Pourquoi un « conspirateur » du 11 Septembre mérite un nouveau procès

Il n’est pas facile d’avoir de la sympathie pour le Français Zacarias Moussaoui, seule personne convaincue de lien avec les attentats du 11 Septembre. Lors de son procès, Moussaoui a fait vœu d’allégeance à Osama ben Laden et a prié pour qu’Al-Qaïda réussisse dans son jihad violent contre les États-Unis ; il a également raillé les familles des victimes du 11/9 et a mis au défi le tribunal de lui infliger les châtiments les plus sévères pour les crimes dont, après d’erratiques revirements entre déni et plaidoyer, il a fini par endosser la responsabilité. En mai 2006, un jury s’est prononcé contre la peine de mort, mais a envoyé Moussaoui, âgé de 41 ans, en détention à vie et à l’isolement presque total dans la prison Supermax ADX du Colorado.


Zacarias Moussaoui est destiné à passer le reste de sa vie dans l’isolement total
de la
prison Supermax ADX dans le Colorado pour une série d’inculpations
pour conspiration en vue de commettre des actes terroristes (Reuters/Corbis)

Maintenant, Moussaoui affirme qu’il regrette avoir plaidé coupable. Mais, il est confronté à un problème : le droit américain ne permet pas à ceux qui ont fait ce choix de faire appel. Sa seule chance d’obtenir une peine plus légère est la décision prise le 14 juillet par une cour d’appel fédérale en Virginie, de ré-entendre les arguments disant que le gouvernement avait omis de communiquer des preuves clé à Moussaoui et à son avocat, et qui auraient pu les aider dans sa défense. Aussi politiquement intenable que ça puisse paraître, le président Barack Obama devrait soutenir les efforts de Moussaoui pour obtenir un autre procès. 

Pourquoi ? Parce que justice et sympathie ne font pas bon ménage. Les déclarations et les propos de Moussaoui en salle d’audience ont certes été scandaleux, mais le déroulement de son procès fut une farce. La juge fédérale Leonie Brinkema a critiqué à maintes reprises certains aspects des efforts à la fois sournois et illégaux déployés par le parquet pour remporter le verdict de culpabilité. À un moment donné du procès, Brinkema a réprimandé les procureurs pour le coaching illégal d’un témoin faisant partie d’un organisme fédéral. Elle a qualifié ces manipulations « d’atteintes extrêmement graves » et d’« erreurs non négligeables du gouvernement affectant… l’intégrité du système de justice pénale des États-Unis ».

À une autre occasion, Brinkema a soutenu l’appel lancé par Moussaoui pour citer comme témoins des prisonniers de Guantanamo ainsi que les cerveaux des attentats du 11/9, Khaled Cheikh Mohammed et Ramzi Binalshibh, pour sa défense. Les procureurs ont combattu cette demande, en argumentant que ces informations étaient classifiées. (Moussaoui aurait alors gagné le droit de consulter certaines parties des déclarations des maîtres marionnettistes du 11/9, qui avaient décrit le Français comme trop imprévisible et pas assez fiable pour faire partie du complot.)

Toutefois, Moussaoui a continué d’endosser le rôle de bouc émissaire dans la poursuite d’une justice du 11/9, qui semble ne pas fournir d’autres auteurs de crimes que lui. Il était en effet le rêve devenu réalité pour ses détracteurs. D’abord, il a renvoyé toute son équipe de défenseurs, puis il a zigzagué entre le choix de plaider l’innocence ou de plaider la culpabilité, et sa façon de haranguer a amené certains observateurs à mettre en doute son équilibre mental. Et la preuve circonstancielle présentée contre lui n’a pas rendu Moussaoui plus convenable : il a été arrêté en août 2001 alors qu’il assistait à un cours dans une école de pilotage du Minnesota. Lorsque les enquêteurs se sont intéressés à lui après le 11/9, ils ont découvert de la littérature djihadiste et des informations sur le vol d’avion dans son ordinateur. Une enquête plus approfondie a conduit à la découverte que Binalshibh lui avait fait transférer 14.000 dollars depuis l’Allemagne ; une vérification avec des responsables français a montré qu’il avait été longtemps sous surveillance comme djihadiste suspect d’avoir effectué le voyage de rigueur vers l’abri d’al-Qaïda en Afghanistan.

