Délits d’initiés : une guerre qui n’avoue pas son nom

Voici une petite parenthèse entre les coquillages et crustacés de cette période estivale, et en lien avec un cas de délit d’initié jugé ce 21 juillet 2010 qui pourrait passer inaperçu en période de vacances.

En matière de sanction légale d’un délit d’initié, Maitre Olivier Paulhan rappelle ceci :

"Dès 1967, la France s’est dotée d’un dispositif légal obligeant les dirigeants de sociétés cotées à mettre au nominatif les actions qu’ils détenaient dans ces sociétés et d’informer la COB de tout mouvement sur ces titres. Ce texte s’inspirait de la loi américaine qui prévoyait que le bénéfice d’une transaction réalisée par un insider sur les titres d’une société cotée pouvait être réclamé par ladite société ou l’un de ses actionnaires. Mais si la Securities and Exchange Commission (SEC) faisait preuve d’une grande sévérité dans la mise en œuvre de ces dispositions, les mesures françaises restaient sans grande efficacité à défaut de sanction prévue par les textes. A partir des années 80, et notamment à la suite de l’affaire Pechiney-Triangle, la répression du délit s’est vue considérablement renforcée. Enfin, la coopération internationale, en particulier dans le cadre de l’accord d’assistance mutuelle signé entre la COB et la SEC en 1989, démontre la volonté du législateur de sanctionner le délit d’initié."

… ou démontrait ? Car au vu de l’article suivant publié par Géopolintel et du traitement  réservé aux délits d’initiés outre-Atlantique, il semblerait que les actuels législateurs américains et français se soient un tantinet écartés de la norme établie par leurs prédécesseurs. Et comme souvent dans ces affaires de gros sous, on retrouve l’intervention de la CIA, des professionnels multicartes dont les intérêts financiers s’imbriquent en une savante nébuleuse à l’internationale, toujours aussi opaque aux yeux du profane. Mais quand éclate au grand jour la bulle du scandale, il faut faire bonne figure : des procès, des procès, des procès. Pour quoi faire ? Que d’argent public gâché.  La décision de la commission des sanctions, jointe à l’article ci-dessous, vient éclairer le cas présumé d’un délit d’initié français tout récent.

 
Société Générale : Robert Day blanchi mercredi 21 juillet 2010
 
 

Société Générale: Robert Day blanchi

 

Rédaction de Géopolintel, mercredi 21 juillet 2010 

 
 
Rappel des faits :
 
Lors de la crise des subprimes en 2007, Jean Pierre Mustier, alors dirigeant de la Société Générale, vend un nombre important de ses actions. L’AMF soupçonnera celui-ci d’avoir réalisé à travers cette vente des profits substantiels grâce aux informations privilégiées – délit d’initié – obtenues à son poste. Il est suspecté d’avoir anticipé les marchés illégalement.

Quelque temps plus tard éclate l’affaire Kerviel. Daniel Bouton, directeur de la Société Générale, annonce une perte record de 7,1 milliards en raison de la crise des subprimes et 4,9 milliards de ces pertes sont imputées aux placements « irresponsables » d’un jeune trader.

Mais le meilleur arrive avec l’entrée en lice de Robert A. Day. Administrateur de la Société Générale, Robert A. Day a vendu, avant que n’éclate l’affaire Kerviel, 900 000 actions « Société Générale » au prix de 95,27€, le tout lui rapportant 86 millions d’euros. Le lendemain, il récidive en vendant pour 10 millions d’euros d’actions, puis pour 40 millions d’euros le 18 janvier.

Cet illustre inconnu a été un proche collaborateur – et bailleur de fonds – de Georges W. Bush, au cours des élections présidentielles de 2000 et 2004, avec Joe Albaugh, ex-patron de la FEMA. Il est aussi membre du think tank pétrolier CSIS au côté d’autres membres illustres tels que Christine Lagarde, ministre de l’Économie française et Zbigniew Brzezinski, mentor d’Obama. Pour finir ce « tableau », il est membre du Presidential Intelligence Advisory Board, service de renseignement de la Maison Blanche, poste auquel il a été nommé par Georges W. Bush en 2001.
 
