L’assassinat de Bhutto : le faux coupable rêvé confirmé !

Par morice pour AgoraVox

L’équipe de Bush, décidément ne nous épargnera rien. Après l’affaire de la fausse attaque des bateaux iraniens et l’aveu tardif des "singes philippins", voilà que l’on annonce maintenant la résolution de l’attentat contre Bhutto. Sans surprise, le directeur de la CIA clame déjà haut et clair que c’est bien… Al-Quaida l’auteur du forfait. Sans preuve aucune. On l’aurait parié à 150 %, celle-là. De même qu’on ressort l’effigie de Ben Laden au bon moment, l’annonce de l’implication "certaine" d’Al-Quaida dans l’assassinat doit bien avoir un but.

Et il est simple, ce but : celui d’apprendre aux Américains qu’une intervention armée sur les "bases" d’Al-Quaida au Pakistan, en faisant fi de l’autorité de son président Musharraf, fait son chemin dans la tête des dirigeants américains. On risque fort dans les jours à venir, de voir une paire de F-18 Hornets décoller pour ratiboiser un coin perdu où il n’y aurait rien, façon Tora-Bora, pour pouvoir dire à la populace que "oui, nous traquons toujours Ben Laden"… avec la même conclusion attendue "oui, mais il s’est encore "échappé". W. Bush s’étant mué depuis bien longtemps en Garcimore de la chasse au Laden. "Ouch, encore raté". Ce qui compte, ça n’a jamais été de l’attraper : c’est de faire croire qu’on courait après.

En fait, Bush a tout intérêt à charger la mule Al-Quaida. Pour une raison simple : affirmer que l’assassinat est bien de la main d’Al-Quaida, c’est s’assurer de l’existence physique de son commanditaire, Ben Laden : pour pouvoir donner des ordres, il faut effectivement mieux être vivant. Comme il devient difficile d’en montrer une vidéo présentable, de notre Ben à ressorts, les stocks de teinture de barbe ne suffisant plus, les manipulations de la bande son n’étant pas extensibles à l’infini (dixit l’Iran), il convient donc d’affirmer son existence d’une autre manière. En lui imputant la responsabilité directe d’un attentat sur lequel même Scotland n’a aucune idée, puisque toutes les traces on été rapidement effacées. Et ce, sans offrir la moindre preuve. Selon le principe dit du WTC, qui veut que plus gros est le mensonge, plus longtemps il sera cru.

Logique donc aujourd’hui de faire sonner les trompettes de la traque ininterrompue par Michael V. Hayden, le nouveau patron de la CIA. Un homme qui n’est pas vraiment le bon choix selon l’ensemble des observateurs. On pourrait même ajouter le personnage à contre-emploi sélectionné par W. Bush selon des critères dont on cherche encore l’origine ou la raison. C’est un militaire, qui pose sur les clichés officiels en uniforme de l’Air Force raide comme un piquet, certainement pas non plus une lumière, et surtout quelqu’un qui n’a aucune expérience dans le domaine. Avant sa nomination, il s’occupait de sécurité… intérieure. Dans le pays, jusqu’en 2005, à la NSA, nommé là pour appliquer la décision de Bush de surveiller tous les mails…des Américains sous prétexte de terrorisme, bien entendu. Ce que notre fidèle s’est empressé de faire à la lettre. Au point de surveiller aussi ceux de la Maison-Blanche, et d’en retirer soigneusement et consciencieusement ceux qui pourraient prêter à discussion plus tard. On en dénombre 473 au total, de disparus, dont ceux de Cheney et de W. Bush à des moments cruciaux de la guerre en Irak et des accusations sur l’usage de la torture dans les prisons militaires. Pas vu, pas pris. En 2006, Haynes a quitté l’administration pour un métier plus lucratif, en tant qu’appointé de l’Armor Group International, une société privée… possédant ses propres troupes, à la Blackwater disons, présente à Dubai, Baghdad et Kaboul. Pas vraiment l’homme qu’il aurait fallu, donc, comme le dit sans ambage le responsable du Bureau de l’Intelligence, Peter Hoekstra, l’organisme officiel qui conseille Bush sur la politique extérieure du pays, qui voit en Hayden "the wrong man at the wrong place at the wrong time." "Le mauvais candidat qui arrive au mauvais moment". Le problème, c’est que les principales critiques le concernant ne proviennent pas en effet des rangs démocrates, mais bel et bien des rangs républicains, qui ne souhaitent pas la mainmise de l’armée sur le renseignement américain. Les vieilles ficelles du clan Bush s’effilochent jusque dans son camp.

