Afghanistan : L’OTAN a tenté de dissimuler les faits après un raid qui a tourné au carnage, révèle le Times

C’est dans un article récent du Times de Londres que l’on trouve le récit de certaines  atrocités commises par les troupes de l’OTAN en Afghanistan lors d’un raid nocturne. Les témoignages des survivants sont poignants et implacables pour l’OTAN qui cherche pourtant à dissimuler ces exactions. Derrière la propagande atlantiste qui commence à s’essouffler, qu’a réellement apporté cette guerre au peuple afghan depuis plus de huit ans, si ce n’est le chaos ?

 

funérailles afghanes

 


 

paru sur ContreInfo le 17 mars 2010

Le 12 février dernier, le raid nocturne lancé par des soldats américains et afghans sur une maison de notables où se déroulaient ce jour-là les réjouissances d’un baptême a tourné au carnage. Les militaires ont ouvert le feu sur ceux qui se trouvaient là, et qui pourtant protestaient de leur innocence, racontent les témoins du drame interrogés par le Times. Cinq personnes ont été tuées, dont deux frères, l’un commandant de police, l’autre procureur, ainsi que deux femmes enceintes et une jeune fille qui allait se marier sous peu. Un adolescent de quinze ans a également été blessé. Le communiqué publié par l’OTAN après les faits affirmait que les soldats avaient découvert sur les lieux des « atrocités » et que les trois cadavres de femmes étaient « bâillonnés et ligotés ». Les témoins indiquent qu’elles sont tombées sous les balles de la même rafale qui a tué le procureur sur le pas de la porte de la maison familiale. A ce jour, l’OTAN refuse d’identifier l’unité responsable de ce massacre.

 

Par Jerome Starkey, Times, 12 mars 2010

Un raid nocturne des soldats américains et afghans a entraîné la mort de deux femmes enceintes, une jeune fille et de deux fonctionnaires locaux, atrocités que l’OTAN a ensuite tenté de dissimuler, indiquent les récits des survivants, recueillis par le Times.

L’opération, qui s’est déroulée le vendredi 12 février consistait en en assaut mené à l’aube sur la maison d’un policier située à quelques kilomètres de Gardez, la capitale de la province de Paktia, à l’est de l’Afghanistan. Dans un communiqué publié après le raid, titré « les forces conjointes opérant à Gardez font une macabre découverte », l’OTAN affirmait que ses soldats avaient découvert dans une chambre des corps de femmes « tuées, ligotées et bâillonnées ».

Une enquête du Times suggère que les affirmations de l’OTAN sont soit délibérément fausses ou, au mieux, trompeuses. Plus d’une douzaine de survivants, dont des fonctionnaires, des responsables de la police et un chef religieux, interrogés sur la scène de l’attaque et alentour, affirment que les auteurs de ces crimes étaient des soldats américains et afghans. L’identité et le statut de ces hommes restent inconnus.

Cette attaque est intervenue plus de quinze jours après que le commandant des forces américaines et de l’OTAN en Afghanistan ait publié de nouvelles directives visant à limiter les raids nocturnes. Les forces spéciales et les agences de renseignement occidentales qui opèrent secrètement en Afghanistan ont été critiquées pour avoir mené des raids nocturnes basés sur des renseignements douteux ou faux, qui se sont soldés par des pertes civiles.

Le commandant Dawood, âgé de 43 ans, fut la première personne tuée durant l’assaut. Policier de longue date, réputé et aguerri, il avait été promu récemment à la tête du Renseignement dans un des districts les moins sûrs de la province de Paktia. Son frère, Saranwal Zahir, était procureur dans le district d’Ahmadabad. Il a été tué alors qu’il se trouvait sur le pas de la porte, tentant de protester de son innocence.

Trois femmes, qui étaient accroupies derrière lui dans le couloir, ont été touchées par le même tir en rafale. Bibi Shirin, âgée, de 22 ans, avait quatre enfants, âgés de moins de 5 ans. Bibi Saleha, 37 ans, avait 11 enfants. Toutes deux, selon leurs proches, étaient enceintes. Elles ont été tuées sur le coup.

