Irak : L’âge des ténèbres (2/2) : L’interminable occupation et ses effets pernicieux.

Suite et fin de l’article de Dirk Adriaensens, coordinateur de l’association SOS Irak et membre du BRussells Tribunal, sur la situation désastreuse dans laquelle se trouve l’Irak en cette fin d’année 2010 et après le soi-disant "retrait" des troupes anglo-américaines. Le réquisitoire de l’auteur continue : sous-estimation scandaleuse du nombre des victimes civiles; opérations de propagande américaine sur son "retrait" qui laisse malgré tout 50 000 soldats sur place, officiellement là pour "former" les forces de sécurité irakiennes; privatisation de la guerre; maintien d’un contrôle médiatique total; intensification récente des assassinats d’intellectuels et des membres de l’élite intellectuelle, et fuite à l’étranger de ceux qui y échappent. La question n’est plus de savoir si le but était d’apporter la démocratie en Irak, mais si ce n’était pas plutôt de détruire ce pays.

 

(retrouvez la 1ère partie de l’article ici)

 


Irak : l’âge des ténèbres (2/2)

Deuxième partie : L’interminable occupation et ses effets pernicieux.

 (lisez la 1ère partie ici)

DIRK ADRIAENSENS est le coordonnateur de SOS Irak, membre du Comité exécutif du BRussells Tribunal. Depuis 1990, Dirk Adriaensens suit la situation en Irak de près. Entre 1992 et 2003 il a dirigé plusieurs délégations en Irak, chargées d’observer les terribles effets des sanctions. Il est co-fondateur du BRussells Tribunal, et il est l’un des coordinateurs de la Campagne mondiale contre l’assassinat des universitaires irakiens. Il a écrit plusieurs articles sur l’Irak.

 

Newsletter du BRussells Tribunal, nov. 2010

 

Quel retrait ?

Lors même que le Président Barack Obama annonçait la fin des combats en Irak, les forces américaines poursuivaient leurs opérations militaires, malgré la prétendue fin de leur mission de combat en Irak. Le 1er septembre, les soldats américains prenaient d’assaut un village du Nord, tandis que leurs supplétifs irakiens en pillaient les maisons et y arrêtaient des dizaines d’insurgés présumés[31].

« A l’instar de la Grande Muraille de Chine », disait l’Ambassadeur Hill, « l’Ambassade US de Bagdad est l’une des choses qu’on peut voir à l’œil nu depuis l’espace. Je veux dire… elle est énorme ! »[32]. C’est le moins qu’on puisse dire ! S’étendant sur plus de 420 km2, c’est de très loin la plus grande ambassade du monde. Outre ses six immeubles résidentiels, elle dispose d’une piscine de luxe, ainsi qu’une installation de traitement de l’eau et d’une station d’épuration. (…) Le Département d’État a exigé la présence d’une véritable mini armée pour protéger cette petite Amérique fortifiée – avec notamment 24 hélicoptères Black Hawk et une cinquantaine de véhicules anti-bombes[33].

Après ce mois de retrait, il restera encore 50 000 soldats américains dans 94 bases militaires US d’Irak, pour « conseiller » et former l’armée irakienne, « assurer la sécurité » et encadrer des missions « contre-insurrectionnelles ». Environ 5 800 d’entre eux appartiennent à l’armée de l’Air a déclaré le Major-Général Joseph Reynes, directeur de l’Air Component Coordination Element for U.S. Forces-Iraq[34].

Dans le même temps, le gouvernement américain ne fait pas que changer l’étiquette de l’occupation, il la privatise aussi. Quelque 100 000 supplétifs privés [contractors] travaillent pour les forces d’occupation, dont plus de 11 000 sont des mercenaires armés. Ce sont presque exclusivement des ressortissants de pays tiers et assez souvent de pays en voie de développement. Un Péruvien et deux Ougandais d’une compagnie de sécurité ont été tués il y a une quinzaine de jours lors d’une attaque à la roquette sur la Zone Verte[35].

Bien que le Pentagone réduise drastiquement ses forces de combat en Irak, l’armée américaine n’en prévoit pas moins de contrôler plus étroitement la couverture médiatique de ce qui s’y passe et la manière dont elle est présentée au public, en Irak aussi bien qu’aux USA [ou en Europe]. « Il est essentiel pour le succès du nouveau gouvernement irakien et de la mission des forces américaines en Irak, que tous deux communiquent efficacement en direction de nos publics stratégiques (à savoir le public irakien, arabe, international, américain et les forces américaines stationnées en Irak), afin d’assurer à nos principaux thèmes et messages un soutien optimum », claironnait le texte d’un appel d’offres pour une équipe de 12 experts civils destinée au secteur des « services de gestion des communications stratégiques » en Irak[36].