Entendre donc Hayden parler de terrorisme, c’est entendre parler Bush directement. Car l’homme est un homme-lige du pouvoir neo-con. Hayden, comme seul fait d’armes, s’était illustré récemment en défendant bec et ongles le programme "extraordinary rendition " consistant à faire questionner les prisonniers de Guantanamo ailleurs que sur le territoire américain, ce qui permettait aussi d’autoriser les tortures sans en rendre compte aux Américains ou à la justice américaine. Avec lui, par exemple, un Allemand d’origine, appelé Khaled Masri a été détenu cinq mois sans aucune preuve, en raison semble-t-il d’une simple homonymie. "They picked up the wrong people, who had no information. In many, many cases there was only some vague association with terrorism", affirmera dans le dos d’Hayden un peu après l’affaire un haut responsable de la CIA. Masri lui sera interrogé en Afghanistan… où il n’avait jamais mis les pieds de sa vie. Et il n’a pas été le seul : "1 245 flights operated by the CIA flew into European airspace or stopped over at European airports between the end of 2001 and the end of 2005". Plus de mille prisonniers ont fait connaissance avec le tourisme en uniforme orange attaché sur un siège de Gulfstream. La plupart n’ayant rien à voir avec le terrorisme. Sans que personne dans le monde ne s’en offusque, ou presque. On a vu le sujet apparaître dans la presse grâce à des spotters, ces drôles de loustics qui tiennent les comptes des départs et des arrivées sur le tarmac des aéroports, et qui prennent même des photos, au cas où. Des fêlés, mais qui ont servi ici à sauver un pan de démocratie qui s’effritait.

L’homme qui a couvert de telles exactions est donc bien mal placé aujourd’hui pour nous dire qui a tué Bhutto. Détenir des prisonniers qui ne sont pas plus terroristes que vous et moi sans même l’avoir vérifié, les torturer et annoncer qu’on en tient un bon aujourd’hui sans montrer davantage de preuves, il faut oser le faire. Ils l’ont fait : chez les neo-cons de l’entourage proche du président, on ne s’embarrasse plus avec une quelconque éthique.

Ni on ne s’inquiète outre mesure s’il faut annoncer des nouvelles vieilles de sept ans parfois en croyant tenir le scoop de l’année devant les journalistes. Le 9 février, les Américains, dans une indifférence générale d’élections américaines, annoncent qu’ils SAVENT enfin où se cache Ben Laden !! Nouvelle extraordinaire !!! On se dit, dans trois jours on l’arrête et dans deux mois on le pend !!! Le monde enfin débarrassé du Frankenstein au turban !!! Que nenni : le communiqué dit ceci :

"Le mollah Omar et d’autres responsables des taliban pilotent les actions des insurgés en Afghanistan de la ville pakistanaise de Quetta et le chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, vit dans les zones tribales du Pakistan"...

Quetta, Quetta… mais bien sûr !! Voilà qui nous ramène en 2001 !!! et à une interview de Ben Laden, par la CIA, dans un hôpital de Dubaï !!
Le texte, à l’époque annonçait :

"A few days later, shortly after Ben Laden left for Quetta with a new kidney dialysis machine, the CIA agent bragged to friends about visiting the billionaire saudi and was subsequently recalled to the USA on July 15th." Quetta, avec son aéroport international, ses dépliants touristiques, aurait été depuis 2001 la base arrière de l’homme le plus recherché du monde, et on vient seulement de le découvrir, sept ans après ??? On se moque de qui, là ???

