Dick Marty : les droits de l’homme doivent être expressément garantis…

paru sur le site de la Commission de Bruxelles le 07.04.2008

Dick Marty (Suisse, ADLE), membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), a critiqué aujourd’hui l’avant-projet de dispositions anti-terroristes de l’UE, estimant que ces dernières ne prenaient pas suffisamment en compte les droits de l’homme fondamentaux.

La Décision-cadre révisée en cours d’élaboration définit, à l’échelle de l’UE, des dispositions légales réprimant l’incitation au terrorisme ainsi que le recrutement et l’entraînement de terroristes, mais elle omet de préciser que l’application de ces lois doit respecter les normes internationales actuelles relatives aux droits de l’homme, comme la liberté d’expression, d’association et de religion.

S’exprimant devant une commission du Parlement européen, M. Marty – qui préside la sous-commission de l’APCE sur la lutte contre le terrorisme – a dit que les droits de l’homme fondamentaux ne sont pas « un accessoire, ni une décoration ». Il a regretté que l’initiative de la Commission européenne risque de porter atteinte au combat antiterroriste en mettant en cause la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme, récemment adoptée, qui couvre déjà le même champ d’action et est ouverte à un plus grand nombre de pays. « Ces dispositions de l’UE n’étaient absolument pas nécessaires, car elles font double emploi avec la convention du Conseil de l’Europe sur ce sujet, à laquelle la plupart des Etats membres de l’UE ont d’ores et déjà souscrit », a déclaré M. Marty. « Si l’UE persiste néanmoins à vouloir mettre en œuvre ces dispositions, il faut qu’elles tiennent compte, par exemple, de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg – qui garantit que les mesures antiterroristes ne violent pas les droits de l’homme. » M. Marty a appelé à ce que la Décision-cadre contienne une « clause de sauvegarde », qui soumettrait toute nouvelle loi antiterroriste aux obligations prévues par le droit international en matière de droits de l’homme

Voir le texte intégral de la déclaration de M. Marty ci-dessous.


 Déclaration de Dick Marty
devant la Commission des libertés civiles,
de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen
à Bruxelles, le 7 avril 2008

Dick Marty, Président de la Sous-commission sur les problèmes criminels et la lutte contre le terrorisme de l’APCE, appelle l’Union européenne à ses responsabilités pour ne pas mettre en danger la cohérence et l’efficacité de la lutte contre le terrorisme [1]

L’Assemblée parlementaire a constamment affirmé que la lutte contre le terrorisme ne peut être efficace que dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les rapports de l’Assemblée relatifs aux « détentions secrètes et transferts illégaux de détenus », aux « listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne » et à la « légalité de la détention de personnes par les Etats-Unis à Guantanamo Bay » ont démontré que des Etats et des instances internationales ont – au nom de la lutte contre le terrorisme – délibérément renoncé aux valeurs fondamentales qui sont la raison d’être du Conseil de l’Europe : la protection des Droits de l’Homme, de la prééminence du droit et de la démocratie.

Dans ce contexte, c’est avec préoccupation que la Sous-commission a observé l’initiative de la Commission européenne en vue d’amender la Décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme. Alors que la proposition de la Commission européenne vise à incorporer les dispositions des articles 5 à 7 de la Convention de 2005 du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196) respectivement relatives aux incriminations de « provocation publique à commettre une infraction terroriste », « recrutement pour le terrorisme » et « entraînement pour le terrorisme » – intention qu’il convient de saluer – , elle omet d’intégrer les dispositions de la clause de sauvegarde prévue à l’article 12 de la Convention dans la partie dispositive de la Décision cadre. Il ne suffit pas de mentionner les droits de l’homme dans le préambule du texte ou dans un considérant. Le message, y compris au-delà des frontières de l’Europe, doit être clair : il faut subordonner les mesures de lutte contre le terrorisme au respect des droits de l’homme.

Les articles 5 à 7 visent à améliorer l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Mais une telle amélioration ne peut se concrétiser sans une garantie adéquate de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales (prévues à l’article 12). Ces éléments sont complémentaires et indissociables.

L’article 12 de la Convention du Conseil de l’Europe est essentiel parce qu’il doit être pris en compte dans la législation interne et par le juge national. Il ne faut pas donner l’impression que les droits fondamentaux sont un « accessoire optionnel » ou une « décoration » ayant pour unique mission d’ornementer les textes répressifs.

M. Marty s’étonne que cette initiative vise à reprendre de manière sélective les dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe alors que la Convention prévoit la possibilité pour l’Union européenne d’y adhérer. Alors que l’Union européenne (ainsi que tous ses Etats membres) a participé activement aux négociations lors de la préparation de la Convention du Conseil de l’Europe, on peut légitimement s’interroger sur le double-emploi ainsi généré et sur la compatibilité de cette démarche avec l’esprit et la lettre du Mémorandum d’accord signé en mai 2007 entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

S’il s’avérait en outre que l’initiative de la Commission européenne avait pour effet de ralentir, voire de remettre en cause, le processus de ratification de la Convention du Conseil de l’Europe, elle aura certainement causé des dégâts par rapport à l’objectif commun aux deux organisations : l’amélioration de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme tout en garantissant la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

M. Marty demande instamment à l’Union européenne de tenir compte de ses inquiétudes et au Conseil et la Commission européenne de se prononcer sans attendre et sans ambigüité en faveur de la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme par les Etats membres de l’Union européenne. Il demande également au Parlement européen et au Conseil Européen de prendre en compte ces préoccupations lors de l’examen du projet d’amendement de la Décision cadre

 

[1] Contribution à une table ronde du Parlement Européen sur « la provocation publique à commettre des infractions terroristes » (Echange de vues sur la révision de la décision-cadre 2002/475/JHA sur la lutte contre le terrorisme), Bruxelles, 7 avril 2008.

 

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