La mère des deux hommes, Bibi Sabsparie, déclare que Shirin était enceinte de quatre mois et Saleha de cinq mois. La dernière victime, Gulalai, âgée de 18 ans, était fiancée. Elle est décédée de ses blessures. « Nous avions déjà tout acheté pour le mariage », soupire celui qui devait être son beau-père, Sayed Mohammed Mal, vice-chancelier de l’université de Gardez.

La nuit de cet assaut, environ 25 hommes, amis et parents, s’étaient rassemblés au domicile du commandant Dawood dans le petit village de Khataba, pour célébrer le baptême d’un nouveau-né. Assis côte à côte le long des murs d’une chambre d’hôtes, les hommes avaient dansé tour à tour, pendant que jouaient les musiciens. Le chanteur, Mohammed Sediq Mahmoudi, âgé de 24 ans, précise que quelque temps après 3 heures du matin l’un des musiciens, Dur Mohammed, est sorti pour aller aux toilettes. « Quelqu’un a braqué une lampe sur son visage et il a alors couru vers l’intérieur en avertissant que les talibans étaient dehors », déclare M. Sediq.

Le lieutenant-colonel Zamarud Zazai, qui dirige le service de renseignements de la police de Gardez, déclare : « Des deux cotés, on a cru que l’autre groupe était taliban. » Le commandant Dawoud a couru vers les pièces où se trouvait sa famille, avec son fils Sediqullah, âgé de 15 ans. A mi-chemin à travers la cour, ils ont été abattus par un tireur posté sur le toit. Le commandant Dawoud a été tué. Sediqullah, touché à deux reprises, a survécu, racontent ses oncles.

Les tirs ont cessé et les soldats ont crié en pachtoune, ordonnant à tous de sortir à l’extérieur. Waheedullah, un chauffeur d’ambulance, déclare que leur accent était celui de Kandahar.

L’OTAN a déclaré que les soldats faisaient partie d’un force conjointe « afghano-internationale », mais, malgré de nouvelles règles leur enjoignant de laisser derrière eux des tracts identifiant leur unité, la famille indique qu’ils n’en ont pas fourni. Les forces américaines du secteur nient toute implication.

Dans le couloir situé de l’autre côté de l’enceinte des bâtiments, les femmes se sont précipitées pour soigner les blessés. La mère du commandant Dawood raconte : « Zahir a crié, "Ne tirez pas, nous travaillons pour le gouvernement."  Mais tandis qu’il parlait, ils ont tiré à nouveau. Je l’ai vu tomber. Je me suis retournée et j’ai vu que ma belle-fille et les autres femmes étaient mortes. »

Mohamed Sabir, âgé de 26 ans, qui est le plus jeune frère du commandant de Dawood et de Zahir, a fait partie des huit hommes qui ont été arrêtés et transportés par avion vers une base située à proximité, dans la province de Paktika. Ils ont été détenus pendant quatre jours et interrogés par un Américain en civil qui leur a montré des photos de l’homme qu’ils suspectaient. « J’ai dit : "Oui, c’est Shamsuddin. Il était à la fête. Pourquoi ne l’avez-vous pas arrêté ?" », raconte Sabir. Ils ont ensuite été libérés sans être inculpés. Shamsuddin – qui avait travaillé durant cinq mois à la réparation des générateurs électriques de la base américaine locale – s’est livré de lui-même pour subir un interrogatoire. Il a été lui aussi libéré sans aucune inculpation.

Le communiqué initial de l’OTAN indiquait que « plusieurs insurgés ont engagé le combat contre la force conjointe et ont été tués lors des échanges de tirs. » La famille affirme que personne n’a même jeté une pierre. Le contre-amiral Greg Smith, responsable de la communication de l’OTAN à Kaboul, nie qu’il y ait eu tentative de camouflage.

Il indique que les deux hommes qui ont été tués étaient armés et manifestaient des « intentions hostiles », mais a admis « qu’ils n’étaient pas la cible de ce raid particulier ».

