The Guardian : Selon les « Guantanamo Files », un terroriste d’al-Qaïda travaillait pour les Services secrets britanniques

Le site Internet de Wikileaks a commencé à diffuser le 24 avril une première salve de dossiers appelés les "Guantanamo Files" ou "Dossiers de Guantanamo", des documents sensibles concernant les détenus de Guantanamo, les méthodes de la CIA, et les procédés (les tortures) utilisés lors de leurs interrogatoires. D’après Wikileaks, dans ces "milliers de pages datant de 2002 à 2008, et jamais rendues publiques [...], le cas de la quasi-totalité des détenus de Guantanamo [758 sur un total de 779 prisonniers] est décrit en détail au travers de mémos de la Joint Task Force de Guantanamo…". De l’étude de ces documents, il ressort que 60% des personnes enfermées à Guantanamo n’ont jamais été des terroristes et n’ont jamais menacé en aucune manière les USA (!)

Chacun puisera sans doute sa propre vérité dans ces centaines de dossiers, et la bataille médiatique pour leur exploitation a déjà commencé. Nous avons choisi ici l’exemple du quotidien britannique The Guardian qui a décidé de relayer le cas d’un Algérien de 35 ans qui aurait dans les années 2000, selon ces "dossiers de Guantanamo", à la fois travaillé pour des services secrets occidentaux (britanniques et canadiens) et participé à des actions terroristes au Pakistan. Quelle est la valeur réelle de ces accusations quand on sait qu’une fois de plus, elles ont été extraites sous la torture dans des prisons secrètes de la CIA et à Guantanamo ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais nous ne manquerons pas d’une part, de relayer dans ces pages les articles les plus pertinents concernant al-Qaïda et ces "Guantanamo Files" de Wikileaks, et d’autre part, de continuer à dénoncer le scandale que représentent ces prisons illégales états-uniennes au regard du droit international.

 

De nouveaux documents sur Guantanamo viennent
d’être publiés par le site Wikileaks

 


Guantanamo Files : un terroriste d’al-Qaïda "travaillait pour le MI6"

paru dans The Guardian, le 26 avril 2011

Traduction GV pour ReOpenNews

Un agent opérationnel d’al-Qaïda mis en cause dans les attentats à la bombe contre deux églises chrétiennes et un hôtel de luxe au Pakistan en 2002 travaillait à l’époque pour les services de Renseignement britannique, selon des fichiers secrets concernant des détenus envoyés à la prison militaire de Guantanamo Bay.

Adil Hadi al Jazairi Bin Hamlili (ici à droite, Ndlr), un citoyen algérien décrit comme un « homme de main, transporteur, kidnappeur, et assassin travaillant pour al-Qaïda », fut détenu au Pakistan en 2003 avant d’être envoyé à Guantanamo.
Mais d’après la fiche d’évaluation de Guantanamo sur Hamlili – l’un des 759 dossiers obtenus par le Guardian – les interrogateurs US étaient convaincus qu’il travaillait en même temps comme informateur pour les services de renseignements britannique et canadien.

Après sa capture en 2003, Hamlili fut transféré au camp de détention de Bagram, au nord de Kaboul, où il fut soumis à d’innombrables interrogatoires musclés par des agents de la CIA.

Ils découvrirent qu’il avait « caché des informations importantes aux services secrets canadiens et britanniques et qu’il  constituait une menace pour les USA et pour le personnel ‘’allié’’ en Afghanistan et au Pakistan. »

Le Guardian et le New York Times ont publié toute une série de rapports basés sur les fuites de document qui montre la fragilité des preuves sur la base desquelles de nombreux prisonniers ont été transférés au camp [de Guantanamo] et qui dépeint un système dont le seul et unique but était d’extraire des renseignements des prisonniers.

Une analyse plus approfondie de ces rapports révèle que :

  • Un informateur de premier plan emprisonné à la base [de Guantanamo] a « gagné » sa liberté en accusant au moins 123 co-détenus. Les autorités militaires US décrivent Mohammed Basardah comme étant une source « inestimable » de renseignements, qui a fait montre d’une « coopération exceptionnelle », bien que les avocats des autres détenus affirment que ces éléments de preuve ne sont pas fiables.
  • Les interrogateurs ont eu de fréquents désaccords sur la façon de gérer les détenus avec les membres de la Joint Task Force Guantanamo (JTF GTMO), passant outre à de nombreuses reprises sur les recommandations de la Criminal Investigative Task Force (CITF) qui demandaient de libérer les prisonniers. Les enquêteurs du CITF ont désapprouvé publiquement les méthodes d’interrogatoires utilisées par le personnel militaire du JTF.
  • De nouveaux éléments sont apparus sur la façon dont Oussama Ben Laden s’était échappé de son refuge montagneux de Tora-Bora alors qu’il était encerclé par les Forces états-uniennes et britanniques, et indiquent qu’un chef pakistanais, seigneur de guerre local, lui a fourni des hommes armés pour le guider et l’emmener en lieu sûr quelque part dans le nord-est de l’Afghanistan.

Lundi, l’administration Obama a condamné la publication de ces documents, qui selon elle, « auraient été obtenus illégalement par Wikileaks. »

L’attaché de presse du Pentagone, Geoff Morell, a déclaré que la plupart de ces documents, appelés DAB, pour Detainee Assessment Briefs (Fiches d’évaluation des détenus), avaient été déclarés caducs par une Task Force mise en place par le Président Obama en 2009.

« Tout document DAB obtenu et publié par Wikileaks peut très bien ne pas représenter l’actuel dossier pour un détenu donné, » a-t-il expliqué.

