« Nos (nouveaux) terroristes » : Le MEK, un air de film déjà-vu ?

Vous avez encore des doutes sur les multiples stratégies de manipulation du terrorisme international par la "Machine de Guerre américaine" et ses satellites occidentaux ? Vous doutez aussi que cette situation ait perduré au-delà des années 80, lorsque les USA contrèrent les armées soviétiques en Afghanistan en aidant les talibans par la formation de combattants moudjahidins devenus "Al-Qaïda", aujourd’hui réembauchés en Libye puis en Syrie ? Vous doutez toujours de l’extension de ces opérations, de leur initiation même à leur projection avec la logistique d’appui nécessaire aux 4 coins du monde (notamment Kosovo, Afghanistan, Irak, Libye, Syrie) ? Enfin, vous ne soupçonnez pas l’étendue de la corruption interne que nécessite cette politique ? Voici donc notre traduction d’un excellent article de synthèse de la célèbre lanceuse d’alerte Coleen Rowley, qui analyse le cas tout à fait actuel du MEK (plus connu en France sous le nom de l’Organisation des Moudjahiddines du Peuple Iranien – OMPI), organisation autrefois jugée terroriste par le département d’Etat (bien que protégée depuis longtemps en Irak), et aujourd’hui officiellement délistée. Elle montre que la manipulation n’est pas seulement du fait des services secrets, agences, secrétariats et think-tanks américains, mais aussi tout simplement du gouvernement américain lui-même. Encore fallait-il témoigner et argumenter, de préférence en étant soi-même ancien agent du FBI…

Massoud Rajavi, chef de file du MEK, rend les honneurs à la manière de son mentor, Saddam Hussein


"Nos (nouveaux) terroristes" : Le Mek, un air de film déjà-vu ?

Par Coleen Rowley, ancien agent spécial du FBI, posté le 27/09/2012 sur Le Huffington Post

Traduit par François D. pour ReOpenNews
 
 
Quelle sorte de corruption ahurissante, et de la pire espèce – trafic d’influence par une "puissance étrangère" (tel que défini par la loi de 1978 sur la surveillance des services de renseignements étrangers qui inclut les groupes terroristes étrangers) – se cache derrière le rideau ? Est-ce que des membres du MEK, une "organisation terroriste étrangère", leurs antécédents meurtriers effacés comme par miracle, pourraient être envoyés dans une charmante banlieue et devenir votre voisin comme cela se passe dans le "programme de protection des témoins" ? Ou est-ce que le "terrorisme", bientôt légalisé, de l’organisation iranienne des Moudjahidins du Peuple (le Mojahedin-e Khalq ou MEK) trouvera une fonction plus utile , à la manière dont les néoconservateurs ont conspiré avec Ahmed Chalabi, spécialiste de la fraude bancaire déjà condamné à 22 ans de prison, et son groupe expatrié en Irak pour réunir les faux "renseignements" qui ont servi de prétextes au lancement d’une guerre injustifiée et contre-productive en Irak ? Et même pire, cette nouvelle opération avec le MEK pourrait-elle finir par ressembler à une suite du film "La guerre selon Charlie Wilson" (ndt : Charlie Wilson, représentant au congrès américain, fut l’artisan du soutien des États Unis aux moudjahidins afghans qui combattaient l’armée russe dans les années 80) ?Puisqu’il semble que nous ne retenions pas les leçons de l’histoire et que nous soyons donc condamné à répéter les mêmes erreurs, tout ce que je viens d’écrire pourrait bien être vrai. En tout cas, l’ancien scénario ne nécessitera que peu de changements.

