Poutine : « Nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la course aux armements »

Par Shaun Walker à Moscou
The Independent samedi 9 février 2008

Article original: "A new phase in the arms race is unfolding’ says Putin" (EPA)

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Le président russe, Vladimir Poutine, lors de la session du Conseil d'Etat

Vladimir Poutine a utilisé l’un des derniers discours majeurs de sa présidence pour délivrer un message de défi à l’Ouest, accusant celui-ci de lancer une nouvelle course aux armements qui ne laisse à Moscou d’autre choix que de réagir pareillement. Moins d’un mois avant les élections présidentielles, que le successeur qu’il s’est choisi est quasiment certain de remporter, ce discours a ôté tous les doutes qui pouvaient subsister selon lesquels la politique étrangère russe pourrait devenir moins agressive après le retrait de M. Poutine.

"Il est clair qu’une nouvelle course aux armements se déroule dans le monde", a déclaré M. Poutine. Une course que la Russie n’a pas lancée. Et il a fait serment que la Russie répliquerait à ces menaces en développant de nouvelles armes plus modernes qui seraient aussi bonnes voire meilleures que celles possédées par les pays occidentaux. "Nous sommes obligés de réagir … La Russie a eu et aura toujours les réponses à ces défis", a-t-il déclaré.

Ce discours, dans lequel il a aussi condamné l’expansion de Otan, est arrivé alors que les chefs de la défense de cette alliance de 26 nations, de plus en plus inquiets par la Russie qui cherche à en imposer sur le plan militaire, se sont rencontrés à Vilnius, la capitale lithuanienne, et ont vivement conseillé à Moscou de baisser sa rhétorique d’un cran.

Independent Graphics/QuestionsCritiques

Des patrouilles de bombardiers russes sont récemment parties en chasse au-dessus des océans Atlantique, Pacifique et Arctique et se sont approchées des frontières de l’espace aérien de l’Otan. En septembre dernier, deux Tupolev-95 russes se sont écartés de leur plan de patrouille de routine au large des côtes norvégiennes en direction du Sud pour se diriger vers l’Ecosse.

Lors du tout dernier incident, deux bombardiers "Blackjack" à grand rayon d’action ont volé vers le Golfe de Gascogne, au large de la France et de l’Espagne pour tester le lancement de missiles. Les Russes ont aussi indiqué qu’ils veulent rétablir une présence navale dans la Méditerranée, probablement en utilisant des ports syriens. Cette stratégie est destinée à améliorer la visibilité de la puissance militaire de la Russie mais cette rodomontade a alarmé les pays occidentaux et alimenté des discours de nouvelle Guerre Froide.

Hier, M. Poutine est passé à la vitesse supérieure en décrivant la Russie comme la victime de l’agression et de l’expansion occidentale et il a promis une riposte russe. Il a déclaré que les pays occidentaux ont dépensé beaucoup plus que la Russie pour la défense et il a aussi repris un thème qu’il a soulevé à de nombreuses reprises par le passé – celui de l’élargissement de l’Otan vers les frontières russes. "Nous avons retiré nos bases à Cuba et au Vietnam", a-t-il dit. "Et qu’avons-nous obtenu en retour ? De nouvelles bases américaines en Bulgarie et en Roumanie".

Il s’est aussi plaint des projets étasuniens de construire des éléments d’un bouclier antimissile en Pologne et en République Tchèque. "Ils essayent de nous persuader que toutes ces actions ne sont pas dirigées contre la Russie", a-t-il déclaré, "mais ils n’apportent pas de réponses constructives à nos inquiétudes parfaitement fondées".

La Russie avait déjà auparavant menacé de déployer des missiles nucléaires dans son enclave balte de Kaliningrad si les Etats-Unis poursuivaient leurs plans. La dépense militaire annuelle de la Russie a quadruplé depuis que M. Poutine est arrivé au pouvoir et le Kremlin a annoncé un programme de 150 Mds d’€ pour moderniser ses équipements militaires vieillissants.

Des changements inquiétants sur le plan symbolique sont aussi en cours : la Russie a récemment annoncé que de vastes parades sur la Place Rouge seront ravivées cette année, pour la première fois depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, afin de servir de vitrine à la puissance militaire de la nation. M. Poutine a aussi accusé des pays étrangers, sans les citer, d’essayer cyniquement d’accéder de façon déloyale aux ressources naturelles de la Russie. "De nombreux conflits, actes de politique étrangère et démarches diplomatiques sentent le pétrole et le gaz", a-t-il déclaré. "C’est le contexte dans lequel nous comprenons l’intérêt croissant pour la Russie". Il a déclaré que la souveraineté de certains pays avait été complètement détruite sous des slogans de liberté et de démocratie.

Ce discours a été diffusé en direct sur la télévision russe. M. Poutine s’adressait au Conseil d’Etat, un rassemblement influant de l’élite du pays, comprenant Dimitri Medvedev, l’homme quasiment assuré d’être le prochain président de la Russie. Etait aussi présent, le propriétaire du club de football de Chelsea, Roman Abramovitch, l’homme le plus riche de la Russie, en sa qualité de gouverneur de la région russe de Chukotka.

M. Poutine a constamment dépeint les tentatives occidentales d’encourager la démocratie en Russie comme des intentions abominables. Le mois dernier, il a dit aux services de sécurité de se méfier de l’ingérence étrangère dans les élections présidentielles à venir et, au début de la semaine, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe a annoncé qu’elle ne surveillerait pas cette élection à cause de l’attitude non coopérative des officiels russes.

Les remarques belliqueuses d’hier sont arrivées à la fin d’un discours consacré à exposer les accomplissements durant ses huit années au pouvoir et à présenter les plans pour le développement de la Russie jusqu’en 2020. Il a débité à toute vitesse les accomplissements économiques et sociaux des huit dernières années, vantant le fait que les Russes étaient à présent incommensurablement mieux qu’il y a huit ans, et il a exposé une stratégie de développement pour améliorer les revenus, la durée et la qualité de la vie des Russes d’ici à 2020.

Bizarrement, M. Poutine n’a fait aucune référence dans son discours au fait que la présidence allait bientôt changer de mains et il a parlé à plusieurs reprises de ce que "nous" devons faire.

M. Medvedev, qui est pratiquement certain de remporter les élections du 2 mars a demandé à M. Poutine de rester en tant que Premier ministre.

 

Traduit de l’anglais par [JFG-QuestionsCritiques]





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