Anwar al-Awlaki : exécution sommaire d’un citoyen américain


L’imam américain
Anwar al-Awlaki, de double nationalité yéménite, a été tué le vendredi 30 septembre aux côtés de 6 autres personnes, dont Samir Khan, un autre américain d’origine pakistanaise, suite à l’attaque d’un drone américain au Yémen. Al-Awlaki était cet imam qui avait déjeuné au Pentagone quelques mois après le 11-Septembre alors qu’il avait été interrogé plusieurs fois par le FBI pour ses liens étroits avec trois des pirates du vol 77. Le gouvernement américain a apparemment préféré l’éliminer plutôt que de savoir ce qu’il aurait pu dire à ce sujet.

Pourtant, quels éléments sont avancés par le gouvernement américain contre Al-Awlaki et sur quelle base légale ce meurtre ciblé est-il justifié ? La Maison Blanche n’entend devoir fournir aucune preuve ou justification à cela et son nouveau porte-parole Jay Carney a refusé de répondre à ces questions durant la conférence de presse, malgré l’insistance de certains journalistes (vidéo). En France, la nature sensible de ces informations a dans un premier temps amené certains médias à maquiller les faits, décrivant Al-Awlaki comme un homme d’origine américaine plutôt que comme un vrai citoyen américain (L’Express, Europe1, 20minutes.fr). Le Figaro relèvera plus tard l’étendue de la polémique dans un article que nous relayons en deuxième partie. Avant cela, nous vous présentons un communiqué accompagné d’une vidéo de l’ACLU (l’Union américaine pour les libertés civiles) qui tenta, au côté du père d’Anwar al-Awlaki, de contester devant la cour fédérale la légalité de cet assassinat ciblé, plusieurs mois avant qu’il ne se réalise.

Le prix Nobel 2009 et président américain Barack Obama, qui fut également professeur de droit constitutionnel et avocat spécialisé dans les droits civiques, trahit à nouveau par ses actes l’héritage d’un autre prix Nobel de la paix sur le souvenir duquel l’image de cette distinction fut érigée, Martin Luther King qui déclarait : "Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier."
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Le nouveau bras armé de la justice américaine : le drone Predator
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Le citoyen américain Anwar Al-Aulaqi tué en dehors de tout processus judiciaire

par Suzanne Ito sur ACLU.org, le 30.09.11


 

Aujourd’hui au Yémen, une frappe aérienne U.S. a tué le citoyen américain Anwar Al-Aulaqi. Al-Aulaqi n’a jamais été accusé de crime. L’année dernière, l’ACLU et le Centre pour les droits constitutionnels ont représenté le père d’Al-Aulaqi lors d’un procès récusant l’autorité affirmée du gouvernement à réaliser des « assassinats ciblés » de citoyens U.S. situés en dehors de toute zone de conflit armé. Nous avons soutenu que de tels meurtres violent la Constitution [américaine] et le droit international, mais l’affaire a été rejetée par la Cour fédérale en décembre dernier.

En réponse aujourd’hui au meurtre d’Al-Aulaqi, le directeur juridique adjoint de l’ACLU Jameel Jaffer a déclaré :

Le programme d’assassinat ciblé viole aussi bien la loi U.S. que le droit international. Comme nous avons pu le voir aujourd’hui, ceci est un programme au titre duquel des citoyens américains peuvent être exécutés loin d’un quelconque champ de bataille par leur propre gouvernement, en dehors de tout processus judiciaire, et sur la base de critères et d’éléments tenus secrets non seulement du public mais [aussi] des tribunaux. L’autorité du gouvernement à utiliser la force létale contre ses propres citoyens devrait être limitée aux circonstances dans lesquelles la menace de mort est concrète, précise et imminente. C’est une erreur que d’investir le Président – n’importe quel Président – du pouvoir de tuer, en l’absence d’un contrôle judiciaire, tout Américain dont il estime qu’il représente une menace pour le pays.

