Les escadrons du néo-libéralisme

Les chiens sont lâchés et prolifèrent, aboyant maintenant sur la place publique, alléchés qu’ils sont par l’odeur du corps exsangue de l’Amérique latine. La croisade occidentale financée par de dangereux néo-cons et fondamentalistes chrétiens ont l’alibi des crimes parfaits: les luttes contre le terrorisme et le narcotrafic qui forment un immense rideau de fumée derrière lequel se cache mal l’absurde et dévastatrice théorie du choc des civilisations développée par Samuel Huntington.

Depuis le 11 septembre 2001, on assiste à un processus de rentabilisation d’une barbarie perpétrée par des écervelés armés jusqu’aux dents. Des Sociétes Miltaires Privées (SMP) disposent de moyens humains et techniques considérables, des dizaines de milliers d’assassins-vacataires sont à leur disposition et, en Irak, leur nombre a dépassé celui du contingent britannique (près de 28000). Il leur a été donné carte blanche pour installer le chaos humain, la terreur politique, économique et sociale. Ces soldats, ces mercenaires du néo-libéralisme sont employés par un secteur militaro-industriel qui ne recule devant rien "to make money" et le chiffre d’affaire des Sociétés Militaires Privés (SMP) était en 2006 de l’ordre d’une centaine de milliards de dollars.

Ces SMP (il en existerait près de 600) participent du pillage organisé des "États cibles" et de l’assassinat des peuples qui y vivent. Au-delà d’une prétendue aide au génie civil et à la reconstruction, ils fournissent du matériel de guerre et vendent des formations aux techniques de guérillas urbaines. Mais pire encore, ils forment aux techniques d’interrogatoire directement issues de la théorie du Dr Cameron, cette thérapie par le choc qui se base sur la dépersonnalisation, la sursensibilisation et les électrochocs, en un mot, la torture, celle-là même qui est aujourd’hui pratiquée notamment à Guantanamo et à Abu Ghraib.

Nous savons que ces escadrons de tortionnaires privés existaient déjà pendant la guerre froide : en 1969 au Brésil, mais aussi en Argentine, au Chili, en Bolivie et en Colombie, les "OBAN" (Opération Bandeirantes) étaient, comme le souligne Naomi Klein, financées par Ford et Général Motors… Ils disposaient d’une artillerie impressionnante, d’un département aérien comptant avions et hélicoptères et d’un embryon de marine de guerre.

Ces armées privées permettent non seulement de faire diminuer le nombre officiel des morts au cours d’une opération militaire, mais aussi de ne pas impliquer la politique de Washington dans les massacres commis. Elles agissent dans l’ombre, dans l’impunité la plus complète, car leurs agissements ne sont évidemment pas documentés.

Tandis qu’au lendemain du 11 Septembre, Bush faisait les discours les plus rooseveltiens de sa carrière et tentait de montrer le retour de l’État dans les affaires de sécurité, de nombreuses multinationales d’exploitation pétrolières comme le Groupe Carlyle, Enron, Halliburton, Energy Services, Unocal… comprirent les profits qu’il y avait à tirer des situations de choc, les chiens de guerre furent lâchés dans divers bourbiers du monde, échappant à toute juridiction.

Blackwater est l’une de ces sociétés, elle fut fondée en 1997 par Erik Prince, un millionnaire chrétien conservateur, mais qui a vu son chiffre d’affaire augmenter considérablement après le 11 Septembre. Cette société a, depuis lors, tout fait pour ne pas être soumise aux lois martiales et à la Convention de Genève pour ses crimes en Irak, en Afghanistan, en Afrique subsaharienne…

Cependant, le 6 avril 2004, une image très violente parvenant de Felloujah a fait le tour du monde. Elle montrait quatre cadavres de "civils" américains lynchés. Cette médiatisation changea quelque peu la donne. Blackwater, sous les projecteurs des médias internationaux, profita des feux de la rampe et des négociations avec les néo-conservateurs de Washington pour prouver que la liberté et la démocratie avaient désormais besoin de solutions de sécurité innovantes et flexibles partout dans le monde. Les SMP gagnèrent en légitimité dans le protagonisme de ces nouvelles guerres, elles sortirent de la clandestinité et de la discrétion qui prévalait par le passé chez les mercenaires traditionnels.