Du MAK au MEK

Le film à succès de 2007 – La guerre selon Charlie Wilson – a permis de glorifier les prouesses d’un représentant du Congrès texan, pas très connu, pour financer une assistance secrète de la CIA aux "rebelles" moudjahidins (une faction recrutée et entraînée par Oussama ben Laden lui-même) en se basant sur le principe, contredit à maintes reprises, que "les ennemis de mes ennemis sont mes amis". Comme John Hanrahan l’a fait remarquer, Hollywood et Tom Hanks ont également trouvé une façon de masquer la vérité, à savoir que "l’expulsion des soviétiques en 1989 par les moudjahidins, avec l’aide des États Unis, a finalement conduit à la guerre civile et à l’arrivée au pouvoir des Talibans en 1996, un événement qui a également permis au combattant anti-soviétique Oussama ben Laden et à son organisation naissante Al-Qaida de poser les bases des futurs attentats du 11 septembre."

  • … Oussama ben Laden est arrivé dans le pays … envoyé par le responsable du renseignement saoudien de l’époque, le Prince Turki ben Faisal, où il mit sur pied le Maktab al Khidamat (MAK) qui a contribué au financement, au recrutement et à l’entraînement des moudjahidins. Ben Laden, le MAK et les moudjahidins afghans ont reçu près de 500 millions de dollars par an de la CIA, et à peu près autant des Saoudiens par l’intermédiaire des services de renseignement pakistanais (ISI – Inter Services Intelligence).
  • L’assistance permanente des Etats Unis aux réseaux et connections Al-Qaida – Talibans en Afghanistan a été confirmée dès 2000 lors de plusieurs auditions au Congrès américain. Dans le cadre d’une déposition devant le Sous-comité du Sénat chargé des Relations extérieures avec l’Asie du sud-est, Dana Rohrabacher – ancien conseiller spécial du Président Reagan et maintenant membre important du Comité aux relations internationales – a déclaré que "cette administration conduit une politique secrète qui a renforcé les Talibans et permis à ce mouvement brutal de se maintenir au pouvoir". Elle part de l’hypothèse que "les Talibans apporteraient la stabilité en Afghanistan et permettraient la construction de pipelines entre l’Asie centrale et le Pakistan au travers de l’Afghanistan" – extrait de "Nos terroristes" par Nafeez Mosaddeq Ahmed dans le New Internationalist Magazine.

En d’autres termes, la guerre de Charlie Wilson s’est retournée contre lui et a été un des facteurs déterminant ayant conduit aux attentats du 11 septembre. ( et accessoirement c’est une des raisons majeures pour laquelle il y a si peu d’espoir que quiconque tire les leçons de cette histoire sordide – Dana Rohrabacher se trouve être un des principaux représentants du Congrès à avoir récolté de grosses sommes d’argent auprès des groupes de façade du MEK!). Un rapport d’octobre 2010 ("Restaurer l’équilibre entre les tribus afghanes") réalisé pour New World Strategies Coalition (ndt : "La coalition pour de nouvelles stratégies mondiales" est une ONG d’origine afghane visant à pacifier et à unifier l’Afghanistan. Cet objectif est basé sur "24 solutions non militaires" à court, moyen et long terme) décrit le soutien secret américain aux moudjahidins comme suit :

  • Pendant la "guerre sainte" contre les soviétiques, l’occident judéo-chrétien a fait équipe avec des intégristes musulmans violents de la pire espèce, contre les soviétiques, parce qu’ils partageaient la même haine pour les communistes impies. Les mêmes personnes que les leaders américains appelaient des "combattants de la liberté" dans les années 80 sont devenues (dans la guerre actuelle) des terroristes "jihadistes" extrémistes et violents qui commettent des actes immoraux et d’abominables violations des droits de l’homme que tout américain ne peut que déplorer. Évidemment, avant le 11 septembre, quand ces "terroristes" se battaient contre les soviétiques, ils étaient "nos terroristes" et ces mêmes violations des droits de l’homme et crimes de guerre étaient rarement évoqués dans la presse. Aujourd’hui, les gens, et notamment les médias, ne sont pas censé se souvenir, ni mentionner, cette intéressante ironie de l’histoire.