Cette affaire de « délit d’initié » n’est pas une première à la Société Générale. En effet, en 2002, le procès de l’un des plus grands scandales politico-financiers des années 1980 s’est ouvert avec 4 prévenus, dont le célèbre créateur des Hedge Fund George Soros « philanthrope » et multi-millionnaire anglais qui fit sauter la banque d’Angleterre. Le tribunal correctionnel de Paris condamnera alors George Soros à 2,2 millions d’euros d’amende.
Au regard de toutes ces « folies » boursières, on constate que cette banque qui semble jouer avec le feu est de plus victime d’une déstabilisation.

Juste après l’affaire Kerviel, la banque BNP Paribas lancera un « raid » sur la Société Générale.
 
Cette déstabilisation des entreprises françaises est-elle organisée par la communauté des services de renseignement américains ? En effet, dans le contexte de la guerre économique initiée par le gouvernement Clinton, la CIA entreprit de déstabiliser les entreprises françaises. (1)
 
Pour conclure, avant de lire le compte-rendu de l’AMF concernant les mises en accusation de Robert Day et de Jean Pierre Mustier, méditons sur deux faits troublants concernant cette banque :
  • Le premier est l’embauche en 2007 d’un ancien agent de la CIA Michael Wittner. Géologue et chef de projet pour une société d’ingénierie, analyste à la Central Intelligence Agency, responsable Amont sur le pétrole chez Pira Energy Group à New York, analyste en chef, co-auteur du rapport mensuel sur le pétrole au sein de l’Agence Internationale de l’Energie, responsable de la recherche sur les marchés de l’énergie chez Koch Supply and Trading (2003-05) puis au sein de Calyon (Crédit Agricole) (2005-07), responsable de la recherche pétrole au sein de l’équipe recherche matière première de Société Générale Cross Asset Research à Londres (depuis 2007).
  • Le second est le récent accord de financement de la Société Générale pour le projet de constellation satellitaire Iridium dont l’un des directeurs n’est autre que AB Krongard, ex-directeur de la CIA, spécialiste des transactions financières. (2)
Nous n’en concluons rien, mais nous sommes enclins à réfléchir à cette déclaration de François Mitterrand faite lors d’un entretien privé à la fin de sa vie :
« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre contre les Etats-Unis. Une guerre permanente, économique, une guerre sans morts. [...] Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. Une guerre inconnue, une guerre permanente, sans morts apparemment, et pourtant une guerre à mort. » (3)
 
 
La rédaction Geopolintel
 
 

* * * Document officiel de la Commission des sanctions * * *

 

Décision de la commission des sanctions à l’égard de MM. Jean-Pierre Mustier et Robert Day

 
La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») :
 
Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14, L. 621-15, R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;
Vu les articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ; Vu les notifications de griefs adressées le 29 juillet 2009 à MM. Robert Day et Jean-Pierre Mustier ;
Vu la décision du 14 septembre 2009 du président de la Commission des sanctions désignant M. Jean-Claude Hanus, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;
Vu les lettres en date du 24 septembre 2009 adressées à MM. Robert Day et Jean-Pierre Mustier, les avisant de la possibilité leur appartenant de demander la récusation du rapporteur ;
Vu les observations écrites en date du 30 novembre 2009 déposées par Maître Jean Veil pour le compte de M. Jean-Pierre Mustier ;
Vu les observations écrites en date du 1er décembre 2009 déposées par Maître Eric Dezeuze pour le compte de M. Robert Day ;
les procès-verbaux des auditions par le rapporteur, en date du 22 janvier 2010, de MM. Robert Day et Jean-Pierre Mustier et, en qualité de témoin, de M. Didier Hauguel ;
Vu le rapport de M. Jean-Claude Hanus en date du 21 avril 2010 ; La Commission des sanctions
Vu les lettres de convocation, en date du 22 avril 2010, à la séance de la Commission des sanctions du 10 Juin 2010, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, adressées à MM. Jean-Pierre Mustier et Robert Day ;
Vu les observations écrites en date du 7 mai 2010 déposées par Maitre Eric Dezeuze pour M. Robert Day ;
Vu les observations écrites en date du 10 mai 2010 déposées par Maitre François Esclatine pour M. Jean-Pierre Mustier ;
Vu les lettres du 17 mai 2010 informant MM. Robert Day et Jean-Pierre Mustier de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, leur précisant la faculté de demander la récusation de l’un ou l’autre de ses membres ; Vu les autres pièces du dossier ; 
 
Après avoir entendu au cours de la séance du 10 Juin 2010 :
 
M. le rapporteur en son rapport ; M. Jean-Jacques Barberis, commissaire du Gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ; M. Ambroise Liard, représentant le Collège de l’AMF ; M. Jean-Pierre Mustier ; Maître Jean Veil, conseil de M. Jean-Pierre Mustier ; M. Robert Day, assisté de Mme Sarah Rossi, interprète en langue anglaise ; Maître Eric Dezeuze, conseil de M. Robert Day ; les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.
 
