New York Times : Un ancien sénateur US poursuit la piste saoudienne sur le 11-Septembre

 

 


"Je pense que le peuple américain a le droit de savoir la vérité
sur ce qui a été fait en son nom" Bob Graham



 


 

L’ancien sénateur de Floride poursuit la piste saouditenne sur le 11-Septembre

Par Carl Hulse pour le New York Times, le 13 avril 2015

Traduit par François pour ReOpenNews

Miami Lakes, Floride – Cet épisode aurait pu figurer dans le thriller [1] sur le rôle mystérieux de l’Arabie Saoudite dans les attentats du 11-Septembre, écrit par l’ancien Sénateur de Floride, Bob Graham.

Un haut représentant du FBI organise une réunion impromptue à l’aéroport International de Dulles, près de Washington, avec M. Graham, l’ancien président de la commission du renseignement du Sénat, après que ce dernier ait insisté pour avoir des informations sur une enquête du FBI liée au terrorisme. M. Graham, un Démocrate, est ensuite transféré vers une destination inconnue où il espère une avancée dans sa longue quête concernant des liens entre des dirigeants Saoudiens et les pirates du 11-Septembre.

Cette rencontre a eu lieu en 2011 et elle a pris une tournure inattendue. "En résumé, il m’a dit de trouver un autre passe-temps", a déclaré M. Graham à propos de l’agent du FBI qui suggérait que l’enquête menée par l’ancien sénateur était sans issue.

M. Graham, 78 ans, a été Gouverneur de Floride pendant deux mandats, Sénateur pendant trois mandats, et a quitté le Capitole en 2005. Il a dit qu’il ne relâcherait pas ses efforts pour obliger le gouvernement à publier la partie classifiée d’un rapport qu’il a contribué à écrire et qui, sur de nombreux points, met en cause des citoyens Saoudiens qui auraient fourni une assistance aux pirates.

"Tout d’abord, je pense que le peuple américain a le droit de savoir la vérité sur ce qui a été fait en son nom", déclare M. Graham, qui co-présidait l’enquête conjointe du Congrès de 2002 sur les attentats terroristes. "Ensuite, justice doit être rendue aux familles qui ont perdu des proches et dont les efforts pour obtenir une compensation ont été, jusqu’ici, largement ignorés par le gouvernement américain."

Il indique également que la sécurité nationale est en jeu en suggérant que, puisque aucun représentant Saoudien n’a été tenu responsable pour les événements du 11-Septembre, on ne les a pas empêchés d’apporter leur soutien à l’expansion de l’extrémisme islamique qui menace les intérêts américains. Les dirigeants Saoudiens ont toujours nié avoir eu un lien quelconque avec le 11-Septembre.

L’intérêt que porte M. Graham à une possible implication de l’Arabie Saoudite a fait l’objet d’un regain d’attention lorsque des familles de victimes ont déclaré devant une cour fédérale de New York que l’Arabie Saoudite avait aidé les pirates du 11-Septembre et après qu’une action en justice ait été engagée contre le FBI en Floride dans le cadre de la loi sur la liberté de l’information (FOIA – Freedom Of Information Act).

Dans ces deux affaires, M. Graham a déclaré sous serment qu’il existait des preuves d’une assistance du Gouvernement Saoudien aux terroristes. Il a également indiqué que le FBI avait dissimulé le fait qu’une enquête avait été menée sur une famille saoudienne résidant à Sarasota (Floride) et qu’elle avait mis au jour de nombreux contacts entre cette famille et des pirates qui s’entraînaient au pilotage dans les environs, jusqu’à ce que cette famille s’enfuie précipitamment juste avant les attentats.

Malgré les dénégations du FBI, M. Graham indique qu’il n’existe aucune preuve que le Bureau de Floride ait jamais fait remonter ces informations aux instances supérieures du FBI ni à la Commission nationale qui a enquêté sur les attentats et produit un rapport en 2004.

"Une des choses qui m’irrite, c’est que le FBI a transformé une simple dissimulation, en essayant d’éviter que ces éléments ne soient dévoilés, en ce que j’appelle une tromperie agressive", a déclaré M. Graham lors d’une interview dans un Office Familial [2] de la banlieue de Miami constitué sur la base d’une coopérative laitière dirigée par le père de M. Graham, qui fut également un dirigeant politique de Floride.

Le FBI a balayé toutes ces critiques. Dans un nouveau rapport du Bureau relatif aux attentats du 11-Septembre, une commission de 3 personnes a produit une déclaration attestant que la famille de Sarasota n’avait rien à voir avec les pirates ou les attentats. Ce nouveau rapport jetait la faute sur le document initial du FBI qui évoquait de "nombreuses connexions" entre cette famille et les terroristes et montrait du doigt un agent spécial qui, lorsqu’il fut interrogé par le Bureau, fut incapable de fournir le moindre élément sur le contenu de ce document ni d’expliquer pourquoi il avait fait ces déclarations."

Néanmoins, un juge fédéral de Floride examine actuellement un dossier contenant environ 80 000 documents en lien avec l’enquête effectuée par le FBI en Floride afin de déterminer ce qui peut être rendu public. M. Graham laisse entendre que parmi ces documents, il pourrait y avoir les photos et les enregistrements de véhicules liés aux pirates qui entrent dans le quartier résidentiel sécurisé où habitait la famille de Sarasota.

" Ce serait une preuve irréfutable," a déclaré M. Graham.

