La privatisation de la guerre et son coût pour les finances publiques

La guerre se privatise mais pas ses coûts, qui restent à la charge des peuples et représentent chaque année une immense manne dans laquelle piochent les compagnies privées comme Academi (anciennement Xe service ou aussi Blackwater), Dyncorp international, et d’autres. Un chiffre pour illustrer cela : le nombre de contractants du Pentagone s’élève à plus de 150 000 hommes, une véritable armée privée qui n’a de compte à rendre à personne, si ce n’est à celui qui paie. Un mouvement qui accompagne l’actuelle politique d’Obama consistant à faire moins appel aux conflits ouverts qu’à des opérations secrètes et ciblées pour atteindre ses objectifs politiques.

 

Un employé de la société américaine de mercenaires Dyncorp.

 


La privatisation de la guerre

L’art de la guerre

par Manlio Dinucci, Edition de mardi 14 février 2012 de il manifesto

Traduction Marie-Ange Patrizio pour mondialisation.ca

Quel est le métier le plus dangereux dans les forces USA/OTAN en Afghanistan ? Pas celui de soldat, comme il pourrait sembler, mais celui de contractor (sous-traitant, NdT). Selon les données officielles, ont été tués en Afghanistan, l’an dernier, plus de contractors de compagnies militaires privées étasuniennes que de soldats de l’armée étasunienne : 430, contre 418. A coup sûr beaucoup plus, puisque les compagnies n’ont pas l’obligation de rendre publiques les morts de leurs salariés. Il en va de même pour les blessés, dont le nombre dépasse celui des morts. La majorité des tués en 2011 (386 sur 430 morts) opérait en Afghanistan pour le compte du Pentagone, les autres pour le Département d’État et la Usaid (l’agence fédérale pour le « développement international », de fait militarisée). Ces données confirment qu’un nombre croissant de fonctions, auparavant assurées par les armées officielles, se trouvent confiées à des compagnies militaires privées. Selon les données officielles, opèrent en Afghanistan pour le compte du Pentagone plus de 113 000 contractors de compagnies privées, tandis que les soldats étasuniens sont environ 90 000. Les contractors sont pour 22% des citoyens étasuniens, pour 31% d’autres pays et 47% des Afghans.

Dans la zone du Commandement central étasunien, qui comprend aussi l’Irak, les contractors du Pentagone sont plus de 150 000. S’y ajoutent ceux employés par d’autres départements et par des armées alliées, dont le nombre est inconnu, mais certainement élevé. Ceux-ci sont fournis par un oligopole de grandes compagnies, structurées comme de véritables multinationales. Parmi les plus qualifiées, la Xe Services Llc (auparavant connue comme Blackwater) qui fournit des « solutions innovantes » au gouvernement étasunien et à d’autres. La DynCorp International, qui s’autodéfinit comme une « entreprise globale multiforme », spécialisée en « imposition de la loi, peacekeeping (maintien de la paix… NdT) et opérations de stabilité ». Avec un personnel de dizaines de milliers de spécialistes, cette société anonyme de la guerre a accumulé une riche expérience dans les opérations secrètes, depuis que, dans les années 1980, elle aida, pour le compte de la CIA, Oliver North à fournir des armes aux contras nicaraguayens, et dans les années 1990, toujours pour le compte de la CIA, entraîna et arma l’UCK au Kosovo. Ces compagnies et d’autres, desquelles émerge la L-3 Communications, s’occupent aussi de télécommunications militaires, construction de bases, « fourniture de sécurité » et « interrogatoire de prisonniers ». De nombreux contractors proviennent des forces spéciales et des services secrets ; d’autres assurent la fonction de gardes du corps, interprètes, techniciens en services logistiques. Tous cependant appartiennent à l’armée ombre privée, qui flanque celle officielle de plus en plus formée de forces spéciales dont les opérations sont elles aussi secrètes.

La stratégie des privatisations, avec laquelle on démolit le bien public à l’avantage des élites économiques et financières dans les mains desquelles se trouve le pouvoir réel, est donc valable aussi pour la guerre. Avec l’avantage que son cours de sang, comme un fleuve karstique, circule de façon souterraine, pour sauver les apparences et ne pas inquiéter l’opinion publique des « grandes démocraties occidentales ». Ce qui n’est par contre pas privatisé c’est la dépense pour la guerre qui, payée en deniers publics, accroît la dette qui retombe sur la majorité des citoyens. Obligés de payer les « solutions innovantes » de la Xe Services Llc.

Manlio Dinucci

 

Traduction Marie-Ange Patrizio pour mondialisation.ca


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3 Responses to “La privatisation de la guerre et son coût pour les finances publiques”

  • Roger

    Ne pas oublier ce qui s’est passé le 10 septembre 2001 :
    http://www.youtube.com/watch?v=xU4GdHLUHwU
    Le pentagone « ne sait pas » ce qui est advenu d’un QUART de ses dépenses annuelles, soit 8000 dollars par habitant américain et par an, y compris les vieux, handicapés et nourrissons, etc… Soit 500 000 dollars « perdus » sur un budget total de 2 millions, juste le temps de ce petit reportage de 3 minutes.

    Sachant que le Pentagone a vu ses budgets croître énormément dès… le lendemain, à cause des attaques du 11 septembre.

    Question : « Y aurait-il un rapport avec l’hémorragie de budget nécessaire pour faire fonctionner ces milices privées ? « 

  • Les milices, c’est toujours juste avant l’officialisation du fascisme.
    J’allais dire: on y va tout droit.
    Mais non.
    On y est.
    Le plus grave, c’est qu’autant on peut espérer une fraternisation de l’armée ou de la police avec un peuple en révolte, autant on ne peut rien espérer de mercenaires. Ceux-ci sont recrutés parmi la racaille de la pire espèce, c’est tout ce qui devrait être en taule s’il y avait de la place. Pas d’intelligence, pas de morale, rien à en espérer.
    Que du massacre.
    La seule chose qui puisse bloquer ces tueurs, c’est qu’il n’y ait plus d’argent pour les payer.
    Mais aux USA, pas de problème avec la planche à billets qui peine à fournir à la FED.

  • Lilian

    Un petit rappel : « Les secrets des mercenaires de Blackwater »
    http://www.reopen911.info/News/2010/08/05/les-secrets-des-mercenaires-de-blackwater/

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