En faisant un bond de 30 ans en avant et en changeant une seule voyelle (de MAK à MEK) on voit que l’histoire se répète presque exactement de la même manière. Il y a de nombreuses preuves que les terroristes iranien du MEK, "nos nouveaux terroristes" sont responsable de l’assassinat de scientifiques nucléaires iraniens. Des hauts fonctionnaires américains ont confirmé les accusations portées par certains leaders iraniens ainsi que le fait que des meurtres et des attentats à la bombe en Iran étaient financés, préparés et armés par les services secrets israéliens. Dans un reportage exclusif, NBC a rapporté que :

  • Les Moudjahidins du Peuple iranien ont longtemps été désignés comme un groupe terroriste par les États Unis. Ils ont été accusés d’avoir tué des militaires et des entrepreneurs américains dans les années 1970 et d’avoir apporté leur soutien à la prise de contrôle de l’ambassade américaine de Téhéran avant de rompre avec les Mollah iraniens en 1980. Les attentats, qui ont entraîné la mort de 5 scientifiques nucléaires iraniens depuis 2007 et pourraient avoir détruit un site de recherche et de développement de missiles, ont été perpétrés d’une manière spectaculaire, par des agresseurs en moto collant des bombes magnétiques sur les voitures de leurs victimes – Extrait d’un reportage exclusif NBC de février 2012.

En avril de cette année, Seymour Hersh (ajout photo ci-contre) déclarait dans un article du New Yorker intitulé "Nos hommes en Iran" que les membres du MEK étaient également entraîné au Nevada par le Commandement du Groupe Opérationnel Interarmées – JSOC (ndt : le JSOC est chargé de diriger et de coordonner les unités des forces spéciales des différentes branches de l’armée américaine) pour conduire des missions secrètes visant à renverser le gouvernement iranien.

Les commentaires suivants proviennent de l’excellente analyse réalisée par Flynt et Hillary Mann Leverett, ex-experts en sécurité, sur les volte-faces politiques des États Unis, "En retirant le MEK de la liste des groupes terroristes, l’administration Obama amplifie la banqueroute de la politique morale et stratégique de l’Amérique" :

  • Nous avons si souvent vu, au fil du temps, avec quel cynisme les administrations américaines successives ont joué avec ces catégorisations, ajoutant ou retirant des organisations et des pays pour des raisons très éloignées de leur implication effective dans les activités terroristes. Après tout, c’est précisément parce que nous savons combien ces processus de désignation sont profondément corrompus et politisés que nous reconnaissons leur importance en tant qu’éléments marquants de politique à l’américaine.
  • Aujourd’hui, l’administration Obama a fait une déclaration vraiment horrible concernant la politique US à l’égard de l’Iran… Cette année, des agents des services de renseignement américain ont déclarés à des médias de premier plan que le MEK collaborait activement avec les services de renseignement israélien pour assassiner des scientifiques nucléaires iranien, [voir ici] ; Les autorités iraniennes ont porté les mêmes accusations. Depuis quand le meurtre de civils désarmés (et, dans certains cas, les membres de leur famille également) en pleine rue, au centre d’une zone urbaine très peuplée (Téhéran) n’est-il pas du terrorisme selon les propres standards du gouvernement américain ?
  • En Amérique, l’administration Obama accepte une organisation que le Gouvernement américain sait être impliquée directement dans le meurtre d’innocents et donne à ce groupe un "label de bonne conduite"." … Vous pouvez compter là-dessus : Une fois que le MEK sera retiré de la liste des organisations terroristes étrangères (FTO list) – un processus juridique qui ne prendra que quelques mois – le Congrès affectera de l’argent pour soutenir le groupuscule terroriste Monafeghine en tant qu’avant-garde d’une nouvelle stratégie américaine visant à changer de régime en Iran.
  • Dans les années 1990, le même enthousiasme pour Ahmed Chalabi et le Congrès national irakien – qui était presque aussi impopulaire chez les irakiens que ne l’est le MEK auprès des iraniens – a conduit à la signature de l’Acte de libération de l’Irak par le Président Bill Clinton, qui a ouvert la voie à la décision d’envahir l’Irak prise par George W. Bush en 2003. La probabilité qu’un tel scénario soit appliqué à l’Iran dans les années qui viennent – avec encore plus de conséquences désastreuses pour la réputation morale et stratégique de l’Amérique – augmente fortement aujourd’hui.
  • Flynt Leverett (ajout : avec son épouse Hillary ci-contre) a été un des experts pour le Moyen Orient au Conseil de la sécurité nationale (NSC) sous Georges W. Bush jusqu’au début de la guerre en Irak. Auparavant, il travaillait au Département d’État et à la CIA. Hillary Man Leverett a travaillé au NSC de 2001 à 2003 comme experte de l’Iran. Elle était une des rares diplomates autorisées à négocier avec les Iraniens sur les sujets concernant l’Afghanistan, Al-Qaida et l’Irak. [ ndlr son site : http://www.raceforiran.com/ ]

