La peur du terrorisme comme arme électorale

Nous vous avions montré comment le parti républicain exploitait, à des fins électorales, le traumatisme des Américains en instrumentalisant les attentats du 11/9 (ici et ). Il utilise également la peur du terrorisme pour tenter d’affaiblir le candidat démocrate Barack Obama, comme l’expliquent les articles sélectionnés ci-dessous.

 


Le contexte électoral révèle une islamophobie en hausse aux USA

Inquiets, de nombreux Américains musulmans subissent les retombées de la campagne présidentielle, où certains militants, amalgamant islam et terrorisme, propagent de fausses rumeurs sur la religion de Barack Obama.

Le candidat démocrate à la Maison Blanche est de confession chrétienne. Né à Hawaï d’un père kényan noir et d’une mère américaine blanche, il a passé une partie de son enfance en Indonésie, pays à forte majorité musulmane.

La rumeur présentant Obama comme un musulman a abondamment circulé sur internet, parfois présentée comme un argument le disqualifiant d’office pour la présidence des États-Unis.

L’islamophobie est en hausse aux États-Unis, sept ans après les attentats du 11-Septembre, qui avaient suscité de nombreuses réactions d’hostilité envers la communauté musulmane avant de s’atténuer progressivement.

Une série de faits divers a illustré le phénomène ces dernières semaines.

Une vidéo intitulée "Obsession: la guerre de l’islam radical contre l’Occident" a été diffusée à plus de 20 millions d’exemplaires, en supplément publicitaire de divers journaux dans des États clés où Obama est au coude-à-coude avec son rival républicain, John McCain.

Ce film a été diffusé par un groupe privé sans lien avec l’équipe de campagne du sénateur de l’Arizona. On peut y voir des images de candidats à l’attentat suicide, d’enfants entraînés au maniement des armes, ainsi qu’une église présentée comme profanée par des musulmans.

Par ailleurs, une vidéo tournée lors d’un meeting de campagne de la colistière de McCain, Sarah Palin, en Ohio, montre des militantes républicaines invectiver Obama. Les images, diffusées par la chaîne Al Djazira, ont été mises en ligne sur YouTube.

"Il n’est pas chrétien, ici, c’est un pays chrétien", dit l’une des deux femmes. L’autre affirme qu’elle ne votera pas pour Obama "à cause de tous ces trucs musulmans. Beaucoup de gens ont oublié le 11-Septembre. Ça me gêne un peu."

APPELS À LA TOLÉRANCE

"Il est effrayant de voir à quel point l’étiquette ‘arabe’ ou ‘musulman’ est désormais employée comme une insulte de fait", remarque Ahmed Rehab, directeur exécutif pour Chicago du Conseil des relations Amérique-Islam (CAIR).

Il a ajouté avoir le sentiment que les agressions contre la communauté musulmane gagnent en fréquence à mesure que l’islamophobie devient plus présente dans le discours public, y compris celui entourant la campagne présidentielle.

L’ancien secrétaire d’État de George Bush, le républicain Colin Powell, a apporté dimanche son soutien à Obama et lancé à cette occasion un appel à la tolérance, lors de l’émission "Meet the press" sur NBC.

"Est-ce qu’être musulman pose un problème dans ce pays ? La réponse est non, ce n’est pas cela l’Amérique. Est-ce qu’il y a un problème à ce qu’un enfant de sept ans, américain et musulman, s’imagine pouvoir un jour devenir président ?", a-t-il interrogé.

"Et pourtant j’ai entendu de hauts responsables de mon propre parti laisser entendre ‘c’est un musulman et il pourrait être lié à des terroristes’. Ce n’est pas ainsi que nous devons nous comporter en Amérique", a poursuivi Powell, tout en soulignant que de tels points de vue ne venaient nullement de McCain lui-même.

Un groupe d’une centaine d’intellectuels a publié le 7 octobre une proclamation des "universitaires inquiets" visant à contrecarrer le sentiment islamophobe.

Daniel Varisco, titulaire de la chaire d’anthropologie de l’université Hofstra, est l’un des signataires de cette lettre.

"Les tentatives de faire passer le sénateur Obama pour un terroriste, de faire rimer son nom avec Oussama (ben Laden) ou de mettre en avant son deuxième prénom (Hussein), tout comme l’affirmation erronée selon laquelle il aurait prêté son serment de sénateur sur un Coran, tout cela montre à quel point l’islamophobie affleure aux États-Unis", estime Varisco.

Propager ces mensonges "permet d’éviter d’attaquer Obama sur sa couleur de peau, mais se fait au détriment des musulmans", ajoute-t-il.