Cette affaire a fait l’objet d’un regain d’attention cette année lorsqu’un ancien membre d’al-Qaïda a déclaré que des membres éminents de la famille royale d’Arabie Saoudite avaient fait des dons importants à des réseaux terroristes à la fin des années 90. La lettre de Zacarias Moussaoui [envoyée fin 2014 à la cour fédérale de New York, Ndt] évoque une déclaration de l’Ambassade Saoudienne qui affirme que la Commission d’Enquête sur le 11-Septembre a rejeté les allégations selon lesquelles des Membres du gouvernement Saoudien avaient financés al-Qaïda.

La renommée de M. Graham a pesé sur la demande de déclassification des 28 pages du rapport d’enquête du Congrès et sur le combat juridique visant à rendre public les documents du FBI relatifs à l’enquête sur la famille Saoudienne de Sarasota.

"Il nous a toujours aidé à attirer l’attention sur ce point," déclare Dan Christensen, fondateur et rédacteur en chef du Florida Bulldog, le journal d’investigation en ligne qui a engagé les poursuites contre le FBI et le Département de la Justice au nom de la FOIA.

Le refus de M. Graham de laisser tomber ce que beaucoup dans la communauté du renseignement considèrent comme des questions réglées depuis longtemps, a provoqué un certain nombre de critiques suggérant que l’ancien Sénateur était hors-jeu depuis trop longtemps et faisait la chasse à des complots imaginaires dans le but de garder toute leur pertinence à ses conférences et à ses ouvrages. Les responsables du renseignement indiquent que les réclamations concernant les 28 pages classifiées ont été examinées par la Commission d’Enquête et se sont avérées sans fondement.

Certains, parmi ses anciens collègues, ne sont pas si pressés d’écarter un législateur qui avait tiré la sonnette d’alarme contre l’invasion de l’Irak. Il avait prévenu que se focaliser sur l’élimination de Saddam Hussein affaiblirait les efforts engagés pour débarrasser l’Afghanistan d’al-Qaïda, que M. Graham considérait comme une menace bien plus importante pour les États-Unis.

"Bob Graham a prouvé sa clairvoyance sur beaucoup de sujets," indique Jane Harman, l’ancienne représentante de la Californie au Congrès qui fut la responsable Démocrate du Comité sur le Renseignement de la Chambre des Représentants.

M. Graham n’a jamais été un des membres les plus en vue du Sénat. Il était plutôt considéré comme un législateur prudent et scrupuleux, toujours prêt à fouiller dans les détails arides de la politique. Sa réputation peu glamour a sans doute contribué à son incapacité à se rendre populaire lors de la campagne pour la présidence du Parti Démocrate en 2003. Mais ses collègues le décrivent également comme un homme difficile à décourager.

"Bob est quelqu’un de calme mais lorsqu’il est sur quelque chose, c’est comme un chien avec un os," a déclaré Tom Daschle, l’ancien Président du groupe Démocrate au Sénat.

A noter que sa femme, Adèle, lui reproche de "ne pas avoir vraiment pris sa retraite". En effet, M. Graham reste impliqué dans de nombreuses causes concernant cet État et notamment la Coalition pour la Préservation de la Floride. Il a également écrit plusieurs livres, dont le roman à suspense sur le 11-Septembre "Les clés du Royaume" et transmis son intérêt pour la politique et le service public à ses quatre filles dont une, Gwen, a été élue à la Chambre des Représentants l’année passée.

M. Graham a déclaré qu’il voulait simplement s’assurer que tous ceux qui étaient impliqués dans les attentats du 11-Septembre répondraient de leurs actes.

"Pour moi, la question très simple, et pour laquelle il n’y a toujours pas de réponse, est la suivante : Est-ce que les 19 pirates ont agi seuls ou est-ce qu’ils ont été aidés par quelqu’un aux États-Unis ?", a-t-il dit. "La position officielle du gouvernement américain est qu’ils ont agi seuls."

"Ma seule motivation est d’essayer de répondre à cette question : Ont-ils agi seuls ou disposaient-ils d’une assistance qui a rendu possible le 11-Septembre?"
 

Notes du traducteur : 
[1] En référence au roman "Keys to the Kingdom" publié par Bob Graham en 2011.
 
[2] Family Office : Compagnie privée chargée de gérer le patrimoine d’une famille et dirigée par un ou plusieurs membres de cette famille.
 

 

2 Responses to “New York Times : Un ancien sénateur US poursuit la piste saoudienne sur le 11-Septembre”

  • Phrygane

    « Ma seule motivation est d’essayer de répondre à cette question : Ont-ils agi seuls ou disposaient-ils d’une assistance qui a rendu possible le 11-Septembre? »

    Question pertinente…et dont la réponse pourrait-être complexe.

  • chb

    @ Phrygane :
    la question « d’une assistance qui a rendu possible le 11-Septembre » est pertinente, mais les éléments de réponse fournis pointent apparemment vers un bouc émissaire. S’il s’avère que les 19 porteurs de cutters ne sont pas suffisants, ouvrir un autre parapluie est utile.
    L’autre affaire de révélation, celle qui concerne les circonstances tarabiscotées de l’improbable assassinat de ben Laden, est dirigée cette fois contre les pakistanais. Sachant que les régimes saoudien et pakistanais sont sous la coupe de Washington, on peut supputer des rideaux de fumée – soufflés par de pléthoriques services qui s’ennuient.

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