« Je ne sais pas s’ils ont tiré des coups de feu », indique-t-il. « Si on a un individu qui sort d’un bâtiment, et que la force d’assaut est là, cela déclenche souvent une neutralisation de l’individu. Il n’est pas nécessaire d’être visé par un tir pour riposter. »

Il admet que le communiqué original avait été « mal formulé », mais déclare que « pour des gens qui voient beaucoup de cadavres », les femmes avaient paru à l’époque être décédées depuis plusieurs heures.

Par l’intermédiaire des doyens du village, les Américains ont proposé une indemnisation à la famille – 2 000 dollars pour chacune des victimes.

« La vie humaine n’a aucune valeur » se lamente Bibi Sabsparie. « Ils ont tué notre famille, puis ils sont venus et ont apporté de l’argent. L’argent ne ramènera pas les nôtres. »

 

Publication originale Times, traduction Contre Info
 

7 Responses to “Afghanistan : L’OTAN a tenté de dissimuler les faits après un raid qui a tourné au carnage, révèle le Times”

  • Quand même

    Au cas où ça vous intéresse et que vous lisez l’anglais;

    CIA Paper Reveals Plans to Manipulate European Opinion on Afghanistan

    By Daniel Tencer

    « Among its proposals, the policy paper suggests playing up the plight of Afghan women to French audiences, as the French public has shown concern for women’s rights in Afghanistan. »

    http://www.informationclearinghouse.info/article25088.htm

  • Luisa

    Il est triste de constater que les pays de l’OTAN (majoritairement europeens) sont devenus complices des Americains, surtout sous la presidence de M. Rassmussen. Qui a vote pour M. Rassmussen, je ne me souviens plus, mais il est aussi agressif que Bush?

    Et attendez, ce n’est pas fini – on est a se preparer pour l’invasion de l’Iran et les Europeens seront au rendez-vous, malheureusement.
    Obama est sous l’emprise machiavelique du Pentagone et les chefs d’etat europeens n’osent pas dire non a Obama.

    On est pret a envahir l’Iran avec tres peu de preuves (ou pas du tout) sur son programme nucleaire tout comme on l’avait fait avec les armes de destructions massives de l’Iraq. Faut-il croire que les hydrocarbures sont plus importantes que la vie des gens?

    Et d’apres Raw Story, il y a des centaines d’agents de la CIA qui sont en France et en Allemagne afin de promouvoir la guerre en Afghanistan. Ils font le travail que Sarkozy et Angela Merkel ne veulent pas ou « n’osent » pas faire.

  • Bande de saloperie, une femme enceinte… Comment peut-on être aussi timbré? Le nazisme moderne.

  • Seb

    Ca me rappelle les scènes de Redacted le film de DePalma…

  • POEM16

    Pour faire diversion de ces massacres et des colonies qui se poursuivent, le théâtre d’ombres de nos farceurs de l’ombre se poursuit comme de l’antyque, séduisant les artystes zanynyistes pro-yslamistes.
    Un mort-vivant, bénit soit notre Laden la Terreur, vient nous confirmer la survye en lieux sûrs de Khalyd Sheikh le magnyfique méphistophélique – au lieu du macchabée méphitique.

    1) Or en 2002, un acteur ressemblant à notre Khalid s’était pavané pour les yeux et la plume d’un envoyé du Sunday Times.
    2) En septembre 2002, peu avant la diffusion programmée dudit reportage, le véritable KSM était occi par les forces pakis.
    3) Après la diffusion du reportage, un site djihadiste avait contesté toute rencontre de KSM avec le journaliste.
    4) En mars 2003, c’est le comédien que l’on arrêtait, flashs et photos à l’appui.
    4) A l’heure actuelle, le protagoniste engagé est désormais encagé, et, s’il continue fidèlement son numéro, ses arrières-pensées sont sans doute moins sordides que morbides.
    5) En fait, à l’heure où se cloturera le simulacre de procès, le vrai KSM et le vrai ben Laden n’auront plus le moindre soupir pour souffler le moindre droit de réponse.
    Les gogos applaudiront en goguette au spectacle de ces nuisibles sornettes.

  • Job

    Les crimes de guerre, il y en a eu, et il y en aura encore et encore. Le plus gênant pour ceux qui les perpètrent, c’est que, de nos jours, ça se sait plus vite qu’avant…





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