Les musulmans représentent moins de 1% des 305 millions d’habitants des États-Unis, selon le Pew Forum sur la religion et la sphère publique, mais cette estimation est parfois considérée comme une hypothèse basse.

Un tiers de la population mondiale est de confession chrétienne et un peu plus d’un cinquième de confession musulmane.

Reuters, publié dans Le Point, le 22/10/08

Version française Gregory Schwartz


McCain envoie ses robots téléphoniques à l’attaque

Le téléphone sonne. C’est une voix d’homme. Pas la peine de l’interrompre. C’est un robot qui compose les numéros. De la voix de l’appel, on ne sait rien d’autre si ce n’est qu’il appelle au nom de John McCain et du parti républicain.

« Il faut que vous sachiez que Barack Obama a travaillé de près avec le terroriste Bill Ayers, dont le groupe a commis des attentats contre le Congrès, le Pentagone, le domicile d’un juge et tué des Américains. Les démocrates vont mettre en route un programme d’extrême gauche s’ils prennent le contrôle de Washington. Barack Obama et ses alliés démocrates n’ont pas le jugement nécessaire pour diriger notre pays. »

En fait de travailler avec un terroriste, Barack Obama a siégé aux conseils d’administration d’organisations philanthropiques où figurait aussi Bill Ayers, ancien membre de l’association radicale Weather Underground dans les années 1960, aujourd’hui professeur à l’université de l’Illinois.

Un autre appel automatique accuse Obama de « faire passer Hollywood avant l’Amérique » :

« Le jour même où nos élus se réunissaient à Washington pour faire face à la crise financière, Barack Obama a passé seulement vingt minutes avec des conseillers économiques, mais plusieurs heures à une levée de fond de célébrités hollywoodiennes. »

Des « robot calls » (appels de robots) comme ceux-ci pleuvent sur les téléphones des électeurs des États les plus disputés de la campagne. Contrairement aux publicités que les camps politiques partagent immédiatement avec la presse, les rafales d’appels automatiques se font dans la discrétion.

Le site sympathisant démocrate TPM a dénombré au moins quatre messages différents. Sur son site antirumeurs FightTheSmears.com, l’équipe de Barack Obama demande à ses supporters de signaler les appels qu’ils ont reçus.

Des républicains mal à l’aise avec la méthode

Interrogé sur le sujet, le camp McCain assume. « Ces appels s’appuient sur des faits solides », s’est justifié Tucker Bound, responsable de la communication de la campagne.

Tous les républicains ne sont pas aussi à l’aise. Susan Collins, sénatrice du Maine a demandé à l’équipe de McCain de mettre un terme à ses coups de téléphone dans son État.

Même Sarah Palin a fait marche arrière sur le sujet. Dimanche, elle a assuré à des journalistes américains que si ça ne tenait qu’à elle, elle s’en passerait. Les gens « sont irrités en étant inondés » par les appels de robots et les publicités agressives, explique t-elle, avant de les raccrocher aux méthodes d’Obama.

Une méthode testée et approuvée par Bush contre McCain

Pour l’équipe Obama, ça prouve que McCain « non seulement a adopté les politiques de George Bush mais aussi ses tactiques ».

John McCain connaît l’effet que peuvent produire ces vagues d’appels automatiques. Il en a fait les frais en 2000. Après être sorti victorieux des primaires du New Hampshire, il avait été battu par son rival George Bush en Caroline du sud.

Dans une interview à Rolling Stone un an plus tard, McCain s’était plaint des vagues d’appels téléphoniques menées par l’équipe concurrente accusant sa femme d’être droguée aux médicaments ou insinuant qu’il avait eu un enfant noir hors mariage (sa fille a été adoptée).

On ne change pas une équipe qui gagne. Huit ans plus tard, l’équipe de McCain a débauché trois personnes de l’équipe des primaires de Bush de 2000 qui avaient participé à sa défaite. Les opérations ne changent pas de main non plus : le HuffingtonPost s’est aperçu que des appels robots étaient gérés par FLS-Connect, une entreprise que le camp de George W. Bush avait fait travailler pour gagner les primaires de 2000 contre McCain.

Malgré cela, le camp McCain continue à défendre les appels automatiques de cette année et à dire qu’ils n’ont rien à voir avec ceux des primaires de 2000. Parce que à écouter Brian Rogers, porte-parole de la campagne, ceux de cette année sont « 100% vrai ».

Par Guillemette Faure pour Rue89, le 21/10/2008

8 Responses to “La peur du terrorisme comme arme électorale”

  • Sébastien

    Ah oui, je lis à la fin « Rue89″. Ouf. Enfin, il ne faudrait pas non plus reprendre toute la campagne de propagande des médias Français, à 200% pro-Obama.