D’après ces documents, Hamlili a dit à ses interrogateurs américains à Bagram qu’il possédait un business de tapis à Peshawar, et qu’il avait exporté jusqu’à Dubai après les attentats du 11/9.

Mais les geôliers de la CIA savaient que l’Algérien avait été un informateur pour le MI6 et les services secrets canadiens pendant plus de trois ans, et le soupçonnaient d’avoir trahi ses donneurs d’ordre. D’après le Renseignement US, les deux services secrets avaient recruté Hamllili comme source de renseignements humains [« humint », pour Human Intelligence, NdT] « en raison de ses connexions avec les membres de plusieurs groupes terroristes liés à al-Qaïda et qui opéraient en Afghanistan et au Pakistan. »

Les documents ne précisent pas quelle information Hamlili a dissimulé. Mais ils contiennent certains rapports des services secrets qui, bien que potentiellement non fiables, établiraient un lien entre l’Algérien et trois attentats terroristes majeurs survenus au Pakistan pendant cette période.

Khalid Sheikh Mohammed, le cerveau autoproclamé des attentats du 11/9, a indiqué lors de ses interrogatoires qu’un certain “Abu Adil” – un surnom qui aurait été utilisé par Hamlili – avait organisé les attaques à la grenade en 2002 contre une église protestante dans le quartier diplomatique d’Islamabad, tuant cinq personnes, dont un diplomate US et sa fille.

Il a affirmé qu’Abu Adil était également derrière l’attentat où trois jeunes filles perdirent la vie dans l’église d’un village Punjabe en décembre de la même année, et qu’il avait reçu 300 000 roupies (environ 3 540 dollars) pour financer ces attaques.

Les attentats contre des églises avaient auparavant été imputés à Lashkar I Jhangvi, un groupe sectaire pakistanais lié à al-Qaïda depuis quelques années.

Par ailleurs, les rapports des services secrets US indiquent qu’Hamlili était « probablement impliqué » dans l’attentat à la bombe contre l’hôtel Sheraton en mai 2002, dont l’explosion avait tué 11 ingénieurs navals français et 2 Pakistanais.

Mais les informations mettant en cause cet Algérien de 35 ans, qui a été renvoyé chez lui [en Algérie – NdT] en janvier dernier, semblent sujettes à caution, comme d’ailleurs beaucoup d’accusations figurant dans les « Dossiers de Guantanamo ».

Certains de ces renseignements ont pu être extorqués sous la torture. Des officiels US ont soumis Khalid Sheikh Mohammed à 183 simulations de noyade (Waterboarding) dans un « site secret » de la CIA en Thaïlande durant son premier mois d’incarcération.

Très peu d’éléments viennent confirmer les liens entre Hamlili et l’attentat à la bombe contre l’hôtel de Karachi, sauf peut-être le fait qu’il tenait une affaire de tapis – la même couverture que celle utilisée par les supposés assassins pour s’échapper.

Ce qui est clair cependant, c’est qu’Hamlili était un vétéran des mouvements djihadistes violents qui se sont développés depuis le nord du Pakistan vers l’Afrique du Nord. Il avait quitté en 1986 à l’âge de 11 ans la ville d’Oran où il vivait avec son père , pour rallier le front contre les Forces soviétiques en Afghanistan. Plus tard, il rejoignit les groupes extrémistes « tafkir », recruta des militants pour combattre dans la guerre civile algérienne et gagna une réputation d’homme violent.

Sous l’ère taliban, l’Algérien travailla comme interprète pour le ministre des Affaires étrangères, puis pour les Services secrets talibans, faisant la navette entre le Pakistan et l’Afghanistan dans la période qui suivit immédiatement le 11/9.

En janvier dernier, Hamlili et un de ses co-détenus, Hasan Zemiri, furent remis aux autorités algériennes. On ne sait pas si c’était pour les juger ou s’ils seraient remis en liberté.

Clive Stafford Smith, dont l’organisation de défense Reprieve représente la plupart des prisonniers et ex-prisonniers, a affirmé que ces dossiers étaient « révélateurs de l’absolue incompétence bureaucratique » des services secrets militaires dans leur collecte d’informations.

« Quand vous rassemblez des informations d’une manière aussi stupide [jeu de mots en anglais entre « intelligence » qui signifie Renseignement, et «peu intelligent », NdT] ; quand par exemple vous ratissez parmi des gens que vous savez innocents, et c’est cela que l’on voit dans ces documents ; et après vous les maltraitez de manière horrible, ce n’est pas pour autant que vous obtiendrez des informations fiables. Par contre, vous allez dans le même temps vous faire un tas d’ennemis. »

Les Guantanamo Files font partie de cet ensemble de dossiers provenant de bases de données secrètes du gouvernement US, que Bradley Manning, l’analyste des services secrets US [actuellement emprisonné dans des conditions abominables, voir la pétition ici] aurait soi-disant communiqués à Wikileaks. Le New York Times, qui a partagé ces dossiers avec le Guardian et la Radio publique nationale US, a déclaré qu’il ne les avait pas obtenus par Wikileaks.

The Guardian, le 26 avril 2011

 

Traduction GV pour ReOpenNews


En lien avec cet article :

 

Et aussi :

 

Articles en anglais :

  • Les Guantanamo Files sur le site de Wikileaks : http://wikileaks.ch/gitmo/
  • L’éditorial du New York Times du 25 avril 2011 : The Guantánamo Papers
  • … et les innombrables articles que vous trouverez en faisant une recherche de "Guantanamo Files"…

 


 





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