The Guardian : Les Etats-Unis financent les talibans, selon les Afghans eux-mêmes

Alors que le millième soldat américain vient à peine de tomber sur le champ de bataille afghan, voici un article paru dans le quotidien anglais The Guardian qui remet les pendules à l’heure quant à l’opinion que se fait la population afghane de cette guerre et de ses véritables objectifs. Pour la plupart des Afghans, il est clair que l’Occident utilise et laisse perdurer le conflit sous de faux prétextes, en alimentant – dans tous les sens du terme – la résistance taliban. Et cette croyance semble d’autant plus répandue qu’on s’élève dans les milieux les plus éduqués de la société. De quoi faire réfléchir sur notre propre vision occidentale sur cette soi-disant "mission de paix", terme totalement usurpé.  Car il s’agit bien d’une guerre, initiée au nom du 11-Septembre pour aller chasser ceux qui protégeaient les présumés pirates de l’air.  Or nous savons depuis plusieurs années que les preuves liant Ben Laden aux attentats du 11/9 ne sont pas établies et que certains documents pourraient bien avoir été fabriqués. De plus, les "preuves" ayant servi à convaincre l’ONU de voter la résolution 1378 du 14 novembre 2001 donnant le feu vert au conflit sont toujours classées "Secret défense" par les Américains. Que contiennent-elles exactement ? Pourquoi les populations des pays participant aux Forces d’occupation, comme la France, n’ont-elles pas le droit d’en connaître le contenu alors qu’on leur demande de se sacrifier et d’envoyer des soldats tuer et se faire tuer là-bas ?

L’Afghanistan subit une guerre totalement injustifiée, et où de surcroit la France n’a rien à faire.

Nous réitérons une fois de plus notre appel pour la fin de la guerre en Afghanistan et pour le rapatriement  immédiat des soldats français.

 

Selon une croyance répandue parmi les Afghans, l’Occident n’a pas l’intention de mettre fin au conflit en Afghanistan. Photographie: John Moore / Getty Images


 

 

paru dans The Guardian le 25 mai 2010

Les Afghans pensent que les États-Unis financent les talibans

Des intellectuels et professionnels afghans respectés sont convaincus que l’Occident prolonge le conflit dans le but de préserver son influence dans la région.

Il est pratiquement impossible de trouver quelqu’un en Afghanistan qui ne soit pas persuadé que les États-Unis financent les talibans; ce sont des professionnels afghans hautement qualifiés, ceux qu’emploient l’ISAF, l’USAID, des organisations internationales de médias – et même des conseillers de diplomates américains – qui semblent les plus convaincus.

Un ami afghan parlant un anglais impeccable et qui aime à citer Charles Dickens, Bertolt Brecht ou Anton Chekhov, dit que la raison en est claire. "Les Etats-Unis ont intérêt à prolonger le conflit et à rester en Afghanistan sur le long terme."

La poursuite des violences entre les forces de la coalition et les talibans en est la meilleure preuve.

"Dans ce pays, nous disons qu’il faut deux mains pour applaudir", dit-il, frappant dans ses mains en guise de démonstration.  "Une seule ne suffit pas."

Ses arguments sont raisonnés, bien qu’il en gâche légèrement l’effet en m’expliquant qu’"aucun juif n’est mort dans les Tours Jumelles". Il ne s’agit pas seulement des ressources naturelles de l’Afghanistan, mais de sa position stratégique, en toute logique. Dominer ce pays donnerait aux États-Unis un pouvoir sur l’Inde, la Russie, le Pakistan et la Chine, sans parler de tous les États d’Asie centrale.

"Les Etats-Unis se servent d’ Israël pour menacer les Etats arabes, et ils veulent faire  la même chose avec l’Afghanistan, dit-il. Celui qui contrôlera l’Asie dans le futur contrôlera le monde entier."

"Même un enfant de cinq ans sait cela," me dit un journaliste de radio Kaboul plaçant sa  main à quelque distance du sol pour illustrer ses dires. "Regardez Helmand, dit-il, comment se fait-il que 15.000 soldats internationaux et afghans ne parviennent pas à écraser deux mille talibans mal équipés ?"

C’est pareil pour les Britanniques; apparemment, ils veulent rester en Afghanistan encore plus que les Américains. Et la raison pour laquelle ils veulent discuter avec les talibans est qu’ils pensent les faire entrer au gouvernement, consolidant ainsi l’influence du Royaume-Uni.

Ce n’est pas là simplement un vague préjugé ou de sauvages théories conspirationnistes  si répandues au Moyen-Orient. Il y a une analyse très structurée même si un brin alambiquée derrière tout cela. On me pose sans arrêt  la question suivante : si les États-Unis voulaient vraiment battre les talibans, alors pourquoi ne vont-ils pas les attaquer au Pakistan ? La raison en est simple, m’explique un ami "Tant que vous ne vous débarrasserez pas du nid, le problème persiste. S’ils éliminaient les talibans, les États-Unis n’auraient plus aucune raison de rester ici."

Les preuves sont multiples, disent-ils (même si cela tend à inclure la phrase imparable qui consterne tous les journalistes: "tout le monde sait bien que …").

Tout le monde sait bien, par exemple que l’armée nationale afghane dit qu’elle reprend les bases des talibans pour s’approvisionner en rations et en armes identiques à celles que leur  fournissent les États-Unis. Ces derniers financent les « madrasas »,  [ces écoles] produisant de jeunes talibans, aussi bien en Afghanistan qu’au Pakistan.. Les hélicoptères de l’armée des USA  livrent régulièrement des fournitures derrière les lignes des talibans. Les organisations d’aide ne sont rien d’autre que des agences liées à la collecte de renseignements, et elles se rendent dans des régions où l’armée ne peut pas facilement accéder, afin d’obtenir des informations sur le terrain. Même le plus humble des projets de formation de sage-femme est en réalité au service  de l’espionnage.