Faits et procédures:
 
La Société Générale (ci-après « SG ») a été touchée à la fin du 1er semestre 2007 par la crise de liquidité internationale dont l’origine est à rechercher dans les crédits « subprimes ». Les opérations de titrisation ont été le principal vecteur de propagation des difficultés rencontrées sur les crédits « subprimes » qui, jusqu’à la fin du 1er semestre 2007, ont été presque systématiquement l’objet de refinancement à travers l’émission de « véhicules » de titrisation primaires de type RMBS (Residential mortgage backed securities) puis de produits de financement structuré secondaires de type CDO (Collateralised debt obligations). Cette crise a frappé toute l’industrie financière du refinancement des créances hypothécaires qui s’était développée aux Etats-Unis depuis de nombreuses années : d’abord les établissements spécialisés qui accordaient des prêts hypothécaires aux créanciers primaires, puis les banques qui refinançaient ces établissements spécialisés en recourant à la titrisation après avoir assemblé des pools de créances homogènes (RMBS), ensuite celles qui regroupaient et restructuraient ces RMBS dans des véhicules de titrisation secondaires (CDO de RMBS) et enfin tous les investisseurs qui s’étaient portés acquéreurs de RMBS et de CDO de RMBS en considérant qu’il s’agissait de titres souvent très bien notés et bénéficiant d’un rendement supérieur à ceux délivrés par des actifs de notation équivalente. SG a été touchée à la fin du 1er semestre 2007 par les difficultés rencontrées sur les subprimes américains, principalement en tant qu’investisseur dans des tranches super-seniors de CDO de RMBS, que ces tranches aient été acquises sans couverture ou qu’elles aient fait l’objet d’une protection souscrite auprès d’un assureur spécialisé via l’achat d’un dérivé de crédit (CDS), mais également à travers son activité de trading et de structuration de RMBS.
Toutes ces opérations se sont développées au sein du secteur FICC (Fixed income Curruncies and Commodities) des activités de marché de la succursale de New York, à partir du début des années 2000, pour les plus anciennes, jusqu’à la fin de 2005, s’agissant de l’acquisition de CDO de RMBS par le desk trésorerie, dénommé FIMM (Fixed Income Money Market).
 
Une enquête a été ouverte, le 29 Janvier 2008, par le Secrétaire général de l’AMF sur l’information financière et le marché du titre SG à compter du 31 décembre 2006. A l’issue de l’enquête, un rapport a été établi le 19 décembre 2008, par la Direction des enquêtes et de la surveillance des marchés de l’AMF et examiné par le Collège de l’AMF lors de sa séance du 8 juillet 2009.
 
Au vu de ce rapport et sur décision du Collège, le Président de l’AMF a notifié des griefs :
 
1° à M. Jean-Pierre Mustier
 
au motif que, lorsque, le 21 août 2007, il a cédé 6 000 actions de la Société Générale, il savait que « l’estimation des pertes potentielles de cinq tranches super-seniors de CDOs de RMBS variait considérablement selon que l’on retenait la méthode de calcul basée sur le prix des indices ABX de référence ou sur un modèle interne » dit « de crédit » et que « dans un contexte de baisse généralisée et soudaine des prix de l’immobilier résidentiel, le fait de savoir que le modèle interne de crédit utilisé par la Société générale pour valoriser les produits de type CDOs de RMBS ne tenait pas compte de l’absence de liquidité (et donc du coût correspondant) contrairement à la méthode basée sur les prix des indices ABX (qui intégrait cette composante) permettait de tirer une conséquence quant à l’évolution future du cours du titre Société Générale, en raison notamment de l’écart considérable des dépréciations calculées selon la méthode retenue » ;
 