Durant une audition devant une Cour fédérale en novembre dernier, des juristes du gouvernement ont soutenu que le Président devrait avoir l’autorité, en dehors de tout contrôle judiciaire, de tuer des Américains dont il a déterminé unilatéralement qu’ils constituaient une menace. Comme l’indiquait aujourd’hui le directeur des litiges du programme de Sécurité nationale Ben Wizner : « Si la Constitution veut dire quelque chose, elle signifie certainement que le Président n’a pas l’autorité, en l’absence d’un contrôle judiciaire, d’exécuter sommairement un Américain qu’il a déterminé être un ennemi de l’Etat. »

 


 

Vidéo "Assassinat ciblé sans autre forme de procès"


 



La légalité du meurtre d’Al-Awlaki mise en question

par Laura Raim sur LeFigaro.fr le 01.10.11

L’élimination par la CIA de l’imam extrémiste américano-yéménite vendredi soulève un débat aux Etats-Unis sur le droit de l’Etat d’assassiner des ressortissants américains au nom de la lutte contre le terrorisme. a

 
Anwar al-Awlaki, ici en 2010, est le premier citoyen américain à être la cible d’une élimination
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme post 11 septembre 2001. Crédits photo : Anonymous/AP

 

Le président des Etats-Unis peut-il unilatéralement décider l’assassinat d’un ressortissant américain ? L’élimination vendredi de l’imam extrémiste américano-yéménite Anwar Al-Awlaki soulève le débat aux Etats-Unis. Si la mort de l’imam lié à al-Qaida était saluée vendredi par la classe politique, des défenseurs des droits de l’homme contestent une opération dont les circonstances exactes restent inconnues. Car en effet, si le mettre sur écoute a requis l’autorisation d’un juge, il peut sembler paradoxal que l’abattre ait nécessité moins de formalités…

Un haut responsable gouvernemental américain refusant de s’exprimer spécifiquement au sujet d’Al-Awlaki a évoqué «l’autodéfense». «En général, il serait tout à fait légal pour les Etats-Unis de prendre pour cible des dirigeants haut placés de forces ennemies, quelle que soit leur nationalité, qui conspirent pour tuer des Américains», a-t-il indiqué sous couvert de l’anonymat. Cette légalité découle selon lui de «l’autorité donnée par le Congrès à l’usage de la force dans le conflit armé avec al-Qaida, les talibans et leurs associés, ainsi que des lois internationales reconnaissant notre droit à l’autodéfense».

Dans un discours prononcé l’année dernière, le conseiller juridique du département d’Etat, Harold Koh, avait défendu l’élimination de personnes soupçonnées de terrorisme. «Un Etat qui est engagé dans un conflit armé ou en état de légitime défense n’est pas obligé de fournir des explications sur le processus légal avant de décider d’un éventuel recours à la force létale», avait-il soutenu.

En fait, le cadre légal permettant de telles attaques ciblées remontent au lendemain des attentats du 11Septembre. Le 17 septembre 2001, le président George W. Bush a signé un ordre autorisant la CIA à traquer les terroristes dans le monde entier. Et le texte ne fait pas la distinction entre nationaux et étrangers. S’ils posent une «menace continue ou imminente», ils peuvent être tués. Selon le Washington Post toutefois, l’élimination de l’imam Al-Awlaki a été approuvée par un document secret du département américain de la Justice, sans lequel la CIA n’aurait pas pu tuer un citoyen américain.

Le président américain, « juge, jury et bourreau »

Mais certains experts juridiques contestent la légalité de l’opération. L’avocat Glenn Greenwald regrette notamment qu’aucun effort n’a été fait pour poursuivre Al-Awlaki en justice. «Son élimination a été purement et simplement décrétée par le président, qui a fait à la fois office de juge, de jury et de bourreau», dénonce-t-il sur le site Salon.com. Ce qui implique qu’en cas d’erreur, la cible n’a aucun moyen de se défendre. En effet, la décision «est fondée sur des preuves connues ni du grand public ni d’un tribunal», dénonce Jameel Jaffer, directeur adjoint juridique de l’Union américaine pour les libertés civiles (Aclu).

Pour Mary Ellen O’Connell aussi, experte en relations internationales à l’Université de Notre Dame, ce qui pose problème n’est pas la nationalité mais la localisation d’Al-Awlaki: «il n’était pas dans une zone de conflit armé, rappelle-t-elle sur CNN. La loi interdit de tuer quelqu’un, sans l’avertir, hors du champs de bataille».

Pardiss Kebriaei, avocate auprès de l’association Center for Constitutional Rights, fait valoir qu’il serait illégal qu’Al-Awlaki ait été tué par les Etats-Unis ou avec leur participation. «Si cela s’est fait en l’absence d’une menace imminente ou d’un danger de mort, c’est un meurtre illégal au regard de la constitution américaine et du droit international», déclare l’avocate, en réclamant «une enquête immédiate» et indépendante.

