Guantanamo : la farce continue

Le juge fédéral Richard Leon a ouvert jeudi à Washington une audience devant un tribunal civil au cours de laquelle six détenus de Guantanamo vont pouvoir contester leur détention pour la première fois depuis l’ouverture de la prison américaine début 2002.

Richard Leon, le premier juge à mener à terme une procédure de contestation de la détention (Habeas Corpus) autorisée le 12 juin par la Cour suprême, a néanmoins expliqué aux détenus que la plupart des débats se tiendraient à huis clos entre lui et les avocats, sans public ni détenu, parce que la plupart des éléments à charge présentés par le gouvernement étaient classés "Secret défense"…

Cette première fait suite à l’annonce par le Pentagone, le mardi 21 octobre, de l’abandon de ses accusations contre cinq détenus de Guantanamo après la démission d’un procureur militaire qui s’est déclaré inquiet de la possibilité que l’armée puisse dissimuler des preuves favorables à la défense.

Cependant, le porte-parole du Pentagone M. Gordon a indiqué que le gouvernement n’envisageait de libérer aucun d’entre eux et qu’il relancerait les inculpations "à une date ultérieure". Un peu avant cette annonce, à Londres, l’organisation britannique d’avocats Reprieve représentant notamment Binyam Mohammed, a assuré avoir été informée par l’armée américaine qu’«elle allait à nouveau "l’inculper d’ici un mois, après l’élection présidentielle américaine du 4 novembre."

«Loin d’être une victoire pour M. Mohamed dans sa longue lutte pour la justice, ce n’est rien d’autre que la même farce que Guantanamo», a ajouté dans un communiqué Clive Stafford Smith, un des avocats de l’accusé.

Source : Le Figaro, AFP


Binyam Mohamed

Nous vous proposons ci-dessous la traduction d’un article publié dans la section ‘comment is free‘ du Guardian. L’auteur y dénonce l’attitude de l’Administration américaine vis-à-vis des avocats de Binyam Mohamed qui ont les pires difficultés à récupérer les documents potentiellement favorables à la défense.


Outrage à la Cour

Les autorités américaines ont fait preuve de mépris et de cynisme vis-à-vis de la justice britannique dans le procès de Binyam Mohamed, mais cette attitude ne peut plus durer.

En août, après un examen juridique par la Haute Cour de Justice britannique, le juge Lord Thomas et le juge Lloyd Jones ont statué sur le fait que le gouvernement britannique avait le devoir de rendre publics 42 documents contenant des preuves potentielles pour la défense, concernant la détention et la torture présumée du résident britannique prisonnier à Guantanamo Binyam Mohamed [Note ReOpenNews : Binyam, citoyen éthiopien, a obtenu un visa de réfugié en Grande-Bretagne].

Capturé au Pakistan en avril 2002, Mohamed soutient que la CIA l’a livré au Maroc pour être torturé, puis l’a transféré dans une de ses prisons en Afghanistan, et que les accusations dont il fait l’objet – complicité avec al-Qaïda et implication dans un complot d’attentat à la "bombe sale" – se fondent sur des aveux obtenus sous la torture. L’examen juridique s’est concentré sur l’obtention d’informations relatives à la période s’étalant de juin 2002 à mai 2004, car bien que les autorités américaines aient refusé de fournir des informations sur l’endroit où il était emprisonné, des agents britanniques lui ont rendu visite dans le cadre d’une détention provisoire au Pakistan, et auraient gardé le contact avec les Services de renseignement états-uniens après sa "disparition".

Mardi, j’ai rapporté comment l’administration américaine avait abandonné les charges contre Mohamed (et quatre autres prisonniers) dans leur projet de procès par une commission militaire, et aujourd’hui Mohamed a fait un pas de plus vers la justice quand la Haute Cour s’est de nouveau réunie pour prononcer un nouveau jugement dans son procès.