De toute évidence, la guerre et l’occupation continueront jusqu’à ce que le peuple irakien et le reste du monde imposent à Washington un retrait total d’Irak. La population des États-Unis a donc le devoir moral d’organiser un vaste mouvement d’opposition politique particulièrement déterminé contre l’actuelle occupation de l’Irak et la guerre qui y est menée par le gouvernement des Etats-Unis. Inutile d’imaginer que l’administration Obama ou aucune autre ultérieure quitte un jour l’Irak de son propre gré, conclut Kenneth J. Theisen du groupe américain anti-guerre World Can’t Wait[37]. La Résistance Populaire Nationale irakienne a récemment intensifié ses activités contre l’occupation : Selon le Général de Brigade Ralph O. Baker, commandant en second des Forces Américaines du centre de l’Irak, le nombre d’attaques à la roquette ou au mortier contre la Zone Verte fortifiée et l’aéroport de Bagdad a lui aussi fortement augmenté. Le Général Baker déclarait récemment qu’il y avait eu une soixante d’attaques de ce genre au cours des deux derniers mois, contre « deux ou trois » seulement dans les mois précédents[38].

La honteuse sous-évaluation du bilan des victimes civiles

Tandis qu’à Washington, l’élite dominante voit dans la destruction de l’Irak « un bilan plutôt positif pour les États-Unis », la plupart des journalistes des médias corporatistes s’efforcent de maintenir le nombre officiel des victimes civiles irakiennes autour de 100 000 morts. Un mensonge de plus, une sous-estimation flagrante et une insulte aux souffrances du peuple irakien. Ce chiffre est celui de l’Iraq Bodycount, une organisation qui effectue un remarquable travail d’inventaire des victimes civiles dont le décès est attesté dans les médias de langue anglaise[39]. Bien évidemment, ce type de calcul peut difficilement servir de fondement scientifique à une estimation pertinente du nombre réel des victimes civiles irakiennes.

Voici quelques exemples : sur 34 000 médecins inscrits en Irak, 20 000 ont quitté le pays suite à l’invasion américaine[40]. Depuis avril 2009, moins de 2 000 médecins y sont revenus et le même nombre y a été tué pendant la guerre[41]. Dans sa base de données, Iraq Bodycount signale seulement 70 médecins tués en Irak[42], ce qui signifie qu’ils ont pris en compte à peine 3,5% du nombre réel des médecins victimes du conflit.

108 intellectuels universitaires apparaissent dans leur base de données. Le BRussells Tribunal possède une liste non exhaustive de 448 universitaires assassinés[43], établie par recoupement de diverses sources. Bien que cette liste soit loin d’être complète, Iraq Bodycount mentionne à peine 24% du nombre des universitaires assassinés dont le BRussells Tribunal ait pu réunir les noms.

La catégorie de victimes la mieux suivie de ce conflit est sans doute celle des journalistes. Le BRussells Tribunal a pu dresser une liste de 354 professionnels des médias victimes de la guerre[44]. En septembre 2007, M. Habib al-Sadr, directeur général d’Al-Iraqiya [la chaîne de télévision nationale irakienne], confiait à l’AFP que depuis sa prise de fonctions en 2005, au moins 75 membres de son personnel avaient été tués et 68 autres blessés[45]. A l’époque, la liste du BRussells Tribunal consacrée aux professionnels des médias contenait moins du tiers de son total actuel. Mais pour Iraq Bodycount, le cumul dans cette catégorie ne dépasse pas 241 morts.

Auteur de deux importantes études sur la mortalité en Irak, publiées dans la revue scientifique britannique The Lancet, l’épidémiologiste Les Roberts s’est défendu le 20 septembre 2007 contre des allégations dénonçant ses enquêtes comme « totalement biaisées », avec cet argument :

« Présentée lors d’une conférence à Harvard, une recherche portant sur treize pays frappés par la guerre, a récemment montré que plus de 80% des morts violentes survenues au cours de conflits ne sont signalés, ni par la presse, ni par les gouvernements. Récemment cités dans Middle East Online, des membres de l’administration de la ville irakienne de Nadjaf expliquaient que 40 000 corps non identifiés avaient été enterrés dans cette ville depuis le début du conflit. Dans son discours aux membres du Rotary Club du 5 septembre dernier – retransmis par le réseau américain C-SPAN (Réseau câblé et satellitaire pour les affaires publiques), Samir Sumaida’ie, l’ambassadeur irakien aux USA, a déclaré qu’il y avait 500 000 veuves récentes en Irak. La Commission Baker-Hamilton elle-même a constaté que le Pentagone ne signalait à peine le dixième du nombre d’incidents violents survenus pendant le conflit. Enfin, le vénérable institut de sondage britannique ORB a récemment publié les résultats d’un sondage selon lequel 22% des foyers irakiens ont perdu au moins un parent, victime des violences sous l’occupation, ce qui équivaut à un total d’un million deux cent mille de morts. Cette découverte corrobore assez largement les résultats d’un autre sondage effectué par la BBC en février dernier, selon lequel 17% des Irakiens avaient perdu au moins un de leurs proches dans le conflit. A l’heure actuelle, ce sont donc deux sondages et trois études scientifiques qui démontrent que les chiffres officiels et les estimations basées sur les déclarations médiatiques ont bien occulté 70 à 95% du total des victimes de la guerre en Irak. Et tout semble indiquer que la proportion d’occultation des faits par les médias ne cesse d’augmenter avec le temps » [46].

