Giulietto Chiesa : Refaire les comptes avec la Russie

Est-ce un hasard ? Depuis l’élection de Barack Obama, le gouvernement italien se démarque de Bush et semble reprendre à son compte les positions défendues par l’euro-député Giulietto Chiesa sur la Géorgie, l’indépendance du Kosovo, l’OTAN et plus généralement l’alignement systèmatique de l’Europe sur la stratégie de l’OTAN. En effet, Sylvio Berlusconi en personne a vilipandé l’OTAN pour avoir injustement "provoqué la Russie" au travers de sa volonté d’extension à l’Ukraine et à la Georgie, et avec le projet d’implantation du bouclier anti-missile en Pologne et en République Tchèque. Voir à ce propos l’article de AlterInfo paru vendredi 14 novembre 2008.

Nous reproduisons ici le compte-rendu que fait Giulietto Chiesa sur son site officiel de son débat avec D. Medevdev et V. Poutine en septembre dernier.


 Article paru le 29/09/2008 sur le Site de Giulietto Chiesa

"L’eurodéputé Giulietto Chiesa, spécialiste reconnu de la Russie, a participé aux discussions du très fermé Club Valdai. Des débats avec le président Dmitry Medvedev et le Premier ministre Vladimir Poutine, il a retenu quelques idées fortes sur la nouvelle politique étrangère du Kremlin. Il présente aux lecteurs du Réseau Voltaire et d’Il Manifesto ses impressions synthétiques". Réseau Voltaire , http://www.voltairenet.org/article158143.html il manifesto : http://www.ilmanifesto.it/oggi/art52.html

Impressions synthétiques de cinq heures, au total, de contact direct avec les deux « numéros un » de la politique russe. Trois heures avec le chef du gouvernement Vladimir Poutine ; deux grosses heures, le jour suivant (12 septembre) avec le président Dmitrij Medvedev, à Moscou. Le tout dans le cadre d’une confrontation rapprochée avec une trentaine d’experts occidentaux (Forum «Valdai»).

Giulietto Chiesa

Première impression : qui commande à Moscou ? Un grand nombre des personnes présentes ont essayé de trouver une réponse à cette question. Il m’a semblé, pour ce qui me concerne, que la réponse est dans le fait que les deux protagonistes n’ont eu aucune crainte à s’exposer devant les mêmes interlocuteurs à très peu de temps d’intervalle. Aucun des deux n’a jamais éludé une seule question. Et, même s’il s’agissait explicitement d’une discussion à « huis clos », dont les citations directes étaient exclues, les transcriptions fidèles des questions et réponses ont été rendues publiques quasiment immédiatement. Il n’en a pas émergé de contradictions, ni de différenciations entre les deux personnes. C’est une dyarchie très solide, fondée sur une entente de longue haleine, avec une division des tâches plutôt nette.

Les styles et l’expérience sont différents, mais pas le ton. Tout au plus peut-on dire que le chef du gouvernement, celui qu’on décrit comme l’homme de glace, a été même plus passionné que le président, auquel on pourrait attribuer maintenant la qualification de "sourire d’acier" étant donnée la sécheresse de ses déclarations.

Qui a pris la décision de répondre à l’agression de Saakashvili ? Poutine a dit qu’« aucun char d’assaut n’aurait bougé d’un mètre, aucun soldat d’un pas, si la décision n’avait pas été prise par le commandement suprême ». Et Medvedev a confirmé, le lendemain, en racontant par le menu, heure par heure, les développements de la nuit du 7 au 8 août. « Si la Géorgie à ce moment-là, avait déjà été admise, dans l’OTAN, ma décision n’aurait pas différé d’un iota de celle que j’ai prise. Seul l’ordre du danger aurait été supérieur de quelques degrés ». Et c’est Medvedev, de fait, qui a prononcé l’épitaphe définitive qui scelle un tournant radical dans les rapports entre Russie et Occident : « le 8 août a représenté la fin de nos illusions sur le fait que le monde fut bâti sur des bases justes ». Avec l’autre épitaphe, qui a suivi l’annonce par Poutine de la fin de la collaboration avec les USA, dans la lutte contre le terrorisme international : « Le 8 août équivaut pour nous au 11 septembre pour les américains ». Ce qui, après avoir identifié certains secteurs de l’Administration Usa comme les promoteurs de Saakashvili, revient à les accuser implicitement de terrorisme.

