Thomas Drake, l’homme qui en savait trop sur le 11-Septembre

Thomas Drake est un lanceur d’alerte de la NSA récemment mis à l’honneur dans le documentaire Lanceurs d’alerte : coupables ou héros, diffusé sur Arte en décembre 2014 (voir l’extrait ci-dessous). Invité ce mois-ci pour une longue interview avec le journaliste Paul Jay, il a pu éclaircir certains points relatifs au 11-Septembre. Il affirme entre autres que la NSA avait des informations cruciales susceptibles d’empêcher les attentats du 11-Septembre et qu’elle avait produit un rapport complet sur le réseau Al-Qaïda, incluant une partie des pirates de l’air présumés. Du côté du pouvoir politique, il raconte que Dick Cheney disposait d’un canal de communication informel au coeur des services de renseignement et qu’il savait parfaitement qu’une catastrophe était sur le point de se produire. Thomas Drake n’a jamais été auditionné par la Commission d’enquête du 11-Septembre et son témoignage auprès de l’enquête conjointe des comités du renseignement du Congrès américain est toujours classifié. Nous vous proposons ci-dessous les extraits les plus significatifs de cet entretien, disponible en intégralité sur le site de The Real News Network (en anglais).
 

Extrait du documentaire Lanceurs d’alerte : coupable ou héros (Silenced) diffusé sur Arte le 16 décembre 2014.



 

Thomas Drake, l’homme qui en savait trop


Une interview de Paul Jay diffusée sur The Real News Network entre le 2 et le 7 août 2015


PAUL JAY : […] Thomas est un ancien haut responsable de l’Agence nationale de sécurité américaine [NSA, ndt.]. Il est un vétéran décoré de l’US Air Force et de la Navy. […] C’est un lanceur d’alerte qui a été inculpé sans aller en prison, mais vous n’en êtes pas passé loin. Pour ceux qui ne connaissent pas votre dossier, brièvement, pourquoi avez-vous été poursuivi ?

THOMAS DRAKE : Ils m’ont poursuivi parce que j’en savais trop sur pas mal de choses, et j’en ai fait part en interne, puis j’en ai finalement parlé à la presse de façon anonyme, au bout d’un certain nombre d’années. Mais j’ai été confronté au côté obscur peu de temps après le 11-Septembre. Donc il y a eu d’abord les programmes secrets de surveillance qui ont été mis en place et expérimentés sur les États-Unis suite au 11-Septembre, faisant de ce pays l’équivalent d’une nation étrangère pour la pêche aux données électroniques. A ce jour, nous n’en connaissons pas l’étendu. Puis il y a eu aussi les informations sur le 11-Septembre, ce que la NSA savait vraiment, ce qu’ils auraient dû savoir, ce qu’ils n’ont pas partagé, ce qu’ils ont caché, et les informations qu’ils n’ont découvert que plus tard.

JAY : Mais vous avez déclaré que si on avait agi, ces informations auraient pu conduire à empêcher les événements du 11-Septembre.

DRAKE : Eh bien, je considère la NSA plutôt coupable. A vrai dire, nous verrons en détail pourquoi, mais extraordinairement coupable. Et ils ont toujours dissimulé leur culpabilité depuis. […]

JAY : […] Nous avons un peu discuté hors caméra avant de commencer l’interview, et vous avez répété plusieurs fois que vous vous sentiez accablé par l’histoire. Que voulez-vous dire ?

DRAKE : Je suis extrêmement accablé par l’histoire. C’est le fait de se demander « qu’est-ce qui se serait passé si… », ce sont les sales informations que j’ai eu à connaître sur la surveillance secrète et les renseignements cruciaux dont disposait la NSA avant le 11-Septembre et qui n’ont pas été partagés correctement avec les autorités du commandement national, comme on les appelle. A eux seuls, ils auraient pu empêcher le 11-Septembre, simplement à partir des renseignements de la NSA, sans parler de la CIA ou du FBI. C’était une défaillance systémique.

[…]

JAY : Et en fait, votre premier jour à la NSA était le 11-Septembre.

DRAKE : Mon premier jour de présence. En réalité, j’avais prêté serment plus tôt. C’était en cours de traitement. Mais le premier jour où je me suis présenté à mon nouveau boulot était le matin du 11-Septembre.

[…]

JAY : A nouveau, pourquoi vous vous sentez personnellement accablé par cela ? Parce que vous y avez pris part ?

DRAKE : Parce que je ne pouvais pas continuer à me taire. Et j’ai passé des années à défendre la Constitution contre mon propre gouvernement. Et j’ai échoué. Je n’en ai pas été capable – et d’autres avec moi. Je n’étais pas le seul ; il y en avait aussi beaucoup d’autres qui posaient de sérieuses questions sur ce que nous faisions. Mais très tôt, je me suis opposé à tout cela ; dans les jours et les semaines qui ont suivis le 11-Septembre, j’ai été confronté au spectre de cette boîte de Pandore grande ouverte.

JAY : Par exemple ?

DRAKE : Eh bien, j’ai découvert dans les premiers jours que la Maison Blanche avait autorisé verbalement la NSA à démarrer l’espionnage à grande échelle aux États-Unis, à commencer par les téléphones, ainsi que des arrangements spéciaux avec certaines compagnies téléphoniques, au premier rang desquelles AT&T. Et je me souviens m’être confronté à l’avocat principal, mais nous y reviendrons peut-être plus en détail.