2° à M. Robert Day
 
au motif que, lorsqu’entre le 19 décembre 2007 et le 18 janvier 2008, 1 758 700 actions SG ont été cédées selon ses instructions, dont 1 350 000 pour son compte propre, il pourrait avoir été en possession de trois informations privilégiées autonomes et indépendantes les unes des autres : celle selon laquelle « la détention par la Société Générale d’un portefeuille de tranches superseniors de CDOs couverts par des Credit Default Swap (CDS) accordés par des compagnies d’assurance monoline exposait l’établissement à un risque d’appel en garantie estimé à 700 millions celle selon laquelle la SG « avait entériné l’adoption d’un d’euros » ; dispositif de secours pour garantir la liquidité des OPCVM monétaires dynamiques celle de son pôle gestion d’actifs géré par les sociétés du Groupe SGAM » ; selon laquelle la SG « avait entériné, au début du mois de septembre 2007, et après avoir décidé l’abandon de la méthode de valorisation basée sur les prix des indices ABX de référence, l’adoption d’un modèle interne de crédit exempt de prise en compte du risque d’illiquidité du marché pour valoriser le risque de marché de ses portefeuilles de CDOs exposés à l’effondrement des prix de l’immobilier résidentiel et ainsi estimer les pertes subies sur les tranches super-seniors du portefeuille de CDOs de RMBS ».
 
Par lettre du 29 juillet 2009, le président de l’AMF, en application de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, a informé le président de la Commission des sanctions de la décision prise par le Collège de l’AMF de procéder aux notifications de griefs précitées. En application de l’article R. 621-39-1 du code monétaire et financier, le président de la Commission des sanctions, par une décision du 14 septembre 2009, a désigné en qualité de rapporteur M. Jean-Claude Hanus, lequel a envoyé le 18 septembre 2009 aux personnes mises en cause une lettre afin de les informer de cette désignation en leur rappelant la possibilité d’être chacune entendue à sa demande. Par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 24 septembre 2009, les personnes mises en cause ont été informées, conformément à l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’elles disposaient d’un délai d’un mois pour demander la récusation du rapporteur, dans les conditions prévues aux articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier.
 
Un délai supplémentaire pour déposer des observations écrites en réponse à la notification de griefs a été sollicité le 31 juillet 2010 par Maître Jean Veil pour le compte de M. Jean-Pierre Mustier et les 10 et 13 août 2009 par Maître Eric Dezeuze pour le compte de M. Robert Day. A la suite des demandes formulées par M. Robert Day, le rapporteur a demandé au secrétaire général de l’AMF de bien vouloir lui adresser les pièces manquantes du dossier afin de les intégrer en procédure. En réponse à son courrier, le secrétaire général de l’AMF a transmis, par un courrier en date du 12 novembre 2009, les pièces manquantes, lesquelles ont été cotées dans le dossier de procédure, sans toutefois faire parvenir la lettre d’observations que la SG a reçue à la suite de l’enquête en cause. Des observations ont été présentées, le 30 novembre 2009, par Maître Jean Veil pour le compte de M. Jean-Pierre Mustier et, le 1er décembre 2009, par Maître Eric Dezeuze pour le compte de M. Robert Day. M. Jean-Pierre Mustier ayant, dans ses observations, sollicité son audition, le rapporteur l’a entendu dans les locaux de l’AMF le 22 janvier 2010. Par ailleurs, estimant que les auditions de M. Robert Day ainsi que de M. Didier Hauguel, directeur des risques de la SG au moment des faits, pourraient être utiles, le rapporteur les a également entendus le 22 janvier 2010.
 
Le rapporteur a rendu son rapport le 21 avril 2010. Les mis en cause ont été convoqués devant la Commission des sanctions par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, en date du 22 avril 2010, auxquelles était joint le rapport du rapporteur. En réponse au rapport du rapporteur, des observations ont été déposées, le 7 mai 2010, par Maître Eric Dezeuze pour le compte de M. Robert Day et, le 10 mai 2010, par Maître François Esclatine pour le compte de M. Jean-Pierre Mustier. Par lettres du 17 mai 2010, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, en application des articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier.
 
