Le retour d’un criminel de la CIA : L’officier « Albert » impliqué dans de faux renseignements liant al-Qaïda à l’Iran et l’Irak

Les noms des protagonistes cachés de l’avant et de l’après 11-Septembre continuent à faire surface grâce aux travaux de certains chercheurs indépendants et aux révélations d’anciens agents secrets. C’est le cas de cet article de Kevin Fenton paru sur le Blog de la lanceuse d’alertes Sibel Edmonds, qui nous raconte l’incroyable histoire de cet agent de la CIA surnommé "Albert", un spécialiste en désinformation et en tortures en tout genre, à l’origine de fausses informations sur al-Qaïda, qui ont pourtant été exploitées par l’Administration Bush. On comprend mieux à la lecture de ce genre d’article combien il faut éviter de voir en la CIA, le FBI ou toute autre agence des services secrets US, des entités monolithiques et travaillant de concert. C’est tout sauf cela, et les luttes internes ou entre services est quotidienne, et constitue sans doute l’une des meilleurs chances pour notre Mouvement d’identifier les vrais suspects et commanditaires, que ce soit pour le 11/9 ou pour toutes les exactions et violations des droits humains qui s’en sont suivis depuis 10 ans au nom de la "guerre au terrorisme".

 

George W. Bush à Langley, siège de la CIA

 


Le retour d’un criminel de la CIA : L’officier "Albert" impliqué dans de faux renseignements liant al-Qaïda à l’Iran et l’Irak

Sanctionné pour tortures, mis à la retraite, et de retour à la CIA comme sous-traitant

Par Kevin Fenton, sur BoilingFrogs (le Blog de Sibel Edmonds), le 25 oct. 2011

Traduction GV pour ReOpenNews

Un récent livre de l’ex-agent du FBI, Ali Soufan, montre que le même officier de la CIA fut impliqué dans la fabrication de fausses informations reliant al-Qaïda à l’Iran d’abord, et à l’Irak ensuite. L’officier fut également mis en cause dans un épisode bien connu de tortures, et sanctionné par l’inspecteur général de l’Agence.

Cet officier, que Soufan surnomme « Fred », mais dont le vrai prénom est « Albert » d’après un article d’Associated Press paru en février 2011, travaillait en 1999 au bureau de la CIA en Jordanie. À cette époque, al-Qaïda aidée par un groupe de terroristes « free-lance » menés par Abu Zubaidah tenta de commettre dans ce pays toute une série d’attentats, connue sous le nom de « complot du millénaire ». Cependant, les attentats furent déjoués par les services locaux de renseignement jordanien, qui travaillaient avec la CIA et le FBI.

Durant l’enquête sur les comploteurs, Albert rédigea plusieurs câbles officiels qui furent publiés par la suite. Bien que leur publication ait été mentionnée pour la première fois en juillet 2006 par Lawrence Wright dans le New Yorker, le journaliste n’a pas précisé ce que contenaient ces câbles, ni qui les avait rédigés. Le contenu de l’un d’eux, et l’identité de son auteur n’ont été publiés que lors de la sortie du livre de Soufan, à la mi-septembre 2011.

D’après Soufan, l’un des douze câbles publiés établissait de façon mensongère que le groupe de terroristes arrêtés pour le « complot du millénaire » en Jordanie était lié à l’Iran. Le raisonnement d’Albert pour en arriver à cette conclusion était que le groupe s’était entraîné dans la vallée de la Bekaa au Liban, une zone abritant une forte activité des groupes militants du Hezbollah soutenus par l’Iran. Par conséquent, le groupe de Jordaniens devait nécessairement travailler pour le Hezbollah et être soutenu par l’Iran.