[…]

JAY : Est-il possible que cette décision ait été prise si rapidement, sans avoir fait l’objet d’une réflexion avant le 11-Septembre ?

DRAKE : Oui. Comme me l’a dit un des avocats auxquels j’ai été confronté, « Vous ne comprenez pas, M. Drake. Nous vivons une situation d’urgence. Tous les moyens sont requis. » Et j’ai dit, « Y compris enfreindre la loi et la… – Vous ne comprenez pas. »

JAY : Pensez-vous qu’il y avait une sorte de plan en place avant le 11-Septembre pour une chose pareille ?

DRAKE : Je ne dirais pas un plan. Je pense que Cheney cherchait une excuse pour rétablir et réaffirmer la présidence impériale [1]. Il avait toujours pensé que Nixon avait fait une mauvaise opération sur le plan historique, et son moment était venu. Il était en position ascendante. Vous savez, c’était un président de l’ombre. Bush lui avait remis le portefeuille de la sécurité nationale. Le 11-Septembre était une crise propice à la mise en place d’une autorité exécutive unitaire. […]

JAY : Mais pourquoi n’avez-vous pas marché dans l’histoire selon laquelle il s’agissait d’un moment exceptionnel, quand l’Amérique était attaquée ?

DRAKE : Parce que nous avions échoué envers la nation, sous le préambule de la Constitution : nous n’avions pas pourvu à la défense commune [2]. Mais au lieu de reconnaître cette défaillance, la NSA et d’autres l’ont pris comme une énorme opportunité. Et comme l’a si bien dit Rahm Emanuel, il ne faut jamais gâcher une bonne crise. Et clairement, ils n’allaient pas gâcher celle-là. Mais il y a une sombre histoire derrière ça. Rien de tout ça n’aurait dû se produire. Et je suis témoin d’un certain nombre d’événements avant le 11-Septembre, au cours desquels la sonnette d’alarme n’avait cessé de sonner depuis des années. […] Y compris lors de ma propre expérience en tant qu’officier de réserve du renseignement de la Navy au Pentagone. […] J’ai fait partie de l’anti-terrorisme pendant 18 mois. […] C’était la période des années 93-94. J’étais présent quand ils ont essayé d’abattre les tours du World Trade Center la première fois, à l’aide de camions piégés. Et nous faisions parvenir des rapports. […] Nous savions à l’époque qu’ils voulaient, pour ainsi dire, faire la démonstration de leur rancune à l’égard de l’Ouest en attaquant des monuments occidentaux. Nous avons envoyé des rapports indiquant qu’ils allaient revenir. Et ils sont revenus. Ça fait partie du fardeau, celui de notre échec envers la nation, et non seulement 3000 personnes ont été tuées, mais des centaines d’étrangers ont été tués aussi le 11-Septembre. Tout cela me pèse. Car pour moi, la question est que se serait-il passé si… Que se serait-il passé si les renseignements cruciaux avaient été partagés ? […]

JAY : Vous avez dit qu’il y avait eu plusieurs moments comme celui-ci avant le 11-Septembre. Quel autre par exemple ?

DRAKE : Eh bien, un autre exemple est George Tenet. Il a envoyé des mémos à l’ensemble de la communauté du renseignement en 1998, signalant que « les signaux étaient au rouge ». Et nous avons eu tous les incidents conduisant jusqu’à 2001. Toutes les preuves étaient là. Toutes. Et ça ne commence même pas à toucher la réalité de ce que savait déjà la NSA avant le 11-Septembre. Ils avaient ce qu’ils appellent une couverture « béton » sur le standard du refuge yéménite. Ils surveillaient ce refuge depuis au moins 1996. C’est un mensonge absolu du gouvernement américain de dire par exemple que nous ne savions pas pour les deux pirates de San Diego. Un mensonge absolu.

JAY : Restons là-dessus, parce que je pense que c’est une des histoires les plus révélatrices de toute la collecte de renseignements avant le 11-Septembre, car elle met en cause toutes les agences. […]

DRAKE: C’est un autre fil de cette histoire qui n’a pas était totalement démêlé, ils essayaient de retourner ces personnes, ou du moins de convertir certains d’entre eux en informateurs.

JAY : Mais il y a trois agences, au moins, qui savent que ces deux types sont à San Diego, et ils travaillent avec un autre qui est lié avec les Saoudiens. Le FBI sait qu’ils sont là, la CIA sait qu’ils sont là, la NSA sait qu’ils sont là. Et nous sommes censés croire qu’aucune d’entre elles n’a jamais fait circuler l’information, et n’en a jamais parlé aux autres. Ça semble un petit peu bizarre.

DRAKE : Bizarre. Mais vous devez comprendre la culture des agences de renseignement. Elles ont leurs propres égos, et l’information c’est le pouvoir : je sais quelque chose que vous ne savez pas ; si je le partage, je me débarrasse de mon pouvoir. Donc vous faites très attention à qui vous donnez vos informations.

[…]

JAY : Laissez-moi lire quelque chose dans lequel vous êtes cité et que vous avez signé. Cela s’appelle « Des initiés de la NSA révèlent ce qui a mal tourné ». C’est une sorte de memorandum qui a été écrit par vous et d’autres de vos collègues du renseignement qui sont aussi des lanceurs d’alerte ou sont devenus critiques, des personnes comme William Binney et Ray McGovern. Et dedans, vous dites :

« La NSA disposait du contenu des appels téléphoniques entre Khalid Al-Mihdhar, un des pirates du vol AA77 qui vivait à San Diego en Californie, et le standard du refuge d’Al-Qaïda au Yémen bien avant le 11-Septembre, et n’a pas diffusé cette information en dehors de la NSA.

