Surveillance de masse : Graves complicités françaises publiques et privées

 

 


Surveillance de masse : Graves complicités françaises publiques et privées

Par La Quadrature du net, le 24 mars 2014

 

Depuis mai 2013, notamment grâce aux documents fournis par le lanceur d’alerte Edward Snowden, les révélations concernant les pratiques extra-légales des autorités françaises en matière de surveillance des communications Internet se multiplient. Après le vote de la loi de programmation militaire fin 2013 et les dernières révélations concernant la collaboration entre les services de renseignement et l’opérateur Orange, le gouvernement doit mettre fin à son silence assourdissant pour permettre la tenue d’un débat démocratique sur l’étendue des pratiques de surveillance. Au delà, la France doit œuvrer à réformer sa législation afin de respecter le droit international en matière de protection de la vie privée.

Dans son édition du 21 mars dernier, Le Monde s’appuie sur les documents fuités par Edward Snowden pour lever un peu plus le voile sur les pratiques des autorités françaises en matière de surveillance d’Internet. Le journal met notamment en exergue la collaboration de l’opérateur Orange et les services de renseignement français, lesquels disposeraient « d’un accès libre et total à ses réseaux et aux flux de données qui y transitent » en dehors de tout cadre légal. Ces informations témoignent des dérives auxquelles aboutit le passage au secteur privé des hauts fonctionnaires en charge de fonctions régaliennes liées à la sécurité nationale. Elles s’ajoutent aux informations déjà publiées concernant notamment le transfert massif de données entre les services français et la NSA américaine (accord LUSTRE), ou la mise en place d’un large dispositif d’interception des flux circulant sur les réseaux internationaux avec l’appui d’entreprises comme Alcatel-Lucent ou Amesys. Le Monde indique être en possession de nombreuses pièces encore inexploitées et à partir desquels ses journalistes poursuivent leur travail d’investigation.

Alors que depuis plus de huit mois est détaillée l’étendue des pratiques de surveillance d’Internet par les États-Unis et le Royaume-Uni, mais aussi par leurs alliés comme la France ou l’Allemagne, l’absence de toute réaction politique substantielle au niveau français est révélatrice de l’hypocrisie des autorités. Ainsi, le président de la République François Hollande s’est adonné à de ridicules gesticulations politiques en réclamant sans succès un accord encadrant les pratiques d’espionnage des dirigeants entre les États-Unis et les pays de l’Union européenne et en appuyant l’appel d’Angela Merkel à l’édification d’un « Internet européen ». Pour autant, il se refuse à soutenir la seule mesure de poids immédiatement applicable et efficace pour œuvrer à la protection des données personnelles des citoyens européens, à savoir la suspension de l’accord « safe-harbor » entre l’Union européenne et les États-Unis, et que défend le Parlement européen.

Quant au gouvernement, le lancement de son opération de communication politique pour vanter son action dans le domaine numérique ne doit tromper personne : le projet de loi sur les « libertés numériques » promis il y a un an s’annonce comme un texte avant tout répressif (le mot « liberté » semble d’ailleurs avoir opportunément disparu de son intitulé), tandis que le premier ministre Jean-Marc Ayrault se fait l’avocat de politiques inconséquentes en matière de chiffrement des correspondances électroniques. Dans le même temps, les responsables politiques français ont l’audace de se doter d’une législation d’exception en matière de surveillance d’Internet au travers de la scandaleuse Loi de programmation militaire, tout en refusant de collaborer avec la commission d’enquête du Parlement européen consacrée aux révélations d’Edward Snowden[1]. Ce jeu de dupes doit cesser.

« Depuis des mois, l’exécutif français s’enferme dans un silence assourdissant pour échapper au débat démocratique sur la surveillance d’Internet. Cette position n’est plus tenable au vu des éléments qui s’accumulent et qui démontrent l’inquiétante fuite en avant dans ce domaine. Il est grand temps que l’ensemble des acteurs institutionnels – qu’il s’agisse de François Hollande, du gouvernement, du Parlement, de l’autorité judiciaire ou même de la CNIL – soient mis devant leurs responsabilités pour que ces graves violations des droits fondamentaux cessent et que leurs responsables soient condamnés », déclare Félix Tréguer, cofondateur de La Quadrature du Net.

« Au delà d’un débat inévitable sur la surveillance d’Internet et la nécessaire souveraineté sur nos infrastructures, la maîtrise de nos communications ne sera possible que par l’utilisation de logiciels libres, du chiffrement de bout en bout et de services décentralisés. En parallèle, une réforme législative s’impose afin que la France respecte le droit international et que les services de renseignement fassent l’objet d’un contrôle adéquat », conclut Benjamin Sonntag, cofondateur de La Quadrature du Net.

