Un juge fédéral US met fin aux poursuites contre la CIA pour outrage après la destruction des vidéos d’interrogatoires

La très active Association américaine de défense des droits civils (ACLU) voit se terminer une longue procédure entamée dès 2007 contre la CIA dans l’affaire des enregistrements vidéos de séances de tortures. L’épisode précédent avait vu fin 2010, un tribunal fédéral mettre fin aux poursuites contre l’Agence pour la destruction de ces vidéos. Cette fois, il s’agissait de savoir s’il y avait eu "outrage à magistrat" par la CIA lors de cet acte de destruction de preuves.

La décision du juge laisse perplexe : d’une part, il félicite l’ACLU pour son action "extraordinaire" et sanctionne la CIA, notamment en lui demandant de rembourser les frais de justice engagés par les plaignants. Mais d’autre part, il met fin aux poursuites et refuse de condamner la CIA pour outrage : "On ne peut pas aller plus loin," explique le juge fédéral, "nous avons besoin de nos espions". Ce verdict est  véritablement un moindre mal pour la CIA, dont les hauts responsables, tout comme ceux de l’Administration Bush, continuent de bénéficier de la plus totale impunité de la part de la justice US.

Mais le plus grave n’est pas la destruction des preuves de tortures, comme le souligne Ateqah Khaki de l’ACLU dans le second article de cette R-News, mais bien le fait que ces pratiques aient été autorisées dans des prisons américaines.

 

Michael Hayden, directeur de la CIA à l’époque, a affirmé
que les vidéos n’avaient plus aucune valeur, ni pour le Renseignement,
ni du point de vue législatif interne ou pour une enquête judiciaire

 


Un juge fédéral US met fin aux poursuites contre la CIA pour outrage après la destruction des vidéos d’interrogatoires

par Kiran Khalid, sur CNN, le 1er août 2011

Traduction GV pour ReOpenNews

Un juge fédéral a rejeté lundi dernier les arguments selon lesquels la CIA devait être condamnée pour outrage à magistrat après qu’elle eut détruit plusieurs bandes vidéos supposées montrer les tortures faites aux détenus pendant des interrogatoires.

Cette décision rendue par le juge Alvin K.Hellerstein de la Cour de justice du district Sud de New York fait suite à une motion déposée par  l’American Civil Liberties Union demandant de condamner l’agence de renseignements pour outrage [Voir 2e article - Ndlr]. Malgré cet avis négatif, le juge a félicité les efforts de l’équipe juridique de l’ACLU qui visaient à rendre publics des milliers de documents relatifs au traitement des détenus.

« Ce que vous et vos collègues avez fait pour mieux faire connaître l’Histoire au public américain est tout simplement extraordinaire, » a déclaré Hellerstein.

Chose plutôt rare, Hellerstein a sanctionné la CIA en lui demandant de payer les frais d’avocats de l’ACLU.

Mais il s’est arrêté là dans sa condamnation de l’Agence pour la destruction des bandes vidéos des interrogatoires : «  On ne peut pas aller plus loin. Nous vivons dans un monde dangereux. Nous avons besoin de nos espions. Et nous avons aussi besoin de leur travail de surveillance, » a ajouté Hellerstein.

Les vidéos dataient de 2002 et montraient les interrogatoires de deux personnes suspectées d’être des leaders d’al-Qaïda, Abu Zubaydah et Abd al-Rahum al-Nashiri. D’après l’ex-officier de la CIA John Kiriakou, certaines des vidéos montraient des techniques d’interrogatoires controversées qui incluaient le waterboarding, la simulation de noyade.

Les officiels du gouvernement ont indiqué que les bandes avaient été détruites en novembre 2005 sur les ordres de Jose Rodriguez qui était alors le chef du National Clandestine Service (NSC) à la CIA, avec l’aval des juristes du NCS.  Mike Hayden, à l’époque chef de la CIA, avait écrit dans un mémo de direction en décembre 2007 que les bandes avaient été réalisées comme un « test interne » sur l’usage par la CIA de techniques d’interrogatoires dures, et que la décision de les détruire n’avait été prise « qu’après nous être assurés qu’elles n’avaient plus aucune valeur, ni du point de vue du Renseignement, ni du point de vue législatif interne, ou pour une enquête judiciaire. »

Ces bandes faisaient partie d’une requête massive de Freedom of Information Act (FOIA) par l’ACLU. En 2007, l’ACLU avait demandé des poursuites pour outrage et des sanctions contre la CIA, mais l’affaire avait été différée dans l’attente d’une enquête criminelle conduite par un procureur spécial.

L’ACLU a renouvelé sa demande en février dernier, arguant du fait que « certains hauts responsables de la CIA avaient volontairement bafoué leurs obligations vis-à-vis à la fois de la loi FOIA et des ordres du tribunal – avec l’évidente intention d’échapper aux responsabilités publiques que la loi FOIA a pour but d’assurer, » ont expliqué les plaignants.