En somme, lorsqu’elle a été confrontée à la perspective de devoir avouer, la NSA a préféré entraver l’enquête du Congrès sur le 11-Septembre, jouer les innocents, et enterrer la vérité, y compris sur le fait qu’elle avait connaissance de tous les appels entrant et sortant du standard du refuge au Yémen. Les hauts dirigeants de la NSA m’ont retiré cette tâche parce qu’ils ont réalisé – tardivement, pour une raison que j’ignore – que je ne contribuerais pas à dissimuler la vérité sur ce que savait la NSA mais qu’elle n’a pas partagé. »

DRAKE : En fait, pour clarifier les choses, le contexte est important, pas seulement le contenu. Mais ce qui est vraiment important, c’est qu’en fait, j’avais été sélectionné comme haut fonctionnaire pour fournir l’ébauche de la déclaration en vue de l’audition du général Michael Hayden devant le sous-comité Saxby Chambliss. […] Cela a conduit à l’enquête conjointe [des comités du renseignement] du Congrès, qui était bien plus large et a servi de base à la Commission du 11-Septembre. J’étais chargé de rédiger cette déclaration pour l’audition. Et il y a toute une histoire derrière ça. Mais finalement, j’ai été écarté. Pourquoi ? Parce que j’avais découvert la vérité : les informations capitales que la NSA avait en sa possession et qu’elle n’a pas partagées, les rapports qu’ils avaient, toutes les informations concernant le standard [du Yémen]. Donc on m’a retiré cette tâche. Comme me l’a dit la numéro 3 de la NSA, qui était ma supérieure, il s’agissait d’un problème d’intégrité des données – un euphémisme pour dire que vous en savez trop.

[…]

JAY : Donc quand vous dîtes qu’il y avait des preuves à propos de San Diego, et que la NSA avait ces appels téléphoniques vers ce qui était connu pour être un standard téléphonique d’Al-Qaïda au Yémen, et que la NSA écoutait ces appels mais ne les partageait pas, comment savez-vous qu’ils ne les partageaient pas ?

DRAKE : Parce que je le sais grâce à ce que j’ai découvert du temps où j’y étais dans les mois qui ont suivis le 11-Septembre. Il n’y a aucune preuve que cela ait été partagé avec les autorités ordinaires. Il y avait un canal d’information informel qui a été créé avec Cheney après le 11-Septembre. […] Mais nous parlons des renseignements avant le 11-Septembre. Et la NSA avait ce qu’ils appellent une couverture béton sur le refuge du Yémen, ce qui veut dire essentiellement que c’est 24h sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an. Peu importe l’appel qui passe par ce standard, non seulement il est enregistré, mais son contenu est également conservé. Et vous allez être au courant de n’importe quel appel entrant, même s’il vient des États-Unis. Et d’après la loi sur la surveillance des renseignements étrangers [FISA, ndt.], si vous pensez que cela débouche sur une personne aux États-Unis, même s’il s’agit d’un résident étranger, légal ou non, mais un résident étranger défini comme une personne états-unienne [3], vous pouvez obtenir un mandat de la court secrète et l’écouter.

JAY : Donc relativement à Richard Clarke, qui était le responsable de l’anti-terrorisme et faisait partie du cabinet présidentiel sous Clinton [4], si vous dîtes que ça n’a pas été partagé […], il est assez intéressant de noter que l’une des toutes premières choses qui se passe après que George Tenet, le directeur de la CIA, dit à George Bush, lors la première réunion sur la sécurité, que la menace numéro 1 pour les États-Unis est Al-Qaïda et Ben Laden, vous rétrogradez la personne chargée de la sécurité nationale, c’est-à-dire Clarke.

DRAKE : Ce n’était pas une priorité, je dois dire. Le fait est que la NSA elle-même ne considérait pas le contre-terrorisme comme une priorité stratégique. Ce n’était pas au centre de leur attention. Ça ne l’était vraiment pas. Cela fait partie du préjugé que j’essaie de défaire, […] malgré les mémos de Tenet, le système dans son ensemble ne prêtait tout simplement pas beaucoup d’attention à cela.

JAY : Laissez-moi vous dire ce que Richard Clarke a déclaré. Dans un documentaire, Richard Clarke a été spécifiquement interrogé sur la raison pour laquelle il n’était pas au courant des renseignements sur San Diego, et voilà ce qu’il a dit :

RICHARD CLARKE : Vous devez l’arrêter intentionnellement. Vous devez intervenir et dire non, je ne veux pas que ce rapport soit transmis. Et je n’ai jamais reçu un rapport à ce sujet. S’il y a eu une décision de prise pour stopper la diffusion normale concernant cette affaire, alors quelqu’un comme Tom Wilshire aurait été au courant.

