Obama doit dire toute la vérité

L’engagement de l’administration Obama à se démarquer de la politique de l’administration Bush concernant la prétendue "guerre contre le terrorisme" va-t-il être tenu ? Rien n’est moins sûr. Un mois après avoir signé un décret interdisant la torture et ordonnant la fermeture de la prison "symbole" de Guantanamo, le Président Barack Obama a discrètement donné son accord pour continuer à nier le droit à un procès pour des centaines de terroristes présumés détenus dans un camp de fortune en Afghanistan. D’autres questions sont par ailleurs soulevées au sujet des pratiques relatives aux arrestations et aux interrogatoires des suspects, certaines techniques coercitives étant par exemple maintenues dans les manuels d’instruction de l’armée.

Comme le réclame le journal britannique The Independent dans l’article que nous avons traduit ci-dessous, Obama doit dire la vérité sur sa politique de lutte contre le terrorisme. Faux espoirs, vaines promesses. Les prisonniers « terroristes » ne sont pas prêts de recouvrir leurs droits. Éternelle Guantanamo ?


Obama doit dire toute la vérité

« Après avoir examiné la question, le gouvernement reste sur la position énoncée précédemment. » Par ces mots, l’assistant intérimaire du procureur général, Michael Hertz, a mis fin à un rêve. Le rêve que la présidence de Barack Obama inaugurerait un ordre mondial suprême sur un nouveau plan moral.

Tard dans la journée de vendredi, M. Hertz a confié à la cour du district de Washington que l’administration Obama maintenait le même cap que Bush, à savoir que les prisonniers détenus dans la base de Bagram en Afghanistan ne pouvaient pas faire valoir leurs droits devant une cour américaine. D’un point de vue cynique, c’est "une position déjà abordée, en laquelle vous pouvez croire".

Ce journal n’était pas naïf au point de croire que le président Obama se conformerait scrupuleusement et immédiatement aux lois américaines et internationales. Nous sommes heureux d’apprendre qu’il a ordonné la fermeture de Guantanamo dans un délai de moins d’un an, qu’il a fait cesser les procès dans les tribunaux militaires et limité les interrogatoires par la CIA à des techniques moins douteuses. Mais le refus de garantir les droits des prisonniers à Bagram est très fâcheux.

La cour suprême des États-Unis ayant décidé en 2004 que les détenus de Guantanamo avaient le droit de demander à ce que leur cas soit examiné dans des cours américaines, cela avait mis fin à la situation anormale du camp à Cuba. La tentative de Bush de créer un espace de non-droit en dehors des systèmes juridiques américain et international avait échoué. Il poursuivit malgré tout ses tentatives de bafouer les droits des détenus, non seulement à Guantanamo, mais également à Bagram…

La décision d’Obama de fermer Guantanamo apparaît plus comme une promesse symbolique qu’autre chose. L’administration Bush n’a pas été très convaincante avec sa politique sur la justice. Selon cette politique, les détenus étaient des "ennemis combattants" enfermés jusqu’à ce que cessent les attaques terroristes. Dans ce cas, ils auraient dû bénéficier de la protection de la Convention de Genève pour les droits des prisonniers de guerre. Pourtant Bush avait réussi à maintenir sa politique, et maintenant nous voyons qu’Obama ne fait que suivre sa trace.

En effet, Elena Kagan, candidate au poste d’avocat général de l’administration Obama, a dit lors de son entretien d’embauche que quiconque était suspecté de financer Al-Qaïda devait être soumis aux conventions militaires, c’est-à-dire, détenu indéfiniment et sans procès, même s’il était capturé aux Philippines, loin d’une zone de combat.

Mais ce n’est pas le premier point noir de la présidence d’Obama (NDT : n’y voyez aucun jeu de mots). Début février, un avocat fédéral est resté dans la droite ligne de Bush dans une affaire intentée par Binyam Mohammed, résident britannique. Ce dernier espérait quitter Guantanamo dès le lundi 23 février. Selon Clive Stafford Smith, Mohammed et les autres ont traîné en justice une filiale de Boeing suite à l’organisation d’un vol de «restitution extraordinaire» (sous-traitance de la torture) par lequel on les a envoyés secrètement dans d’autres pays où ils disent avoir été torturés. L’administration Bush avait déclaré que ce cas devait être tenu secret, car en discuter pouvait compromettre la sécurité nationale et les relations internationales. Lorsque l’affaire reprit suite à la venue du nouveau président, le juge demanda à l’avocat du Département de la Justice si « quelque chose » avait changé dans la manière de conduire le dossier. « Non, votre honneur » fut la réponse. La position qu’il a continué à maintenir avait été « soigneusement contrôlée par les fonctionnaires compétents au sein de la nouvelle administration », a-t-il dit.