[1] Le rapport de la commission d’enquête du Parlement européen, adopté le 12 mars dernier, indique ainsi que « les parlements britannique et français n’ont (…) pas souhaité participer aux travaux de la commission » et précise que les responsables de la DGSE et de la DGSI ont refusé d’être auditionnés.


 

6 Responses to “Surveillance de masse : Graves complicités françaises publiques et privées”

  • Doctorix

    Aucune surprise la-dedans.
    Hollande n’est pas un socialiste, mais un young leader, et il est la continuité de sarkozy en tous points.
    Les pratiques, comme les lignes politiques sont strictement les mêmes.
    Le sigle UMPS nous montre chaque jour davantage sa validité.

  • Phrygane

    http://www.voltairenet.org/spip.php?page=recherche&lang=fr&recherche=+Paul+Wolfovitz

    Le lien ci-dessus renvoi à un article titré : « Paul Wolfovitz, l’âme du Pentagone »,

    Au sujet de l’Europe, on y lit ceci :

    « Dans le document qui a fuité dans la presse, l’auteur évoque un nouvel « ordre mondial [...] au finale soutenu par les États-Unis », dans lequel l’unique superpuissance n’aurait plus que des alliances conjoncturelles, au gré des conflits. L’ONU et même l’OTAN seraient de plus en plus mises sur la touche.

    Plus largement, la doctrine Wolfowitz théorise la nécessité pour les États-Unis de bloquer l’émergence de tout compétiteur potentiel à l’hégémonie états-unienne, notamment les « nations industrielles avancées » telles que l’Allemagne et le Japon.

    Particulièrement visée, l’Union européenne : « Bien que les États-Unis soutiennent le projet d’intégration européenne, nous devons veiller à prévenir l’émergence d’un système de sécurité purement européen qui minerait l’OTAN, et particulièrement sa structure de commandement militaire intégré ».

    Les Européens seront ainsi priés d’inclure dans le Traité de Maastricht une clause subordonnant leur politique de défense à celle de l’OTAN [6], tandis que le rapport du Pentagone préconise l’intégration des nouveaux États d’Europe centrale et orientale au sein de l’Union européenne, tout en leur faisant bénéficier d’un accord militaire avec les États-Unis les protégeant contre une éventuelle attaque russe [7]

    Après le scandale provoqué par la publication prématurée du document, Paul Wolfowitz se désolidarise un temps de sa rédaction, avant que le soutien de Dick Cheney à Khalilzad ne le convainquedes’y rallier.
    En réalité, l’assistant de Wolfowitz, Scooter Libby,qui va se charger de la seconde version du rapport, va même aller plus loin.

    S’il évite de désigner nommément l’Union européenne, il théorise explicitement la nécessité pour les États-Unis d’acquérir une supériorité militaire telle qu’elle décourage toutes les puissances émergentes de tenter de les concurrencer. »

    C’est la limite de la collaboration des Etats européens avec le pouvoir US : celui-ci ne veut que l’hégémonie et non pas, bien sûr, le développement d’une Europe puissante économiquement (d’où la crise des « subprimes ») et indépendante politiquement et militairement.

    Un jour ou l’autre cela apparaîtra clairement puisque l’un compte sur la faillite de l’autre (quitte à piéger son adversaire) pour espérer se remettre sur pied.

  • Phrygane

    http://www.bilan.ch/editoriaux/mz/si-vous-ne-croyez-pas-une-guerre-economique

    Pour les curieux, une explication lumineuse et…neutre puisque tirée d’un journal économique suisse, sur le sujet des relations entre Europe et USA.

  • Marcel Chapoutier

    Bien sûr, mais si on réfléchit 2 minutes, quel est l’événement qui a permis ces nombreuses entorses aux libertés publiques dans tout les pays occidentaux par le biais de lois « antiterroristes ». Qui a permis aussi un réarmement massif et un boum des fabricants d’armes terrifiantes grâce à des guerres y compris civiles dans de nombreux pays notamment au moyen orient.

    Bien sûr tout le monde a deviné c’est grâce au……11/09/01. C’est d’ailleurs à cause de toute ces conséquences probables du 11/09 que j’ai commencé à avoir de très forts soupçons sur le déroulement des événements, tels que l’on nous les présentait dans les médias et depuis ce que je craignais n’a fait que se confirmer.

  • kidkodak

    02-05-2014
    Èxcellent débat sur la surveillance de masse:
    Intervenants: Glenn Greenwald Alexis Ohanian Michael Hayden et Alan Dershowitz.
    The Intercept
    https://firstlook.org/theintercept/2014/05/02/livestream-munk-debate-surveillance-greenwald-hayden/

  • lista

    Comme quoi faut se protéger et arrêter de croire qu’on est pas surveiller.

    Voir ici comment protéger un minimum son anonymat : http://tlime.com/comment-changer-son-adresse-ip-et-proteger-son-anonymat/

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