Soufan envoyait également des rapports à Washington, et quelqu’un là-bas a remarqué qu’Albert affirmait l’existence d’un lien avec l’Iran, et que Soufan ne le faisait pas. Une enquête s’ensuivit, et conclut que Soufan avait raison – le « complot du millénaire » n’avait rien à voir avec l’Iran –, et c’est ainsi que les câbles envoyés par Albert furent rendus publics. Dans son livre, Soufan attribue l’erreur d’Albert à « une tendance à sauter aux conclusions sans regarder les éléments factuels ».

Par le passé, Albert avait travaillé pour le FBI comme traducteur, mais avait échoué aux examens pour passer « agent », et Soufan estime qu’il a gardé une certaine rancœur contre le Bureau à cause de cet échec.

Le contenu des onze autres câbles qui devaient être publiés n’est pas connu.

Le deuxième épisode où Albert a joué un rôle dans la fabrication de fausses preuves qui ont servi à justifier l’invasion de l’Irak est très connu. Ibn al-Shaykh al-Libi (ci-contre), le commandant en chef d’un camp d’entrainement situé en Afghanistan, fut capturé par les forces US et arriva entre les mains du FBI vers la fin 2001. Al-Libi était interrogé par George Crouch et Russel Fincher, un agent du FBI auquel un groupe d’officiers de la CIA  avait dissimulé certaines informations dans l’avant 11-Septembre. Al-Libi se montrait coopératif avec Crouch et Fincher, et avait même fourni des informations sur un complot en cours au Yémen.

Un jour, Albert surgit dans la salle où se déroulait l’interrogatoire, dit à al-Libi que ses informations sur les complots au Yémen n’avaient aucun sens, et le menaça directement. La conséquence fut qu’al-Llibi se tu et refusa de donner d’autres renseignements ce jour-là. Albert fut par la suite banni de la base aérienne de Bagram, où était conduit l’interrogatoire.

Cependant, le supérieur d’Albert, qui n’est autre que Richard Blee, le chef du bureau de la CIA en Afghanistan, se plaint à Washington d’un supposé manque d’informations provenant de l’interrogatoire d’al-Libi, et une sorte de "guéguerre" commença entre le Bureau et l’Agence. La CIA l’emporta et Albert put revenir à Bagram et prendre le contrôle d’al-Libi.

À ce stade, Albert menaça de kidnapper la mère d’al-Libi. D’après Jane Mayer, auteur du livre « The Dark Side », Albert se serait écrié « On va t’envoyer en Égypte ! Et quand tu seras là-bas, je vais retrouver ta mère et je vais la baiser. » Le livre de Soufan mentionne une phrase très légèrement différente : « Si tu ne me dis pas ce que vous fomentez [passage censuré, mais c’est bien évidemment « en Égypte»], je vais amener ta mère ici et la baiser devant toi. »

Al-Libi fut envoyé en Égypte où, sous la torture, il inventa toute sorte d’informations liant al-Qaïda à l’Irak. Ces informations constituèrent plus tard un segment-clef de l’exposé honteux de Collin Powell devant les Nations unies pour justifier de l’invasion en Irak.

Les analyses montrent qu’Albert est aussi l’agent de la CIA qui utilisa le revolver et la perceuse électrique pour terrifier un autre détenu, Abd al-Rahim al-Nashiri [NdT - accusé pour les attentats contre l'USS Cole au Yémen]. Ces événements firent  la une des journaux lorsque le rapport de l’inspecteur général de la CIA sur le programme de tortures fut publié.

Enfin, Soufan estime qu’Albert a participé aux premiers interrogatoires du « coordinateur » du 11/9, Ramzi ben Al-Shibh, et d’un autre complice « de haute valeur » en septembre 2002, même s’il pense qu’Albert n’a pas joué de rôle particulier lors de leurs interrogatoires.

D’après Associated Press, Albert fut sanctionné par l’Agence après cette « simulation d’exécution » d’al-Nashiri. Il quitta ensuite la CIA, mais est revenu depuis y travailler comme sous-traitant.

Kevin Fenton
 

Traduction GV pour ReOpenNews


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