Par ailleurs, Leon Panetta, nommé par Obama directeur de la CIA et chargé d’en finir avec les méthodes de torture telles que le waterboarding (ndt : technique d’interrogatoire où la personne subit une simulation de noyade. Elle est penchée en arrière et on lui verse de l’eau sur le visage jusqu’à ce qu’elle avoue), a dit que la CIA continuera très certainement de transférer les détenus vers d’autres pays qui assureront les bons traitements désirés par l’administration Bush.

L’édition dominicale d’un journal, The Independent on Sunday, soutient les actions militaires pour défendre le peuple afghan. Nous admettons qu’il existe des problèmes pratiques délicats, causés notamment par l’impossibilité de procédures juridiques équitables contre les détenus actuels en raison des mauvais traitements subis par le passé. Et nous reconnaissons que depuis l’investiture de M. Obama, la balance de la justice est mieux remplie qu’elle ne l’était.

Mais le problème du respect des droits de l’homme reste sans réponse. Brutalités, tortures et longue détention sans procès sont non seulement moralement ignobles, mais contre-productives. C’est un argument que le président Obama a lui-même exposé lors de sa campagne présidentielle. Pourtant, il est resté muet à propos des décevantes violations de ces grands principes faites en son nom par ses subordonnés au cours des trois dernières semaines.

Gregory Craig, conseiller à la Maison-Blanche, a déclaré la semaine dernière que le nouveau président voulait éviter les "slogans de campagne" pour décider quoi faire de la politique de lutte antiterroriste dont il avait hérité. Les droits de l’homme et la primauté du droit ne sont pas des slogans de campagne. Pour les besoins de la lutte contre l’extrémisme, M. Obama a besoin d’urgence d’une réflexion approfondie sur la situation et d’une grande éloquence pour exprimer clairement sa position.

Source :  The Independant (22 février 2009)
Traduction par Aurélien pour ReOpenNews

3 Responses to “Obama doit dire toute la vérité”

  • alexou_161

    Obama,

    c’est une grande avancée pour la démocratie américaine et même mondiale, oui, c’est indégniable. mais quelle est la part de « symbole », et la part de « concrêt » ???

    Qui connait le 2e gouvernement américain ? Celui formé de militaires ? Qui peuvent prendre le pouvoir à tout moment, si ils le jugent « nécessaire »…
    Qui connait la puissance du complexe militaro-industriel ?
    Qui connait le pouvoir des lobbys aux etats-Unis (sans commune mesure avec la France)

    En tout cas, une chose m’apparait clairement, les grands médias français (télé, radios, journaux), tout comme sur le 11 septembre, ne souhaitent pas comprendre certains acpects de nos sociétés, il y a des sujets auxquels on ne « touche » pas…

    ……….C’est un bien triste constat……….

  • Olive

    Obama est un signe double et contradictoire: un signe magnifique de la capacité du peuple américain de rebondir et un signe que les grands manipulateurs ont habilement laissé s’imposer et même promu un homme de couleur qui va ramer comme un malade, après qu’eux mêmes aient littéralement ruiné leur pays (dettes, népotisme, corruption, guerres). Un pantin, non je ne pense pas, mais l’héritage des années bush est vraiment épouvantable! Le timing est parfait! A peine arrivé il va se retrouver face à une situation quasi insurrectionnelle. Rappelez vous qu’en France le père de Martine Aubry avait refusé d’être candidat car il trouvait qu’il manquerait de latitude d’action! Que dire d’Obama? Qu’il est plus courageux que ça, surtout avec les poings liés… Pourquoi l’accabler… je lui souhaite bonne chance.

  • Libre et Indépendant

    Obama est-il vraiment libre et indépendant de l’influence d’une élite oligarchique international ?

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