    Obama qui, le lendemain de son investiture, apportait son soutien inconditionel à l’état d’israël pour attaquer l’Iran.

    Enfin, moi, ce que j’en dis…

    Je croyais que les personnes qui s’intéressent au 11 septembre savaient que pour s’informer, il ne fallait surtout pas lire ou écouter les médias officiels (ou à doses homéopathiques).

  • On peut dénoncer les méthodes du parti républicain sans pour autant verser dans le soutien inconditionnel à Obama.
    Il est évident que le débat politique est mort aux USA depuis bien longtemps, il n’y a pas d’enjeu dans cette élection, c’est une évidence, et d’ailleurs les médias le prouvent chaque fois qu’ils en parlent.

    Cet article n’est pas pro-obama il me semble …

  • mat

    Autour du même sujet, une excellente video, qui a un bon mois, mais ca reste relativement d’actualité.
    Je vous la recommande chaudement, c’est pas en france qu’on verrait un journaliste avec une telle paire de c***lles !

    http://cafecroissant.fr/2008/bonne-nuit-et-bonne-chance/

  • GeantVert

    Je rappelle que Zbigniew Brzezinski est le conseiller en strategie d’Obama. Sans appartenir au PNAC il en est l’inspirateur notoire…
    Voir http://www.youtube.com/watch?v=caeP33025UY ou http://www.nysun.com/national/despite-criticism-obama-stands-by-adviser/62534/
    ReOpenNews n’appuie pas particulierement l’un ou l;’autre, il y a surtout un camp qui tente par tous les moyens d’inverser la tendance, y compris par les moyens les plus extremes, comme illustre’ dans cette News.

    –GV

  • Olive

    Démocrates, républicains? idem, blanc bonnet ; kif kif bourico; ¨Ron Paul, Kuccini, Larouche, tout le monde se fiche de savoir s’il sont républicains ou démocrates. Il y a des collabos et des résistants. Collabos ou résistants au pillage du monde, au hold up financier, au bidouillage informationnel, au mensonge médiatique, à l’esbrouffe politique. Et encore plus grave, il y a aussi des résistants naïfs , des résistants malhonnêtes, des résistants ignorants. Nul n’est parfait, mais au moins ils résistent. En tout cas les démocrates comme leurs compétiteurs politiques ont largement démontré leur aplaventrisme, jour après jour, de 2001 à 2008 sur tous les sujets possibles.

  • Comme Olive, je pense que Obama ou McCain, l’Amérique ne sortira jamais de ses vieux démons à savoir: la peur du communisme et du terrorisme, même si les terroristes sont Américains ou les protègent pour parvenir à leurs fins!

    L’histoire se répète……Pearl Harbour……..9 septembre 2001……quel autre prétexte ou catalyseur l’un ou l’autre vont-ils trouver pour assoir la domination de l’Amérique sur le monde!

    Le nouvel ordre mondial (NWO) ou le siècle américain ne peux faire machine arrière!

    Politique, Information, Armement sont étroitement liés!

    Enfin, mettre un musulman ou prétendu musulman à la tête des USA, c’est faire entrer le loup dans la bergerie! entre deux maux il faut choisir le moindre!

  • Eudyne

    Sur la question des élections américaines les supputations sur la victoire ou la défaite d’Obama (puisque évidemment le monde entier, pas seulement la France, désire que soit tournée la page « Bush ») doivent intégrer le « biais », pour ne pas dire plus, que permet le vote électronique. AUx USA, en 2004 déjà, 80% du scrutin était enregistré par des machines informatiques; la firme Diebold détient à elle seule 60% de ce marché. Cette dernière soutient le parti républicain. Une clause de confidentialité protège toute vérification des logiciels utilisés, même par les responsables administratifs du scrutin. Le président de cette firme avait promis, en 2004, de donner l’Ohio (Etat qui s’est révélé être la clé de ces élections) aux Républicains; et: il a tenu parole… Pour en savoir plus sur cette question : voyez Hacking democracy (la démocratie piratée) sur Google video (VOSTF). Enquête conduite par une citoyenne américaine (Bev Harris) sur une durée de quatre ans environ, et qui prouve, de manière irréfutable, que les machines électroniques sont très facilement contrôlables – et que Diebold ment sur leur fiabilité.
    Mais, usagers de ce site, vous êtes sans doute pour une bonne part déjà au courant! Video programmée 26 fois sur HBO, chaîne culturelle américaine, à faire connaître quoi qu’il en soit en France!

  • Olive

    @severlow
    merci de nous épargner les remarques désobligeantes sur « les musulmans ». Je suis moi même musulman (mais aussi chrétien, juif, boudhiste, humaniste, comprenne qui pourra).

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