JAY : Richard Clarke affirme que ce n’est pas juste une question de priorisation. Il dit qu’une décision délibérée a dû être prise dans le flux normal d’information. Et n’oublions pas, cela se passe à un moment où il dit déjà que la maison brûle. Il témoigne que les signaux étaient au rouge. Ils étaient plus qu’au rouge. La NSA doit être au courant que Clarke et d’autres pensent que quelque chose se prépare. Nous savons de notre interview avec John Kiriakou […] qu’un haut fonctionnaire de la CIA a dit à un ambassadeur arabe, « Nous sommes au courant que quelque chose se prépare, ça va être épouvantable, et si vous avez la moindre information là-dessus, vous devez nous le dire, parce que nous savons que quelque chose de terrible va arriver. » Donc dans ce contexte, comment se fait-il qu’on ne transmette pas l’information et n’en fasse pas une priorité, […] il y a tellement d’exemples de bouts de renseignements.

DRAKE : Oui, mais ils sont tous enterrés. Les principaux éléments n’ont pas atteint un niveau suffisant pour vraiment révéler le complot, de façon à ce qu’on puisse agir directement, bien que les informations étaient là. Ce n’était pas proprement analysé. C’est un fait.

JAY : Enfin, les renseignements qui étaient là sont un fait.

DRAKE : Ils étaient là. Ils n’étaient pas analysés de manière à ce que cela puisse révéler le complot entier, sans parler de vraiment débusquer les auteurs.

JAY : Par exemple, nous savons que le FBI est au courant pour ces types à San Diego.

DRAKE : Ils essayaient de les retourner.

JAY : J’ai aussi entendu dire que la CIA était au courant de leur présence et qu’ils essayaient de les retourner.

DRAKE : Ça aussi, c’est vrai.

JAY : La CIA essaye et apparemment elle ne souhaite pas en parler avec le FBI, tandis que le FBI ne veut pas en parler à la CIA.

DRAKE : Tout cela, ce sont les prérogatives institutionnelles.

JAY : Ok, mais ils ont le devoir d’informer Clarke. Et Clarke dit…

DRAKE : Clarke est un outsider.

JAY : Clarke dit qu’ils ne lui ont délibérément rien dit. Donc s’ils ne disent rien à Clarke, comment peuvent-ils…

DRAKE : Ils ne font pas confiance à Clarke.

JAY : Eh bien, comment peuvent-ils ne pas en informer Cheney ?

DRAKE : Je n’ai pas la preuve qu’ils en ont parlé à Cheney. C’est très possible, parce que Cheney avait rapidement créé son propre réseau de renseignement avec des gens de confiance. Clarke ne faisait pas partie de ce réseau. C’est un fait. Donc il a été évincé.

JAY : Ça veut dire que le canal de communication informel avec Cheney a été créé avant le 11-Septembre.

DRAKE : Il existe un canal de communication informel.

JAY : Avant le 11-Septembre.

DRAKE : Avant le 11-Septembre. […] Et rappelez-vous, […] il y a eu ce rapport quotidien du président la première semaine d’août [5], disant qu’ils allaient se servir…

JAY : Oui, comment ne pas faire une priorité de ce que vous savez sur ces types, les liens avec le Yémen, et il y a un mémo présidentiel, préparé par la CIA, disant que Ben Laden se prépare à attaquer l’Amérique ?

DRAKE : C’est exact.

JAY : Et vous savez que deux types sont à San Diego. [6]

DRAKE : Oui, ils ont laissé faire.

JAY : Ce n’est pas qu’une question de priorités.

DRAKE : Si, ça l’est. […] C’était commode.

JAY : […] J’ai interviewé Bob Graham et je lui posé exactement cette question.

JAY : […] Dans cette nouvelle enquête dont nous espérons voir le jour, est-ce qu’il serait légitime de se demander si le président Bush et/ou le vice-président Cheney savaient que quelque chose était peut-être sur le point de se produire et n’ont rien fait à ce sujet, et auraient peut-être même fait en sorte de créer une culture de l’ignorance ?

GRAHAM : Bon, sans inférer par ma réponse que je crois qu’ils avaient en effet des raisons de croire que cette attaque était sur le point de se produire et qu’ils ont pris la décision délibérée de cacher cette information, s’il y avait la moindre preuve de cela – et à ma connaissance, il n’y en a pas – ce serait évidemment le genre de questions auquel il serait crucial de répondre afin de connaître le rôle qu’ont joué les Saoudiens et pourquoi les États-Unis l’ont dissimulé.

DRAKE : Écoutez, nous savions depuis 1998, avec tous les incidents terroristes qui ont eu lieu – il y a eu les Tours Khobar, il y a eu les ambassades, il y a eu le Cole, il y a eu un certain nombre d’autres incidents également, faisant clairement partie du schéma. Et il était clair au sein même des renseignements qu’il y aurait quelque chose d’encore plus gros. Donc ce n’est pas comme si on ne savait rien. On savait même que ça pourrait être quelque chose comme un ou plusieurs monuments importants.

JAY : Selon des enquêtes de Jason Leopold et d’autres, il pouvait s’agir des Tours Jumelles.

DRAKE : Oui, mais rappelez-vous, ça fait partie du fardeau. J’étais là au moment où ils ont essayé d’abattre les tours du World Trade Center la première fois. Donc la crainte était en partie qu’ils reviennent en utilisant quelque chose d’autre. Nous savions également pour Bojinka. C’était ce plan au milieu des années 90 qui prévoyait de faire exploser des avions au-dessus du Pacifique. Cette idée de Condi Rice selon laquelle personne ne pouvait imaginer ; on imaginait très bien qu’il était possible d’utiliser des avions comme des missiles [7]. On savait tout ça. Et je n’aborde même pas ce que vous avez déjà évoqué en partie, avec ma camarade lanceur d’alerte du FBI, Coleen Rowley, comme la lettre tristement célèbre qu’elle a envoyé au directeur du FBI et son témoignage devant le comité judiciaire. Oui, il était connu que…

JAY : Qu’il y avait des types à Minneapolis qui apprenaient à décoller et ne voulaient pas apprendre à atterrir.