Lundi dernier, le juriste de l’ACLU Lawrence S. Lustberg était de retour devant la Cour fédérale pour exiger  que la CIA et Rodriguez soient poursuivis pour outrage et condamnés à payer les honoraires d’avocats du fait de leur « violation éhontée » des ordres du juge.

« Cela fait tout simplement appel à une règle qui existe depuis des siècles, et qui veut que personne ne soit au-dessus des lois, » a expliqué Lutsberg.

« Il faut que chaque niveau de gouvernement soit tenu de rendre des comptes. »

Le procureur fédéral adjoint Ausa Tara LaMorte a déclaré devant le tribunal que la CIA avait transmis les documents relatifs à cette affaire et avait mis en oeuvre de nouvelles procédures concernant la destruction d’enregistrements. Au-delà des nouvelles pratiques au sein de l’Agence, LaMorte a indiqué que la CIA avait offert de payer les honoraires d’avocats des plaignants. La citation  pour outrage, a indiqué LaMorte, n’était pas justifiée.

« Chacun des arguments des plaignants montre qu’ils veulent monnayer les sanctions contre la CIA, » a ajouté LaMorte.

Après la décision annoncée lundi par Hellerstein, il reste maintenant à définir le détail des honoraires d’avocats de l’ACLU que la CIA devra payer.

Site Web de CNN.com

 

Traduction GV pour ReOpenNews

[Certains liens Web ont été rajoutés par la Rédaction de ReOpenNews]


La Cour condamne la CIA à payer les honoraires d’avocats pour avoir détruit les vidéos de tortures.

Ateqah Khaki, ACLU, 1er août 2011

Traduction GV pour ReOpenNews

Ce matin, nous nous sommes présentés au tribunal pour une audience concernant notre demande de condamnation de la CIA pour la destruction de 92 bandes vidéos montrant les tortures faites sur deux prisonniers, Abu Zubaydah et Abd Al-Rahim Al-Nashiri. (Pure coïncidence, le rendu survenait le jour du 9e anniversaire de deux « mémos sur la torture » qui visaient à fournir une couverture légale aux techniques brutales utilisées par la CIA lors des interrogatoires de détenus.)

Nous avons soutenu que la CIA avait fait preuve du plus complet mépris pour la Cour et pour la primauté du droit, en faisant fi de plusieurs ordonnances du tribunal qui lui demandaient de produire ces bandes vidéos, et en les détruisant, au contraire.

Pour remettre les choses dans leur contexte, en septembre 2004, le tribunal avait une première fois exigé de la CIA qu’elle lui fournisse ou qu’elle identifie les enregistrements vidéos, dont  au moins 92 d’entre eux documentaient les interrogatoires brutaux de deux prisonniers. Malgré cette mise en demeure, la CIA n’a pas fourni les bandes, ni même reconnu leur existence.

A l’insu du public, les enregistrements furent détruits en novembre 2005, un an après l’ordre du tribunal, mais leur destruction ne fut révélée publiquement qu’en 2007. Notre motion s’inscrit dans la lutte permanente que nous menons au travers de la Loi sur la liberté de l’information (Freedom of Information Act, ou FOIA) concernant les documents relatifs à la détention et au traitement des prisonniers dans les prisons US à l’étranger.

Après un rapide échange d’arguments, le juge a condamné la CIA pour sa tentative d’échapper à la loi, et a exigé de l’Agence qu’elle rembourse les frais d’avocats que nous avions engagés lors de cette tentative visant à faire la lumière sur ces infractions. Le juge a aussi demandé à la CIA de publier sa future documentation – celle relative aux règles de destruction [de documents] élaborée à la suite de notre action en justice dont [un des] objectifs était d’empêcher que cela se reproduise à l’avenir. Enfin, le juge a expliqué que l’ACLU avait joué un rôle "extraordinaire" en révélant au public des informations sur les abus faits contre des détenus dans certaines prisons US. En revanche, lors de son rendu, il n’a pas souhaité condamner la CIA pour outrage à magistrat, opposant une fin de non-recevoir à nos principales préoccupations concernant la responsabilisation [des officiels].

Bien que cette sanction de la CIA par un tribunal constitue une étape vers une véritable responsabilisation, nous sommes encore loin du compte avant de pouvoir tourner la page sur les 10 ans qui viennent de passer. Au-delà de la destruction des vidéos par la CIA, ce qui  est bien plus gênant est qu’elle ait été autorisée à utiliser ces pratiques brutales que les vidéos ont enregistré. En détruisant les preuves de ces activités criminelles en violation directe des instructions claires émises par le juge, les hauts responsables de l’Agence n’avaient qu’un but, éviter que la justice ou le public puisse leur demander des comptes.

Site de l’ACLU, le 1er août 2011

Traduction GV pour ReOpenNews


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