Un politologue qui travaille comme conseiller auprès d’agences US dans le nord du pays, raconte comment les gens craignent l’influence persistante des Seigneurs de guerre, illustrant ses propos par des descriptions sur la violence et la corruption qui s’étendent jusque dans les domaines de la banque, du gouvernement et du commerce.

Les Afghans détestent ces Seigneurs de guerre, dit-il, mais les États-Unis veulent qu’ils restent en place. "S’ils disparaissaient et étaient remplacés par des personnes compétentes et honnêtes, nous pourrions générer nos propres revenus. Nous pourrions avoir notre propre économie et  demander des investissements extérieurs en toute transparence. Nous aurions une véritable armée, pour nous protéger et servir l’Afghanistan".

Alors pourquoi ces professionnels afghans instruits travaillent-ils pour des gouvernements dont ils sont convaincus qu’ils veulent enfoncer leurs griffes dans leur pays ?

Leur patriotisme n’a rien d’artificiel – avec leurs compétences ils pourraient facilement étudier ou travailler à l’étranger, et pourtant ils choisissent de rester pour construire un avenir meilleur pour leur pays. Les Afghans éprouvent une suspicion  historique envers toute puissance étrangère impliquée dans leur pays, et peut-être qu’avec la résistance d’une nation qui a vu repartir les  occupants les uns après les autres, ils sont prêts à  attendre, convaincus que la volonté des États-Unis se brisera avant la leur.

De toute façon, ils ne veulent pas que l’OTAN parte avant 15, peut-être 20 ans. C’est le temps qu’il faudra pour que les institutions afghanes puissent survivre de façon indépendante. Entretemps, comme m’explique mon ami épris de littérature – qui travaille pour un certain nombre d’organismes américains -  il n’y a pas de contradiction à survivre. "J’aime le Benjamin Franklin qui est dans ma poche", sourit-il. Tant pour le cœur que pour l’esprit.

 

Traduction Apetimedia & GV pour ReOpenNews

 


 

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7 Responses to “The Guardian : Les Etats-Unis financent les talibans, selon les Afghans eux-mêmes”

  • Buzz l'éclair

    Merci GV pour cette très bonne introduction et pour cet appel avec lequel je ne pourrais me sentir plus solidaire.

    La guerre en Afghanistan était injustifiée dès le départ, et les cautions évoquées à l’époque sont toujours absentes de regard plus de 8 années après, et cela est inacceptable.
    Quelles évolution en Afghanistan ?

    David Ray Griffin fait bien d’appuyer sur la guerre en Afghanistan dans sa nouvelle tournée de conférences, et démontre, tout comme sur le sujet du 11/9, que les enjeux de ces évènements paraissent bien plus important à défendre – et ceci par tous les moyens- que d’en justifier la légitimité et le droit.

  • Shrykull

    «Il est pratiquement impossible de trouver quelqu’un en Afghanistan qui ne soit pas persuadé que les États-Unis ne financent pas les talibans»

    Que les États-Unis FINANCENT les Talibans ! Attention au contresens.

    La fin de l’article en tout cas évoque en tout cas un aspect non négligeable du problème, en Afghanistan comme en Irak : le déclenchement de cette guerre est illégitime, mais que se passera-t-il si les soldats occidentaux s’en vont sans demander leur reste après avoir détruit ces deux pays ?

    C’est comme détruire les fondations de la maison pour les soutenir soi-même : si on s’en va, les fondations détruites ne vont pas se reconstruire toutes seules. Et les Talibans ne sont pas résignés, tant qu’il n’y aura pas de vraie armée afghane ils pourront toujours revenir à la charge. Donc un départ des troupes occidentales, oui, mais pas avant d’avoir donné aux Afghans les moyens de reconstruire les piliers détruits. Ça devrait être l’unique mission de la coalition dorénavant.

  • Blue Rider

    le modèle démocratique s\’appuie sur des moyens de communications (routes),une éducation, l\’exitence de classes moyennes, et une agriculture qui place le pays en sécurité alimentaire. Aucune de ces conditions n\’est remplie en Afghanistan.si en plus le mobile de cette occupation est illégal,et que les troupes d\’occupation se livrent à des actes de guerre entrainant la mort de civils, comment sortir d\’une crise croissante? Je suis pour l\’autodétermination despeuples,et le retrait immédiat. Il est absurde de ne pas faire confiance aux afghans eux-mêmes pour sortir de la crise actuelle. le pays a vécu sans nous,il peut retrouver son système clanique et redémarrer de là. Problème: difficile de négocier avec une foultitude de chefs de clans pour faire passer un oléoduc. C\’est ce qui a enervé la finance et les pétroliers qui avaient mis en place Bush and co en 2000,et qui a permis de mener à bien (mais par qui vraiment?) le projet du 11/9/2001

  • Phrygane

    Bonjour Shrykull,
    C’est vrai qu’énoncé comme cela : »les EU financent les talibans », l’affirmation semble bien grosse.
    Et pourtant, la production de drogue a bien décuplé, depuis que l’armée US s’est installée. On peut supposer que les talibans en tirent des bénéfices…Ou sinon qui d’autre ?
    Et pourtant les soldats de la démocratie ne s’attaquent jamais (ou alors quelle discrétion…) à la production de pavot.
    Dans ce sens, oui, on peut penser qu’indirectement, cette passivité finance l’effort de guerre taliban.
    Et si on s’en allait, que se passerait-il ?
    Eh bien, les Afghans, se retrouveraient entre-eux, pour faire de leur avenir ce que bon leur semblera. C’est leur droit fondamental, si on veut parler de démocratie.





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