DRAKE : C’est exact.

JAY : Et ils n’arrivent pas à obtenir un mandat pour fouiller l’ordinateur de ce type.

DRAKE : Oui.

JAY : Tout d’un coup, le FBI est terriblement soucieux des droits constitutionnels pour accéder à l’ordinateur de quelqu’un.

DRAKE : Oui.

JAY : Il y a tellement d’exemples comme celui-ci.

DRAKE : Il y a un certain nombre d’exemples, je suis d’accord.

[…]

JAY : Donc […] nous avons discuté du fait de savoir jusqu’où on peut parler de processus délibéré ou de manque de priorisation – et par là, je veux parler de suppression, de dissimulation de preuves que plusieurs agences de renseignements avaient rassemblées avant le 11-Septembre et qui auraient pu empêcher le 11-Septembre. Et l’une des choses les plus simples à examiner, car il y a d’autres exemples, c’est qu’un de ces deux types est à San Diego, le FBI sait qu’ils sont là, la CIA sait qu’ils sont là, la NSA sait qu’ils sont là. Et dans un rapport ou un mémo public que vous et d’autres de vos collègues avaient envoyé au président Obama en 2014 et intitulé « Des initiés de la NSA révèlent ce qui a mal tourné », relativement à la NSA, vous dîtes – ou plutôt le communiqué dit ceci :

« La NSA a-t-elle fait preuve d’une incompétence flagrante ; ou a-t-elle délibérément caché des informations reliant Al-Mihdhar à une base avéré d’Al-Qaïda au Yémen ? »

JAY : Ce que vous suggérez, c’est que ça aurait pu être délibéré. Pourquoi feraient-ils ça ?

DRAKE : Vous devez comprendre, j’aimerais revenir là-dessus, je pense que c’est en partie mal compris, parce qu’il est facile de dire que c’était délibéré, il est facile de dire qu’ils l’ont caché à dessein, il est facile de dire qu’ils savaient cela et ne l’ont pas partagé. Le contre-terrorisme n’était pas du tout une priorité à la NSA. Ça ne l’était tout simplement pas. Le bureau qui s’en occupait était un coin perdu d’environ 20 personnes. J’ai eu l’occasion de travailler largement avec eux, en particulier après le 11-Septembre. Eux-mêmes se plaignaient que tous les rapports qu’ils avaient émis depuis des années, principalement en réponse au mémo de Tenet […], tombaient en permanence dans l’oreille d’un sourd.

JAY : Mais la présidence Clinton l’avait pris suffisamment au sérieux pour nommer Richard Clarke à une position de membre du cabinet présidentiel. Je veux dire, c’est prendre le terrorisme au sérieux. C’est la présidence Bush qui le rétrograde.

DRAKE : Oui, parce que Cheney ne lui faisait pas du tout confiance.

JAY : Donc pourquoi ne pas le remplacer et mettre quelqu’un d’autre au niveau du cabinet présidentiel ?

DRAKE : Parce qu’il était en travers du chemin, et la possibilité qu’il puisse dire quelque chose d’inopportun. Ils ne lui faisaient pas confiance. Donc si vous ne faites pas confiance aux gens, de toute évidence vous ne pensez pas pouvoir les contrôler.

JAY : Et vous avez dit […] que Cheney avait mis sur pied son propre canal de communication informel pour recevoir directement des renseignements. 

DRAKE : C’est extraordinaire. Il avait carrément créé le sien – avec tous les principaux leaders et même plus, jusque dans les entrailles de chaque agence.

JAY : Donc si la NSA ne fait pas du terrorisme une priorité, n’est-ce pas une volonté de ne pas en faire une au moment où vous recevez toutes ces informations indiquant qu’il y a des menaces si sérieuses que…

DRAKE : Oui, mais vous avez aussi d’énormes quantités d’information. Vous devez vous souvenir qu’une partie du problème était la surabondance d’information. On était simplement submergé. Je me souviens que le FBI parlait même avec moi des quantités énormes d’information qui arrivaient avant le 11-Septembre. Comment faire le tri là-dedans ? Comment interpréter tout cela ? C’était le défi auquel faisait face la NSA, et une des raisons pour lesquels j’ai été embauché. Comment comprendre – dans un flux massif de données, des océans de données en fait, comment trouver les gouttes qui comptent ? Et ça faisait partie du défi.

JAY : Mais Tenet dit que c’est la plus haute priorité à laquelle sont confrontés les États-Unis. Donc ils ont passé tout cela au crible et sont arrivé à la conclusion…

DRAKE : Dire que c’est une priorité ne signifie pas que vous allez forcément trouver ce qui est une priorité. Ça fait partie de la confusion. Dire que ça l’est, en vertu de ce qu’on savait à l’époque, mais vraiment trouver ces éléments pour pouvoir agir… Rappelez-vous que les renseignements, c’est fondamentalement une histoire d’indices et d’alerte. Vous avez besoin d’indices, mais ensuite vous devez en faire part sous forme d’alerte. C’est ce qu’on appelle des tipoffs [renseignements, ndt.]. Ils alertent les gens. Mais si vous ne faites pas ça et qu’une action n’est pas prise, peu importe que Tenet reste assis là à brailler toute la journée que le ciel va s’effondrer quand c’est effectivement le cas. Je peux garder ma tête enfoncée dans le sable pendant un long moment parce que rien ne s’est encore produit.