Du trafic d’influence gouvernemental à peine déguisé.

Un flux d’argent régulier, se montant à plusieurs millions de dollars pour ces dernières années, a été dévoilé. Cet argent circule via divers groupes de façade et notamment, ces derniers temps, des membres du Congrès comme Charlie Wilson, des entreprises de lobbying de Washington, d’anciens cadres supérieurs du département de la justice, le Département de la Sécurité intérieure, des militaires et des responsables du contre-terrorisme américain. Jetez un coup d’oeil à l’excellente enquête – ici dans le Guardian et ici toujours dans Le Guardian – réalisée par Chris McGreal, journaliste d’investigation au Guardian qui a effectué des recherches sérieuses pour essayer de remonter la piste de cet argent sordide, il écrit :

  • Le changement de politique américaine concernant le groupuscule iranien interdit s’est produit après une extraordinaire opération de levée de fond visant à transformer son image. Quelques années auparavant, les autorités américaines arrêtaient les activistes pro-MEK. Pour le Gouvernement américain, l’organisation iranienne des Moudjahidins du Peuple (MEK) était un groupe terroriste dans la lignée d’Al-Qaida, du Hamas ou des FARC en Colombie. Le MEK a atterrit sur la liste [des organisations terroristes étrangères] en 1997 avec du sang américain sur les mains suite à une alliance avec Saddam Hussein et une longue liste d’attentats à la bombe en Iran.
  • Mais cette organisation est regardée très différemment par de nombreux membres du Congrès, d’anciens responsables à la Maison Blanche, des généraux et même un des reporters américains les plus connus, Carl Bernstein. Ils considèrent le MEK comme une victime du double-jeu américain avec le Régime de Téhéran et une alternative légitime au gouvernement islamique iranien.
  • Cette différence est en grande partie le résultat d’une remarquable opération de levée de fond et de la campagne pour transformer l’image du MEK conduites par plus d’une vingtaine d’organisations américano-iraniennes à travers les Etats Unis. Ces organisations et leurs représentants ont dépensé des millions de dollars en donations aux membres du Congrès, versant de l’argent aux groupes lobbyistes de Washington et embauchant comme porte-paroles des politiciens et des hauts fonctionnaires influents, dont deux anciens directeurs de la CIA.
  • Dans ce jeu politique extrêmement sensible, les supporters du MEK ont réussi à faire retirer le groupe de la liste des organisations terroristes après avoir obtenu une ordonnance du tribunal exigeant qu’une décision soit prise à ce sujet avant la fin du mois. Mais ses supporters ont du y aller prudemment afin de ne pas enfreindre les lois antiterroristes.
  • Quelques années auparavant, les autorités américaines arrêtaient des activistes pro-MEK et gelaient les avoirs des groupes de façade pour "support matériel à une organisation terroriste". Et aujourd’hui, les membres du Congrès font l’éloge de ce groupuscule en flagrante contradiction avec la législation antiterroriste que beaucoup d’entre eux ont soutenue. Près de 100 membres de la Chambre des Représentants ont adopté une résolution appelant le gouvernement américain à retirer le MEK de la liste des organisations terroristes.