Motif de la décision
 
Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF « toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant (…) pour son propre compte ou pour le compte d’autrui (…) les instruments financiers auxquels se rapporte cette information » ; Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du même règlement : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés./Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés./Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;
 
 
I – En ce qui concerne le grief notifié à M. Jean-Pierre Mustier
 
1. Sur l’exception invoquée par M. Jean-Pierre Mustier
 
Considérant que ni le fait que la notification de griefs envisage le cours de bourse à deux dates différentes pour évaluer le montant de l’avantage que M. Jean-Pierre Mustier aurait tiré de la vente de titres SG à laquelle il lui est reproché d’avoir procédé, ni le caractère prétendument incohérent du grief qui lui a été notifié ne sont de nature à entrainer la nullité de la poursuite pour méconnaissance de la règle selon laquelle toute personne doit être informée de ce dont elle est accusée ;
 
2. Sur le bien-fondé du grief
 
Considérant que l’information privilégiée qu’il est reproché à M. Jean-Pierre Mustier d’avoir utilisée lorsque le 21 août 2007 il a cédé 6 000 actions de la SG, est la connaissance, d’une part, de ce que le modèle interne « de crédit » dont il avait approuvé la mise en place pour l’estimation des pertes potentielles sur les tranches super-seniors de CDO de RMBS que détenait la SG ne tenait pas compte du coût de l’absence de liquidité et, d’autre part, de l’importance de l’écart entre l’estimation résultant de la méthode de calcul basée sur le prix des indices ABX de référence et l’estimation calculée selon ce modèle interne « de crédit » ;
 
Considérant, en premier lieu, que pour approximatives et sujettes à fluctuations qu’aient pu être, dans le contexte de l’époque, les différentes méthodes d’évaluation des risques correspondant aux actifs liés à l’immobilier résidentiel américain, la connaissance de ce qu’au début du mois d’août 2007 la SG avait conçu et commencé à utiliser un modèle qui évaluait le risque de crédit mais ne prenait pas en compte le risque de liquidité et de ce que l’application de ce modèle conduisait à une estimation des pertes potentielles substantiellement inférieure à celle fondée sur les prix des indices ABX de référence constituait, au sens de l’article 621-1 précité du règlement général, un ensemble de circonstances dont, dans le contexte de l’époque, il était possible de tirer une conclusion quant à son effet possible sur le cours du titre ; qu’ainsi, pour l’application de cet article, cette information était précise ;
 
Considérant, en deuxième lieu, d’une part, que la mise en place, au début du mois d’août, de ce modèle, n’avait donné lieu à aucune information, d’autre part, que ce n’est que le 24 janvier 2008 qu’un communiqué de la SG a rendu public le fait que les dépréciations de 1,1 milliard d’euros, enregistrées au titre de la dévalorisation des tranches super-seniors de CDO de RMBS, étaient désormais « en ligne avec les prix des indices ABX de référence » ; qu’ainsi, l’information qu’il est reproché à M. Jean-Pierre Mustier d’avoir utilisée le 21 août 2007 n’était pas publique à cette date ; Considérant, en troisième lieu, que, tout particulièrement dans le contexte d’illiquidité du marché des instruments financiers refinançant les créances hypothécaires, la connaissance de ce que le modèle interne « de crédit » ne prenait pas en compte une décote d’illiquidité et conduisait ainsi à sous-estimer le montant des pertes potentielles sur les tranches super-seniors de CDO de RMBS et, par suite, à fausser l’exposition réelle de la SG à la baisse du marché immobilier était une information qu’un investisseur raisonnable était susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ;
 
Considérant ainsi qu’à la date du 21 août 2007, à laquelle M. Jean-Pierre Mustier a vendu 6 000 actions de la SG, l’information en cause revêtait tous les caractères d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ; que cette vente est par suite intervenue en méconnaissance de l’obligation d’abstention prévue par l’article 622-1 du règlement général de l’AMF ; que le manquement est dès lors constitué ;
 
Considérant que, pour l’appréciation de la nature et de la gravité de ce manquement, -et, par suite, pour la détermination de la sanction pécuniaire encourue- il y a lieu de tenir compte de ce que, d’une part, M. Jean-Pierre Mustier avait décidé de procéder, le 21 août 2007, à la liquidation de son portefeuille d’instruments financiers dont les 6 000 actions de la SG qu’il a vendues ne constituaient qu’une très faible part (3 % en montant nominal), d’autre part, il détenait encore, après cette vente, indépendamment de ses stock options, 7 000 actions de la SG ;
 