JAY : Oui, à part que des choses avaient déjà eu lieu.

DRAKE : Rien n’est arrivé à l’intérieur de la patrie entre guillemets.

JAY : Enfin, ils avaient déjà attaqué le World Trade Center, comme vous l’avez mentionné plus tôt.

DRAKE : Ça avait été oublié en quelque sorte.

JAY : Je ne vais pas vous lâcher là-dessus.

DRAKE : Pas de problème. J’avoue que ça fait partie de la contradiction. […] C’est une contradiction fondamentale.

JAY : On peut suivre une partie de la conversation et vous dîtes qu’ils ont laissé faire, et d’un autre côté…

DRAKE : Il était commode de laisser faire. Sachant que quelque chose pourrait arriver, pourquoi voudriez-vous faire en sorte de l’empêcher ? Parce qu’en le laissant se produire, vous aviez votre excuse. Cheney avait été clair, très clair sur le fait que ce qu’il voulait, c’était rétablir l’autorité du président.

JAY : Et dans le Projet pour le Nouveau Siècle Américain [8], ils se manifestent en disant tout ce que nous devrions faire afin de consolider l’armée américaine, puis la puissance politique dans cette ère post-soviétique, que nous avons besoin d’un nouveau Pearl Harbor, car le public américain n’a plus le goût de la guerre.

DRAKE : C’est la raison pour laquelle je dis qu’il était opportun de permettre aux événements de suivre leur cours, et peu importe ce qui pourrait arriver. Sachant que quelque chose pourrait arriver, pourquoi voudriez-vous l’empêcher ?

JAY : C’est pourquoi je dis que la dépriorisation n’est pas involontaire.

DRAKE : Oui, je suis d’accord. Ça ne l’est pas. Mais si vous êtes à la NSA, […] la grande majorité de la NSA ne s’occupe pas de contre-terrorisme. Ils font toutes les choses traditionnelles.

JAY : Dans le même genre, j’ai interrogé Coleen Rowley. […] Elle a dit lors de l’interview, car je lui ai posé une question plus ou moins similaire, elle a dit que Cheney avait spécifiquement dit au FBI de ne pas prioriser le terrorisme. Il s’agissait de véritables instructions, stipulant que ce n’était pas une priorité de leur administration, et selon elle c’est une des raisons pour lesquelles le FBI ne prêtait pas vraiment attention à ce qu’ils avaient découvert à Minneapolis.

DRAKE : Ça n’a pourtant toujours aucune importance. Je sais que c’est un facteur important de dire que ça ne l’est pas, mais vous avez l’obligation sous la constitution de pourvoir à la défense commune. Si vous avez des informations allant jusqu’à indiquer que quelque chose se prépare et que ça va être vraiment sérieux, vous avez l’obligation de les partager, vous devez alerter vos responsables, vous devez prendre des mesures pour l’empêcher. Toute la question est là. […] Comme je l’ai dit précédemment, tout ce processus a été bouleversé par Cheney et compagnie. […] Ce que je dis, c’est que le système lui-même a été mis de côté. Les canaux secrets sont ceux qui ont été utilisés. Et ils savaient bien mieux que n’importe qui d’autre que quelque chose d’important allait se produire. Ils ne savaient pas vraiment l’heure exacte ou la date. […] Ils savaient qu’ils avaient passé beaucoup de temps à préparer leur coup, à faire des observations, à tester à quel point le système était sécurisé ou non, en particulier nos compagnies aériennes, et tous les mécanismes de sécurité.

JAY : Une des choses qui est ressortie de l’enquête conjointe du congrès présidé par Bob Graham, ce sont les fameuses 28 pages de ce rapport. Et Graham a reconnu – ce qu’a aussi rapporté la presse – que ce qu’il y a dans ces 28 pages est une preuve, disent-ils, du rôle direct des Saoudiens dans le financement et la facilitation des attentats – et, d’après Graham, celui du gouvernement saoudien. Si c’est vrai, la NSA devait entendre tout cela. Cela doit faire partie de ce que la NSA ne transmet pas. Il ne s’agit pas seulement des informations à San Diego. Ils doivent bien être au courant de cette connexion saoudienne.

DRAKE : Oui, mais c’est politique. C’est de la géopolitique au plus haut niveau. Vous ne pouvez pas vous opposer au président sur ce terrain, ou le vice-président d’ailleurs. C’est très sérieux. Vous touchez là au cœur du gouvernement de l’ombre, ce que j’appelle le double gouvernement. C’est l’autre gouvernement en action. Il a été mis sur pied de telle manière que vous allez forcément protéger les Saoudiens. Et oui, clairement les Saoudiens avait un énorme… la plupart des pirates venaient d’Arabie Saoudite. […]

[…]

JAY : Quand vous parlez de questions troublantes au cœur de cet État de l’ombre, pensez-vous qu’une des raisons pour lesquelles rien n’a été fait vis-à-vis de ce que savait la NSA avant le 11-Septembre, tient du fait que si la commission de Graham dit vrai, cela aurait conduit aux Saoudiens ?