Cependant, la plupart des détails accablants de ce qui aurait du être considéré comme un "support matériel au terrorisme" restera probablement enterré et estampillé "Top secret" dans les dossiers du Département du Trésor qui ont été clos lorsque l’enquête a commencé à s’intéresser à plus de 3 douzaines de haut-fonctionnaires et même à quelques anciens patrons ou copains des enquêteurs fédéraux : l’ancien Procureur général Michael Mukasey; l’ancien assistant du Procureur général et Directeur de la sécurité intérieure Michael Chertoff; deux anciens directeurs de la CIA ; l’ancien Procureur et conseiller du Président à la sécurité intérieure Frances Townsend ; l’ancien Procureur et Maire de New York Rudy Guiliani ; l’ancien directeur du FBI Louis Freeh ; l’ancien directeur de la Sécurité intérieure Tom Ridge, etc. Clairement, de telles "considérations politiques" aussi puissantes peuvent prendre le pas sur la loi et porter atteinte facilement aux lois antiterroristes majeures adoptées après le 11-9 et maintenant remises en cause. Alors, à moins qu’un ou deux « lanceur d’alerte » ne vende la mèche, nous n’en connaîtrons probablement pas beaucoup plus sur la clôture, vraisemblablement imposée, de ces enquêtes criminelles pour les 20 prochaines années ou jusqu’à ce qu’un juge fédéral accède à une demande relative à la loi sur la liberté de l’information (FOIA). Ou à moins que de nouveaux producteurs de cinéma profitent de quelques fuites pour rafraîchir un peu l’ancien scénario.

La propagande du "terrorisme" : Comment l’exagérer ou la minimiser

Ces 11 dernières années, la menace du terrorisme moyen-oriental a été, presque continuellement, exagérée et déformée par les médias grand public (dans le but de nous faire peur afin de nous amener à faire des choses stupides comme déclarer la guerre à des pays comme l’Irak qui n’a aucun lien avec le 11-9) si bien qu’il apparaît étrange et anormal qu’un article du Washington Post présente la radiation du MEK du fichier des organisations terroristes étrangères (FTO) comme une intervention humanitaire. Il est intéressant de noter que le reporter du Post a utilisé le terme "étiquette" pour minimiser l’importance de l’inscription puis de la radiation du MEK des listes FTO par le gouvernement.

Donc, il s’agit juste d’une "étiquette" quand Michael Mukasey et trois douzaines d’autres figures politiques très en vues violent la loi en soutenant une "organisation terroriste étrangère". Mais est-ce que le Post dirait que de simples "étiquettes" FTO justifient de lancer des milliers d’enquête et procédures judiciaires à l’encontre de gens ordinaires, sans liens avec la politique, pour "support matériel" [à un groupe terroriste] ? Dans le Midwest, 23 pacifistes activistes font toujours l’objet d’une enquête de justice après que leur maison ait subi un raid du FBI ; et il y a des milliers de gens qui purgent de longues peines de prison ou, pire encore, qui sont inscrites sur des "listes de personnes à abattre" et qui risquent d’être exécutées sommairement en raison, selon le Gouvernement, d’un lien, même passager ou très mince, avec une personne ou un groupe référencé dans la liste FTO. En outre, aucune transparence, aucun processus judiciaire ne semble avoir existé – jusqu’à la grosse campagne de levée de fonds du MEK – pour mettre en cause l’exactitude de telles "étiquettes" FTO.

Un article du Comité de Défense de la Déclaration des Droits (ndt : Association à but non lucratif qui défend l’état de droit et les libertés mis à mal par les politiques excessives sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme) paru sur "Le blog des citoyens pour la Constitution" et intitulé "La désignation des terroristes vous pose problème ? Devenez l’ami d’un politicien" met en lumière cette double norme :