Considérant, à l’inverse, que le niveau des responsabilités de M. Jean-Pierre Mustier lui imposait tout particulièrement de ne pas méconnaître son obligation d’abstention ;
 
II – En ce qui concerne le grief notifié à M. Robert Day 
 
1. Considérant que la première information qu’il est reproché à M. Robert Day
 
d’avoir utilisée est relative à la détention par la banque de CDS accordés par des compagnies d’assurance monoline visant à couvrir un portefeuille de tranches super-senior de CDO, exposant la SG, en cas de défaillance de ces compagnies, à un risque d’appel en garantie estimé à 700 millions d’euros ;
 
 
Considérant que, selon la notification de griefs, si l’information relative à la détention de ces CDS, bien que non publique, n’était pas privilégiée lorsqu’elle a été donnée aux membres du conseil d’administration lors de la séance du 18 septembre 2007, elle l’est devenue « au plus tard à la fin du mois de novembre 2007, en raison de l’accroissement significatif du risque de défaillance des assureurs monoline » ;
 
Considérant que, pour l’application des dispositions précitées des articles 621-1 et 622-1 du règlement général de l’AMF, le caractère privilégié d’une information s’apprécie à la date à laquelle celle-ci est utilisée ; que les divers éléments dont la réunion permet alors de la caractériser peuvent être apparus antérieurement à des dates différentes ; que, notamment, une information ne présentant pas à l’origine le caractère d’une information susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours d’un instrument financier peut revêtir ultérieurement ce caractère si des éléments nouveaux font qu’un investisseur raisonnable qui la détiendrait serait susceptible de l’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ; que dans cette hypothèse, sous réserve que le contenu de l’information ne soit pas devenu public, il importe peu que les éléments nouveaux que pourrait prendre en compte pour en apprécier la portée un investisseur raisonnable la détenant revêtent un caractère public ;
 
Mais considérant que si, entre la mi-octobre et le début de décembre 2007, le cours des actions des principaux assureurs monoline a très sensiblement baissé et si le, 19 décembre 2007, la notation du rehausseur de crédit ACA a été abaissée (à CCC), il n’est pas établi qu’un risque de défaillance de ces assureurs ait été clairement perçu antérieurement à l’annonce, le 18 janvier 2008, de l’abaissement (de AAA à AA) de la notation d’AMBAC ; qu’à cette date la situation de l’assureur AIG, dont il avait été indiqué lors du conseil d’administration du 18 septembre qu’il représentait la moitié du montant de 700 millions d’euros de l’exposition alors évoquée, ne suscitait pas d’inquiétude ; que l’information donnée lors du conseil d’administration du 18 septembre ne comportait pas de précision autre que l’indication de ce montant global et la référence à AIG ; que, notamment elle ne mentionnait pas l’identité des assureurs monoline autres qu’AIG ; que, dans ces conditions, lorsque M. Robert Day a, entre le 19 décembre 2007 et le 18 janvier 2008, vendu pour son propre compte 1 350 000 actions SG, l’information qui lui avait été initialement communiquée le 18 septembre 2007 n’était pas susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement et, par suite, ne présentait pas le caractère d’une information précise susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre SG et ne constituait pas une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du Règlement général de l’AMF ;
 
2. Considérant que la deuxième information qu’il est reproché à M. Robert Day
 
d’avoir utilisée est relative à l’adoption par la SG d’un dispositif de secours pour garantir la liquidité des OPCMV « monétaires dynamiques » du groupe SGAM ; Considérant que lors du conseil d’administration du 18 septembre 2007, il a été indiqué que pour faire face, dans un contexte d’illiquidité, aux demandes de rachat de parts de ces fonds un dispositif de « back up » avait été mis en place, passant par l’acquisition et l’inscription au bilan consolidé de SG d’un nombre de titres, dont il était indiqué que leur montant s’élevait à 1,6 milliard d’€ et pourrait sous huitaine atteindre 3,1 milliards d’€ ; que cette information était précise et, à cette date, n’était pas publique ;
 