Selon le directeur de la CIA, en tout cas, c’est bien Baitullah Mehsud l’auteur du crime. Evidemment Hayden n’a aucune preuve à nous montrer, seulement ses certitudes. Exactement comme Bush avec l’Iran : on a beau lui remettre des rapports qui disent le contraire depuis juillet 2007, il n’en démord pas en janvier 2008.

L’info, en réalité, n’est pas nouvelle, elle provient en fait de la réaction des services secrets pakistanais, qui le jour même de l’attentat auraient intercepté une conversation téléphonique de l’individu avec le responsable de l’attentat : « Félicitations à vous, étaient-ce nos hommes ? » – « Oui, c’étaient les nôtres » – « Qui étaient-ils ? » – « Il y avait Saeed, il y avait Bilal de Badar et Ikramaullah » (…). Une conversation qui ferait écrouler de rire n’importe quel attablé de comptoir se prenant pour Bruce Willis ou Sylvester Stallone, mais qui a été prise fort au sérieux par Hayden. Mettez-vous un peu à la place de l’assassin de Bhutto : vous le voyez, vous, empoigner son téléphone portable et appeler dans un pays de montagnes son supérieur hiérarchique en citant les noms précis de ses collègues assassins ? Encore un peu et il aurait donné leur adresse et leur numéro d’immatriculation sociale ! Même dans les pires films d’espionnage on n’oserait faire ainsi ! Pour Hayden, c’est pourtant ça la preuve. Et la seule. Le hic, c’est qu’on ne peut pas entendre la bande. Elle n’existe pas ou les services secrets n’ont pas encore eu le temps de la fabriquer, tous occupés à ajouter des voix à des enregistrements d’appels de bateaux iraniens… On n’entend déjà plus la voix de l’adolescent de 15 ans arrêté fin janvier qui aurait déclaré avoir fait parti de l’attentat… et avoir été envoyé par… Al-Quaida !!!

A quoi peut donc servir cette farce, une de plus ? A une seule chose : à faire croire que derrière tout ça Ben Laden est bien vivant et tire toujours les ficelles. A l’autre bout de l’échiquier, l’homme concerné par les foudres d’Hayden a bien fini par prendre son téléphone, pour dire à l’Associated Press qu ’il n’était pour rien dans ces attaques. Sans confirmer pour autant ce que Musharraf, Karzai et Bhutto ont dit aux télévisions américaines : que Ben Laden était probablement mort depuis longtemps. Mais ça, il ne faut surtout pas le répéter et, ce, des deux côtés. Aucun des partis n’a d’intérêt à le faire. Les islamistes, car ils bénéficient d’une aura inattendue dans ce prétendu chef fédérateur et charismatique, les Etats-Unis qui ont tout basé sur la haine contre un seul individu, et qui ne peuvent s’en passer aujourd’hui, en ayant fabriqué avec lui l’épouvantail parfait à repousser les colombes de la paix.

La politique au Proche et Moyen-Orient de W. Bush repose depuis le début sur le mensonge, on ne verrait pas pour l’instant pourquoi ça changerait. On gardera donc l’idée d’un faux coupable pratique pour tout le monde. Un assassin déjà mort, c’est quand même un beau cas de figure en criminologie. En relations diplomatiques, c’est diantrement efficace. W. Bush avait promis de ramener Ben Laden "mort ou vif" à ces concitoyens : autant le laisser pour mort en faisant croire à ses compatriotes qu’il est toujours vivant. Ça marche comme ça depuis 2002 au moins, la première année où sont apparues des rumeurs sur la disparition de Ben Laden. Il n’empêche, à entendre un président de la plus grande puissance mondiale nous faire prendre des vessies pour des lanternes avec un aplomb incroyable, on en arrive à douter des facultés d’analyse sinon de nos concitoyens, du moins de ceux qui les informent. Quand va-t-on se décider à décortiquer chaque annonce, au lieu de recopier la dépêche sortant tout droit du Pentagone, quand donc ?





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