  • La mise en application de cette loi a entraîné une peine de quinze ans de prison à l’isolement pour le citoyen américain Fahad Hashmi qui avait eu le tort de posséder une valise remplie d’imperméables dans son appartement et une peine de 17 ans de prison pour Tarek Mehanna, qui avait traduit le texte d’un érudit religieux saoudien. Le retrait du MEK des listes FTO ne démontre pas seulement qu’il y a deux poids deux mesures dans l’application des lois sur le soutien matériel [aux groupes terroristes], mais aussi la criminalisation excessive et autoritaire d’activités protégées par la constitution.
  • Quand la portée excessive de la loi a conduit à enquêter sur des hommes politiques importants et d’anciens haut fonctionnaires, cette loi n’a pas été modifiée pour être en conformité avec le premier amendement (ndt : Le Premier Amendement à la Constitution des États-Unis d’Amérique fait partie des dix amendements ratifiés en 1791 et connus collectivement comme la Déclaration des Droits -Bill of Rights. Il interdit au Congrès des États-Unis d’adopter des lois limitant la liberté de religion et d’expression, la liberté de la presse ou le droit à s’assembler pacifiquement.) mais a, au contraire, été maintenue alors qu’une organisation était retirée de la liste FTO pour répondre aux besoins de certains politiciens. La loi sur le "support matériel" devrait être modifiée de façon à ce qu’elle ne criminalise pas des associations, des déclarations ou tout autre activité protégée par le Premier amendement, ou encore les efforts visant à faire avancer des objectifs humanitaires.

Finalement, il est incroyable et incongru que le MEK dispose d’un lobby assez puissant pour déployer ses tentacules au sommet de la sphère politique comme il le fait, dépensant des millions de dollars en échange d’appuis politiques et se faisant passer en même temps, comme le Post et d’autres médias le font déjà, pour un pauvre groupe de réfugiés piégés en territoire ennemi irakien et ayant besoin d’une aide humanitaire. Où ce groupe de réfugiés qui, pendant 15 ans, a été désigné comme une "organisation terroriste étrangère" peut-il bien trouver les millions qu’il verse aux haut-fonctionnaires et politiciens pour leur assistance et leur trafic d’influence ? De nouveaux articles ont fait allusion au fait que ces paiements et cette pression politique violaient les lois américaines, mais ces articles ne cherchent pas à savoir comment et pourquoi des enquêteurs fédéraux ont apparemment été contraint de laisser tomber leur enquête concernant des hauts fonctionnaires ayant reçu d’importantes sommes d’argent de la part du MEK.

Le modèle de l’argent tout-puissant pour le succès des lobbyistes a ouvert la voie permettant aux groupes en pointe du MEK de corrompre le gouvernement américain avec des millions de dollars provenant d’on ne sait où, distribués à des élus sélectionnés chargés de transformer les ténèbres en lumière. Il est certain que d’autres groupes de façade basés à l’étranger vont suivre cet exemple sans se soucier de l’avertissement que nous adressa le juge Brandeis il y a longtemps sur les actes répréhensibles du gouvernement et le mépris pour (et la subversion de) l’état de droit.

Mettez en contraste la nécessité d’une intervention humanitaire au nom de ce qui était décrit comme des femmes sans défense et des enfants réfugiés dans le camp du MEK en Irak avec les millions de dollars qui ont été versés aux sociétés de relations publiques, aux membres du Congrès corrompus, à d’anciens haut fonctionnaires du Département de la Justice, de la Sécurité intérieure et du contre-terrorisme pour réécrire l’histoire d’un groupe terroriste violent travaillant pour Saddam Hussein qui, lui-même, 10 ans auparavant, a été impliqué à tort par certains de ces mêmes haut fonctionnaires dans les attentats du 11/9. Pourquoi ces millions de dollars n’ont-ils pas servi à aider les femmes et les enfants à quitter l’Irak s’ils sont tellement en danger plutôt que d’atterrir dans les poches de politiciens connus ?

Si seulement les américains voulaient prendre conscience de cette corruption, ils seraient, pour le moins, certainement troublé que certaines figures de la politique américaine qui étaient si acharnées à éliminer Saddam Hussein apportent aujourd’hui leur soutien à un des principaux acolytes terroristes de ce même Saddam Hussein. Est-ce qu’ils auraient oublié "la Guerre selon Charlie Wilson" ? Ou alors, comme disait Friedrich Nietzshe : "Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même".