Considérant toutefois qu’au cours du mois de novembre et au début du mois de décembre, il est devenu notoire que, comme d’autres établissements, la SG avait du faire face à d’importants mouvements de décollecte sur ses OPCVM « monétaires dynamiques » et qu’elle avait pris des dispositions pour assurer la liquidité de ces fonds vis-à-vis de sa clientèle ; qu’ainsi aux dates des opérations auxquelles a procédé M. Robert Day, l’information telle qu’elle avait été donnée au conseil d’administration du 18 septembre avait cessé d’être non publique ;
 
Considérant, au demeurant, qu’il ressort des pièces du dossier que le montant des dépréciations entraînées par ces reprises d’actifs et l’impact de ce dispositif sur les comptes de la SG n’étaient pas tels qu’un investisseur raisonnable utilise cette information comme un des fondements de ses décisions d’investissement ; que, d’ailleurs, lorsqu’elle a été révélée, cette information n’a pas eu d’incidence sensible sur le marché et n’a pas suscité de réaction particulière de la part des journalistes et analystes financiers ; qu’ainsi elle ne peut être regardée comme ayant été susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre SG ;
 
Considérant ainsi que cette information non plus ne présentait pas toutes les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
 
3. Considérant que la troisième information qu’il est reproché à M. Robert Day
 
d’avoir utilisée est relative à sa connaissance de ce que, pour la valorisation du risque de marché relatif à ses portefeuilles de CDOs exposés à l’effondrement des prix de l’immobilier résidentiel, la SG avait décidé de ne pas retenir la méthode fondée sur le prix des indices ABX de référence et avait adopté un modèle interne de crédit ne prenant pas en compte le risque d’illiquidité du marché ;
 
Considérant que si, lors de la séance du conseil d’administration du 18 septembre 2007, il a été indiqué qu’un modèle interne avait été mis en place, il ne ressort pas du dossier que cette indication ait été assortie de commentaires faisant apparaitre de façon précise ses différences par rapport au modèle fondé sur les indices ABX ; que, notamment, il n’est pas établi que M. Robert Day ait été informé de ce que le nouveau modèle de valorisation utilisait un taux d’actualisation linéaire et ne prenait pas en compte le facteur d’illiquidité ; Considérant ainsi que l’information en cause n’était pas précise et, par suite, ne constituait pas une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
 
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’aucune des trois informations invoquées ne conduit à retenir à l’encontre de M. Robert Day le grief d’utilisation d’information privilégiée qui lui a été notifié ; que M. Robert Day doit dès lors être mis hors de cause ; III – Sanction et publication 1. Considérant que, sur le fondement de l’article L. 621-15 II. c) du code monétaire et financier dans sa version applicable à l’époque des faits visés par la notification de griefs, la Commission des sanctions peut prononcer à l’encontre des personnes physiques ayant commis un manquement d’initié « une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés » ; que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ;
Considérant que dans les circonstances de l’espèce et compte tenu notamment de ce qui a été dit précédemment des éléments relatifs à l’appréciation du manquement commis par M. Jean-Pierre Mustier, il y a lieu de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ;
 
Considérant que le V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dispose que « la Commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause (…) » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la Commission de tenir compte des exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès à ses décisions, connaître son interprétation des règles qu’ils doivent observer ; qu’il ne résulte pas des circonstances de l’espèce que la publication de la décision causerait aux parties en cause un préjudice disproportionné ou risquerait de perturber les marchés ; …/…
 
Par ces motifs,
 
Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Daniel LABETOULLE, par Mme Marielle COHEN-BRANCHE, MM. Jean-Claude HASSAN, Alain FERRI, Pierre LASSERRE, Antoine COURTEAULT, Jean-Jacques SURZUR et Joseph THOUVENEL, en présence de la Secrétaire de séance, DECIDE :
 
de prononcer une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) à l’encontre de M. Jean-Pierre Mustier ;
 
de mettre hors de cause M. Robert Day ;
 
de publier la présente décision sur le site Internet de l’AMF et dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions de l’AMF. A Paris, le 10 juin 2010, La Secrétaire de séance, Le Président, Brigitte LETELLIER Daniel LABETOULLE Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du Code monétaire et financier.
 
  
Documents geopolintel :
 
AMF, Paris, 10 juin 2010, décision de la commission des sanctions / Document (PDF – 163.2 ko)
 
Notes geopolintel :
 
(1) http://www.geopolintel.fr/article72.html
(2) http://www.geopolintel.fr/article28
(3) cité dans Courrier International du 13 avril 2000 
 

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