Malgré les accusations portées par les familles des quatre hommes tués à Felloujah et notamment par Katy Helvenston : « Les sous-traitants privés comme Blackwater travaillent en dehors du champ de la chaîne de commandement militaire et peuvent littéralement faire ce que bon leur semble sans avoir aucune obligation de rendre des comptes au gouvernement ».

Trois mois plus tard, Blackwater signa un contrat de sécurité internationale avec le gouvernement de 300 millions de dollars…

Aussi, lorsqu’Obama déclare dans "The Nation" qu’il « rétablirait le contrôle sur ces entreprises », tout en « mettant les sociétés sous l’emprise de la loi », on peut craindre une institutionnalisation du phénomène et de l’entreprenariat militaire, c’est exactement le même épouvantail que celui de la "moralisation" du néo-libéralisme, la même contradiction dans les termes, tant il est évident que là où doit régner en maître absolu la loi du marché, aucune régulation n’est possible.

Comme le souligne Jeff Danziger : « Disons que vous êtes un Américain de base, un type d’un intellect marginal pour qui le respect des autres revêt une importance inhabituelle. (…) Vous avez toujours aimé les armes à cause de cette façon qu’elles ont de faire peur aux gens.(…) Alors, vous choisissez la sécurité privée. Pas de marche à pied. Des tas de flingues et presque pas de paperasse. Seule règle: on ne pose pas de questions.»

De surcroît, la logique de ces SMP s’inscrivant en droite ligne de la stratégie néo-libérale, de nombreux militaires chiliens chevronnés par des années de service sous Pinochet, des Péruviens et des Brésiliens constituent de la chair à canon bon marché (payés 1000 dollars par mois au lieu de 1222 dollars la journée pour les "salariés" venant d’un des pays du Nord).

La vérité de leurs agissements a toujours été noyée dans la poussière et le sang des rues de Bagdad et de Bogotá, la barbarie a maintenant pignon sur rue et continue son oeuvre de mort.

Brian Bonfiglio (Vice-président de l’entreprise) a affirmé en juin dernier que des contingents avaient été envoyés dans une base près de la frontière mexicaine. Cette base situèe à 500 mètres de la première barrière métallique qui sépare la Californie de Tijuana constitue un nouveau vivier de paramilitaires présentés comme les stagiaires d’une "école de vocations".

Cette guerre qui assassine les syndicalistes et défenseurs de droits humains un peu partout où il existe une résistance à la volonté hégémonique de Washington, une guerre qui rappelle les massacres commis par les escadrons de la mort, à ceci de très inquiétant qu’elle dispose maintenant de moyens considérables, car le Congrès a accordé une aide de 400 millions de dollars au gouvernement Calderon dans la lutte contre le narcotrafic, justement lorsque Washington brigue la dénationalisation des champs pétrolifères au Mexique…

Il s’agit de contrecarrer la strangulation de la vérité opérée par le quatrième pouvoir qui se contente de parler de ces SMP que lorsqu’elles sont acculées au scandale (comme en septembre 2007 en Irak). Ne serait-ce que pour lutter contre tous les silences médiatiques et faire mentir Naomi Klein lorsqu’elle dit que parler du déclin du néo-libéralisme est "un hasard analytique auto-consolatoire", car ce déclin se précipite à mesure que la vérité éclate au grand jour.

Voilà la présentation (traduite par mes soins) que fait Blackwater de son entreprise sur son site :

"Blackwater est, dans le monde entier, célèbre pour sa capacité à porter durement les coups. Nous proposons des expériences de formation efficaces pour l’armée, la sécurité et des professionnels d’application de la loi. Nous fournissons des cours de formation avancés pour une vaste gamme de missions, pour le terrain et pour des situations tactiques. [...] Le personnel de formation très habile et hautement qualifié de Blackwater croit en la mise en pratique pédagogique pour augmenter votre sécurité et votre efficacité dans la rue ou sur le champ de bataille quotidien."

Par Guillaume Gobbi sur son blog, le lundi 17 novembre 2008


Sources :

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