Une note de Sir Roy Anderson, Conseiller scientifique en chef auprès du Ministère britannique de la Défense, insiste que « l’approche méthodologique de l’étude [du Lancet] est solide et recourt à des méthodes que l’on peut considérer comme étant aussi proche que possible des "meilleures pratiques" de ce domaine, étant donné les difficultés spécifiques de la collecte et du contrôle des données, dans les circonstances qui prévalent actuellement en Irak ». Dans un courrier électronique publié par le Ministère britannique des Affaires Etrangères, dans lequel un responsable demande des précisions sur l’enquête du Lancet, celui-ci écrit : « Pour autant, la méthodologie de l’enquête employée ici peut difficilement être prise à défaut, c’est un mode d’évaluation de la mortalité dans les zones de conflit qui a depuis longtemps fait ses preuves »[47].

La polémique autour du nombre des victimes est sans doute loin d’être close, mais nous pouvons avancer avec certitude un excédent de plus d’un million de décès directement imputables à cette guerre – pour la plupart de mort violente. On peut trouver sur le site du BRussells Tribunal un archivage non exhaustif des articles relatant les virulentes polémiques répercutées dans la presse et les blogs au sujet du décompte des victimes civiles de l’occupation US : http://www.brusselstribunal.org/Lancet111006.htm

Un été noir pour les intellectuels irakiens

Le Brussells Tribunal s’est rendu célèbre par la vaste campagne lancée en 2005, qui visait à sensibiliser le public au sort des intellectuels irakiens. Le BRussells Tribunal reçoit régulièrement d’un large éventail de sources irakiennes, des informations complémentaires sur les exécutions sommaires d’intellectuels et d’universitaires irakiens. Voici un aperçu des principales exécutions répertoriées dans le courant de l’été :

  • Ehab Al-Ani : Directeur d’hôpital à Al Qa’im, tué le 5 juin 2010 par une bombe artisanale. D’après l’enquête initiale, Dr. Al Ani n’a pas été tué au hasard.
  • Ahmed Jumaa : Vice-chancelier de l’Université islamique à Ramadi, tué le 29 juin 2010 à Hit par une bombe artisanale. Le même jour, le professeur Ali Sayegh Zidane, cancérologue de l’Hôpital d’Harithiya à Bagdad, était abattu par des tireurs embusqués ou des snipers.
  • 14 juillet 2010 : La police irakienne découvre le cadavre décomposé d’un professeur d’université Adnan Al-Makki, poignardé à mort, chez lui, à Bagdad. Le même jour, un autre professeur d’université est abattu dans l’Ouest de Bagdad par des tireurs ou des snipers. Son nom ne nous a pas été communiqué.
  • 11 août 2010 : Tôt le matin, un groupe de tueurs fait irruption chez le Dr. Intisar Hasan Al Twaigry, directeur de l’Hôpital d’obstétrique Illwiyah, à Bagdad. Le Dr. Al Twaigry est assassinée, son mari est ligoté mais laissé en vie. Les tueurs emportent avec eux environ 20 000 dollars US.
  • Mohammed Ali El-Din : Expert en pharmacologie, assassiné dans l’après-midi du 14 août 2010, dans la région d’An Numaniya. Abattu par des tireurs ou des snipers, Mohammed Ali El-Din était rentré en Irak à peine quelques mois plus tôt, après un séjour d’études à l’Université de George Washington, USA.
  • Dr Kamal Qasim Al Hiti : Professeur de sociologie kidnappé dans Bagdad le 14 août 2010, à 16 h. Quelques semaines auparavant, il avait reçu une lettre de menaces contenant une balle et lui enjoignant de quitter le pays. Son corps mutilé, le visage en partie brûlé, a été retrouvé le 22 août dans le Tigre en face de la Zone Verte, dans le district al-Karada (sous contrôle du Conseil Suprême Islamique – Brigade Badr). Il a été torturé puis pendu. Très ouvertement critique contre l’occupation, il était l’éditeur du journal Al Mustaqila dont le siège avait été récemment mis à sac et qui fut finalement interdit pour avoir dénoncé l’occupation et ses milices[48].