DRAKE : En partie, oui. Mais ils ont également été embarqués aux plus hauts niveaux du gouvernement. Et ce n’est pas seulement la NSA, mais la NSA est une agence secrète de renseignement militaire. Elle a été créée en vertu d’un trait de plume par le président Truman. Son existence n’a jamais été légiférée. Elle était secrète. Il s’agit de renseignement militaire. Vous devez comprendre ce que fait vraiment cette agence. Elle est dirigée en ce moment par un général 4 étoiles. Vous savez, c’est un ordre militaire. C’est une règle militaire. Elle n’est pas dirigée par un civil. Elle répond historiquement du département de la Défense. Aujourd’hui, nous avons le DNI [Director of National Intelligence, directeur du renseignement national, ndt.]. La NSA a régulièrement enfreint les lois américaines, même avant les années 1970. Pas tout, mais une bonne partie a été révélé dans les commissions Church et Pike, et même la commission Rockefeller. Je pourrais démontrer que la NSA a enfreint la loi la majeure partie de son histoire. Souvenez-vous que c’était les renseignements extérieurs. Vous êtes conçu pour enfreindre – peu importe les règles ou les lois qui étaient en vigueur dans chaque pays : vous deviez recueillir tout ce qui était nécessaire pour les besoins de la sécurité nationale. Et la sécurité nationale relève du président. […] C’est l’État de sécurité nationale.

[…]

JAY : Et vous pensez que [la surveillance de masse] a été créée de toute pièce après le 11-Septembre, il n’y a pas de préméditation ?

DRAKE : Non, tout cela remonte à 1947. Je daterais la genèse de l’État de sécurité nationale à 47.

JAY : Donc c’est tirer profit des crises pour mettre en œuvre les choses qui ont été élaborées.

DRAKE : Bien sûr, oui. Et je suis au courant d’autres choses qui se sont produites concernant les dispositions d’urgences en cas de crises nationales.

JAY : Par exemple ?

DRAKE : La COG, vous connaissez la continuité du gouvernement, n’est-ce pas ? Je suis au courant des mécanismes qui ont été mis en place depuis la Guerre Froide, […] qui instaurent essentiellement la loi martial, une loi martiale virtuelle, et une loi martiale réelle si nécessaire. Toute cette réflexion, pas seulement conceptuelle, mais toute la planification, toute la mentalité, la vision étaient déjà en place.

[…]

JAY : Et quelle définition avez-vous ou ont-ils des intérêts de la sécurité nationale ?

DRAKE : Les intérêts de la sécurité nationale sont ce qu’ils définissent en fonction des besoins à protéger pour ceux qui sont au pouvoir et les politiques qu’ils mettent en œuvre. Ça n’a pas grand chose à voir avec la liberté et la vraie sécurité.

JAY : Quand j’ai posé cette question à Larry Wilkerson, […] sa réponse était qu’en dernière analyse, ce qui le secouait le plus est la banalité des intérêts au bout du compte, car c’est une question d’argent en réalité. C’est vraiment…

DRAKE : A vrai dire, je soutiens très fortement l’argument économique – que tout ça n’est qu’une entreprise. […] Les gens se sont fait beaucoup d’argent. Car c’est en partie ce dont j’ai été le témoin privilégié. Juste pour vous donner un exemple, juste après le 11-Septembre, nous savions que nous avions échoué à protéger la nation. Les gens ont vraiment été affectés par cela, car notre responsabilité était de pourvoir à la défense commune, et nous ne l’avons pas fait, donc près de 3000 personnes ont été tuées. Donc nous avons fait le tour du campus. J’étais avec Maureen Baginski. Devinez quelle a été son explication ?

JAY : Qui est-ce ?

DRAKE : Maureen Baginski, la directrice des renseignements électromagnétique [Signals Intelligence ou SIGINT, ndt.], ma supérieure, une personne très exposée, car c’est de loin la plus grosse organisation à la NSA. C’est la partie offensive de la NSA, pas la partie défensive. Vous savez, c’est la mission principale de la NSA. Et son explication, c’est que le 11-Septembre était un cadeau pour la NSA. Et ensuite elle a dit qu’on allait recevoir tout l’argent qu’on voulait et même plus. Il était clair que ce n’était pas qu’un échec et qu’il allait maintenant en résulter un paquet d’argent.

[…]

DRAKE : Soyons francs, ils cherchaient une excuse pour envahir l’Irak avant le 11-Septembre. Ils l’ont eue. C’était la véritable priorité en termes de ce que nous ferions militairement à l’étranger.

JAY : Dès le premier jour.

DRAKE : Oui, dès le premier jour.

[…]

JAY : Donc si depuis le début leur priorité absolue en matière de politique étrangère est l’invasion de l’Irak, ce n’est pas très surprenant s’ils dépriorisent le terrorisme, parce qu’après tout, ce serait une bonne excuse […] pour ce qui est leur priorité numéro un, n’est-ce pas ?

DRAKE : Et ensuite relier ça de façon opportune, en faisant croire que l’Irak avait quelque chose à voir avec le 11-Septembre – ce qui était totalement fabriqué bien sûr. Ça n’avait absolument rien à voir avec le 11-Septembre.