Suite au jugement initial de la Haute Cour, un jeu du chat et de la souris – transatlantique – s’est mis en place, le département d’État américain concédant aux juges quelques informations minutieusement calibrées de manière à éviter qu’ils n’ordonnent une divulgation complète, et le gouvernement britannique protestant que la publication de ces documents pourrait mettre en péril les relations entre les services secrets britanniques et états-uniens. Quand les Cours de justice américaines sont entrées dans le jeu, exigeant la publication des documents suite à une décision de la Cour Suprême en juin dernier – qui avait accordé aux prisonniers les droits constitutionnels de l’habeas corpus et les avait autorisés à contester les raisons de leur détention – la responsabilité de publier les documents a été laissée au gouvernement américain.

La semaine dernière, la Haute Cour s’est réunie pendant une semaine afin de dresser un tableau à jour du procès de Mohamed dans lequel, comme l’expliquent ses avocats, le juge Lord Thomas a appris que l’administration américaine n’avait fourni « que sept documents à ses avocats, chacun d’eux étant lourdement censuré en violation directe de l’accord conclu entre les deux gouvernements. »

Cet après-midi, le juge Lord Thomas a délivré un jugement sur le refus américain de divulguer les documents, ce qui, malgré ses précautions de langage, ne peut être vu que comme un reproche sévère envers les autorités américaines. L’incrédulité dans le ton employé par le juge –concernant leur intransigeance arrogante et peu communicative – était facilement décelable.

Il a déclaré que la Cour « ne pouvait voir aucune raison rationnelle au refus du gouvernement américain de fournir les documents » aux avocats, ajoutant qu’après avoir bénéficié d’un « délai amplement suffisant » pour les fournir, « le gouvernement des États-Unis n’avait fourni aucune explication » pour son refus de se conformer entièrement à l’accord.

La Cour a reconnu que la situation de Mohamed était désespérée, soulignant qu’on disposait de la « preuve irréfutable » qu’il « souffrait d’une détérioration progressive de sa santé mentale en raison de ses six années de détention sans procès ». Mais elle accepte de repousser à la prochaine audience fédérale aux États-Unis le 30 octobre une décision finale sur le fait d’ordonner ou non au gouvernement britannique de remettre les documents aux avocats de Mohamed, dans l’espoir que le juge Emmet Sullivan, chargé d’examiner la demande d’habeas de Mohamed – et qui a accès à ces 42 documents – sera capable de résoudre ces problèmes en suspens.

Les juges ont néanmoins été clairs sur le fait que si aucune conclusion satisfaisante n’était obtenue, la Haute Cour se réunirait de nouveau pour ordonner une divulgation. Après avoir souligné que la Cour considérait comme significative la conclusion déposée par Dinah Rose selon laquelle le gouvernement américain « cherchait délibérément à éviter la divulgation des 42 documents », la juge Lord Thomas en est venue à la sombre conclusion suivante :

« Nous devons admettre que nous avons trouvé les évènements exposés dans ce jugement profondément troublants. Il faut trouver une conclusion à cette affaire le plus rapidement possible, étant donné les retards et les revirements inexpliqués qui ont eu lieu du côté du gouvernement des États-Unis.»

Par Andy Worthington pour Guardian.co.uk, le 23 octobre 2008.
Traduction Spotless Mind pour ReOpenNews.

 

3 Responses to “Guantanamo : la farce continue”

  • sympathisant

    Byniam mohamed, ton histoire devrait faire honte à tous ceux qui parlent de démocratie. Je t’envoie mes meilleures pensées de soutien, en espérant qu’un jour nous verrons, toi et moi, tomber ceux qui t’ont fait ça.

  • Pole

    Et qui est le dindon de la farce ?
    « ll’inculper d’ici un mois, après l’élection présidentielle américaine du 4 novembre. »
    Et mon obamania alors?
    Obama : contre la discrimination, pour la torture des noirs (ou musulmans je ne sais pas, il faudrait lui demander)
    Qui l’eut cru?
    Les États-Unis reviennent avant 1679 : torture, inquisition, emprisonnement arbitraire, guerre pour le territoire, et pas d’habeas corpus.





*
To prove you're a person (not a spam script), type the security word shown in the picture. Click on the picture to hear an audio file of the word.
Click to hear an audio file of the anti-spam word

``