Bakchich : Comment les Etats-Unis financent les talibans

Le journal américain "The Nation" a enquêté sur le lucratif marché du transport militaire en Afghanistan. Et constaté que des millions de dollars atterrissent dans les poches de l’ennemi taliban, sous couvert de sécurité des camions.

"Tell the French military people how we fuck them ". En langage diplomatique, le message de cette source étasunienne reçu à Bakchich jeudi 12 novembre signifie : "Dites aux soldats français comment ils se font avoir en Afghanistan". Avoir par qui ? Par les Américains eux-mêmes.

Les explications se trouvent dans un récent article du très fiable journal américain The Nation. Dans sa dernière édition, il révèle pourquoi et comment les Etats-Unis financent indirectement les talibans.

"Bienvenue dans le bazar des contrats en temps de guerre en Afghanistan !" écrit l’enquêteur vedette Aram Roston. "Un carnaval de personnages improbables et de connexions floues, où l’on voit d’anciens cadres de la CIA et d’ex-officiers militaires serrer la main à d’anciens talibans et moudjahidines pour récupérer des fonds du gouvernement américain au nom de l’effort de guerre".

"Les fournisseurs de l’armée américaine sont contraints de payer des insurgés présumés pour protéger les voies logistiques américaines. C’est un fait acquis (…) que le gouvernement américain finance les forces mêmes que les troupes américaines combattent."

Des millions comme s’il en pleuvait

"Ironie mortelle, ces fonds représentent d’énormes sommes pour les Talibans", ajoute The Nation. "Les officiers américains à Kaboul estiment qu’au moins 10% des contrats logistiques du Pentagone –des centaines de millions de dollars- sont des versements aux insurgés".

Et Aram Roston de citer deux gros bénéficiaires de cette manne insoupçonnée. Le groupe Watan, contrôlé par les frères Popal, dont l’un est un cousin d’Hamid Karzaï. Une des entreprises du groupe protège les convois de camions afghans qui trimballent du matériel américain de Kaboul à Kandahar.

Quant à NCL Holdings, elle est dirigée par Hamed Wardak, le jeune fils –américain- de l’actuel ministre afghan de la Défense. Début 2009, une société du groupe, Host Nation Trucking, aux maigres références, fut choisie parmi les six transporteurs de l’armée américaine. Un petit contrat de prime abord, mais qui a été multiplié par sept au cours de l’été !

Au total, le contrat avec les six transporteurs a atteint 2,2 milliards de dollars. Pour situer, le budget ainsi consenti pendant deux ans pour faire rouler des camions et des camionneurs afghans représente 10% du produit national brut annuel, explique Roston.

"Avec l’argent du Département de la Défense"

Et ensuite ? Le vrai secret du transport en Afghanistan est d’assurer la sécurité sur des routes dangereuses, contrôlées par des seigneurs de guerre, des insurgés, et les commandants des Talibans. Des responsables américains interrogés par Aram Roston sont explicites : "Fondamentalement, l’armée paye les Talibans pour qu’ils ne lui tirent pas dessus. Avec l’argent du Département de la Défense".

Transport de fonds - JPG - 27 ko
Transport de fonds
Illustration Ray Clid

Dans un communiqué reçu par The Nation, le colonel Wayne Shanks, le communicant des forces internationales en Afghanistan, se dit "au courant" des accusations, mais conteste tout soutien direct. Toutefois, admet-il, "les relations entre les entrepreneurs sous contrat et leurs sous-traitants, ainsi qu’entre les sous-traitants et les autres dans leurs communautés opérationnelles, ne sont pas tout à fait transparentes. "

Le problème, conclut Aram Roston, c’est que les Etats-Unis ne semblent pas savoir comment y remédier.

Message transmis aux 3750 soldats français sur place.
 

Publié sur Backchich, le vendredi 13 novembre par Cyril Da

3 Responses to “Bakchich : Comment les Etats-Unis financent les talibans”

  • bluerider

    un type comme Michael Ruppert (http://www.mikeruppert.blogspot.com/ et http://www.fromthewilderness.com/) ancien de la LAPD, a démantelé dans les années 80 un réseau de trafic de drogue entre la Floride et la Colombie. Ce réseau avait été monté par des policiers du FBI, qui utilisaient les avions d’affaire de compagnies écrans de la CIA. Daniel Hopsicker , journaliste à Miami qui s’est beaucoup intéressé aux écoles de pilotage des pirates du 11/9, a confirmé la partie aéronautique de cette histoire (http://www.madcowprod.com/) .

    En Afghanistan, la cerise sur le gâteau serait de découvrir qu’au retour de leur livraison, ces camions seraient en fait pleins de graines de perlin pin pin…

    Et puis des colonnes de camion, sans mer à franchir jusqu’aux bateaux ou au avions-cargoUS, c’est plus rentable que des business-jets, non ?

    L’autre exemple sous la main du simple citoyen, c’est celui du film LE CAUCHEMAR DE DARWIN : Les Antonov russes qui livrent des armes en Afrique de l’Est ne devaient pas repartir à vide, c’est ce qui a décidé du développement de la pêche à la perche du nil dans le lac Victoria… n’allez pas me faire croire le contraire, ou alors des faits des faits.

    enfin ultimes arguments qui penchent dans ce sens, c’est que « la nature a horreur du vide », un camion vide ça craint pour un gestionnaire… ensuite, lorsque l’on s’attaque au monde réel, on trouve toujours les mêmes arrangements, les mêmes combines.. et, enfin, cela expliquerait aussi peut-être pourquoi ces « contrats » sont aussi « coûteux » pour le contribuable, qu’ « on » prend décidémment pour un mouton tondu plusieurs fois par an.

  • René M

    « Les officiers américains à Kaboul estiment qu’au moins 10% des contrats logistiques du Pentagone – des centaines de millions de dollars- sont des versements aux insurgés ».

    Voilà une bonne nouvelle !

    Car: «Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine; et nulle ville, nulle maison divisée contre elle-même ne saurait se maintenir.»
    Matthieu, XII, 25.

    Ce n’est donc qu’une question de temps l’Empire court à sa perte.

    Mais on le savait déjà avec le 11 septembre très riche d’enseignements de ce genre.
    Il n’y a bien que les fans de la vo pour ne pas s’apercevoir de l’état de décomposition du système et de l’establishment et y criure encore.
    Décomposition générale qui s’étend des banques gérant les subprimes jusqu’aux champs de bataille éloignés en passant par les agences dans les agences, les armées privées dans l’armée classique, et tous les voraces de fric qui s’active à le dévorer à belles dents .

    Les carottes sont cuites.

  • Lutèce

    – »Ce n’est donc qu’une question de temps l’Empire court à sa perte. »–

    A moins que l’Empire ne soit pas les Etats Unis.

    J’en sais pas grandchose mais les Etats Unis n’est peut-être que l’instrument d’un pouvoir bien plus grand et bien moins visible.

    Comme le Sionisme par example.

    Bretton Woods et l’Etât militaire ont peut-être tout simplement accompli leur mission et sont maintenant obsolète et dispensable?

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