Le cas de l’imam, né en 1961 sur le sol américain, avait agité la sphère juridique dès avril 2010, lorsqu’un haut responsable de l’administration avait révélé qu’il était sur la liste des terroristes considérées comme des cibles légitimes de la CIA et du Pentagone. Le problème étant que les preuves contre ceux qui y figurent sont souvent classés secrets et que les cibles en question ne sont même pas forcément au courant qu’ils en font partie.

« Personne ne sait s’il a jamais tué quiconque »

Avec le soutien d’Aclu, le père d’Al-Awlaki avait saisi la justice l’année dernière, faisant valoir qu’il était contraire à la constitution d’ordonner la mort d’un citoyen américain sans procédure judiciaire en bonne et due forme. Mais en décembre dernier, le juge John Bates avait rejeté la plainte, expliquant qu’il n’avait pas le pouvoir légal d’empêcher une décision politique prise par l’exécutif dans le cadre d’un conflit armé. Il avait toutefois reconnu que l’affaire soulevait de graves questions constitutionnelles.

Si les adversaires républicains de Barack Obama ont salué l’élimination de l’imam cinq mois après celle d’Oussama Ben Laden, le candidat à l’investiture républicaine à la Maison-Blanche, Ron Paul, a fait entendre une voix discordante. Anwar Al-Awlaki «est né ici, c’est un citoyen américain. Il n’a jamais été jugé ni poursuivi pour crime. Personne ne sait s’il a jamais tué quiconque», a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision ABC. Il serait «triste» selon lui que les Américains «acceptent» sans broncher ce «précédent»: «que le président assassine des gens simplement parce qu’il les pense néfastes».

 



En lien avec cet article :

 


 

 

8 Responses to “Anwar al-Awlaki : exécution sommaire d’un citoyen américain”

  • abdulhedi

    c·est peut etre la crainte que awlaki dans le tres probable cas ou le president saleh est elimine du panorama,prenne le pouvoir au yemen alors donc eliminer leader,peut decapiter le mouvement islamique au yemen et du meme coup ouvre la route a la succession de saleh:c·est la nouvelle strategie oui a L·islam dans le monde musulman mais sans leader extremiste

  • H.

    Le gouvernement américain actuel , prolongation à 90 % du gouvernement  » néocon  » d’hier, efface les traces que ces administrations successives ont laissé derrière elles.

    Un à un, les témoins qui pourraient venir à la barre et préciser des pans entiers du terrorisme international et de ses soutiens secrets, meurent impitoyablement assassinés sous la vengeance aveugle d’un Etat toxique en crise. Et sans que la communauté internationale ne s’offusque plus que ça de cette atteinte flagrante aux droits de l’homme et aux lois de la guerre.

    Comment se fait -il en effet que M. Anwar al-Awlaki ait déjeuné au Pentagone quelques mois avant les attentats du 11- 9 tandis qu’il était recherché par toutes les polices ? Nous n’en saurons jamais rien. A moins qu’ un jour plus proche qu’on ne croît, l’ on puisse ouvrir les archives de la CIA comme le furent les archives du KGB, hier ou celles de Ben Ali il n’ y a pas si longtemps.

    Quelle est cette fausse justice qui ferme la bouche de ceux qui en savent trop ? Pourquoi les USA refusent -il dans un même mouvement le droit à la vérité réclamé – et dû – par les familles de victimes ?

    Une nation qui confond le meurtre ciblé avec la Justice est une nation morte. On ne pourra pas longtemps refuser des procès équitables aux accusés tout en privant des droits les plus légitimes, les familles de victimes qu’elles qu’elle soient. Ou alors, convenons ensemble que nous ne vivons plus en
     » démocratie  » et cessons de faire des gorges chaudes en employant ce mot à tout bout de champ tandis que les faits détrompe les fausses évidences.

    Nous savons que l’ Etat américain a payé très cher pour que la plupart des familles des victimes des attentats du 11- 9 ne puissent plus jamais intenté un procès aux administrations US alors aux commandes et qui ce jour fatidique ont fait lamentablement et bien étrangement défaut.

    Ici, on achète le silence des familles à coup de millions de dollars, là on garanti un autre silence coupable en assassinant sans pitié et sans aucune preuve toutes sortes de témoins gênants et acteurs supposés principaux des dits attentats du 11- 9. Sans compter les personnes innocentes tuées en même temps aux alentours.