Mais Moussaoui ayant été en prison près d’un mois avant que l’attaque ne se produise, cela signifie qu’il ne pouvait pas en avoir été directement responsable. Moussaoui était également un étudiant lamentable qui avait tout raté dans plusieurs écoles de pilotage. Et, surtout, les déclarations de Cheikh Mohammed et Binalshibh confirment ce que tous ceux qui ont assisté à son procès savaient déjà : Moussaoui parlait trop et avait le sang trop chaud pour participer de près ou de loin à un complot de l’ampleur du 11/9. En fin de compte, la condamnation de Moussaoui reposait presque entièrement sur le fait qu’il ait lui-même plaidé coupable et sur ses prétentions incohérentes à avoir voulu conduire des attentats terroristes aux États-Unis.

Sa mère Aïcha el-Wafi, a déclaré au TIME que Moussaoui l’avait informée qu’il avait plaidé coupable à cause de sa croyance fataliste que le procès était arrangé, et qu’aucun tribunal américain ne donnerait jamais une chance équitable à un ennemi juré. Les valeurs américaines comprennent le respect des droits, y compris de ceux qui les attaquent. Cela a été un facteur clé dans la démarche d’Obama de faire machine arrière sur nombres de décisions de l’administration Bush dans la guerre contre le terrorisme. Lors d’un récent discours prononcé au Caire, le président américain a expliqué sa volonté de fermer la fameuse prison de Guantanamo Bay dans le cadre d’un effort plus large visant à inverser les mesures de sécurité extrajuridiques prises par l’administration Bush à l’encontre des principes de base de la liberté civile américaine acquis de longue date. S’efforçant de défendre les idées fondamentales américaines des attaques de ce genre, Obama a noté « nous sommes conduits à agir contrairement à nos idéaux.»

Grâce à l’arrêt de la cour d’appel de Virginie, Obama a une occasion de démontrer son attachement à ces idéaux, aussi antipathique que Moussaoui puisse être. Le Français devrait être à nouveau jugé pour ce qu’il a fait réellement, plutôt que pour ce qu’il dit.

par Bruce Crumley pour le Times, le 19 juillet 2009


Note ReOpenNews : nous vous invitons à lire la précédente news que nous avions consacrée il y a un an au cas Moussaoui

4 Responses to “Pourquoi un « conspirateur » du 11 Septembre mérite un nouveau procès”

  • claudia angers

    Il est évident que Massaoui n’était pas sain d’esprit lors de son procès – d’ailleurs il avait été arreté un mois avant les évènements du 11 sept. et aura été torturé à un point tel qu’il avait perdu les pédales. On peut se poser la question ainsi: pourquoi Massaoui a-t-il été arreté un mois avant le 11 sept. et les autres soi-disant complices non? En ce qui concerne les « preuves » du gouvernement qui n’ont pas été données à la défense, ceci ressemble étrangement au procès de Saddam Hussein. Les procureurs ont ignoré constamment les demandes des avocats de Saddam avec les résultats que l’on connait. Qui controle tout sur cette planète: et bien oui, les Etats-Unis et ses  » tueurs à gage  » qui sont les agents du FBI et CIA. Très dangereux ce pays.

  • JLFG

    « l’abri d’Al Qaida en Afghanistan » LOL

    ahhh oui ce fameux bunker sous-terrain hyper high tech suréquipé et surgardé … qui en réalité n’est qu’une petite grotte où se réfugient les bergers comme nous le raconte si bien Eric Laurent. Non mais sérieusement, il y a encore des pseudos journalistes pour écrire des CONNERIES pareilles ??!!

  • Sébastien

    En fait, ce gars- là n’a rien fait à part éructer des imbécilités.
    Super!

  • agent orange

    Récemment j’ai redécouvert les preuves présentées lors du procès Moussaoui.
    http://www.vaed.uscourts.gov/notablecases/moussaoui/exhibits/prosecution.html
    A l’époque de leur mise en ligne pour le public, j’étais intrigué par une série de photos montrant les corps carbonisés trouvés au Pentagone.
    http://www.vaed.uscourts.gov/notablecases/moussaoui/exhibits/prosecution/P200045.html (cf: P200042 à P200048)
    Je me demandais comment ces corps ont pu être récupérés alors qu’il ne reste rien de l’avion. Peut être que ces corps soient ceux des employés du Pentagone qui ont péri ce jour là? Peu d’explications accompagnent ces preuves présentées lors du procès.
    Mais, cerise sur le gâteau, le plus intrigant figure dans la pièce à conviction MN00601, un des calepins saisis appartenant à Moussaoui. Voir page 10 à gauche où est noté le n° de tel du centre d’entrainement de Blackwater. Donc le « 20ème terroriste » était en contact avec la funeste agence de mercenaires ou voulait devenir l’un d’eux. Curieux, non?
    http://www.vaed.uscourts.gov/notablecases/moussaoui/exhibits/prosecution/MN00601.pdf

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