28 août 2010 : Le BRussells Tribunal reçoit le courrier électronique suivant : « Je voudrais ajouter le nom de mon ami très proche Dr. Samer Saleem Abbas, abattu à bout portant dans sa clinique privée par un homme armé d’un pistolet à silencieux, qui a froidement annoncé aux patients : « Inutile d’attendre ou de rester dans la clinique, votre médecin est mort ! » Le Dr. Samer a été abattu de 5 ou 6 balles, dont une dans la bouche… Il a été tué un stylo à la main. Il était spécialiste en radiologie et Président du département de radiologie de la section chirurgicale Al-Jerahat de la Cité de la Médecine, à Bagdad. Nous avons donné son nom à l’amphithéâtre de son département. Nous discutions ensemble et rêvions de donner une nouvelle impulsion à la radiologie en Irak après la guerre. J’espère sincèrement que ces informations vous seront suffisantes pour rajouter son nom à votre liste ».

On ne voit toujours pas la fin de cette campagne d’assassinats systématiques des meilleurs et les plus brillants cerveaux d’Irak. Il semble que près de 40% des Irakiens de classe moyenne avaient déjà fui le pays vers la fin de 2006. La situation n’a fait qu’empirer depuis, bien que la proportion de départs semble diminuer progressivement. Les actions visant à stopper et inverser cette fuite de cerveaux demeurent indispensables. Pour la plupart des observateurs hélas, force est de constater que le gouvernement ne prend aucune mesure concrète susceptible de créer les conditions nécessaires au retour en Irak des classes moyennes éduquées. Privé de classes moyennes, l’Irak n’a aucun avenir viable.

 

DIRK ADRIAENSENS

Newsletter du Tribunal de Bruxelles Nov. 2010

 

Références de l’auteur :

[31] “U.S. forces still in fight at end of Iraq combat mission”, 1er septembre 2010, http://www.salon.com/news/feature/2010/09/01/ml_iraq_45/index.html

[32] “Outgoing U.S. Envoy Defends Iraq Progress”, 11 août 2010, http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=129119290

[33] “The Iraq withdrawal: An Orwellian success”, 15 août 2010,

http://www.salon.com/news/iraq_war/index.html?story=%2Fnews%2Ffeature%2F2010%2F08%2F15%2Firaq_withdrawal_success

[34] “More than 5,000 airmen will remain in Iraq”, 24 août 2010, http://www.airforcetimes.com/news/2010/08/MONDAYair-force-iraq-5800-airmen-remain-082310w/

[35] “The US isn’t leaving Iraq, it’s rebranding the occupation”, 4 août 2010, http://www.guardian.co.uk/commentisfree/cifamerica/2010/aug/04/us-iraq-rebranding-occupation

[36] “Pentagon tries to steer media coverage on Iraq”, 25 mai 2010, http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/05/24/AR2010052403839.html

[37] “A Combat Brigade Leaves; U.S. War of Terror Against Iraq Continues”, 19 août 2010,

http://www.worldcantwait.net/index.php/home-mainmenu-289/6594-a-combat-brigade-leaves-us-war-of-terror-against-iraq-continues

[38] “In Baghdad, U.S. Officials Take Note of Milestone”, 1er septembre 2010,

http://www.nytimes.com/2010/09/02/world/middleeast/02iraq.html?_r=2

[39] http://www.iraqbodycount.org

[40] « Iraq Index », 1er septembre 2010, http://www.brookings.edu/~/media/Files/Centers/Saban/Iraq%20Index/index.pdf

[41] “The Iraq withdrawal: An Orwellian success”, op.cit.

[42] http://www.iraqbodycount.org/database/individuals/

[43] http://www.brusselstribunal.org/academicsList.htm

[44] http://www.brusselstribunal.org/JournalistKilled.htm

[45] http://www.brusselstribunal.org/Journalists.htm

[46] “Ignorance of Iraqi death toll no longer an option”, 22 septembre 2007, http://www.globalresearch.ca/index.php?context=viewArticle&code=ROB20070922&articleId=6848

[47] “Iraqi deaths survey ‘was robust’”, 26 mars 2007,  http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/politics/6495753.stm

[48] http://www.brusselstribunal.org/academicsList.htm
 

 


 

 

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One Response to “Irak : L’âge des ténèbres (2/2) : L’interminable occupation et ses effets pernicieux.”

  • chb

    Les morts en Iraq du fait des guerres depuis 90 sont évidemment de très loin plus nombreux que le compte officiel. Gideon Polya, australien et pourfendeur d’impérialistes, compte pour l’Iraq environ 2,5 millions de « décès en excès » depuis 2003, 4,4 millions depuis 90.
    Il a étudié tout un tas de sources, et un résumé de son résultat se trouve à http://sites.google.com/site/artforpeaceplanetmotherchild/

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