    Quand une nation appelle  » dommage collatéraux  » des femmes, des enfants, des hommes innocents et lâchement assassinés est une nation morte. La techno-futur ne change rien à l’affaire. Les USA sont désormais un Etat toxique à plus d’un titre : économique, moral et politique. Tristes topiques.

  • Zorg

    H. a écrit :
    « Comment se fait -il en effet que M. Anwar al-Awlaki ait déjeuné au Pentagone quelques mois avant les attentats du 11- 9 tandis qu’il était recherché par toutes les polices ?  »

    Non, à l’époque, Anwar al-Awlaki n’était pas recherché par toutes les polices : il avait « juste » été interrogé par le FBI plusieurs fois pour ses liens étroits avec trois des pirates du vol 77…
    C’est déjà pas mal…

  • Buzz lclair

    @ H : Anwar Al-Awlaki n’était pas activement recherché quand il était encore sur le sol américain. Il fut en effet interrogé « au moins à quatre reprise » selon Catherine Herridge de Fow News dans les semaines qui suivirent les attentats et fut ensuite invité en tant qu’imam en vu et prétenduement modéré à l’époque. Il partit des USA début 2002 pour l’Angleterre avant de rejoindre le Yémen. Il ne devint un ennemi des USA que plus tard.

    Néanmoins, ses relations avec 3 des pirates, Al-Hazmi, Al-Mihdhar et Hanjour, restent inexpliquées à ce jour et son arrestation aurait pu amener quelques réponses, si seulement c’était ce qu’on voulait. Apparemment, ce n’était pas ça que la CIA recherchait. Al-Awlaki avait fait l’objet d’une enquête du FBI en 99 et on sait qu’il fut en contact avec Al-Bayoumi qui s’occupa d’Al-Mihdhar et Al-Hazmi dès leur arrivée à San Diego. Al-Awlaki partit prêcher ensuite au printemps au même endroit où Al-Hazmi et Hanjour s’était déplacé. Il aurait également prévenu un voisin que quelque chose allait se passer bientôt et qu’il devait partir pour le Koweit… Bref, beaucoup de choses laissent penser qu’il était fortement lié au 11/9. Pourquoi, comment ? On ne le saura surement jamais.

    Merci de consulter les infos sur Al-Awlaki sur la 911 Timeline de Paul Thompson, il y a des éléments intéressant sur tout ça : http://www.historycommons.org/searchResults.jsp?searchtext=Anwar+al-awlaki&events=on&entities=on&articles=on&topics=on&timelines=on&projects=on&titles=on&descriptions=on&dosearch=on

  • H.

    Merci pour toutes ces précisions.Vous avez raison, nous n’avons ni droit à l’erreur ni à  » la peu-près  » – J’irais donc lire en détails [ sur l'excellent site 911- Timeline ] l’itinéraire de ce citoyen américain assassiné par son président.

    Sinon, voici une variation dans un autre style sur l’assassinat d’ Awlaki :  » La mort d’Awlaki et les mondes extérieurs  » par Dedefensa.org :

     » La seule question intéressante qui subsiste est de savoir s’ils arriveront à proclamer la victoire totale dans la Guerre de la Terreur avant que le Système ne se soit totalement effondré, ou si la Chute l’emportera de vitesse avant que le communiqué de victoire ait pu être diffusé. « 

  • Quidam

    Et nos politicards qui nous braillent à longueur de temps qu’il faut respecter la présomption d’innocence, où sont-ils ?

  • Buzz lclair

    + 1 à Quidam

    p.s : j’ai rajouté le lien en fin d’article pour le profil d’Al-Awlaki sur la 911 Timeline.

  • chb

    Awlaki était un pion, sa disparition « victoire contre le terrorisme » n’est qu’une étape, même si elle est l’occasion pour les USA de s’affranchir un peu plus des règles (de la guerre, de la justice, de la démocratie etc.)
    Comme le montrent beaucoup d’articles de ce site, les victoires annoncées sont principalement un élément du plan com’. Au-delà, se créer un ennemi, attaques sous fausses bannières etc. dans un processus ininterrompu permettent de faire des affaires. Quant à « La Victoire », elle ne peut être définitive, puisque la paix ne paye pas (ou pas assez) ! Aussi, malgré l’estime que je porte à dedefensa, je pense que la fuite en avant conduira le système à sa perte de toute façon « avant que le communiqué de victoire ait pu être diffusé ».

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