplice de la baignoire.
 


Note ReOpenNews : Pour rappel, voici une sélection de quelques uns des articles parus sur ReOpenNews concernant le scandale des emprisonnements arbitraires et des tortures à Guantanamo, que nous vous invitons à (re)lire :

 

7 Responses to “Torture à Guantanamo : un rapport du Sénat accuse Rumsfeld”

  • Rakovksi

    Accusé d’avoir initié un vaste programme de torture mais il n’est pas pour autant inquiété par un juge ou une cours de justice !!!

    Rumsfeld et tous les autres néocons peuvent tout simplement poursuivre leur crime et leur acte de barbarie.

    Ce qui signifie en clair, que la justice aux Etats-Unis cautionnent l’emprisonnement, la torture et le meurtre d’innocents par différents services d’Etats au nom de la liberté et de la démocratie.

    De la même façon, il n’y a jamais eu d’enquêtes judiciaires sur les attentats du 11 septembre, qui ont causé la mort de 2800 personnes.

    Ce qui signifient que pour les juges étatsuniens, la justice ne s’applique pas pour les musulmans, ni pour les victimes du 11septembre 2001.

    Autrement dit, il n’y a pas de justice indépendante au Etats-Unis, mais un système judiciaire entre les mains des néoconservateurs. La justice étasunienne est pire que la commission d’enquête parlementaire du 911, dirigé par Zelikow, un élément du gouvernement Bush.

  • Olive

    Le cas de Mohamed al-Kahtani est saisissant. Son interrogatoire c »est la barbarie à l’état le plus cru, celle des « garants de l’ordre » , le système absoluement dévoyé. Mais ce qui est plus saisissant encore, c’est que l’humanité semble aussi endormie, droguée d’alcool et de jeux télévisés, qu’elle était léthargique pendant la persécution des juifs dans les années 30/40. Espérons que l’élection d’Obama soit un vrai signe du réveil, certes tardif, du peuple américain. La guerre en Irak signe la fin de l’empire us, mais il ne signe certainement pas du tout la fin de l’esprit barbare dans l’homme. La barbarie, nous l’avons en nous, transmise par l’éducation, la culture, l’histoire, et s’en délivrer est un travail sur soi de toute une vie. Rumsfield n’est pas plus une exception (à châtier pour se venger, réflexe barbare) que Himmler n’était une exception, ils sont l’expression exacerbée d’une époque qui, d’erreurs en aveuglement, s’est effroyablement éloignée de sa vocation spirituelle de recherche de l’harmonie, du vivre eensemble, du salut ,du bonheur. Collaborer à la barbarie ou bien la combattre, sans utiliser ses moyens? That is the question. La résistance est en marche.

  • Liberty

    Il serait illusoire de croire que les néo-cons seraient moins nocifs si il y avait envers eux une  » résistance  » en marche. L’histoire, dans les années de gloire du nazisme, nous a montré qu’il afallu combatre jusque dans Berlin ces faschos, traquer en Amérique du sud ceux qui avaient réussi à se faire la belle et faire un procés dit de Nuremberg qui ne fût pas un modèle d’efficacité et d’exemplarité .
    Si résistance il devait y avoir envers les néo-cons et leurs suppots ( dirigeants des pays de l’Otan ) faudrait-il quelle soit passive ou active ? C’est une question à trancher quand on sait tous ce dont ils sont capables de faire, à tel point que la planète en est complétement vérolée. A mon humble avis une résistance passive ne ménerait à pas grand’chose surtout si n’est pas accompagnée d’un changement profond des mentalités. Mais alors !!! que de besogne .
    Quant à Obama, sa démocratie sera à démontrer en Irak, en Afghanistan et bien ailleurs, mais je pense et crains que s’il « bouge  » un peu trop qu’il ne fasse un J-F Kennedy bis. Avec un brin d’optimisme on peut toujours rêver qu’avec Obama les choses ne pourront pas être pires qu’avec G-W Bush ……. et sa triste suite.

  • olivier

    Ouais, bon, vous enflammez pas les mecs, nous sommes à un autre niveau de conscience. Ceux qui gouvernent ne sont pas des rêveurs.
    C’est la domination coûte que coûte et la démocratie est une belle fable qu’on nous balance avec plein d’émotion et aujourd’hui d’Afro-américanisme trés politiquement correct.
    Quelque soit l’élu, il est à la botte des financiers tout puissants et c’est comme ça que ça marche depuis toujours: Les oligarques et les serfs.
    Le reste n’est que littérature……
    Même une condamnation des vrais responsables ne serait qu’une mascarade. Bon nombre de nazis se sont réfugiés au Paraguay sous protection étatsuniennes.
    Et ce qui est inquiétant pour l’heure est la présence d’armées civiles beaucoup plus dociles, genre blackwater honnêtement payés pour n’avoir aucun remord le moment venu.
    Le 911 est un signal aux gouvernants d’autres pays qui tenteraient de défier la 1ère puissance mondiale ou qui ne marcheraient pas au pas.
    « Dans la vie y’a deux catégories: Ceux qui ont un flingue et ceux qui creusent. Et toi, tu creuses! »

  • Olive

    @Liberty et olivier
    on peut désespérer de l’homme, mais… est ce vraiment raisonnable? A mes fils je ne vais pas leur dire « prenez un flingue pour combattre le mal », je leur dis: « devenez des hommes de bien, c’est à dire forts, lucides, sans illusion sur les discours du pouvoir, de « l’ordre public », de « l’état providence »; soyez combatifs mais sans jamais désespérer de l’homme. La désespérance est une impasse. » je leur dit aussi « le changement du monde passera par le retour à la vie spirituelle, qui est amour, pardon, miséricorde et non vengeance, violence et diatribes » je leur dis enfin  » … ne vous lassez pas de dire aux riches, aux puissants, aux prêtres, aux impudiques et aux autres qu’ils tirent maintenant abondance de la terre, de l’or, du fer et du feu, de l’humilité des petits, du salaire de l’ouvrier, des faiblesses des pêcheurs, et qu’ils ont mis en lois leurs rapines, leur injustice et toutes leurs abominations, en alliances qu’ils font habilement scellés par ceux qu’ils dominent pour les tromper, les corrompre, les voler, mais qu’ils connaîtront le chatiment de ceux qui scandalisent parce qu’ils ont inspiré aux faibles qu’ils dominent et dont ils tirent profit de devenir comme leurs dominateurs et leurs spoliateurs, ils ont engendré une vengeance sans fin » (extrait de la Révélation d’Arès).

    Pas de paix sans justice, mais pas de justice sans amour. Il faut beaucoup d’amour et lutter contre la désespérance qui rôde au fond de soi. Oui donc à la foi active, à la « résistance active » et à un « profond changement des mentalités », en soi même d’abord, en se rappelant que la fin ne justifie pas les moyens.

  • looping

    PAS ETONNANT !!!





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