L’actuelle architecture du monde « ne nous satisfait pas. Le système unipolaire est mort, le bipolaire n’a pas de perspectives parce que le monde est multipolaire ». Mais malheur à qui essaie de démolir le droit international « parce que sans lui il sera impossible de bâtir une nouvelle architecture ».

Donc, ceux qui veulent le dialogue avec Moscou l’auront. Ceux qui veulent nous rejeter de nouveau derrière un rideau de fer, qu’ils sachent (réponse des deux hommes) que la Russie d’aujourd’hui et de demain est assez forte pour ne craindre personne. Ce sera mieux pour tout le monde, cependant, qu’on sorte de l’équivoque dont certains secteurs de l’Occident n’arrivent pas à se libérer : « La Russie n’est pas l’Union Soviétique ». Mais « la crise avec la Géorgie a modifié tout le cadre des relations internationales externes de la Russie ». « Nous ne pouvons plus supporter… ». Sur cela, il est bon de ne pas nourrir d’autres doutes.

Donc, fin des retraits tactiques et stratégiques de la Russie. Si l’Occident veut élargir encore les frontières de l’OTAN qu’il sache qu’à chaque action correspondra, éventuellement pas au même endroit, une réaction d’intensité égale. Et ne venez pas nous dire que nous n’avons pas le droit (Poutine) de faire tout ce qui est possible pour éviter que l’Ukraine n’entre dans l’OTAN. Parce que nous ne pourrions pas, nous, dire et faire cela, tandis que les Etats-Unis, avec l’appui de certains Européens, font tout ce qu’ils peuvent pour pousser l’Ukraine dans l’OTAN ? Y a-t-il quelqu’un qui sache relever la différence de distances entre Moscou et Kiev et entre Moscou et Washington ? Et puis, en Ukraine vivent 17 millions de Russes. Comment réagiront-ils ? A ce qu’il semble, la majorité des Ukrainiens n’apprécient pas ce développement. Et c’est eux qui doivent décider.

Des sanctions ? Poutine a un sourire sarcastique : « même vos hommes d’affaires ne les soutiendront pas ». Et là-dessus, les réponses de la Russie peuvent être plutôt douloureuses pour ceux qui s’y essaieraient. Du reste (Poutine) expliquez-nous pourquoi, 34 ans après, le Congrès des Etats-Unis n’a pas encore effacé l’amendement Jakson-Vanik (qui excluait l’URSS de la catégorie de « nation très favorisée », NDR). Est-ce une façon de traiter ses partenaires ? Si on nous bouscule encore, qu’on sache que nous nous tournerons de l’autre côté (Poutine a annoncé l’inauguration d’un terminal du nouveau gazoduc vers le Pacifique).

Et, de façon surprenante, c’est encore Poutine qui sort des tiroirs la vieille idée de Gorbatchev : se défaire des armes atomiques. Et il déclare : « je trouve cette perspective très réaliste. Ce n’est pas un espoir générique. Je me fonde sur les technologies réalisées dans le développement des armes non nucléaires, qui permettent à des pays non nucléaires d’atteindre des puissances de destruction inouïes. D’autant plus que le danger de diffusion des armes nucléaires s’étend ».

Donc dialogue pour ceux qui sont d’accord, mais à des conditions de parité et sans rabais pour quiconque. « Si la Roumanie concède des passeports aux Moldaves pourquoi ne pourrions-nous pas, nous, les donner aux citoyens d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie » ? La Russie n’a pas de prétentions territoriales, en aucune direction. « Pendant les années de ma présidence (Poutine) je n’ai jamais rencontré les leaders d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et, même, nous les avons toujours poussés vers la Géorgie. La reconnaissance de leur souveraineté (Medvedev) est maintenant « une condition nécessaire et suffisante pour leur protection » d’autres attaques.

Nous apprécions la ligne suivie par Sarkozy au nom de l’Europe, dont « la présence dans les zones de friction » est maintenant saluée favorablement « pour éviter de nouvelles agressions ».Mais attention aux missiles en Pologne et au radar en République Tchèque. « Ils nous avaient dit qu’ils étaient contre l’Iran, mais après la Géorgie, ils ont changé le tir et ont dit qu’ils étaient adaptés à la nouvelle situation. Donc ils sont contre nous, comme nous l’avions dit depuis le début ».

Un cadre très clair qui marque un tournant radical et non improvisé, qui mûrissait depuis longtemps. A présent il revient à l’Europe de refaire ses comptes, étant donné que l’Amérique ne semble pas en mesure de comprendre.