 


En lien avec cet article :

  • Pourquoi les USA doivent stopper les guerres auto-génératrices de leur pays ? par Peter Dale Scott, paru sur Asia Pacific Journal le 3 septembre 2012, traduit et mis en ligne par Mondialisation.ca le 8 novembre 2012
  • Le guide des lanceurs d’alerte, paru sur Corbett report le 5 mars 2010
  • Il faut délister le MEK, (anglais) blog officiel des partisans du dé-listage du MEK des organisations terroristes.
  • Iran-Interlink, (anglais) le blog de soutien des familles iraniennes et d’anciens combattants "repentis" du MEK, retenus par l’administration US en Irak (anglais). Ce blog dénonce, comme Coleen Rowley, le dé-listage du MEK, contraire à la sécurité des familles et "repentis" qu’il soutient, mais il insiste sur la complexité des liens et actes des membres de ce groupe ouvertement jihadiste installé désormais en Iraq, et pose la question des sous-entendus des positions politiques successives de l’administration US à son égard. Cette organisation semble avoir joué un rôle dans la crise des otages à l’ambassade de Téhéran, ce qui une fois de plus, jette un doute sur la nationalité même de cette opération et de ses commanditaires "en bout de chaine".
  • Administration US, y aurait-il une pieuvre ? par Sibel Edmonds, paru sur the American Conservative le 1er novembre 2009

 


Rappel : Coleen Rowley

         

Coleen Rowley a "fait la une" de l’hebdomadaire new-yorkais TIMES le 3 juin 2002 pour ses révélations sur les très nombreuses obstructions du FBI à la suite du mémorandum de Phoenix rédigé par l’agent Kenneth William, qui recensait une partie des écoles de pilotage où se formaient les pirates du 11/9. Les révélations de Coleen Rowley étaient contenues dans son propre mémorandum qui rappelait début 2002 à Robert Mueller, directeur du FBI, l’existence du mémorandum de Phoenix, et surtout le classement pur et simple du dossier Moussaoui avant les attaques, sur lequel elle avait beaucoup travaillé et tenté d’alerter sa hiérarchie en vain. L’autre couverture du TIME est du 30 décembre 2002, cette fois en tant que "personnalité de l’année" aux côtés de 2 autres "lanceurs d’alerte".

 

 

 


 

2 Responses to “« Nos (nouveaux) terroristes » : Le MEK, un air de film déjà-vu ?”

  • Tout ceci est vraiment très étrange mais je vous félicite du travail que vous avez fourni !!

  • chb

    Sur un sujet connexe : le cynisme des « élites » déborde à Gaza aussi. L’article http://www.europalestine.com/spip.php?article7820 indique que pendant l’opération ‘pilier nuageux’
    « … les commandos de la mort ont tout le soutien de nos dirigeants. Leur silence n’est pas synonyme de « lâcheté », mais d’appui total aux massacres en cours, en connaissance de cause concernant les conséquences dramatiques en termes de séquelles (pas seulement les blessés et les destructions, mais les malformations, cancers et pollution a long terme des terres qui ne seront plus cultivables).
    « L’objectif n’est pas uniquement électoral. Israël non seulement écoule sa production d’engins de mort, comme toute grande puissance militaire « qui se respecte », et montre à ses alliés et clients potentiels leurs performance in vivo.
    « Mais Israël teste surtout, pour le bénéfice de toutes les grandes puissances, jusqu’où on peut aller dans la barbarie sans que le monde réagisse, sans que nous nous révoltions.
    « C’est nous qui détenons la réponse. Pas eux. Et chacun(e) d’entre nous qui vaque à ses occupations comme si de rien n’était, participe au test, qui pourra être étendu, s’il est positif pour les terroristes d’Etat. »
    La dernière phrase est tout à fait adaptée au 11 septembre…

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