[…]

DRAKE : […] En fait, je n’ai jamais été interrogé par la Commission du 11-Septembre.

JAY : Pourquoi ?

DRAKE : Parce que je pense que mon témoignage était trop explosif. C’était la preuve formelle d’une culpabilité de la NSA.

JAY : […] Nous avons parlé plus tôt du fait que la NSA, grâce à ses écoutes, avait la preuve que ces deux types à San Diego, qui se sont retrouvés sur le vol d’American Airlines, étaient liés à ce qui était connu pour être le standard d’Al-Qaïda au Yémen, et je suis persuadé qu’il y avait plus que ça.

DRAKE : Oh, beaucoup plus en réalité. Ce n’en était qu’une partie. En fait, ils avaient préparé un rapport de renseignement complet des mois à l’avance. C’est au début de 2001 que la NSA a refusé d’en autoriser la distribution au reste de la communauté du renseignement. Et les analystes étaient furieux. Je n’ai découvert ça que peu de temps après le 11-Septembre, quand on me l’a apporté.

JAY : Que contenait-il ?

DRAKE : Le réseau entier de ce que nous connaissions à l’époque, sur la base de renseignements électromagnétiques.

JAY : Tout le réseau qui a fini par faire le 11-Septembre ?

DRAKE : Tout le réseau Al-Qaïda et le mouvement associé, oui. Pas tous les pirates, mais la plupart d’entre eux étaient connus, oui.

JAY : Bon, revenons à ce dont nous parlions un peu plus tôt. Il y a un canal de communication informel avec Cheney. Vous ne pouvez pas vous asseoir là-dessus.

DRAKE : Bien sûr que non. […] C’était l’autre réseau de renseignement. Il ne pouvait pas se fier à ce qui était en place depuis 1947. C’est une des ironies de l’histoire. Cheney lui-même ne pouvait pas se fier à l’ancien système d’alerte et d’avertissement qui avait été mis en place en 1947, et dans lequel nous n’aurions plus jamais un autre Pearl Harbor.

JAY : A moins d’en vouloir un.

DRAKE : Il savait qu’il faudrait quelque chose comme ça. On va mettre ça clairement sur la table de nouveau, car on se répète. Il savait qu’au 21ème siècle, il faudrait quelque chose comme un 11-Septembre pour que les Américains cèdent au gouvernement tout ce qui était nécessaire de mettre en oeuvre, et ce quoi qu’il arrive. Pearl Harbor a fait pour nous – pour notre entrée dans la Seconde Guerre mondiale, ce que le 11-Septembre a fait pour tout ce qui a été déclenché en secret. Cela inclut la surveillance de masse. Cela inclut le régime de torture. Et tout le reste.

[…] 
 

Lire ou écouter la suite / l’entretien complet en anglais sur le site de The Real News Network.

 

Traduction : Sébastien pour ReOpenNews
 


Note de la rédaction :

[1] La présidence impériale se traduit par une affirmation du pouvoir de la Maison Blanche sur le Congrès américain. Voir l’article de Laure Mandeville, Les pouvoirs élargis de la présidence américaine, le 7 novembre 2008 dans Le Figaro.

[2] Le préambule de la Constitution des États-Unis stipule : « Nous, le Peuple des États-Unis, en vue de former une Union plus parfaite, d’établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d’assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d’Amérique. » (Wikipédia)

[3] « United States person » est un statut défini par la NSA comme toute personne résidant sur le sol des États-Unis, incluant les citoyens américains, les étrangers disposant d’un titre de séjour temporaire ou permanent, ainsi que les entités morales comme les associations ou les sociétés. (Wikipédia)

[4] « Le cabinet est aux États-Unis la réunion des membres les plus importants de l’exécutif du gouvernement fédéral américain. […] Les membres du cabinet sont nommés par le président puis présentés au Sénat des États-Unis pour avis et consentement. » (Wikipédia)

[5] Selon Wikipédia, « le President’s Daily Brief (PDB) est un document présenté chaque matin au président des États-Unis, contenant un résumé d’informations classifiées en lien avec la sécurité nationale, collectées par différentes agences de renseignement américaines. » Le rapport daté du 6 août 2001 alertait George W. Bush que « Ben Laden est déterminé à frapper aux États-Unis ». Son existence a été révélée en mai 2002 mais son contenu n’a été déclassifié qu’en avril 2004. Il évoque entre autres la possibilité d’un détournement d’avion et la surveillance de bâtiments à New York.

[6] Nous avons remplacé Seattle par San Diego, Paul Jay ayant visiblement fait un lapsus dans l’interview originale.

[7] Voir notre vidéo sur les mensonges de l’administration Bush sur la Défense US.

[8] Lire le document Reconstruire les défenses de l’Amérique du Projet pour un Nouveau Siècle Américain (PNAC) traduit en français sur ReOpen911 : http://www.reopen911.info/1595.html 
 


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3 Responses to “Thomas Drake, l’homme qui en savait trop sur le 11-Septembre”

  • Kikujitoh

    Excellent article. Merci.

  • Doume

    On avance, doucement mais on avance…

  • Phrygane

    Curieux (enfin non, pas vraiment) que nos journaleux, bons chic, bon genre, connaissant aujourd’hui les pouvoirs d’écoute de la NSA ( et 2001, c’est pas la préhistoire…) ne trouvent toujours pas à s’étonner que les USA se soient laissés surprendre à ce point.

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