Voir aussi sur le site de Giulietto Chiesa:

http://www.giuliettochiesa.it/modules.php?name=News&file=article&sid=331:

« Je retire nombre de ces impressions de la position privilégiée de participant au Forum Valdai : un groupe de discussion qui existe depuis quelques années et qui permet à un certain nombre d’experts internationaux, de « soviétologues » d’ancienne et de nouvelle date, de politologues et de journalistes, de rencontrer de façon très directe les plus grands leaders de Russie ; ceci dans un échange d’idées très franc (garanti par les conditions « off record ») et sur tous les sujets.

Trois heures avec V. Poutine à Sochi, sur les rives de la Mer Noire, le 10 septembre, et presque trois heures aussi avec D. Medvedev le 11, à Moscou, dans le grand salon du GUM, face au Kremlin. Et un intermède très dense, entre les deux séances, avec le ministre des Affaires Etrangères Lavrov ».

 

5 Responses to “Giulietto Chiesa : Refaire les comptes avec la Russie”

  • Neurone

    Si l’Italie se démarque de W … Notre président également est en train de faire des discours contre sont ancien « pote » US … Il se passe donc des choses sur l’arrière scène politique … Avec comme par hasard une vidéo qui menace la France … vidéo de la racaille taliban des grotte high-tech !!!

    Pour ceux qui savent lire la pravda en diagonale … veuillez prendre part au débat ! Avant qu’on ne voit débarquer les hommes aux « cutters » !

    A bon entendeur…

  • rémi

    les evenements de aout 2008 , nous montre l’incompétence totale de nos medias … Encore une fois !!!

  • looping

    De toute manière depuis l’affaire des pétrodollards,je n’ai jamais compris l’intérêt mondial vis à vis des USA . Et maintenant, ils pleurent … N’importe quoi !!!!!!!!!!

  • Desk

    L’apparition de menaces de Ben Laden contre Obama nous contraint au souvenir de l’intuition ou la certitude de Cossiga, l’ex-Président de la République italienne, quant à l’origine de ces menaces, selon lui le fait des services secrets US.
    Selon Cossiga, Berlusconi en avait profité à un moment.
    La préoccupation nouvelle de Berlusconi envers la Russie peut aussi bien être une façon d’apaiser Poutine avant que les US remettent le monde devant le fait accompli que l’Amérique veut se venger des attentats perpétrés contre elle. Et les USA d’attaquer l’Iran comme prévu par Obama. Même scénario que le 11 septembre sauf que Ben Laden est connu d’avance et que la Russie doit être ménagée puisqu’elle ne gobera plus l’argument du terrorisme, comme elle l’a indiqué à son peuple avec la présence d’émissions sur le 11 septembre.
    L’intéresssant des prochains évènements, ce sera de voir les réactions de Sarkozy, – qui d’ailleurs, avec une menace de type-benladen contre l’Europe, trouverait là un joli moyen de conserver la Présidence de l’UE comme prévu par lui. – et de celles des Berlusconi, Merkel etc. (apparemment des Talibans menacent la France, je lis plus haut)
    Mais songer que Berlusconi a changé d’optique sous prétexte qu’il a dit vouloir préserver le dialogue avec la Russie, c’est peut-être espérer beaucoup.

    PS : et Carla Bruni de dire au Letterman Show que Sarko en fait n’a jamais été pote de Bush mais qu’il était obligé!! Le revirement est brutal et sûrement mensonger; enfin j’ai hâte de voir le petit nicolas jouer au basket dans le ranch d’Obama!

  • Mader Roaland

    Il y a longtemps que je n’ai plus la plus petite écoute des médias. Ils ne sont à mes yeux que de vulgaires services de propagande. Serviles, champions de la désinformation, banaliseurs de l’inacceptable, occidentalistes inconditionnels batiser démocratie, ce qui est très souvent de l’exterminisme pure et simple, surtout si les victimes ont le malheur d’avoir du pétrole sous les pieds ! Oui j’espère voire la fin de l’Empire d’Occident et de ses porte voix ! L’avenir de l’humanité ne doit pas être décidé au Vatican, à la City, dans les banques et les bourses de l’Occident ! L’Europe n’est qu’une énième tentative d’imposer une dictature occidentale, de se débarrasser des vraies Républiques en particulier de celle née en 1789. C’est ce que les nazis n’étaient pas parvenus à faire qui pourrait se réaliser avec l’aide active des médias précisémént !

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